Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
De jeunes collègues écrivent :
Fournir de vrais cours tapés plutôt que des diapos imprimées pourrait être également une piste très prometteuse comme évoqué plus haut. En effet, un cours écrit permet de se replonger facilement dans le sujet même longtemps après avoir suivi le cours en question (en stage voire plus tard encore).
De plus, cela permettrait de gommer l’impression de superficialité des enseignements reçus car même s’il n’est pas possible pour le professeur de traiter tout le poly dans le temps qui lui est imparti, cela permettrait d’avoir une source d’informations sûre à portée de main, consultable à tout moment et qui contient beaucoup plus d’informations qu’un trop court amphi d’1h30.
De plus, rendre accessible ces supports de cours à tous les étudiants, même ceux n’ayant pas suivi le cours en question, permettrait à chacun d’avoir une base de connaissances rédigée de manière pédagogique à disposition, ce qui pourrait se révéler fort utile.
Nous savons que certains enseignants sont opposés au partage des supports de cours. L’argument évoqué est qu’un support de cours ne peut s’interpréter sans le cours lui-même. Cela est vrai dans la mesure où le support de cours consiste seulement en un support de présentation mais la situation est différente s’il s’agit d’un cours tapé et rédigé.
Que penser de tout cela ?
Nous savons que "certains enseignants sont opposés au partage du support de cours"... Oui, mais j'ai un peu peur de cette phrase qui en réalité n'ont pas beaucoup d'intérêt, car si certains enseignants sont opposés au partage de supports de cours, c'est qu'ils ont des raison de le faire. Pourquoi ne pourrions-nous leur demander leurs raisons ? Après tout, puisque les jeunes collègues veulent des discussions avec les collègues plus âgés, pourquoi ne les ont-ils pas ?
Ensuite, si les raisons des jeunes collègues sont bonnes, pourquoi ne pas intervenir de façon institutionnelle non pas personnelle, comme le veut la réglementation ou un minimum le règlement intérieur ?
Et si les raisons des jeunes collègues sont mauvaises, alors je ne doute pas que les collègues plus âgés changeront leurs pratiques !
Bien sûr, on m'a déjà signalé le cas de professeurs qui ont puni -par l'évaluation- des étudiants qui se seraient plaints... Mais est-ce vrai ?
Et ceux qui ont eu des mauvaises notes aux évaluations méritaient-ils vraiment des notes meilleures ? Par expérience, j'ai souvent observé que les revendications des jeunes collègues étaient inversement proportionnelles à leur sens de l'effort, à leur opiniâtreté dans les études. Plus précisément, mes propres cours n'ont pour l'instant été mal évalués que par les jeunes collègues les plus médiocres (et le mot est faible).
Bien sûr, ce n'est pas une règle générale, et l'on voit aussi, parfois, des jeunes collègues remarquables, soucieux du bien collectif, discuter leur formation (et cela est à encourager absolument, parce qu'il en va alors d'une co-construction des études)
Quant aux raisons de ne pas partager les supports de cours, je n'en vois pas. Parfois, des collègues ont évoqué l'emploi d'images qui ne sont pas libres de droits, mais cet argument me semble mauvais : nous n'utilisons pas ces documents à des fins commerciales, et, de toute façon, nous nous devons de montrer l'exemple en citant nos sources, non ? Et puis, n'y a-t-il pas la possibilité de remplacer des images qui ne sont pas libres de droit par des images libres de droit ? Ou ne pouvons-nous pas, si cela se présente, redessiner des images ?
Bref, je ne comprends pas les raisons qui seraient données par des professeurs, d'une part, et, d'autre part, je ne vois pas pourquoi les étudiants ne pourraient pas non plus exprimer leur incompréhension.
Quant à faire des cours professé qui ne se suffisent pas à eux-mêmes, mes billets par ailleurs, dans cette ligne de textes consacrés à la rénovation des études supérieures, montrent la raison.
