jeudi 20 juin 2013

Jeudi 20 juin 2013 : Les beautés de la RMN



Dans un billet précédent, nous avons examiné la nécessité de mesurer les fréquences de résonance, pour avoir une vue précise. La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire est précisément une méthode précise, parce qu'elle met l'idée en oeuvre.
Lisons les mots : il s'agit de résonance magnétique nucléaire. Résonance, nous savons ce dont il s'agit. Magnétique, maintenant : c'est effectivement une méthode utilise un aimant très puissant pour aligner les aimants microscopiques que sont certaines particules subatomiques. Nucléaire : cette fois, nous ne craignons pas les isotopes radioactifs, car il n'en est pas fait usage ici ; non, ici, le mot « nucléaire » se rapporte au noyau des atomes, car les particules subatomiques, c'est-à-dire plus petites que les atomes, sont les particules du noyau des atomes, d'où le mot "nucléaire ».
En gros, dans la RMN (en abrégé), il s'agit donc d'utiliser un champ magnétique puissant pour commander le mouvement de ces minuscules aimants que ce sont les noyaux de certains atomes. Par exemple, le noyau de l'atome d'hydrogène, lequel se réduit à un proton.
En gros, la méthode aligne tous les protons d'un échantillon de matière, par exemple de l'eau : puisque les noyaux des atomes d'hydrogène se comportent comme de petits aimants, en les plaçant au contact d'un gros aimant, ces petits aimants s'alignent. Ensuite, on utilise un autre aimant pour les les perturber, ce qui est l'analogue de pousser une balançoire, et l'on observe à quelle fréquence ces petits aimants nucléaires reviennent à leur position initiale. On mesure une fréquence : il y a donc une grande précision.
Ce qui est surtout extraordinaire, dans cette méthode, c'est que les ingrédients techniques sont réduits à un gros aimant et à un aimant perpendiculaire au premier. Bien sûr, il faut un ordinateur pour enregistrer et traiter les signaux. Ainsi, des fréquences enregistrées, on déduit la façon dont les atomes sont liés entre eux dans les molécules. Oui ! Un aimant, de l'intelligence, et l'on voit apparaître sur un écran d'ordinateur (qui fait tous les calculs) un spectre, où des singaux particuliers révèlent la constitution atomique des molécules. Quelle technique extraordinaire !

mercredi 19 juin 2013

A propos de relativisme

Maurice Clavelin, la philosophie naturelle de Galilée, Albin-Michel, 1968 :

« Pas plus qu'un mode d'approche purement érudit, un mode d'approche purement sociologique ne peut hisser l'histoire des sciences à  la hauteur de son objet. Il va de soi qu'un auteur appartient à  son époque, de même qu'il est tributaire d'un certain équipement conceptuel et technologique, et l'oublier ne peut que conduire à  de périlleux anachronismes. Il est probable aussi que la science comporte toujours, quoi que en proportions variables, une part d'idéologie. Le fait néanmoins que, malgré ses liens peu niables avec le milieu, la science de la nature s'impose par son caractère à la fois universel et cumulatif suffit  à démontrer la vanité du relativisme. Soutenir que, dans le contexte socioculturel, se trouve la clé des problèmes et des concepts dont dépend le développement de la science, c'est donc à  nouveau demeurer sur ses marges ; c'est en même temps revenir à  un usage passablement obscur de l'explication causale, et, pour finir, diluer la connaissance scientifique parmi les autres formes de l'activité humaine».







On saurait difficilement mieux dire !

