J'ai relu une fois de plus le livre de Jean-Jacques consacré
au chimiste Marcellin Berthelot parce que décidément, je n'arrivais pas à
comprendre ce que l'homme avait fait.
Mais cette nouvelle
lecture me confirme que, quand Jean-Jacques sous-titre son livre "Autopsie
d'un mythe", c'est parfaitement exact, en dépit des
gesticulation des descendants de Berthelot qui tiennent l'ancêtre pour
un personnage hors du commun.
Berthelot était donc chimiste, et il et il
quitta la chimie vers 40 ans pour la politique, où il ne fut d'ailleurs
pas très bon.
Surtout, Berthelot comment ça par travailler sur la
synthèse des composés organiques, ces composé que l'on trouvait dans le
monde vivant, mais, plus généralement, les molécules qui sont formées
d'atomes de carbone, l'hydrogène et d'oxygène principalement. Il obtint quelques résultats mais par des méthodes qui étaient dépassées
parce qu'il refusait l'idée alors avancée, moderne, de molécule.
Au tout début de
sa carrière, on confondait molécules, atomes, particules,
corpuscules... au point que, dans la même phrase, Louis Pasteur (qui était contemporain de Berthelot) utilisait ces mots indistinctement pour
désigner les mêmes objets... que l'on imaginait
d'ailleurs mal.
Oui, on imaginait mal les molécules, on n'avait pas idée de ces petits objets que nous avons
aujourd'hui bien définis, et la chimie était difficile puisque on voyait
bien que l' "hydrogène" (en réalité le dihydrogène) et l' "oxygène" (le dioxygène) gazeux pouvait se combiner pour faire
de l'eau. Mais comment se combinaient-ils ?
Là était toute la question que discuta le
chimiste italien Stanislao Cannizzaro, lors du congrès mondial des chimistes qui se tint à Karlsruh en Allemagne : il mit de l'ordre dans les théories proposées par John Dalton, en Angleterre, et par Amedeo Avogadro en Italie, et convainquit les chimistes les moins réactionnaires que nombre de matériaux (un cristal de sucre, par exemple) sont faits de petits objets (le mot molécule fut donné), qui étaient eux-mêmes faits d'atomes de divers "éléments".
Cette idée théorique était
essentielle pour parvenir à faire de la synthèse de molécules organiques, car la
représentation des molécules permet de comprendre où les atomes doivent s'ajouter, être remplacés, etc, comme dans un jeu de construction.
Sans ce support théorique, Berthelot ne put faire que des synthèses très
élémentaires tout en les assortissant d'ailleurs d'un discours
extraordinairement prétentieux.
Car Berthelot faisait partie de ces gens
qui savaient écrire et il écrivait beaucoup dans un style très ampoulé, très prétentieux,
qui ne manquait jamais de le mettre en avant, de montrer son "génie"... à ceux qui n'étaient pas capables d'en juger.
Oui, Berthelot fit quelques travaux de chimie dans la
première partie de sa carrière, mais pas de ces
travaux que l'on retient. Après ces études de la synthèse organique, où il n'avait
en réalité pas tellement brillé, il passa à la thermochimie, où il ne laissa pas un souvenir impérissable, incapable en réalité de ce que des Boltzmann ou des Gibbs pouvaient faire. Et, sur la suite, il explora mal la fixation de l'azote atmosphérique (pour la croissance des plantes), en dépit d'installations qu'il fit construire à Meudon.
Bref, Berthelot ne fut pas un grand chimiste, et même son poste au Collège de France fut contestable, imposé par le ministre. Il usa de cette position pour influencer des cercles, mais fit prendre un demi siècle de retard à la chimie française.
La position de
Jean-Jacques, qui chercha la vérité à propos de Berthelot, est difficile
parce qu'elle le mettait dans une position critique alors que jusqu'à
présent, les historiens avaient été plutôt à hagiographiques. Il aurait été intéressant de comparer Berthelot à Pasteur, qui constitua également sa propre statue, mais il faut reconnaître à Pasteur que des travaux de microbiologie furent à la pointe de la science, dans un champ très novateur, et avec des élèves dans le monde entier. Ceux de Berthelot sont largement inconnus, et à juste titre car les institutions scientifiques, si grandes soient-elles, ne sont pas la garantie de la qualité des chercheurs qui y travaillent. Et en écrivant cela, je peux m'empêcher de penser à l'Université de Strasbourg, qui abrite deux prix Nobel
de chimie à Strasbourg. A Strasbourg, pas à Paris !