mercredi 11 juin 2025

Faut-il ajouter de la pectine à des fraises dont on veut faire des confitures

La question m'arrive ce matin : avec les fraises que l'on trouve ces jours-ci, plus mûres qu'il y a quelques semaines, faut-il ajouter de la pectine pour être certain que les confitures vont prendre ? 

La vraie question, derrière celle-ci, c'est que certains fruits contiennent peu de pectine... mais que cela n'apparaît pas sur les fruits eux-mêmes. En conséquence, comme on ne va pas se lancer dans des analyses très longues, j'ai immédiatement répondu de faire un essai sur une petite quantité sans pectine, pour voir si la prise se fait, avant de se lancer sur tout le lot. 

On n'oubliera pas de se placer dans les conditions qui favorisent la prise en gel, à savoir charger en sucre (sans dépasser 65 pour cent), cuire longuement (pour être sûr d'avoir extrait les pectines des fruits) et ajouter du jus de citron (ou de l'acide citrique). 

Plus la possibilité d'ajouter un sel de calcium, puisque les ions calcium, comme ceux de cuivre mais sans la toxicité de ces derniers, renforcent les confiture : vous obtenez cela en attaquant une coquille d'oeuf lavée avec du jus de citron. Mais, à la réflexion, il y a une autre possibilité... pour ceux qui veulent le goût frais des fruits pas trop cuits. 

Prenons une pomme que nous coupons en petit morceau, avec peau et pépins dans un linge), puis ajoutons un peu d'eau et tout le sucre dont on aura besoin, voire un peu plus. Chauffons pour extraire toutes les pectines de la pomme : si l'on s'arrêtait là, on aurait alors tout ce qu'il faut pour avoir une confiture qui prend (on n'oublie pas le citron, le calcium...). Puis, dans cette super-confiture, on verse les fraises, on fait un tour de bouillon, et l'on met en pots ! Goût de fraises fraîches assuré, et consistance sur mesure.

 Mais, j'y pense : pourquoi ne pas utiliser de pectine ? Après tout, la pectine du commerce, c'est de la pectine qui vient des fruits. Alors on prend une partie des fraises, on met la pectine, on cuit, puis en fin de cuisson on ajoute citron et calcium, puis des fraises fraîches qui n'auront qu'un tour de bouillon. 

 

Moi, je ne sais pas pourquoi, mais j'ajouterais volontiers un peu d'arôme violette ou fleur d'oranger, et un grain de sel et un tour de moulin à poivre... mais je sors de mon rôle.

Quand il y a des enzymes

À propos des fibres alimentaires, il y a la notion importante d'hydrolyse : par exemple, certaines fibres sont dites hydrolysable. Et là, il y a un point d'attention, car les hydrolyses sont des réactions qui peuvent se faire soit de façon chimique soit de façon enzymatique. C'est le même type de questions que l'on retrouve à propos des brunissements des aliments quand on les coupe : certains résultent de réactions d'oxydation et d'autres d'un processus oxydatif mais de nature enzymatique. Dans les deux cas, cela se fait dans des conditions très différentes, et, notamment, pour les processus enzymatiques, il faut évidemment qu'il y ait des enzymes, c'est-à-dire des molécules qui catalysent les réactions, c'est-à-dire les rendent possibles plus ou moins rapidement et même dans des cas où elles ne se feraient pas. Un bon exemple est l'hydrolyse enzymatique de la cellulose par les enzymes nommées cellulases : alors que l'hydrolyse de la cellulose se fait très difficilement dans l'eau même chaude (une chemise en coton n'est pas dégradée par un lavage à 100 °C), elle a lieu quand la cellulose est en présence des cellulases. Historiquement, cette question a été importante pour la chimie : le grand chimiste allemnd Emil Fischer a passé beaucoup de temps à chercher des méthodes de synthèse chimique des protéines alors que cette synthèse se fait facilement dans les organismes vivants.

mardi 10 juin 2025

Il est dommage de ne pouvoir effacer

A propos de méthode, par exemple, mais pas seulement, je m'aperçois d'erreurs que je faisais... parce que la majorité de mes amis les font et que, au fond, je n'avais pas assez réfléchi. Par exemple, une étape est... une étape et non pas le tronçon de chemin qui relie deux étapes. Ou encore, un projet est quelque chose que l'on projette, alors qu'un travail c'est quelque chose que l'on fait. Par conséquent, on peut rédiger des projets, en vue de les faire ensuite, mais une fois qu'on est lancé, il s'agit d'un travail. Ou encore : une méthode, c'est le choix d'un chemin et non pas le chemin lui-même ; et cela ne se confond pas avec la méthodologie, qui se définit ainsi (TLFi) : Branche de la logique étudiant les méthodes des différentes sciences. Ensemble de règles et de démarches adoptées pour conduire une recherche. Bien sûr, tout ce que je produis n'est pas faux, et, parmi les fautes que je ne fais pas moi-même, il y a la confusion entre les prémices et les prémisses, des hésitations quand au statue logique de l'induction, l'expression "dans le but" (si on y est, ce n'est plus un but), par exemple. Quel dommage que je ne puisse corriger mes anciens textes !

lundi 9 juin 2025

Ne pas prendre les évaluateurs pour des imbéciles.