Mercredi 19 juin 2013 : L'Académie d'agriculture de France



Vous avez bien vu : j'ai parlé de l'Académie d'agriculture de France et pas de l'Académie d'agriculture.
De France ! Cela signifie qu'il s'agti d'une institution reconnue par l'ensemble des citoyens, français en l'occurrence. D'agriculture : jadis, l'agriculture était simplement... l'agriculture, mais le monde a changé, et il devient bien difficile de parler d'agriculture sans parler d'alimentation ou d'environnement. L'Académie d'agricuture de France s'intéresse donc à l'agriculture, à l'alimentation, à l'environnement.
« S'intéresse » : cela pourrait faire penser à une assemblée de vieillards qui occuperaient des loisirs en s'intéressant à l'agriculture, à l'alimentation, à l'environnement. Cette idée est complètement fausse. D'abord parce que l'Académie d'agriculture de France compte un petit nombre de membres, qui deviennent émérites quand ils vieillissent. Ensuite, parce que l'on ne devient pas membre de l'Académie d'agriculture de France par l'argent ou par le pouvoir. Les membres sont élus, après une période de probation pendant laquelle ils sont correspondants. Ils sont élus par les membres qui eux-mêmes ont été élues, de sorte que l'on obtient un groupe réduit de personnes choisies très spécifiquement pour être au-dessus de leurs intérêts personnels. Il n'y a pas de membres qui travailleraient pour une société industrielle et qui jugeraient des matières en fonction d'intérêts commerciaux ou financiers. Au contraire, il y a des individus au service de tous les citoyens, qui prennent sur leur temps pour analyser les évolutions du monde, qui essaient de voir les avancées des sciences et des techniques, mais aussi les évolutions des société, des groupes humains, en vue d'anticiper les modifications profondes de l'agriculture, de l'alimentation, de l'environnement.
Ces personnes qui ont été choisies, élues pour des compétences très spécifiques et un état d'esprit également très particulier (être au service des citoyens), ne cessent de se préoccuper des autres, et leurs travaux (il s'agit bien de travaux, pas de passer du temps dans un club, pas d'aller rejoindre des amis dans une association) font état de leurs occupations. Ce n'est pas une élite qui voudrait distribuer un savoir prétentieux, mais plutôt des individus qui savent reconnaître la petitesse de leur savoir personnel, l'immensité de leur ignorance, qui ont un réseau suffisant pour identifier des personnalités ayant des compétences utiles à tous, des compétences qu'eux-mêmes n'ont pas.
Et c'est ainsi que l'Académie d'agriculture de France se préoccupe du futur de l'agriculture, de l'alimentation, de l'environnement. L'académie des cultures est au service...

mardi 18 juin 2013

Mardi 18 juin 2013. La connaissance par la gourmandise : Histoire de soufflé



Quels rapports peuvent exister entre la science quantitatives et les techniques et sciences ? Je ne me prends pas pour Jésus qui parlait en paraboles, car ce serait blasphéme, mais l'histoire de l'étude des soufflés répond bien à la question posée.
Partons de la cuisine et demandons nous pourquoi les soufflé gonflent ? Dans les années 1980, la théorie était que les soufflé gonflent, parce que les bulles d'air qui sont présentes (apportées lors du battage des blancs en neige) se dilatent à la chaleur, faisant augmenter le volume du soufflé. Voilà une « théorie » ; or les sciencitifique savent que toutes les théories sont fausses, disons insuffisantes.
En quoi cette théorie était-elle fausse ? Pour le savoir, il fallait mettre en oeuvre la méthode scientifique classique, qui consiste à chercher une conlusion de la théorie, une conséquences, puis à la tester expérimentalement. Pour chercher cettte conséquences, il suffit de penser à cette merveilleuse particularité de la méthode des sciences quantitatives, qui veut que tous les phénomènes soient nombrés, quantifiés, mesurés. En l'occurence, la théorie considérait l'expansion thermique, la dilatation d'un de l'air. Pour décrire ce phénomène, il existe des lois plus ou moins approchées, mais qui, quand même, donnent des résultats merveilleusement proches du résultat réel, pratique. L'une des lois élémentaires qui décrivent le résultat est ce que l'on nomme la « loi les gaz parfaits ». Elle stipule le produit de la pression par le volume est proportionnel à la température. Je vous épargne les calculs (ils sont amusants, mais leur exposé nous ralentirait dans la discussion ici proposée) : ils conduisent à prévoir une augmentation de volume de 20 à 30 pour cent seulement... alors que les soufflés peuvent gonfler de 200 pour cent... Si l'on améliore les calculs en tenant compte de la pression, c'est plutôt pire, ce qui signifie que les meilleures lois conduiraient à penser que le gonflement des soufflés est très faible par rapport à celui qui est dû à la dilatation thermique.
Il fallait donc en conclure qu la théorie était très insuffisante, très fausse.

