mercredi 2 juillet 2025

Une question amusante : comment faire un document d'enseignement incompréhensible ?

D'habitude on cherche à faire des documents d'enseignement que les étudiants puissent comprendre facilement, n'est-ce pas ? 

Mais il m'est souvent arrivé de me trouver bien de chercher le contraire  de ce qui m'intéressait :  Jean Largeault disait : " j'aime beaucoup les mauvais livres parce que a contrario ils me révèlent ce que j'aime vraiment". 

En l'occurrence, quand je cherche les possibilités d'incompréhension, par nos jeunes amis (les étudiants, les lecteurs de nos textes, nos interlocuteurs en général),  je vois en tout premier : 

- des explications qui se font sur des notions qui sont inconnues de nos interlocuteurs

- des digressions qui égarent nos amis ; 

- des abstractions que certains ne peuvent pas suivre ; 

-  des généralités qui semblent trop éloignées des questions étudiées, 

-  des discours trop longs pour la capacité d'attention (écoute, lecture) de nos interlocuteurs ; 

- des textes ennuyeux, convenu, raides, ampoulés, prétentieux,... ; 

-  des discours que l'auteur ne m'a pas motivé à lire, par exemple parce qu'il a omis un paragraphe introductif donnant les grandes lignes 

- un formalisme inutile ; 

- des rédactions ambiguës ou imprécises, que je ne sais pas décoder...

 

A contrario, je vois donc mieux comment faire : annoncer la couleur, structurer pour diviser un gros morceau en petites bouchées, rédiger de façon vivante, avec du sentiment, du subjectif ;  je vois que des illustrations sont nécessaires et mieux, avec des couleurs, je vois que mon discours doit être parfaitement précis, que mes enchaînements doivent être d'une logique absolue, compréhensibles par tous, et notamment dans les étapes de calcul que je propose...

 

Car je n'oublie pas ce que disait l'astronome François Arago : la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public. 

mardi 1 juillet 2025

La Quantum Chemistry ToolBox du logiciel Maple : merveilleux !

Je m'aperçois que, depuis la sortie de Maple 2025, avec notamment la Quantum Chemistry Toolbox, je m'amuse beaucoup à l'utiliser. 

Je ne sais pas si j'ai discuté précédemment ici l'intérêt du logiciel Maple que j'utilise chaque seconde de la journée pour écrire, pour calculer, etc.? 

Il y a très longtemps, pour mes travaux de laboratoire, j'utilisais Excel, qui était un progrès par rapport au papier et au crayon, épaulés par les calculatrices de poche. 

Puis, dans les années 2000, j'avais trouvé un logiciel nommé Igor, qui faisait bien mieux qu'Excel et qui était devenu un "chouchou". 

Mais le jour où j'ai disposé de Maple, même dans une version très ancienne, j'ai été conquis : à l'époque, Maple permettait de faire des calculs  formels, algébriques  !  Et c'était déjà un éblouissement. 
Evidemment, Maple faisait aussi ce que faisait Excel ou Igor, mais en mieux, et, en particulier, parce que l'on écrit des mathématiques comme on le fait lors de nos études, sans se tordre les bras avec des tableaux comme pour Excel ou avec des vecteurs comme dans Igor. 

Au fil des versions, Maple s'est amélioré, et il faut saluer le moment où l'on a pu  rédiger des documents structurés, avec des sections  et des sous-sections. Grâce à cette particuliarité, j'ai rédigé l'un de mes livres en une semaine. Et le texte était structuré d'emblée. Ce fut un autre émerveillement que de voir comment cet outil pouvait m'aider. 

 Évidemment, sur le versant calcul, Maple s'est amélioré aussi et la partie algébrique s'est agrandi avec des réseaux, avec des représentations, avec des statistiques, et cetera. 

 

Je dois avouer qu'initialement, je payais Maple et ses différentes versions, mais la société qui fabrique et commercialise Maple m'a nommé "ambassadeur" et me le procure gratuitement, parce que je l'utilise pour mes cours et que je ne cesse d'en vanter l'intérêt à mes amis.
Je ne touche pas d'argent mais je suis si intéressé par l'objet que j'ai été jusqu'à en faire un séminaire pour le présenter à mes collègues de mon unité de recherche. 

Mais j'arrive maintenant à la version 2025 et notamment à cette Quantum Chemistry Toolbox qui m'intéresse tant : il s'agit d'un morceau de logiciel que l'on charge et qui fait des calculs de chimie quantique. 