D'autant qu'il suffit alors de prévenir que le cours professé ne se suffit pas par lui-même et qu'il doit être assorti d'un travail d'approfondissement, n'est-ce pas ?
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 22 août 2019
mercredi 21 août 2019
Les humanités dans la formation des ingénieurs
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dasn ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
De jeunes collègues discutent leur formation, et font des propositions :
Un autre point intéressant serait de discuter de la place de l’enseignement de humanités. Nous avons déjà un module d’éthique (très intéressant par ailleurs) mais peut-être serait-il judicieux de proposer d’autres enseignements (de littérature ou de philosophie), en tronc commun ou en cours à choix, pour diversifier nos compétences, améliorer nos capacités de synthèse et d’expression écrite/orale mais aussi et surtout pour donner du sens à nos actions et à nos vocations de futurs ingénieurs.
Dans nos discussions avec les jeunes collègues, ces derniers réclament une formation en terme d'humanités. De quoi s'agit-il ? De culture ? De philosophie ? De littérature ? Je propose de faire un peu plus que de rester à ce flou : dépassons ce simple "humanités" qui fait chic parce qu'il a plus de trois syllabes.
J'observe tout d'abord que la formation (et la sélection !) des intellectuels des siècles précédents impliquait du latin et du grec, par exemple, de la rhétorique, de l'éloquence... Pourquoi pas, mais je vois aussi que les ponts ne tiendront pas par l'opération du Saint Esprit ni par la seule vertu de la rhétorique, et que les calculs de résistance des matériaux s'imposent absolument. De même pour des médicaments : sans la chimie des principes actifs ou une galénique solidement étayée par de la physique-chimie, on ne fait rien. Sauf peut-être de la finance. Ou du management. Mais un Institut des sciences et technologies du vivant de l'environnement n'est pas université de finance ou de management. Ou alors il serait bon de changer le nom. Et si les étudiants veulent faire carrière dans ces champs, autant qu'ils aillent à Sciences-Po, par exemple. Cela étant un ingénieur et une personne qui communique avec des clients, une équipe, une large points de suspension et on Inversement, je suis l'un des premiers à revendiquer que des ingénieurs aient une solide formation en communication : écrite, orale ou non verbale. Mais ces formations s'ajoutent au socle de base technique, technologique et scientifique, et il y aura nécessairement une question de dosage et de choix.
Et puis, au fond, si un étudiant veut étudier l'éloquence, qu'il le fasse ! Après tout, l'institution n'est pas une "institution providence", et chacun doit d'abord contribuer, de façon non consumériste.
Bref, ce n'est pas le rôle des institutions de formation d'aller border les étudiants dans leur lit. Ces derniers doivent avoir des initiatives.
Mais quoi qu'il arrive le socle reste le socle et toutes nos discussions ne pourront rien changer.
mardi 20 août 2019
La superficialité des enseignements ?
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Parmi les critiques que font de jeunes collègues à leur institution de formation, je lis :
Ensuite, les cours traitent souvent un sujet très large qui ne peut qu’être abordé de façon superficielle dans le temps imparti. De plus cela permettrait de gommer l'impression de superficialité des enseignements reçus.
Je ne reviens pas sur la question de la superficialité des enseignements, parce que j'ai déjà excessivement (quoi que...) dit que les jeunes collègues ne doivent pas être en situation de recevoir des enseignements, mais, au contraire, ils doivent étudier, pour obtenir des connaisances, des compétences, des savoir-faire, des savoir vivre, des savoir être. S'ils jugent l'"enseignement" superficiel, c'est qu'ils font un travail superficiel.
Mais, comme je l'ai déjà dit (on a admiré la prétérition ?) ,j'arrive à la phrase qui dit qu'il n'est pas possible pour le professeur de traiter tout le poly dans le temps qui lui est imparti.