Mais alors, pourquoi les soufflés gonflent-ils ? C'est une chose amusante, rétrospectivement, que d'observer que, à l'époque, on en avait aucune idée ! Il a fallu en des centaines de mesures de pressions ou de la température dans des soufflés pour finalement arriver à la conclusion qu'un autre phénomène que la dilatation thermique était à l'oeuvre.
Ce phénomène est apparu parce que des soufflés avaient été pesés avant et après la cuisson. Pesés ! Là encore, il s'agissait de suivre les traces des grands anciens, en l'occurence Antoine Laurent de Lavoisier, pour qui la balance était l'outil essentiel. Or quand on pèse un soufflé, avant et après cuisson, on découvre qu'il perd environ 10 grammes. Dix grammes ? Dix grammes de quoi ? Analysons : un soufflé est fait majoritairement de farine, d'eau, de protéines, de graisses. De sorte que, puisque les protéines, la graisse et la farine ne sont pas évaporables à la chaleur, c'est l'eau qui est perdue. Et, effectivement, c'est naturel, car la température dans le four, environ 200 °C, est supérieure à la température d'ébullition de l'eau.
Il faut donc conclure que c'est l'eau qui fait gonfler les soufflés, parce qu'elle s'évapore. Tout s'éclaire alors : la présence de la croûte, qui est une partie sans eau, les bulles que l'on voit monter et crever à la surface, si l'on regarde dans un four dont la porte est transparente...
Et puis, il y a le fait que 10 grammes d'eau font environ 10 litres de vapeur ! Pourquoi n'obtient-on alors pas des soufflés de dix litres ? Parce que les bulles sont perdues à la surface.
Au total, on n'aura pas de prix Nobel avec cette découverte, mais on aura la satisfaction de voir une saine application de la méthode de sciences quantitatives conduire à une bonne compréhension des phénomènes.
Mais je n'oublie pas que ce billet particulier est destiné à parler de gourmandise, c'est-à-dire de soufflés plutôt que des mécanismes de son gonflement. Et, là, le résultat scientifique a des implications immédiates. Puisque c'est l'évaporation de l'eau, et non la dilatation des bulles d'air, qui est le mécanismes essentiel de gonflement, pourquoi battre des blancs neiges ? De fait, dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons comparé un soufflé avec des blancs battus et un soufflés avec des blancs qui n'étaient pas battus mais qui était chauffé par le fond. A la stupéfaction de tous les participants du séminaire, les deux soufflés ont gonflé de la même manière ! Et c'est ainsi que la gourmandise éclairée des travaux scientifiques.

lundi 17 juin 2013

Lundi 17 juin 2013 : à venir cette semaine

Cette semaine, le billet du lundi est facile à faire, parce qu'il faut annoncer :
- le séminaire de gastronomie moléculaire : cet après midi, à 16 heures, sur le thème des bouillons et de la qualité de l'eau utilisée pour les faire

- une conférence à l'Ecole des Mines, 60 boulevard St Michel, 75005, demain à 19.00, dans le cadre de ParisTech

- une conférence jeudi, à 18.00, dans l'Ecole doctorale de François Taddei et M. Waquet, à
Faculté de Médecine Paris Descartes
24 rue du faubourg Saint Jacques
75014 Paris


Bonne semaine à tous

dimanche 16 juin 2013

Dimanche 16 juin 2013 : Vive la technologie ! Les crêpières ont-elles raison de dire que la pâte à galette doit être bien battue ?


La technologie ? C'est souvent une étape intermédiaire entre la technique et la science : c'est en posant des questions technologiques que l'on fait surgir des phénomènes scientifiques que la science quantitative peut ensuite explorer.
Les crêpières disent que la pâte à galette doit être bien battue, parce que, alors, les crêpes collent moins au bilic. Vrai ou faux ?
J'ai rencontré cette question il y a bien longtemps, alors que je travaillais dans une créperie bretonne. Je faisais la pâte à galette. J'utilisais  alors une grande bassine en plastique bien propre, j'y mettais de la farine de blé noir, du lait, du sel. Pas d'oeufs, car la tradition bretonne n'utilise pas d'oeufs dans la pâte à galette (elle en met dans la pâte à crêpes).
Je mélangeais donc les ingrédients, à la main (propre), et les crêpières me disaient que ma pâte à galette collait moins au bilic  quand la pâte était bien battue.
Battue ? Nous avions identifié que le geste à faire  pour obtenir des galettes qui ne collaient pas consistait a soulever la pâte à pleines mains, et à la jeter  dans la bassine, répétitivement.

Personnellement, j'avais  observé que ce geste qu'on me prescrivait de faire conduisait à l'apparition de bulles d'air, de grosses bulles d'air.  De sorte que je me posais la question depuis longtemps : l'introduction d'air dans une pâte à galette a-t-il un effet sur la confection des galettes de blé noir ? Passons sur le pléonasme « galettes de blé noir », car il est vrai que les galettes sont  toujours obligatoirement de blé noir, sans quoi ce sont des crêpes. Ce qui restait, c'est la question : l'introduction d'air dans la pâte change-t-il quelque chose aux résultats ?