 Alors que je suis en train de relire un document proposé à l'évaluation nationale d'un pays étranger, à propos d'un cours en technologie des aliments, ce qui fait suite à 3 ou 4 évaluations du même type que j'ai effectuées précédemment, je vois mieux combien ceux qui font de tels projets se trompent soit en se débarrassant par des réponses à la va-vite aux questions posées par les formulaires d'évaluation, soit en produisant un baratin posé dans l'hypothèse  que les évaluateurs seront dupes. 

Au contraire, ce type de réponse finit par  irriter et  faire comprendre qu'on nous prend pour des imbéciles. 

Bien sûr, il y a également des cas où ceux qui soumettent des projets ne sont manifestement pas à la hauteur,  et, là encore,  leurs insuffisances apparaissent très clairement en lisant simplement les mots écrits. Quand on confond food  security et food safety  par exemple, cela montre que l'on ne sait pas que le premier désigne la question de produire à suffisance pour nourrir l'humanité et le second désigne la sécurité sanitaire des aliments. 

Et évidemment, quand les proposant cumulent les défauts, alors il y a lieu de ne pas perdre trop son temps en évaluant leur document et il faut les renvoyer à leurs projets :  il serait idiot de passer plus de temps à faire les évaluations qu'il n'en ont passé à faire leurs projets insuffisants. Au travail ! 

dimanche 8 juin 2025

Encore, à propos de "recherche"

 
Le mot recherche est une plaie, en quelque sorte,  parce que tout le monde le met à sa sauce : 

- les artistes font de la recherche, mais de la recherche artistique, 

-  les scientifiques font de la recherche mais de la recherche scientifique ; 

- et  dans l'industrie, les techniciens et les ingénieurs sont également de la recherche, en général technologique 

-  les enseignants, s'ils font bien leur métier sont sans cesse en position de recherche didactique

- etc. 

Bien sûr, je vois la différence entre la pratique et la conceptualisation. Un médecin qui soigne bien ses patients a une bonne pratique et, s'il fait bien cette pratique, c'est qu'il se fonde sur des concepts qu'il manie clairement.
Inversement, l'activité de conceptualisation qu'il peut faire serait en quelque sorte gâchée s'il ne publiait pas des textes où il décrirait cette conceptualisation. Bien sûr, il peut la garder pour lui-même, pour améliorer sa pratique. En tout cas, il est en position de recherche technologique puisque la médecine est une pratique,  donc une technique ,ainsi que l'avait  très bien observé le grand physiologiste Claude Bernard.

Mais je reviens au mot recherche en restant maintenant dans ce domaine de la médecine : ce même Claude Bernard, qui expliquait que la médecine était une technique, a bien observé que la recherche clinique était une recherche technologique, et que la science, la recherche scientifique correspondant à la médecine avait pour nom la physiologie. 

Dans le champ voisin de la pharmacie, il y a des recherches de médicaments : c'est de la recherche appliquée donc, et cela correspond à la recherche technologique. La recherche scientifique, pour la pharmacie, correspond manifestement à des études de biochimie ou de chimie fondamentale.
Et, en passant, on observera que s'il y a de la recherche appliquée, il ne peut y avoir de science appliquée !

Et l'ingénierie dans tout cela ? Il y a également là une technique et une technologie c'est-à-dire une pratique et une recherche. Mais pas une recherche scientifique.

Comment faire cours ? Mon nouveau "mode d'emploi"

