mardi 4 juillet 2017

Conseil à mes amis : organiser un disque dur

Je m'étonne de voir des ordinateurs avec des bureaux encombrés de fichiers, et des disques durs où le désordre règne. Interrogés, mes "amis" me répondent qu'ils s'y retrouvent, mais s'y retrouveront-ils encore quand ils auront 300 000 fichiers, comme on en a rapidement, quand on est un professionnel en activité ?
Je n'ai pas à me mêler des affaires des autres, mais je crois qu'il n'est pas honteux de conseiller à tous une division des documents en trois parties : administration, communication, travail.
Le travail, c'est le travail, ce pour quoi on est payé. L'administration, c'est l'ensemble des travaux qui visent à permettre le travail, ce qui va de l'administration personnelle à l'administration professionnelle. La communication, c'est la présentation du travail à d'autres.
On entrevoit, à cette description, des subdivisions. Si les données du travail peuvent être séparées, selon les types d'activités, la communication peut être divisée en communication orale (conférence, discours, correspondances...) et la communication écrite (rapports, articles...), avec un troisième partie pour des données générales de communication. Enfin, l'administration peut se diviser en administration personnelle, administration du travail, administration de la communication.

Et l'on voit ainsi s'esquisser un arbre, où chaque noeud conduit à un nombre d'autres noeuds assez petit, mais suffisamment grand pour que, comme dans la pâte feuilletée, un nombre réduit de clics permette de retrouver rationnellement n'importe quel fichier, parmi un grand nombre. Par exemple, avec des subdivisions en trois (mais on répète que ce nombre n'a pas de sens en toute généralité ; je ne le prends que pour l'exemple), il suffit de huit clics pour atteindre n'importe lequel de plus de 6500 fichiers. Sans avoir autre chose à faire qu'à se poser des questions simples, la première étant donc : s'agit-il d'administration, de communication, ou de travail ?

Conseil à mes jeunes amis : deux fichiers


J'ai hésité à parler de "bonnes pratiques", pour ce billet, mais le fait est que les bons étudiants sont ceux qui savent s'organiser, et qui, en conséquence 
 - n'oublient pas ce qu'ils ont à faire
- prennent des notes, en vue d'explorations ultérieures, de valorisations, d'approfondissements...
Comment s'organiser, pour ne rien oublier ? Evidemment, prendre des notes : cela peut se faire en dictant ou en écrivant, et le support est évidemment ceux qui sera le plus efficace : un fichier nommé "à faire" dans un ordinateur que l'on a avec soi, des notes sur OneNote ou un logiciel libre équivalent sur une tablette, des mémos sur un téléphone... Dicter, ou écrire ? Dicter a l'inconvénient que l'on perturbe le dialogue, alors que l'on peut écrire pendant que l'on écoute. Ecrire en dactylographiant ou en écrivant ? A ce jour, les stylets électroniques permettent de noter sur de petits écrans tactiles, ce qui prend moins de place qu'un clavier... quoi que je connaisse des claviers repliables, gros comme une carte de crédit quand ils sont repliés.
Mais ce n'est pas à moi de décider : seul le résultat compte. La seule chose que je sache de façon sûre : c'est qu'aucun étudiant n'a réussi à se souvenir de tout ce que je l'invitais à faire quand il ne notait pas. Mieux encore, ce sont les moins "avancés" (on voit que je manie la litote) qui résistaient le plus à l'idée de bien noter.

Le cahier, d'autre part, se distingue un peu du fichier où l'on note, parce que la fonction n'est pas la même. Pour le "à faire", il s'agit de s'inviter personnellement à faire des actes dans un délai assez court. Pour le cahier, il s'agit de poser les notes, mais aussi le résultat des travaux effectués ensuite, notamment des "soliloques" (voir ce concept) que l'on aura fait, si possible de façon structurée.
Là, il y a évidemment le choix entre un cahier informatique (un ordinateur, une tablette) ou un cahier en papier... mais on verra dans un autre billet que, au 21e siècle, le papier doit disparaître, parce qu'il engendre des pollutions excessives, sans compte que c'est une mauvaise réponse, une réponse périmée, à un besoin, qui est celui de prendre des notes. De surcroît, le papier ne permet pas de se corriger facilement, et, à ce propos, à l'attention des historiens nostalgiques qui voudraient que nous conservions toutes nos hésitations (si nous nous appelons Gauss ou Flaubert), je rappelle que les brouillons ont été jetés, d'une part, et, d'autre part, je tiens à faire part de mon émerveillement quand j'ai eu ma première machine à écrire qui permettait de corriger les quatre ou cinq dernières lettres tapées, au lieu d'avoir des feuilles si raturées qu'elles en devenaient illisibles, sans compte le "blanc" dont on chargeait les feuilles, et dont on se souillait ! Décidément, je ne suis pas de ces nostalgiques qui regrettent la peau de bête que l'on devait racler avant d'écrire !

lundi 3 juillet 2017

Qu'est-ce qu'un bon enseignant ? La question est mal posée

Un bon enseignant ?
On se souvient que je me donne surtout comme mission de poser des questions et que j'attends de mes amis qu'ils m'aident à établir un corpus de connaissances un peu solides, au lieu de me laisser avec des pensées idiosyncratiques et sans doute de piètre qualité. C'est ainsi que, aujourd'hui, je m'interroge sur ce qu'est un bon enseignant… en faisant la faute de caractériser ce qui n'existe pas, tout comme se demander si un carré rond était rouge ou bleu.