D'abord, qui a demandé que les professeurs traitent les polys dans les temps impartis ? Les professeurs qui savent qu'ils ne donnent que de l'enthousiasme ou du cadrage des sujets (une sorte de cartographie) n'auront sans doute pas cette prétention, mais leur compétence, en l'occurrence, est de savoir quoi proposer raisonnablement à de jeunes collègues. Ainsi il serait sans doute inconséquent de prendre un étudiant de Terminale et lui dire que sa tâche consiste à maîtriser la mécanique quantique. Inconcevable, impossible, insensé, car d'ailleurs, que signifie maîtriser ?
Face à cette question, les institutions de formation ont répondu par des référentiels, c'est-à-dire des liste de compétences et de connaissances exigibles par de jeunes collègues prétendants à un diplôme donné.
Mais une idée parasite ce soliloque que je fais : au fond, à quoi bon aller dans une école, dans une université ? Des cours sur n'importe quel sujet étant aujourd'hui en ligne, ne pouvons-nous pas travailler seuls, pour voir les compétences et les connaissances que l'on trouve dans les référentiels ? C'est même à s'étonner que les jeunes collègues aient besoin d'aller dans des écoles, dans des universités, car puisque les cours complètement écrits sont en ligne par centaines pour à peu près n'importe quel sujet, puisque les scientifiques publient les résultats de leurs recherches de façon parfaitement accessible, pourquoi de jeunes collègues aurait-il besoin de passer par des dispositifs institutionnels pour obtenir des connaissances et des compétences ? La réponse est connue : il y a la certification, les diplômes.
On n'a rien sans rien : il me semble difficilement concevable que ces derniers soit attribués sans un chemin parcouru, et, d'autre part, des études effectuées par les élèves qui conduisent à la maîtrise des connaissances et des compétences indiquées dans les référentiels. Même dans les grandes écoles d'ingénieurs pour lesquelles on a passé un concours : cela n'est pas pour la vie, passons vite à autre chose.
Je ne parle pas des savoir vivre des savoir être, des savoir faire qui sont des choses essentielles que l'on obtient par la fréquentation des belles personnes que peuvent être certains professeurs admirables.
Parmi les critiques que font de jeunes collègues à leur institution de formation, je lis :
Ensuite, les cours traitent souvent un sujet très large qui ne peut qu’être abordé de façon superficielle dans le temps imparti. De plus cela permettrait de gommer l'impression de superficialité des enseignements reçus.
Je ne reviens pas sur la question de la superficialité des enseignements, parce que j'ai déjà excessivement (quoi que...) dit que les jeunes collègues ne doivent pas être en situation de recevoir des enseignements, mais, au contraire, ils doivent étudier, pour obtenir des connaisances, des compétences, des savoir-faire, des savoir vivre, des savoir être. S'ils jugent l'"enseignement" superficiel, c'est qu'ils font un travail superficiel.
Mais, comme je l'ai déjà dit (on a admiré la prétérition ?) ,j'arrive à la phrase qui dit qu'il n'est pas possible pour le professeur de traiter tout le poly dans le temps qui lui est imparti.
D'abord, qui a demandé que les professeurs traitent les polys dans les temps impartis ? Les professeurs qui savent qu'ils ne donnent que de l'enthousiasme ou du cadrage des sujets (une sorte de cartographie) n'auront sans doute pas cette prétention, mais leur compétence, en l'occurrence, est de savoir quoi proposer raisonnablement à de jeunes collègues. Ainsi il serait sans doute inconséquent de prendre un étudiant de Terminale et lui dire que sa tâche consiste à maîtriser la mécanique quantique. Inconcevable, impossible, insensé, car d'ailleurs, que signifie maîtriser ?
Face à cette question, les institutions de formation ont répondu par des référentiels, c'est-à-dire des liste de compétences et de connaissances exigibles par de jeunes collègues prétendants à un diplôme donné.