On peut d'abord partir d'une molécule que l'on trouve en ligne, et cela se fait notamment à partir d'un tableau que l'on nomme XYZ, ou les différents atomes sont indiqués avec leurs coordonnées spatiales. Mpple utilise ces données pour produire des représentations moléculaires,  ce qui, à ce stade, est utile sans être spécialement  original. 

Mais ce qui devient bien mieux, c'est que Maple peut ensuite résoudre l'équation de Schrödinger par différentes méthodes pour parvenir à calculer les orbitales moléculaires et leur occupation par les électrons, par exemple. 

Maple calcule aussi les moments dipolaires, les charges électriques, etc.,  et je suis loin d'avoir fini l'exploration de ce nouvel outil tout à fait merveilleux. 

Maintenant, avec cette Quantum Chemistry Toolbox, on fait un lien direct avec l'enseignement de la chimie quantique mais les calculs se font facilement. Pourquoi s'ennuyer à diagonaliser des batteries quand Maple le fait en un click ? 

 

Je pressens il y  a là un outil qu'il faut que je découvre, que je maîtrise, que j'utilise pour mes travaux scientifiques. Comment ?

À la ligne

lundi 30 juin 2025

Des auteurs de manuels de chimie

Finissant la relecture des épreuves de mon prochain livre intitulé Inventions culinaires, gastronomie moléculaire (éditions Odile Jacob),  j'observe un phénomène amusant : dans chaque chapitre, il y a une partie qui explique pourquoi j'ai donné le nom d'un chimiste particulier à une de mes inventions, et, quand j'embrasse la totalité de l'ouvrage, je me rends compte que beaucoup de ces grands anciens ont été les auteurs de livres de chimie ou les éditeurs de revue scientifique. 

Par exemple, Chaptal fut un des propagateurs de la théorie nouvelle de Lavoisier et ses livres avaient beaucoup de succès. Mais cela n'est qu'un exemple, et la quasi-totalité des chimistes que j'ai considérés avait fait de même : Würtz, Vauquelin, Quesnay... 

Il y a rétrospectivement de l'évidence  : à savoir que la rédaction d'un livre conduit à s'apesantir sur tous les mots, à y penser, à ruminer toute l'information que l'on donne et cela dès les premières rédactions du manuscrit jusque dans les dernières épreuves : amplement assez de temps pour bien discuter intérieurement toutes les notions dont on parle. 

Bien sûr, la rédaction des articles scientifiques nous met également dans cette position puisque tous les mots sont également comparés, analysés, mais la production d'un livre a l'avantage qu'elle regroupe, rassemble davantage, qu'elle brasse plus large, de sorte que l'esprit est mieux à même de chercher des correspondances. 

dimanche 29 juin 2025

L'enseignement ? De la recherche !

Je ne suis pas sûr que les étudiants s'en rendent compte parce que telle n'est pas leur préoccupation, mais j'observe, en préparant mes cours, que c'est l'occasion pour moi de beaucoup apprendre. En effet, revenant sur les notions que je dois enseigner, je m'y intéresse, je me pose des questions, je cherche des références, je trouve des informations nouvelles que j'agrège évidemment à mon nouveau cours, je considère mes connaissances sous l'angle de cette même personne que je suis mais qui a évolué depuis le dernier cours... Bref, je passe beaucoup plus de temps à préparer mes cours que je ne devrais parce qu'en réalité, cela me permet de faire un travail véritablement scientifique. Oui, c'est parce que je ne me résigne pas à m'ennuyer que je peux faire des choses passionnantes. Le mathématicien Émile Borel, à l'École normale supérieure, faisait noter son cours par des étudiants afin de publier à la fin de l'année : il y a une évidence à cela car si l'enseignement devient comme je l'ai dit plus haut une manière de sciences, alors c'est de la recherche, qu'il y a lieu de consigner et de publier.

samedi 28 juin 2025

Tu sais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais-le, et, en plus, fais-en la théorisation