Il m'a fallu des années, des décennies mêmes !,  pour avoir l'occasion de faire l'expérience correctement. Cela s'est fait au Salon de l'agriculture, en public, où nous avons introduit de l'air non pas la main, mais avec un batteur électrique. Une pâte à galette été divisée en deux moitiés, une moitié fortement aérée et l'autre moitié non. Puis des galettes ont été produites à partir de ces deux par dans la même poêle, sur le même feu...
Le résultat a été spectaculaire : oui il y a une différence considérable entre les galettes dont la pâte a été bien aérée et les galettes qui n'ont pas été battues. Pourquoi ? Je n'en sais toujours rien, mais je sais que l'expérience nous a fait progresser ; après des décennies d'incertitude, nous avons maintenant un résultat assez bien établi : il y a une différence entre des galettes à la pâte bien aérée, et des galettes dont la pâte n'a pas été battue. Je compte sur ceux  qui me suivront pour faire le travail d'analyse de ces deux résultats, et mieux comprendre le phénomène d'adhérence au bilic, pour des galettes bien aérées.
À vous...

samedi 15 juin 2013

Samedi 15 juin 2013 : Les beautés du calcul (suite et pas fin)


On n'a pas assez dit combien l'outil informatique était merveilleux, pour les sciences et pour l'enseignement des sciences.
Ici je voudrais faire état d'un  constat et d'une proposition.

Le constat, d'abord : il y a une trentaine d'années, des calculettes sont apparues ; à l'époque elles coûtaient le prix d'une mobylette, elles étaient grosses comme un téléphone, et faisaient seulement les quatre opérations : addition, soustraction, multiplication, division. Les  quatre opérations avec une dizaine de chiffres significatifs et en un clin d'oeil, alors que jusqu'à présent, on était réduit à poser l'opération sur une feuille de papier, à se tromper souvent,  à utiliser une règle à  calcul un ou une table logarithme... Les opérations à la main étaient laborieuses, et sans beaucoup d'intérêt, passé celui de la découverte du principe de la règle à calcul ou de la table  de logarithme.  Les calculettes furent un progrès immense !

Toutefois, je me souviens qu'à l'époque certains enseignants se lamentaient, disant que les étudiants qui utiliseraient des calculettes deviendraient incapables de calculer. L'expérience a prouvé qu'il n'en a  rien été.
Puis, quand la fonction « extraction de racines carrées » est apparue sur ces calculatrices, les enseignants ont à nouveau redouté la disparition des capacités de calcul des étudiants, quand on a supprimé l'enseignement à la main de ces extractions de racines carrées. Pourtant, avec le recul, je ne vois pas pourquoi, le jeu étant un peu sans intérêt.

En physico-chimie, nous sommes aujourd'hui dans le même type de  transition, avec des logiciels de calcul formel comme Maple (mon préféré), Mathematica, Matlab, etc. Quand on utilise de tels logiciels, les calculs sont justes, et le nombre de décimales affichées est aussi grand que l'on veut : 50, 100, 1000...  Dans ces conditions  je crois qu'il est utile de reprendre  l'enseignement du calcul, et notamment le calcul du pH des solutions aqueuses.

Pour faire de tels calculs,  il y a des faits chimiques qu'il faut connaître.

Par exemple,  la conservation de la masse dans un équilibre chimique : si on ajoute, par exemple, de l'acide acétique à de l'eau, certaines molécules d'acide acétique perdront un proton, formant un ion acétate ; la quantité totale ajoutée est alors égale à la quantité dissociée et à la quantité non dissociée.
D'autre part,  il y a la conservation de la charge électrique, c'est-à-dire que la solution est à tout moment  électriquement neutre. Là encore, cela conduit à une équation qu'il n'est pas difficile d'écrire.
Et puis il y a  la conservation de l'énergie, que j'aurais dû indiquer  en premier, parce que  l'énergie est la notion essentielle pour décrire les transformations du monde.  Là encore, on obtient une équation.
Et c'est ainsi que, dans les cas les plus simples, l'analyse chimique du problème conduit à trois ou quatre équations. Pour des cas plus compliqués, on a plus d'équations.

Vient donc le moment où il faut quitter l'analyse des phénomènes pour faire les calculs, résoudre les équations.
Jusqu'à présent, l'enseignement de cette chimie des solution était laborieux, les étudiants avaient du mal... parce qu'ils étaient gênés par les calculs. Les enseignants passaient l'essentiel du temps à enseigner à résoudre les équations, ce qui était du calcul, pas de la compréhension des phénomènes chimiques. Aujourd'hui, les logiciels de calcul formel font les résolutions en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, de sorte que ce qui était laborieux est supprimé !

Il faut donc, sans doute, modifier profondément l'enseignement des calculs de pH.

Les étudiants perdront-ils des compétences ? Je crois que non, et, de toutes  façons,  il faut vivre avec son temps. Profitons-en donc pour considérer des notions plus modernes : la chimie quantique, par exemple, puisqu'elle est la clé de la compréhension des nouveautés conceptuelles des sciences quantitatives !