Mais une idée parasite ce soliloque que je fais : au fond, à quoi bon aller dans une école, dans une université ? Des cours sur n'importe quel sujet étant aujourd'hui en ligne, ne pouvons-nous pas travailler seuls, pour voir les compétences et les connaissances que l'on trouve dans les référentiels ? C'est même à s'étonner que les jeunes collègues aient besoin d'aller dans des écoles, dans des universités, car puisque les cours complètement écrits sont en ligne par centaines pour à peu près n'importe quel sujet, puisque les scientifiques publient les résultats de leurs recherches de façon parfaitement accessible, pourquoi de jeunes collègues aurait-il besoin de passer par des dispositifs institutionnels pour obtenir des connaissances et des compétences ? La réponse est connue : il y a la certification, les diplômes.
On n'a rien sans rien : il me semble difficilement concevable que ces derniers soit attribués sans un chemin parcouru, et, d'autre part, des études effectuées par les élèves qui conduisent à la maîtrise des connaissances et des compétences indiquées dans les référentiels. Même dans les grandes écoles d'ingénieurs pour lesquelles on a passé un concours : cela n'est pas pour la vie, passons vite à autre chose.
Je ne parle pas des savoir vivre des savoir être, des savoir faire qui sont des choses essentielles que l'on obtient par la fréquentation des belles personnes que peuvent être certains professeurs admirables.
lundi 19 août 2019
La question de la physique et de la chimie
Une ancienne signature automatique de mes courriels comportait un « vive la chimie », et c'était un cri d'enfant, pas analysé.
Puis il y eut un « vive la chimie physique », qui s'assortissait d'un lien intitulé « c'est bien lent ». Je ne sais pas (en réalité, je le sais ; il n'y a donc là qu'une façon de parler) si j'ai été bien lent à bien comprendre le statut de la chimie physique, et sa différence avec la chimie, mais je sais que je ne supporte plus d'avoir un commentaire si négatif sous les yeux. Il nous faut quelque chose de positif, de clairement enthousiasmant, sans réserve.
Je reprends donc les faits, sans hésitation, cette fois :
1. La chimie est, a toujours été une exploration des phénomènes que l'on peut découvrir lorsque l'on analyse les transformations moléculaire ; c'est donc une activité scientifique, et pas une activité technique.
2. A l'appui de cette étude scientifique, il y a des productions de composés nouveaux, c'est-à-dire des activités littéralement "techniques"... mais on n'oublie pas que, quand on allume la lumière dans une pièce, on fait aussi un geste technique, sans que cela change la nature du travail qui est fait dans la pièce ; autrement dit, oui, il faut de la technique pour faire de la science, mais cela n'est pas essentiel pour déterminer la nature de la chimie, qui reste donc une science.
3. Les sciences de la nature sont nommées « physique », puisque physis désigne la nature (il y a des tas de distinguo subtils, mais restons simples, pour commencer).
4. De ce fait, la science qui étudie les réarrangements d'atomes est bien une science physique, mais celle qui étudie les modifications des assemblages d'atomes doit être spécifiée, par rapport à la physique des fluides ou des plasmas, par exemple. Ce nom est "chimie" !
5. De sorte que je suis habilité à revenir à ma clameur d'enfant enthousiaste : vive la chimie !
dimanche 18 août 2019
L'évaluation des compétences
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
A propos d'évaluation, de jeunes collègues revendiquent de l'innovation, et, notamment, l'évaluation sur des cas concrets. Une bonne proposition ? Pas certain, car avant d'avoir fait le compliqué, il faut manifestement savoir-faire le simple.
Je reste donc dubitatif à propos d'une remarque de jeune collègue qui revendiquent que les évaluations de leur formation soient "innovantes". Dans une formation, il y a des connaissances, des compétences, des savoir-faire, des savoir-vivre, des savoir-être... De quoi s'agit-il ?
