vendredi 15 septembre 2023

Les fameux émulsifiants



Les oeufs serviraient d'émulsifiants pour suspendre les corps gras ce qui donnerait une texture plus moelleuse aux sablés ou aux pâtes à foncer  ?

Les œufs contiennent des protéines, et ces protéines peuvent enrober des gouttelettes de matière grasse et contribuer à leur dispersion, notamment dans des émulsions. Elles peuvent  également contribuer à disperser des bulles d'air.

Dans les deux cas, il faut une phase aqueuse pour accueillir les structures dispersées,  puisque une émulsion est -au moins dans les cas qui nous concernent- une dispersion de gouttelettes d'huile dans  une solution aqueuse, tandis qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air dans une solution aqueuse.

la texture est-elle alors plus moelleuse ? Le mot moelleux est ambigu car on comprend bien que le moelleux d'une mousse, avec des bulles d'air dispersées n'est pas le moelleux d'une émulsion, avec des gouttelettes des matières grasses dispersées.

Le beurre froid dans les pâtes à foncer ?


Travailler le beurre froid avec la farine et le sucre permettrait d'obtenir des biscuits friables et croustillants ?

 Est-il exact que le beurre froid ait vraiment une importance ? Mes sentiments à cet égard ne sont aucune utilité et c'est là typiquement une de ses idées que nous devons tester lors d'un séminaire, dans des conditions rigoureuses.

C'est l'occasion de rappeler que les séminaires de gastronomie moléculaire sont des rencontres ouvertes à tous, gratuites, et qui donnent lieu à des comptes rendus parfaitement rédigés et envoyés à tous ceux qui les demandent.

L'idée, c'est de partir de précisions culinaires :  trucs, astuces, tours de main, on dit, proverbes, dont on se demande s'ils sont justes. Nous les discutons avant de les tester expérimentalement en public.
Une fois les tests fait, la question est résolue le plus souvent, et je me demande bien comment les enseignants peuvent faire quand ils n'ont pas les résultats des tests expérimentaux.

Quant aux praticiens, ils se reposent souvent sur des intuitions sans avoir de certitude, et les  séminaires, qui fonctionnent ainsi chaque mois depuis 23 ans, sont en quelque sorte la seule façon qu'ils aient d'avoir des idées fiables, définitives sur ces questions.

Je ne dis pas que des individus ne puissent pas faire ce genre de tests, mais en pratique ils ne le font pas. Il y a lieu d'être extrêmement rigoureux dans les conditions expérimentales mais aussi dans les appréciations des résultats.

Brunissement et goût

 

On me demande si "le processus de brunissement au four permet d'obtenir une saveur plus prononcée" ?

La réponse est que il ne faut pas confondre la saveur et le goût.

Le goût, c'est la sensation synthétique que nous avons quand nous mettons des aliments en bouche. La saveur, c'est seulement la composante sapide, ce qui est perçu par les papilles.

Et quand on fait cuire une pâte, qui brunit, donne-t-on de la saveur ou du goût ?

Pour le savoir, je vous invite à faire l'expérience de cuire une pâte à tarte, de telle sorte qu'elle soit bien brune, et de la mettre en bouche après vous être pincé le nez :  pendant que le nez est pincé, vous mastiquez, et vous sentirez les saveurs.
Puis, après quelques secondes, vous relâcherez les narines et la sensation qui viendra sera l'odeur. .

Cest la totalité qui fait le goût .

Avec cette expérience vous pourrez répondre vous-même à la question posée.

Congélation et gluten



On me dit que le repos, lors de la congélation d'une pâte,  aiderait à la détente du gluten.


Lorsqu'on travaille une pâte, qui contient notamment de la farine et de l'eau, l'eau vient ponter les protéines nommées gliadines et glutenines, ce qui  forme un réseau viscoélastique de gluten.

Viscoélastique, cela signifie que ce réseau, un peu jaune (par rapport au blanc des grains d'amidon) , est à la fois visqueux, à savoir qu'il s'écoule,  et élastique,  à savoir qu'il revient sur lui-même quand on l'étire.

Ce réseau viscoélastique est à l'origine de la rétraction des pâtes, ce que l'on verra facilement en abaissant une pâte à tarte, puis en la coupant avec un emporte-pièce qu'on laisse sur place : après une vingtaine de minutes, on voit que la pâte s'est rétractée, faisant un espace par rapport à l'emporte-pièce.

Cette rétraction a lieu quand on abaisse la pâte, et, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions testé un long repos de la pâte avant de l'abaisser mais nous avions vu que la rétraction avait également lieu puisqu'on avait abaissé la pâte et donc travaillé le réseau de gluten.

Pour la congélation, je ne sais pas ce qu'elle fait, puisque je n'ai pas fait l'expérience mais je prends le pari que ce sera le même type de phénomènes.

Les pâtes avec du sucre roux ou brun

 

Les sucres bruns feraient des pâtes  plus denses, qui développeraient mieux après un ajout de poudre levante ?

Je n'ai jamais vu d'étude rigoureuse à ce propos, de sorte que je n'en sais rien : il faudra un séminaire de gastronomie moléculaire pour le déterminer.

Le beurre monté avec du sucre

 

On me soutient que "le beurre monte avec le sucre apporte plus d’air donne un resultat plus leger est une mache plus moelleuse" [sic] ?

Là, il faut interpréter et notamment la proposition est de battre du sucre avec du beurre. Dans un tel cas, le sucre finira, si l'on bat beaucoup, par se dissoudre dans l'eau présente dans le beurre, de sorte que, au lieu d'obtenir des gouttelettes d'eau dispersés dans la matière grasse, on obtiendra plutôt des gouttes de sirop dispersés dans la matière grasse.

Cela s'accompagne t-il de l'introduction de bulles d'air dans le beurre ?
Tout dépend de la façon dont on a procédé.

Et le beurre ainsi fouetté fait-il des pâtes à foncer ou des sablés plus moelleux ? Je n'en sais rien et cela mériterait un séminaire de gastronomie moléculaire consacré à cette question.

A propos de beurre noisette

 

On me dit que "le beurre noisette fait une pate plus dense goût plus intense avec une perte d’humidite" [sic].

Le beurre noisette ferait des pâtes à sablés ou des pâtes à foncer plus denses que le beurre normal ? Je n'en sais rien.

Ce que je sais, c'est que le beurre noisette est obtenu par chauffage du beurre, ce qui évapore l'eau présente dans ce dernier, soit environ 20 % au maximum.

Evidemment, cette eau a une influence sur la consistance de la pâte mais cette influence dépend du procédé qui a été mis en œuvre, selon que l'on aura fait ou non un réseau de gluten avec les protéines de la farine.

Ce qui est certain, en revanche, c'est que le beurre noisette a un goût soutenu, comme le savent bien ceux qui font des financiers à partir de beurre noisette plutôt que de beurre.

Et, dans une pâte à foncer ou à sablés, avec  de la farine torréfiée, on a un goût puissant.