La question est arrivée hier, alors que notre groupe de recherche accueillait un étudiant venu faire un stage. Ce dernier évoquait un « enseignant-chercheur » (son terme) de son université et semblait porter celui-ci aux nues, en le disait très bon « enseignant ». Mais qu'est-ce qu'un bon enseignant ? On doit se souvenir d'un remarquable rapport, préparé il y a plusieurs années par la Fondation Kastler sur l'évaluation des enseignants d'université, et qui avait bien établi que les enseignants ne sont pas évalués de la même façon juste après les examens qui sanctionnent des études ou quelques années plus tard, quand les étudiants ont eu le temps de se rendre compte de l'importance réelle, pratique, de ce qui leur avait été transmis. Tel enseignant un peu raide sur le moment, pas démagogue, est jugé plus tard comme remarquable, parce que les conseils qu'il a donnés, parfois, avec moins de grâce et de sourires qu'un enseignant plus démagogue, auront été parfaitement utiles dans la poursuite des études ou dans l'exercice professionnel. Alors ?
Qui dit « bon enseignant » dit aussi évaluation par les universités, et, là, c'est essentiellement le travail de recherche qui est évalué. L’étudiant que nous recevions hier s'en offusquait, mais il ignorait qu'un enseignant chercheur n'a pas pour mission d'aller le border dans son lit, mais plutôt de le porter le plus haut possible.
J'explique les deux métaphores. Le border dans on lit, cela signifie excuser ses insuffisances, l'aider personnellement, pallier gentiment ses insuffisances, en prenant du temps… Porter au sommet : cela renvoie à l'idée que je propose depuis déjà longtemps, et qui est de considérer le savoir comme une montagne accumulée au cours des siècles : à la base les savoirs scientifiques du début de la science : chez les Grecs, à la Renaissance, puis aux 18e, 19e, 20e siècles, avec, tout au sommet, les connaissances du 21e siècle. Pour que les étudiants puissent être de bons ingénieurs ou de bon scientifiques, il faut qu'ils ne restent pas à des connaissances périmées. La science du 19e siècle, par exemple, a été déjà largement exploitée par l'industrie, et quelqu’un qui se limiterait à ces connaissances pour faire de l'innovation manquerait certainement son objectif. D'autre part, un scientifique qui se serait arrêté aux connaissances du 19 e siècle serait en retard de deux siècles sur ses collègues qui auraient des connaissance du 21e siècle. Or, pour donner des connaissances modernes, il faut les connaître et les comprendre ; il faut savoir s'y repérer parmi l'immensité des données modernes. Cela, c'est le premier travail de l'enseignant chercheur, un travail qui impose des compétences scientifiques essentielles… Ce qui justifie que l'université évalue les enseignants chercheurs sur les compétences scientifiques, et non pas sur des compétences pédagogiques plus molles.
Alors, qu'est-ce qu'un bon enseignant ? C'est donc quelqu'un qui connaît parfaitement la science ou la technologie, selon le cursus concerné. Évidemment, entre deux individus ayant des compétences scientifiques ou technologiques égales, semble être meilleur « enseignant » celui qui permet le mieux aux étudiants d'apprendre. Et j'en arrive à une idée fausse qui m'est venue alors que je me posait la question du bon enseignant. J'étais prêt à penser que, si l'on met donc les compétences scientifiques ou technologiques à part, un bon enseignant est quelqu'un qui donne envie d'apprendre. J'avais même testé l'idée auprès de quelques amis enseignants chercheurs, qui n'avaient pas critiqué l'idée… mais je me suis finalement aperçu que j'étais en désaccord total avec ma proposition initiale. En effet, notre monde est gorgé de gens qui disent et ne font rien pour atteindre l'objectif qu'ils prétendent s'être fixés. Il s'agit de prétention ou de paresse, parfois, de sorte que je ne crois pas que le bon « enseignant » soit celui qui s’arrête à l'envie. Bien sûr, pour apprendre, l'étudiant a besoin de motivation, d'envie, mais toute cette envie ne remplacera pas le travail effectif que l'étudiant aura fait ! Le bon « enseignant » n’est donc pas celui qui donne envie d'apprendre, mais celui qui conduit l'étudiant à apprendre.