Une connaissance est une connaissance. Par exemple savoir l'existence de l'entropie est une connaissance utile pour la physico-chimie. Mais savoir seulement l'existence de l'entropie est une connaissance bien superficielle. On peut avoir plus de connaissance en sachant que l'entropie est égale à une forme différentielle, selon la thermodynamique classique, ou bien qu'elle est proportionnelle au logarithme du nombre de configurations microscopiques, en thermodynamique statistique. Avec ces nouvelles connaissances, on a bien avancé pour plusieurs raisons, mais notamment parce que l'on n'a pas seulement plaqué un mot, mais mis une idée, une connaissance, en relation avec d'autres : des potentiels thermodynamique dans un cas, ou la notion de configuration microscopique dans l'autre.
Une connaissance n'est pas une compétence. Une compétence, en l'occurrence, cela voudrait dire que l'on sait calculer l'entropie dans des cas pratiques, par une formule ou par l'autre. Parfois, cela n'est pas difficile, mais parfois ça l'est beaucoup, et cela fait toute la différence entre des compétences superficielles et des compétences plus profondes.
Restons-en ici, pour les besoins de l'analyse, aux connaissances et aux compétences, sans évoquer les savoir-vivre, savoir-faire savoir-être qui mériteraient un autre billet. On comprend, sur notre exemple, qu'il peut y avoir une profondeur de l'évaluation, qui va de pair avec la profondeur des connaissances.
Une évaluation devrait commencer par une évaluation simple et aller de plus en plus loin à mesure que l'on demande de plus en plus de connaissances.
Pour les compétences, il en va de même, et cette fois, le chemin d'évaluation suit celui de la complexité des problèmes où une connaissance est mise en œuvre.
Et c'est ainsi qu'il est bien légitime de proposer d'abord des exercices, avant de proposer des problèmes... et avant de proposer des cas pratiques réels, où toute la complexité du monde tombe sur le dos de l'étudiant.
Innover en matière d'évaluation ? Je veux bien, mais j'ai vraiment besoin des lumières de nos amis pour savoir comment : que proposent-ils pour que l'institution de formation qui délivre des diplômes, c'est-à-dire des certifications de connaissances et de compétences, puisse s'assurer que des connaissances et des compétences sont obtenues ?
Au fond, pour les questions difficiles, je me demande si la charge de la preuve ne revient pas à ceux qui font des propositions très difficiles et, en conséquence, je me retourne vers mes collègues plus jeune : que proposez-vous exactement, concrètement, et comment votre proposition correspond telle aux objectifs initiaux ?
A propos d'évaluation, de jeunes collègues revendiquent de l'innovation, et, notamment, l'évaluation sur des cas concrets. Une bonne proposition ? Pas certain, car avant d'avoir fait le compliqué, il faut manifestement savoir-faire le simple.
Je reste donc dubitatif à propos d'une remarque de jeune collègue qui revendiquent que les évaluations de leur formation soient "innovantes". Dans une formation, il y a des connaissances, des compétences, des savoir-faire, des savoir-vivre, des savoir-être... De quoi s'agit-il ?
Une connaissance est une connaissance. Par exemple savoir l'existence de l'entropie est une connaissance utile pour la physico-chimie. Mais savoir seulement l'existence de l'entropie est une connaissance bien superficielle. On peut avoir plus de connaissance en sachant que l'entropie est égale à une forme différentielle, selon la thermodynamique classique, ou bien qu'elle est proportionnelle au logarithme du nombre de configurations microscopiques, en thermodynamique statistique. Avec ces nouvelles connaissances, on a bien avancé pour plusieurs raisons, mais notamment parce que l'on n'a pas seulement plaqué un mot, mais mis une idée, une connaissance, en relation avec d'autres : des potentiels thermodynamique dans un cas, ou la notion de configuration microscopique dans l'autre.
Une connaissance n'est pas une compétence. Une compétence, en l'occurrence, cela voudrait dire que l'on sait calculer l'entropie dans des cas pratiques, par une formule ou par l'autre. Parfois, cela n'est pas difficile, mais parfois ça l'est beaucoup, et cela fait toute la différence entre des compétences superficielles et des compétences plus profondes.
