Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 26 mars 2025
L'albumine ? Si vous entendez cela au singulier, c'est que votre interlocuteur est en retard d'un siècle !
mardi 25 mars 2025
La vertu est sa propre récompense
Alors que je fais un travail pour une institution académique, le responsable du groupe m'envoie des remerciements publics. Et, aussitôt, je lui réponds en le remerciant pour cela, mais je fais de même à son égard, puisque, au fond, lui aussi se dévoue pour notre institution académique.
Mais passées de civilités, les témoignages d'amitié, je m'interroge... car faut-il me remercier de faire des choses que j'ai envie de faire ?
Puisque il n'y a ni
argent, ni pouvoir, ni réputation, ni rien à gagner, si je fais un
travail, c'est parce que je considère moi-même qui doit être fait, que ce travail m'intéresse, m'importe et non
pas parce que j'attends des remerciements ou des félicitations.
D'ailleurs, si la personne avec qui je correspondait fait le travail
qu'elle fait, alors, là encore, il n'y a pas lieu d'envoyer des
félicitations ni des remerciements. Mais pourquoi pas des témoignages d'amitié, bien sûr ?
Autrement dit, j'y reviens, nous faisons échange civilités et d'amitiés, et cela est bien agréable mais jamais plus qu'à cette occasion je n'ai compris le sens de cette phrase merveilleuse selon laquelle la vertu est sa propre récompense.
J'ajoute aussitôt que, en l'occurrence, le mot
vertu est très usurpé, puisqu'il s'agit simplement, très égoïstement, de faire un travail que j'ai envie de faire, que je juge utile et
important. Si d'autres le reconnaissent comme utile, tant mieux, mais croyez-moi : je suis épouvantablement égoïste, en quelque sorte.
lundi 24 mars 2025
Des conseils à mes jeunes amis qui font des présentations orales
Sortant d'une soutenance orale, j'ai vu de nouveau les erreurs les plus classiques qui sont faites et qui révèlent un manque de méthode, lequel conduit à la fois à des erreurs et à une énergie gaspillée, beaucoup de temps perdu pour rien.
Commençons par dire qu'il ne faut absolument pas utiliser des masques, car ces derniers prennent du temps à faire, alors qu'ils introduisent des éléments insignifiants. Dans une présentation scientifique, c'est le sens qui compte et il n'y a pas lieu de faire des images comme cela se ferait dans un cadre artistique ; ne confondons pas les genres.
D'autre part, simplifions la mise en page en ne conservant qu'une seule police de caractère et, surtout, en évitant d'écrire sur les diapositives des textes que personne n'aura le temps de lire et qui vont considérablement allonger la présentation... et faire dépasser le temps imparti.
Surtout réduisons toutes les diapositives à un titre et à une image.
Pour le titre je n'ai pas besoin d'insister et pour l'image cela peut-être une photo, un graphe, un spectre, etc. Il peut y avoir quelques indications techniques, par exemple des conditions expérimentales, à côté de l'image, mais il ne doit pas y avoir de texte : le commentaire se limitera à expliquer l'image.
Les diapositives doivent tout être numérotées car c'est ainsi que l'on pourra ensuite organiser la discussion.
Il doit y avoir des références, si possible en petits caractères et en pied de page. Et évidemment, le diaporama doit terminer par une liste de références.
Ainsi, une présentation de 10 minutes se fait en 10 diapositives, une présentation de 20 minutes en 20 diapositives et cela ne prendra guère plus qu'une heure à produire.
Je n'ai jamais vu, depuis que je suis dans la position de professeur, de présentation orale d'étudiants qui puisse échapper aux quelques règles que je viens de donner et je m'étonne que nos amis n'utilisent pas le document que j'ai donné ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/279bd7998243480694b0/?dl=1
Qu'est-ce qu'une tarte à la Bourdaloue ?
Aujourd'hui, de nombreux pâtissiers croient que la "tarte à la Bourdaloue" est une tarte aux poires... mais c'est une erreur.
Pour bien comprendre il faut savoir que Bourdaloue était un prédicateur célèbre, dont les sermons faisaient courir le Tout-Paris. Il avait un chapeau avec un cordon tout autour et c'est donc le cordon qui a imposé la dénomination culinaire "à la Bourdaloue" : il faut un ruban de pâte.
Or c'est ce qu'ont toutes nos tartes actuelles : toutes sont à la Bourdaloue !
Là, il faut aller doucement, et d'abord pour signaler que, jadis, on ne parlait pas de "tartes", mais de tartelettes : le mot "tarte" est un anglicisme qui s'est introduit plus tard.
Ces tartelettes étaient faites d'un
disque de pâte sur lequel il y avait la garniture, par exemple des
fruits, et notamment des poires.
On devrait donc parler de tartelette
aux poires pour un disque - quel que soit sa taille - sur lequel il y a des
poires.
Mais s'il y a un rebord en pâte, alors c'est une tartelette à la
Bourdaloue, et il n'est pas nécessaire d'avoir un cordon pâte par-dessus. Et ce n'est pas nécessairement aux poires (sauf pour les tartes aux poires, bien sûr).
Bref, nous ne savons pas très bien ce que nous disons quand nous parlons
et tout cela mérite une révision pour bien comprendre. Il n'est pas
nécessaire d'avoir des bords sur les tartelettes, les tartes sont des
anglicismes, et la Bourdaloue n'est que la présence du cordon de pâte.
dimanche 23 mars 2025
Du sel ou du jus de citron dans les blancs en neige ?
C'est amusant de voir comment, bien souvent, nous nous focalisons sur des détails, au lieu de considérer le "premier ordre", le plus important.