Le titre de ce billet est affiché sur les murs de notre laboratoire. Pourquoi ? Pour répondre, il convient d'abord d'évoquer les documents que nous nommons les « Comment faire ?», et qui sont une façon d’améliorer la qualité de nos recherches. Il convient également d'évoquer la méthode que nous mettons en œuvre pour notre travail scientifique. Tout est fondé sur l'observation selon laquelle un travail doit avoir un objectif, lequel détermine une stratégie, une méthode, un chemin. Une métaphore s'impose : étant à Paris, si nous ne savons pas que nous voulons aller à Colmar, nous n'arriverons jamais à Colmar, mais nous risquons d'arriver à Rennes, ou à Bordeaux. Il faut donc que l'objectif soit parfaitement clair pour que nous ayons une chance de l'atteindre. L'objectif étant clair, c'est-à-dire Colmar étant décidé comme notre destination, alors nous pouvons chercher un type de chemin, c'est-à-dire la voie ferrée, la voie des airs, la route… Cela, c'est la stratégie, la "méthode", du mot grec methodon, qui signifie choix du chemin. Une fois le chemin déterminé, alors il devient possible de déterminer les différentes étapes dudit chemin, et cela est la tactique, l’analyse détaillée des étapes qui nous conduiront à l'objectif. En sciences de la nature il en va de même, à savoir qu'il faut que notre objectif soit clair pour que le chemin puisse être défini. Bien sûr, l'objectif général des sciences de la nature est de faire des découvertes, mais il y a aussi les différentes étapes de cette recherche, qui sont l'identification des phénomènes, leur caractérisation quantitative, la réunion des caractérisations quantitatives en lois synthétiques (des équations), la recherche de mécanismes par induction, à partir de ces lois, la recherche de prévisions théoriques qui découlent des théories proposées, le test expérimental de ces conséquences, et ainsi de suite. Pour chacune de ces opérations, il y a des sous-objectifs, des sous-tâches. Pour chacune, modeste ou pas, il y a lieu de bien identifier l'objectif correspondant et, donc, de déterminer la méthode, le chemin qui y conduit. Un exemple simple (en apparence) Par exemple, peser : cela semble élémentaire, mais nous verrons que, au contraire, il y a lieu d'y passer du temps. Peser semble simple, puisqu'il s'agit « seulement » de déterminer la masse d'un objet avec une balance. Toutefois une balance est nécessairement imparfaite ; elle vibre, elle est « bruitée », de sorte que la valeur cherchée est en réalité inaccessible. Si l'on se représente les valeurs que l'on peut obtenir par la balance, de précision limitée, on a des graduations sur une règle. De sorte que l'on ne pourra jamais trouver la valeur vraie de la masse pesée, car la probabilité que cette valeur corresponde exactement à une graduation est mathématiquement nulle. Autrement dit on cherche une valeur sans avoir la moindre chance de l'atteindre, de sorte qu'il faut mieux savoir d'emblée que l'on cherche moins la masse exacte qu'une valeur approchée. Du coup, la méthode peut changer, et le chemin aussi. Dans un tel cas, pour l’utilisation d'une balance, il y a de nombreuses choses à savoir. Par exemple, qu'il faut mettre la balance bien d'aplomb grâce au niveau à bulles dont elle est équipée. Il faut aussi contrôler la balance à l'aide d'un étalon que l'on conserve au laboratoire, la "tarer" correctement, etc. Les "Comment faire" Nos documents intitulés « Comment faire » sont précisément des descriptions de tout ce que nous devons faire pour avoir une chance d'obtenir un résultat admissible. Ces document concernent la totalité des actions que nous faisons, et c'est une des règles de notre groupe de recherche que de proposer à chacun de ne jamais se mettre en chemin sans avoir réfléchi à la stratégie et à la tactique. C'est cela que j'entendais par « théorisation », et il est remarquable d'observer que chaque acte intellectuel ou manuel mérite un « Comment faire », une réflexion théorique. Par exemple, quand nous présentons un poster : comment bien faire ? Par exemple quand nous préparons une solution : comment bien faire ? Par exemple quand nous encadrons un stagiaire, comment bien faire ? Pour chaque tâche, un document intitulé « Comment faire ? » s'impose. Mieux encore, ces documents méritent d'être le résultat d'un travail collectif, progressif, à savoir que la proposition d'un membre de l'équipe peut être améliorée par d'autres, ce qui conduit à une proposition améliorée, qui sera encore améliorée par d'autres, et ainsi de suite à l'infini : car tout ce qui est humain est imparfait, de sorte que si nous ne sommes pas paresseux, nous avons une sorte d’obligation morale d'améliorer.