Restons-en ici, pour les besoins de l'analyse, aux connaissances et aux compétences, sans évoquer les savoir-vivre, savoir-faire savoir-être qui mériteraient un autre billet. On comprend, sur notre exemple, qu'il peut y avoir une profondeur de l'évaluation, qui va de pair avec la profondeur des connaissances.
Une évaluation devrait commencer par une évaluation simple et aller de plus en plus loin à mesure que l'on demande de plus en plus de connaissances.
Pour les compétences, il en va de même, et cette fois, le chemin d'évaluation suit celui de la complexité des problèmes où une connaissance est mise en œuvre.
Et c'est ainsi qu'il est bien légitime de proposer d'abord des exercices, avant de proposer des problèmes... et avant de proposer des cas pratiques réels, où toute la complexité du monde tombe sur le dos de l'étudiant.
Innover en matière d'évaluation ? Je veux bien, mais j'ai vraiment besoin des lumières de nos amis pour savoir comment : que proposent-ils pour que l'institution de formation qui délivre des diplômes, c'est-à-dire des certifications de connaissances et de compétences, puisse s'assurer que des connaissances et des compétences sont obtenues ?
Au fond, pour les questions difficiles, je me demande si la charge de la preuve ne revient pas à ceux qui font des propositions très difficiles et, en conséquence, je me retourne vers mes collègues plus jeune : que proposez-vous exactement, concrètement, et comment votre proposition correspond telle aux objectifs initiaux ?
samedi 17 août 2019
Les stages ? D'accord, pas d'accord
Pour la question des stages, je ne discute pas ici la question de la durée des stages en relation avec l'obligation légale de payer les stagiaires pour des stages de longue durée, ce que j'ai fait dans d'autres billets, et je renvoie à ce propos à des billets précédents.
En revanche, je veux revenir sur les monitions de ministère de l'Éducation nationale, où l'on trouve notamment, en substance, que les stages sont des séquences de formation qui visent à transformer les connaissances en compétences, et à donner une bonne connaissance du monde de l'industrie.
Cette description a du bon, car elle commence par observer que les stages sont des séquences de formation. Autrement dit, il doit y avoir des référents universitaires qui sont en relation constante avec l'entreprise où le stage s'effectue.
D'autre part, je suis évidemment en accord avec le principe qui propose de transformer des connaissances en compétences, mais je m'interroge quand même, car les dispositifs de formation ont précisément, dans leurs référentiels, des listes de connaissances et des listes de compétences. Dire que des compétences manquent ne revient-il pas à critiquer les institutions de formation, qui auraient dû donner ces compétences, les évaluer, et, bref, faire leur travail ? Donc je suis opposé à l'idée du ministère, de ce point de vue.
Enfin il y a la question de la durée des stages. Si l'on considère la question de la découverte de l'entreprise, j'ai l'impression que deux mois suffisent largement pour comprendre le jeu, n'est-ce pas ? Mais, d'autre part, on comprend aussi que les entreprises veulent un peu de production en échange de l'effort qu'ils font d'accueillir les stagiaires, et des stages un peu plus longs permettent, une fois que les stagiaires sont "débrouillés", que ces derniers contribuent à la production (ce qui n'est pas de la formation !).
Je dois ajouter que nous venons d'accepter des étudiants avenue d'Irlande et d'Australie : leurs stages étaient bien mieux cadrés que ceux des étudiants français qui viennent nous rejoindre : notre pays a manifestement des leçons à prendre !
vendredi 16 août 2019
Fournir de vrais cours
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Des jeunes collègues discutent la formation qu'ils reçoivent, et ils proposent :
Fournir de vrais cours tapés plutôt que des diapos imprimées pourrait être également une piste très prometteuse comme évoqué plus haut. En effet, un cours écrit permet de se replonger facilement dans le sujet même longtemps après avoir suivi le cours en question (en stage voire plus tard encore).
Je ne veux pas revenir ici sur la confusion entre le cours professé et la matière que l'on étudie. Je ne veux pas revenir non plus sur le fait qu'il est impossible de donner en cours professé la totalité de la matière et notamment, les compétences qui dépasse les connaissances. Des compétences, cela ne se donne pas en comprimé ou en perfusion !