Ainsi, à propos de blanc que l'on bat en neige. Un ami me demande si le sel ou le jus de citron sont utiles "pour le blanc en neige". Pour le blanc en neige : que veut-il dire ? Pour la bonne réalisation d'un blanc en neige ? Pour l'obtention de plus de mousse ? Pour la tenue ? Pour éviter le grainage ?
Renseignement pris, je m'aperçois qu'il n'avait guère d'idée claire, à ce propos, et il me répond "pour le volume".
Là, je suis en mesure de lui dire que nos expériences n'ont pas montré de différence de volume, ni avec le sel ni avec le jus de citron... et pour cause : au premier ordre, la question de faire un blanc en neige revient à celle d'accumuler des bulles d'air dans un liquide. Le volume final est limité par la quantité d'eau présente... et c'est cette analyse qui m'a permis de battre le record du monde du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc, soit plus de 40 litres, parce que j'ajoutais de l'eau chaque fois que le blanc était bien ferme.
Avec le sel, la quantité d'eau ne change pas. Avec le jus de citron, elle ne change notablement que si l'on ajoute beaucoup de jus de citron. Dans les deux cas, on se moque en réalité un peu de l'état des protéines, car ce n'est pas le facteur limitant.
Mon ami, à cette réponse, change de questionnement, et m'interroge sur la tenue des blancs en neige. Et je lui demande pourquoi, sachant que la tenue est en réalité assez bonne. Il me cite alors la confection de meringues... mais il ignore alors l'expérience qui consiste à diviser un blanc en neige en deux moitiés, à ajouter du sucre dans une seule des moitiés, et à battre autant, à nouveau, les deux moitiés : on voit que les bulles du blanc sucré sont bien plus petites que les bulles de l'autre moitié, non sucrée, et donc la tenue est bien supérieure avec du sucre, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'effet du sel, ou du jus de citron, ou du cuivre. A nouveau, la leçon est : regardons les choses au premier ordre !
samedi 22 mars 2025
De l'éthique ? Ou simplement de l'honnêteté ?
Un mauvais article que je lis montre merveilleusement une faute courante dans les rapports bibliographiques ou dans les articles scientifiques : la citation d'auteurs qui ne sont pas les premiers à avoir proposé une idée ou établi un fait.
Commençons par donner la règle : quand on cite une idée ou quand on rapporte un résultat, il faut faire référence à la personne qui a proposé cette idée ou établi ce résultat pour la première fois.
Et c'est une faute (pas seulement une erreur) que de faire référence, non pas à ces personnes "primaires", mais à des personnes qui ont cité les personnes primaires, ou à des personnes qui citaient des personnes qui citaient les personnes primaires, etc.
Notamment, prendre n'importe qu'elle référence où apparaissent l'idée ou le résultat sont un travail paresseux et malhonnête.
Les institutions scientifiques disent que cela n'est pas "éthique", et elles justifient cela en expliquant que l'on prive le découvreur de la paternité de sa découverte, qu'on ne le fait pas profiter de son travail, qui, bien cité, conduirait à le faire progresser dans sa carrière, mais j'y voir plus une question d'honnêteté que d'étique.
De même, quand on reprend une figure dans un document, il s'agit d'honnêteté au sens légal du terme que d'avoir le droit de reproduire cette figure et de citer évidemment celle où celui à qui elle appartient : cela relève de la loi sur la propriété intellectuelle.
Et là, je sors de la relecture d'un article par une personne qui avait pourtant reçu de ma part le cours où j'avais expliqué que chaque phrase devait être assorti d'une référence ( https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/comment-faire-des-syntheses-de-recherche-bibliographique-how ) . Et notre auteur de citer le même article (assez récent, secondaire) 4 fois de suite pour 4 phrases qui s'enchaînent ! Il a contrevenu aux règles de l'honnêteté.
Et je ne parle là que du tout début du texte car le reste est exactement à l'avenant.
La référence qui est donnée quatre fois, d'ailleurs, est une référence secondaire et notre auteur n'a pas pris la peine d'aller chercher les références primaires : c'est le signe manifeste d'un travail bâclé, et qui contrevient aux règles que j'ai donné dans le cours rédigé entièrement que je lui avais transmis.
D'ailleurs, ce même auteur renvoie toujours à ce même article à propos d'une figure qui pourtant était correctement référencée dans l'article (secondaire) qu'il cite.
Il y a bien pire dans ce
rapport (scientifiquement très faible), mais en tout cas ce document a le mérite de bien montrer comment doivent
être les références dans un texte scientifique. De le montrer en négatif
bien sûr !
vendredi 21 mars 2025
La pâte à choux, c'est de la "pâte royale"
Relisant la Suite des dons de Comus, un livre de cuisine publié par François Marin en 1742, je trouve une recette de "pâte royale" qui correspond en tout point à ce que nous nommons aujourd'hui une pâte à choux.
Tout y est : le dessèchement, l'ajout des œufs un par un jusqu'à ce que la consistance commence à devenir trop molle, et cetera.
Notre pâte à choux serait-elle donc une pâte royale ? Consultant le Glossaire des métiers du goût ( https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout ) je vois qu'un correspondant m'avait donné sans référence, ce qui est évidemment signalé, une origine (au conditionnel !) de cette pâte, qui aurait été initialement une "pâte à chaud" avant de devenir la pâte à choux.
Mais je vois aussi que figure dans ce paragraphe de définition une mention de Carême qui aurait amélioré la pâte alors qu'en réalité la recette de François Marin est exactement celle que nous connaissons.
Je supprime donc cette mention de Carême qui
n'a pas lieu d'être mais il reste à régler cette question de l'origine
présumé de la pâte au 16e siècle, pour laquelle je n'ai aucune référence.