vendredi 27 juin 2025

Aidons nos amis

Ne pas mettre nos jeunes amis en défaut, surtout ne pas les mettre en défaut. Les aider à faire mieux ! Rétrospectivement, je juge nombre de mes travaux de jeunesse bien naïfs, bien faibles, et je n'ai guère envie qu'on les exhibe ! Je pense moins à mes devoirs d'élève d'école, collège ou lycée qu'à mes mémoires d'élève ingénieur ou d'étudiant en DEA, et même ma thèse, voire, plus tard des articles que j'ai pu écrire me semblent très indignes : dans bien des cas, j'en voie maintenant les insuffisances, et je déplore d'avoir été si insuffisant. Bien sûr, nous passons tous par là et, d'ailleurs, c'est grâce à de plus anciens, souvent, que nous arrivons à améliorer ce qui risquerait d'être bien faible. Ou grâce à notre travail. Mais reste le fait que je trouve nombre de mes travaux anciens bien faibles, et je crois pouvoir supposer que cela vaut pour tous mes condisciples, à tous les âges de la formation, voire après ;-). Or la commémoration du bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur m'a conduit à lire l'ensemble des publications de ce dernier, dès sa sortie de l'École normale supérieure : quelle était la qualité de ses productions ? J'observe d'abord qu'il était capable d'écrire de façon cohérente, de faire des synthèses... Mais, d'une part, ses textes n'étaient pas extraordinaires, si je compare à certains des étudiants qui me font l'honneur de venir étudier avec moi ; et, d'autre part, nous ne savons pas combien ses tuteurs l'ont aidé... car je n'oublie pas non plus que, jusqu'à une époque récente, les rapports, mémoires universitaires, et jusqu'aux manuscrits de thèse, faisaient toujours l'objet de correction extraordinairement serrées par les tuteurs, responsables, maîtres de stage, encadrants, professeurs, directeurs de laboratoire... Pasteur était encadré par Auguste Laurent, dans le laboratoire d'Antoine Balard, après sa sortie de l'École normale supérieure, mais il est honteux qu'il n'ait pas reconnu les apports de ce dernier... une fois qu'il avait publié un premier article un peu intéressant. Au point que Laurent a dû publier un article rectificatif dans les comptes rendus de l'Académie des sciences, pour bien dire quel avait été son apport. D'ailleurs, je me promets de comparer le texte de la thèse de Pasteur avec les publications qui ont suivi 1848, date à laquelle je ne doute pas que Laurent a dû se brouiller avec Pasteur, première querelle d'une longue série, pour un personnage (Pasteur) dont je n'aime pas l'arrivisme, même si je reconnais aujourd'hui : - l'extraordinaire (au sens littéral) activité - la capacité de synthèse. Inversement, je ne reproche certainement pas à Pasteur les erreurs qu'il a faites : l'hypothèse d'une chiralité universelle du vivant, ses théories sur la fermentation, ses idées sur l'origine de la vie, etc. Non, je lui reproche d'avoir gommé ces dernières, d'avoir réécrit son histoire, d'avoir créé sa statue, d'avoir toujours cherché à écraser les autres pour se dresser. Mais, en nous promettant d'éviter de tels comportements, il faut revenir à notre propos : puisque nos œuvres de jeunesse n'ont pas la maturité des œuvres plus avancées, je propose de ne pas les exhiber, et, surtout, je me propose d'aider mes jeunes amis à produire mieux, des œuvres dont ils ne rougiront pas plus tard. Et cela vaut pour les auteurs de manuscrits soumis à des revues scientifiques : le comité éditorial, les éditeurs, les rapporteurs doivent aider les auteurs à améliorer leurs manuscrits, afin qu'ils apparaissent finalement de "belle eau".

jeudi 26 juin 2025

La fusion du beurre ?

D'abord, fusion ou fonte ? Lisons le Dictionnaire de l'Académie française : fonte : Action de fondre, de liquéfier un corps solide (notamment un minerai) en le soumettant à l'action de la chaleur. fusion : Le fait de fondre, de se liquéfier. Ensuite, consacrons-nous au phénomène... en partant d'un beurre à la température de 20 °C. Ce beurre est fait d'environ 82 pour cent de matière grasse et de 18 pour cent d'eau. L'eau est liquide, à cette température, mais pour la matière grasse, il y a une proportion liquide, et une proportion solide. Et le système est formellement un gel, parce qu'il y a une structure solide (une sorte d'échafaudage) où les liquides (eau, graisse à l'état liquide) sont présents. Quand on chauffe, la matière grasse qui était solide se met à fondre, et la structure s'effondre. Mais pourquoi la matière grasse peut-elle être solide ou liquide ? Pensons que la matière grasse laitière est faite de molécules de "triglycérides", comme de minuscules pieuvres à trois tentacules souples. Ces molécules s'attirent un peu, mais elles ont aussi une énergie de mouvement. Quand la température est basse, l'énergie de mouvement n'est pas suffisante pour les "décoller", et elles se lient (faiblement), s'associant en "cristaux" solides. Mais quand la température augmente, cela correspond à une agitation moléculaire plus énergique, et les molécules se séparent, formant un "liquide".