On m'a demandé hier
d'évaluer des posters et j'ai finalement compris que la question avait été
mal posée.
Non pas la question qui m'était adressée mais la
question adressée aux étudiants à qui l'on avait demandé des posters.
Ces derniers avaient fait
un stage, et il avait été proposé de faire ensuite un rapport, ce qui est une bonne
manière de procéder puisque l'on profite d'un travail effectué pour
entraîner les étudiants à la communication écrite.
Et de même, il n'est
pas inutile de profiter du stage pour leur proposer de faire des
posters. Nos amis ont donc fait un poster, souvent d'ailleurs à partir de
maquettes vides proposées par les institutions où ils avaient effectué
leur stage. Je ne suis pas certain que ces institutions étaient
parfaitement compétentes en manière en matière de maquette de poster ,
comme il suffisait son apercevoir en regardant plusieurs de ces
derniers.
Mais on peut dire que ce sont moins les maquettes qui sont en
cause que l'usage qui en a été fait, donc soyons charitable.
En tout cas,
pour quelqu'un qui était pressé, ce qui est le cas quand on regarde les
posters pour quelqu'un qui les évalue, il y avait cette démarche de
d'abord chercher la question qui avait été étudiée, puis de se demander
comment elle avait été étudiée, avant d'arriver au résultat. Bien sûr il y a
d'autres informations que l'on cherche dans un poster telles des
références, par exemple.
Je suis désolé d'observer que, multipliant les
paragraphes de contexte, d'objectif, et cetera, les questions étudiées
étaient noyées, d'autant que les titres étaient eux-mêmes très longs et
que finalement il fallait chercher un long moment avant de comprendre ce
qui était étudié.
D'autre part, les parties de matériel et
méthodes, si indispensables pour mettre le lecteur en condition
d'accepter les résultats, étaient très insuffisante et, pour les cas où je
connaissais bien le sujet, où je savais qu'il y avait des difficultés
expérimentales notoires pouvant rendre les résultats sans valeur, je ne
voyais pas les détails importants dont j'avais besoin pour mes
évaluations.
Ensuite, il y avait une foule de résultats et de conclusions
alors que, pour une étude qui n'avait duré que 6 mois, on sait combien
peu de résultats on peut obtenir
,surtout si on fait l'effort de les valider.
Bref j'avais beaucoup de
critiques sur ces posters où il y avait tant d'informations que l'on
était perdu. Pas les informations que l'on aurait souhaitées, et beaucoup de
textes, beaucoup de textes, beaucoup de textes et pas ce que l'on
cherchait.
Mais finalement, je me suis surtout aperçu que la commande
qui avait été passée avait été trop imprécise. Car à qui ces
posters s'adressent-ils ? On sait bien que le monde industriel ne
fonctionne pas comme le monde scientifique.
Pour le monde scientifique,
comme je l'ai exposé, les parties de matériel et de méthode sont absolument nécessaires, et le critère de jugement est de
savoir si l'on a levé un coin du grand voile.
L'industrie semble
fonctionner bien différemment, avec un autre objectif et en conséquence
d'autres démarches. Un résultat obtenu est un résultat obtenu, et les
traitements statistiques pour mieux voir les finesses semblent hors de
sujet. Lever un coin du grand voile n'est pas à l'ordre du jour et
mieux, c'est peut-être même une faute ; il faut être pragmatique, et le
résultat s'apprécie en vue de son application et non pas de la force
intellectuelle qu'il peut avoir.
Pour prendre une comparaison, mon
idée de mettre du sel dans l'huile pour protéger le sel contre l'eau des
aliments a été jugée par Pierre Gagnaire comme une de mes plus belles
inventions, alors que du point de vue scientifique, c'est une nullité absolue,
une évidence parfaite.
Bref, différentes communautés ont différents
critères et on ne s'adresse pas aux uns comme on s'adresse aux autres, de
sorte qu'il aurait été nécessaire de dire aux étudiants à qui ils devaient
s'adresser et de dire également au jury comment il devait évaluer les
travaux.