D'abord, ces cours sont en ligne, et ils sont assez grands pour aller les trouver. D'autre part, j'ai peur que ce que demandent nos jeunes collègues ne soit un fantasme. Quoi, un seul document infuserait immédiatement connaissances, compétences, savoir faire, savoir-être, savoir-vivre, etc. ? Même le cours le plus détaillé ne fera pas cela ; même un cours qui donnerait des valeurs, des informations, des notions et des concepts, des méthodes ... ne peux pas fixer correctement -en supposant que cela soit un objectif- durablement des idées dans le cerveau de celui qui lit. Il en va de même pour des podcast audio ou vidéo, et c'est seulement l'étude qui permet, à condition par exemple d'être assortie de travaux de structuration, d'obtenir le résultat énoncé.
Ce cours complètement tapé dont on nous rebat les oreilles est en réalité un fantasme que certains agitent dans des discussions sur les études. D'ailleurs, un cours, aussi bien fait qu'il soit, ne conviendra pas à tous, car nous avons des goûts différents et tel préférera le formalisme, tand que tel autre voudra des explications beaucoup plus verbeuses...
A ce sujet, on ferait bien de méditer la réponse d'Archimède à Hiéron d'Alexandrie : il n'y a pas de voie royale !
Piste prometteuse donc ? Oui mais seulement part opposition : c'est en considérant analytiquement cette proposition que l'on nous fait que j'arrive à la conclusion qu'elle n'est pas bonne... ce qui est en réalité un progrès, un pas fait à la fois dans la discussion mais aussi dans la résolution du problème posé.
Des jeunes collègues discutent la formation qu'ils reçoivent, et ils proposent :
Fournir de vrais cours tapés plutôt que des diapos imprimées pourrait être également une piste très prometteuse comme évoqué plus haut. En effet, un cours écrit permet de se replonger facilement dans le sujet même longtemps après avoir suivi le cours en question (en stage voire plus tard encore).
Je ne veux pas revenir ici sur la confusion entre le cours professé et la matière que l'on étudie. Je ne veux pas revenir non plus sur le fait qu'il est impossible de donner en cours professé la totalité de la matière et notamment, les compétences qui dépasse les connaissances. Des compétences, cela ne se donne pas en comprimé ou en perfusion !
D'abord, ces cours sont en ligne, et ils sont assez grands pour aller les trouver. D'autre part, j'ai peur que ce que demandent nos jeunes collègues ne soit un fantasme. Quoi, un seul document infuserait immédiatement connaissances, compétences, savoir faire, savoir-être, savoir-vivre, etc. ? Même le cours le plus détaillé ne fera pas cela ; même un cours qui donnerait des valeurs, des informations, des notions et des concepts, des méthodes ... ne peux pas fixer correctement -en supposant que cela soit un objectif- durablement des idées dans le cerveau de celui qui lit. Il en va de même pour des podcast audio ou vidéo, et c'est seulement l'étude qui permet, à condition par exemple d'être assortie de travaux de structuration, d'obtenir le résultat énoncé.
Ce cours complètement tapé dont on nous rebat les oreilles est en réalité un fantasme que certains agitent dans des discussions sur les études. D'ailleurs, un cours, aussi bien fait qu'il soit, ne conviendra pas à tous, car nous avons des goûts différents et tel préférera le formalisme, tand que tel autre voudra des explications beaucoup plus verbeuses...
A ce sujet, on ferait bien de méditer la réponse d'Archimède à Hiéron d'Alexandrie : il n'y a pas de voie royale !
Piste prometteuse donc ? Oui mais seulement part opposition : c'est en considérant analytiquement cette proposition que l'on nous fait que j'arrive à la conclusion qu'elle n'est pas bonne... ce qui est en réalité un progrès, un pas fait à la fois dans la discussion mais aussi dans la résolution du problème posé.
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