Arrivons enfin à ces guillemets que je traîne à propos du mot « enseignant », ce qui correspond à ce carré rond qu'il est fautif de vouloir caractériser. Nombre de billets précédents ont expliqué pourquoi je me refuse à parler d'enseignant, d'enseignement… N'en déplaise à des collègues qui aiment enseigner (et je n'ai pas dit que cela m'était désagréable personnellement), je maintiens que la question est pour les étudiants d'apprendre, et pas pour des « enseignants » d'enseigner : aucun enseignant ne pourra se substituer à l'étudiant qui doit apprendre, aucun « enseignant » ne pourra enseigner, et c'est ainsi qu'il faut interpréter à la fois la réponse d’Ambroise Paré au roi Philippe V et celle d’Archimède au roi Hiéron de Syracuse : au roi de France qui demandait qu’on le soigne particulièrement bien, Ambroise Paré avait répondu qu'il ne pourrait pas faire mieux qu'à son habitude, puisqu'il s’efforçait de soigner les pauvres comme des rois ; d'autre part au roi Hiéron de Syracuse, qui demandait de lui apprendre les mathématiques, Archimède répondait qu'il n'y a pas de voie royale.
L'apprentissage est un acte intérieur, personnel, et il n'est pas certain que les idées collaboratives ou participatives, même si elles sont chatoyantes, puissent être efficaces. De plus, on ne confondra pas connaissances et compétences, car l'étudiant qui sait n'est pas celui qui a appris à répéter comme un perroquet, mais celui qui a appris à mettre en œuvre les notions nouvelles qu'il a découvertes lors de ses apprentissages.
Mais je reviens à la question : qu'est-ce qu'un bon « enseignant », et j'en arrive à conclure que cela n' existe pas, mais qu'il existe des « professeurs » qui, parfaitement compétents du point de vue scientifique ou technologique, parviennent à mettre les étudiants dans une position active d'apprentissage. Faut-il faire acte de tutorat, répondre à des questions sur des points mal compris, par exemple ? Cela n'est pas certain. Peut-être que l'on aurait intérêt, au contraire, à souligner les incompréhensions dans le savoir que les étudiants auront trouvé eux-mêmes. S'il faut peut-être encourager (bien que la vertu soit sa propre récompense), le professeur doit diriger vers des manques dans le tableau intellectuel que les étudiants se sont construits…
En tout cas, la réponse de notre étudiant était donc extrêmement naïve... et ma réponse initiale fautive.

Je maintiens qu'il y a lieu d'organiser rapidement des discussions visant à mieux répondre à la question essentielle de l'université : qu'est ce qu'un bon professeur ?

jeudi 29 juin 2017

Basse température ou bien juste température ?

On m'interroge sur les expressions "basse température" et "juste température".

Ma réponse est sur http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/06/basse-et-juste-temperatures.html

mercredi 28 juin 2017

Même si j'avais touché de l'argent...

Il n'y a aucun doute à avoir : la volonté de moraliser l'expertise est bonne, et les rénovations en cours des pratiques de publication scientifique sont également un progrès. Pour les deux cas, on met aujourd'hui l'accent sur les intérêts cachés, et l'on espère que la déclaration des intérêts permettra, à défaut d'éviter les malhonnêtetés (les malhonnêtes se moquent des lois), de sensibiliser la communauté, et d'installer un état d'esprit qui dira aux plus faibles, à ceux qui vascillent, qui hésitent, qu'il y a lieu de tomber du côté clair et non du côté obscur.

Pour autant, il faut un peu de grandeur. Par exemple, je maintiens qu'il existe des individus qui, même s'ils touchent de l'argent (de l'industrie, en général), conservent leur droiture. Ces individus sont donc "intelligents", selon le bon principe que le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

Pour une éthique de la presse

La presse s'érige souvent en donneuse de leçon : et j'enquête, et je dénonce... Mais se regarde-t-elle assez ? A-t-elle assez conscience de ses responsabilités ? Est-elle assez positive ? Le problème, c'est que la presse n'est pas "la" presse, mais des presses, avec des bons et des moins bons, avec des supports responsables, des supports militants, des supports crapuleux, des supports cyniques, des supports naïfs...


Pour autant, à l'heure où le monde commence à déclarer des intérêts, ne serait-il pas temps que la presse fasse de même ? Je fais la proposition sans trop d'illusions, bien sûr, mais la question de cette presse qui vend de la peur est lancinante, et il y aurait lieu de l'examiner collectivement. C'est un dossier pour le CSA et pour toutes les instances du même type.

Faut-il vraiment céder à la démagogie ?

Dans une grande université du monde, on m'a invité à visiter le département de chimie... et l'on m'a alors fait entrer dans un bâtiment qui portait le titre de "Biochimie". Quand je m'étonnais, on m'a expliqué que, ainsi, les étudiants n'hésitaient pas à se diriger vers des carrières où ils auraient du travail et que, de surcroît, beaucoup de la chimie moderne était de la biochimie. 

Ces raisons suffisent-elles à justifier le changement ?

Je retrouve le cas, ici, avec des enseignements de  "Chimie physique, structuration des aliments et gastronomie moléculaire", où nous avons éliminé le "chimie physique". Avons-nous eu raison ? En l'occurrence, nos enseignements sont de la physique chimique appliquée à l'aliment, sa construction et son analyse. Si cela ne tenait qu'à moi, j'aurais volontiers nommé cela "gastronomie moléculaire", simplement, mais il y a les collègues. Nous sommes donc arrivés à un titre qui ne ment pas, mais qui devient inutilement compliqué.
On me fera observer qu'il suffit que les étudiants apprennent beaucoup. Certes, ils apprennent beaucoup, mais notre droiture ?