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade. Les critiques sont toujours merveilleuses, parce qu'elles conduisent -si l'on les utilise, au lieu de les rejeter- à l'amélioration. Et les commentaires critiques faits récemment par des jeunes collègues à leur institution de formation m'ont mieux fait comprendre comment je pouvais (devais) organiser mes "cours". Ayant bien compris que l'on ne pouvait pas enseigner, et qu'on devait laisser aux jeunes collègues le soin d'étudier, je distingue d'abord la matière étudiée, et le cours professé. J'observe que professer me revient, mais qu'il revient aux jeunes collègues d'étudier : je ne pourrai pas le faire à leur place, et l'on doit espérer que c'est quelque chose qu'ils aiment faire (sans quoi, pourquoi le feraient-ils ? et comment le feraient-ils "bien", c'est-à-dire "efficacement" ?). J'observe que, pour leurs études, nos jeunes collègues doivent y passer du temps par eux-mêmes : quelqu'un qui a une connaissance ou une compétence, c'est quelqu'un qui a passé du temps à avoir cette connaissance ou cette compétence, par exemple. Et j'observe qu'il y a quelque incohérence à apprendre quelque chose pour l'oublier ensuite. Si l'on étudie, si l'on se dote de connaissances ou de compétences, c'est dans l'hypothèse qu'elles seront utiles, pas de les oublier sitôt un examen terminé. Et pour ceux qui pensent avoir des problèmes de mémorisation, je suis heureux de signaler que les études de neurophysiologie montrent que pour se souvenir de quelque chose, il faut répéter l'information à un intervalle de 20% du temps de rétention visé. Dit autrement : pour mémoriser une information, il faut la répéter, et l’intervalle de répétition va définir la durée de la mémoire. Si vous répétez à l’échelle d’un mois vous allez retenir l’information à l’échelle de six mois par exemple. La règle, c’est à peu près 20 % du temps de répétition par rapport au temps de rétention." D'ailleurs, voici ce qu'en dit Stanislas Dehaene (Apprendre, éditions Odile Jacob, Paris, 2018) : Que peut-on faire pour mieux mémoriser ? - n’attendez pas la dernière minute. Révisez régulièrement. -entrecoupez de brèves périodes de révision des périodes de sommeil, parce que pendant le sommeil votre cerveau va consolider l’information. - faites des petits tests, mettez à l ‘épreuve votre connaissance. - préparez des fiches sur lesquelles sont marquées d’un côté la question, et de l’autre la réponse, parce que ça va vous permettre fde vous auto-tester et de vérifier si vous avez retenu ou pas l’information. Les fiches sur lesquelles vous échouez, vous les remettez au-dessus du paquet, ce qui fait qu’elles reviendront rapidement dans votre auto-test. Ce sont des méthodes extrêmement simples, il y a d’ailleurs des petits logiciels sur Internet ou sur votre téléphone portable qui permettent d’avoir ce processus. Comment répéter les informations de façon optimale ? - pour mémoriser sur le long terme, il faut absolument répartir des séances d’apprentissage, en plusieurs fois espacées et espacées de plus en plus longtemps dans le temps. On va commencer par un apprentissage intensif au départ plusieurs fois par jour et réparti sur plusieurs jours, en alternant apprentissage et sommeil, parce que le sommeil consolide les apprentissages. Et ensuite, progressivement, on va passer à des espaces de plus en plus grands. - la règle, c’est répéter à une échelle d’à peu près 20% de la durée totale que vous souhaitez obtenir. Donc si vous souhaitez retenir une information dans dix ans, il va falloir la répéter à un intervalle d’à peu près deux ans. Donc répétez, répétez, répétez. - revenir et bien sûr se tester, c’est-à-dire savoir si on fait une erreur ou pas. Lorsque vous vous trompez c’est un moment d’apprentissage. Votre cerveau peut corriger en tenant compte de ll’erreur qui a été faite. J'ajoute que les études de la mémoire ont montré qu'il faut structurer les items à mémoriser, les grouper en petits ensembles qui sont mémorisés de façon hiérarchique. Tout cela étant dit, je livre ici le mode d'emploi de la construction de mes cours : D'abord, j'ai compris que les jeunes collègues devraient étudier, et que j'étais là pour leur communiquer de l'enthousiasme, du cadrage, de l'accompagnement, des encouragements et, enfin, de l'évaluation. 1. Première chose à faire : bien délimiter le sujet et construire un référentiel, avec des connaissances, des compétences, des savoir faire, des savoir être, des savoir vivre. 2. Une fois cette liste établie, il faut l'organiser, prévoir un chemin, un "cursus", un cours. 3. Mais ce chemin reste bien abstrait pour tout le monde, et cela vaut la peine de le situer sur une carte, de "cartographier" la matière à étudier. Sur cette carte, on porte à la fois les écueils (des gouffres), les lieux importants (de hautes montagnes), des zones arides (des déserts)... 4. Sur la carte, on fait alors apparaître le chemin proposé. 5. Puis, lors du "cours professé", il s'agit de parcourir rapidement ce chemin en montrant les beautés, en commentant la carte. 6. Il faut que des étapes aient été organisées. Et qu'on les montre. 7. Puis il faut donner de l'enthousiasme, "allumer un brasier", pour que les étudiants se lancent dans l'exploration du pays qui leur a été présenté. 8. Lors de ce trajet, il faut les accompagner, par exemple en proposant de les rejoindre aux étapes. 9. Régulièrement, il faut les encourager, notamment en les félicitant d'avoir parcouru certaines étapes difficiles. 10. Enfin, à l'arrivée, il faut s'assurer qu'ils ont profité de leur parcours, ce qui correspond à une évaluation, (des connaissances, des compétences). 11. Et ne pas oublier d'évaluer le cours, pour l'améliorer l'année suivante ! Allez, je reprends tous mes cours ainsi, en espérant faire mieux que par le passé !         PS. Juste à titre d'exemple préliminaire, la carte de cours de gastronomie moléculaire "gros grains" (la carte détaillée viendra plus tard)

C'est bien faible !

Relisant des livres d'épistémologie (Popper, Lakatos, Kuhn, Feyerabend...), je suis frappé de voir leur faiblesses : des déclarations à l'emporte-pièce, non justifiées, parfois de simples idées de sens commun érigées en dogme, des propostions sans analyse critique, des arguments d'autorité. Parfois le texte technique se mêle de sentiments personnels ou l'égo déborde. Littérairement, toutefois, c'est rarement à la hauteur de Flaubert. Bien sûr, il y a des exceptions, mais n'est pas Aristote ou Platon qui veut n'est pas Aristote qui veut Quel dommage que tant de petits marquis se mêle de ces questions si essentielles !