Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 5 février 2016
C'est quand même étrange
On me signale une "Cité internationale de...". Internationale ? De quoi s'agit-il ? Peu avant, j'avais vu un "Centre européen de..." (il s'agissait d'un cabinet médical). Européen ? Pour un cabinet médical ? Et pourquoi pas "mondial", ou "intergalactique" ?
A me moquer, je risque de prêter le flanc à la même critique, avec notre "Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra", créé l'an dernier. Pourtant, notre centre est effectivement international, puisqu'il a un comité scientifique international, et, surtout, des conventions avec des universités étrangères, en vue d'aider au développement international de la gastronomie moléculaire. Donc, pour ce qui nous concerne, pas de mensonge : notre centre est bien "international".
Mais pour le cabinet médical ? Je voir que l'"européen" est usurpé : c'est donc soit de la prétention, soit de la fraude, soit de la négligence. Et pour la Cité internationale ? Il faudrait y voir de plus près ! Je vous invite à le faire...
dimanche 31 janvier 2016
Vraiment, pas de temps pour cela !
Ce matin, un message charmant, de lycéens qui sont venus à mon séminaire et qui ont apprécié le moment.
Très bien.
L'ennui, c'est la suite de leur message :
Je rencontre actuellement un problème certain. Suivant vos conseils, je me suis rendu (dans le cadre de mon tpe sur la gastronomie moléculaire) sur le site de moleculargastronomy, et j'ai été intéressé par la recette des "billes surprise", trouvable au lien suivant : http://www.moleculargastronomynetwork.com/193-recettes/Billes-surprise.html . Cependant, ayant bien suivi les consignes et dosages à la lettre, je n'obtiens pas le résultat voulu... Mon bain d'alginate est beaucoup plus opaque, et plus "gélifié et gélatineux" que celui utilisé dans la vidéo. De ce fait (du moins je suppose que c'est à cause de cela), je ne parviens pas a faire se gélifier l'enveloppe des billes congelées. Celles ci se couvrent d'une trop grande quantité de gel, et c'est un échec.
Très bien.
L'ennui, c'est la suite de leur message :
Je rencontre actuellement un problème certain. Suivant vos conseils, je me suis rendu (dans le cadre de mon tpe sur la gastronomie moléculaire) sur le site de moleculargastronomy, et j'ai été intéressé par la recette des "billes surprise", trouvable au lien suivant : http://www.moleculargastronomynetwork.com/193-recettes/Billes-surprise.html . Cependant, ayant bien suivi les consignes et dosages à la lettre, je n'obtiens pas le résultat voulu... Mon bain d'alginate est beaucoup plus opaque, et plus "gélifié et gélatineux" que celui utilisé dans la vidéo. De ce fait (du moins je suppose que c'est à cause de cela), je ne parviens pas a faire se gélifier l'enveloppe des billes congelées. Celles ci se couvrent d'une trop grande quantité de gel, et c'est un échec.
Comment faire ?
Là, désolé, mais je ne peux pas passer mon temps à faire le travail que les autres doivent faire. La recette donnée par ce site ne donne pas les résultats escomptés ? Il y a des dizaines de milliers (j'ai vérifié) de sites qui décrivent la chose, et j'engage donc mes amis à aller les consulter, pour apprendre par eux-mêmes à résoudre les question qu'ils se posent.
Cette question du "ask the expert" se pose partout dans l'enseignement. Oui, on peut toujours essayer de consulter... mais les "experts" y perdent leur temps, leur énergie. La réponse à donner ? La même que celle du médecin qui, dans un diner, se faisait interroger par un convives sur son état de santé : il répondait "Venez me voir en consultation".
Dans mon cas, je ne suis pas en reste, avec le blogs bien trop nombreux où je donne des indications techniques ou technologiques. Que nos jeunes amis se retroussent les manches !
vendredi 29 janvier 2016
De la mousse de yaourt ? Facile !
Des étudiants me demandent de les aider à faire une mousse de yaourt. Ils sont allés en cuisine, ont fait des essais, et ne sont arrivés à rien.
Mais, à l'analyse, ils s'y sont très mal pris... parce qu'ils n'ont que très superficiellement utilisé l'organe qu'ils ont entre les oreilles (j'espère) et, surtout, parce qu'ils manquaient de méthode : pour obtenir un tel résultat, il ne faut surtout pas aller en cuisine, mais faire un travail technologique... qui commence avec le tableau suivant :
La question posée ? Il est facile de remplir le tableau : comment faire une mousse de yaourt ?
L'analyse la question : l'objectif est donc de faire une mousse de yaourt, mais, avant de nous demander comment faire, nous aurionsintérêt à nous demander ce qu'est une mousse de yaourt, et pourquoi faire une telle mousse !
Dans mon cas, après avoir interrogé mes interlocuteurs, j'ai appris qu'un industriel leur avait posé la question... de sorte que leur répondre revenait à donner gratuitement de l'expertise à cet industriel. Pas d'accord, il n'a qu'à payer !
En réalité, on voit que je réponds... mais c'est parce que, agent de l'Etat, je veux montrer :
- aux étudiants qu'il faut de la méthode
- aux industriels, que la science est la base de l'innovation?
Et je mets l'analyse en ligne afin que les concurrents de l'industriel l'aient également.
Des mousses ? il y en a d'innombrables, avec des textures différentes, entre le blanc en neige, la crème fouettée, le sabayon, etc. Et s'il y a d'innombrables solutions, il est inutile que nous nous lancions tête baissée dans la construction d'une mousse particulière, sans savoir de précisions sur la "commande". La première chose à faire, pour un "bureau d'études" (puisque c'est bien de technologie dont il s'agit), c'est de bien demandder aux commanditaires de préciser leur commande.
Maintenant les étudiants des écoles d'ingénieur doivent savoir que le lait, le blé, le sucre, sont des fantasmes, en ce sens que le lait est d'abord fractionné, en eau, matière grasse, protéines sériques, caséines, etc., Le yaourt, de ce fait, est aujourd'hui composé à partir de ces fractions, de sorte que l'idée qui consisterait à foisonner un yaourt serait naïve, même si l'on a ajouté de la gélatine ou une des innombrables protéines foisonnantes qui sont à notre disposition. D'abord, le produit ne serait plus exactement une mousse de yaourt, mais une mousse au yaourt, ce qui nous ramène à la question de la mousse au chocolat et de la mousse de chocolat, le chocolat Chantilly, que j'ai discutée dans un autre billet.
Faire foisonner du yaourt ? Il y a dans le yaourt tout ce qui est nécessaire pour y parvenir, mais le le problème est surtout de stabiliser la mousse formée, pas de la produire, comme on s'en aperçoit en battant de l'eau pure : on voit des bulles d'air s'introduire, mais elles ne tiennent pas, alors que le blanc d'oeuf, lui, accepte également les bulles d'air, mais les ne retient, parce que les protéines viennent entourer les bulles.
Dans la crème fouettée, la matière grasse cristallise au froid, et, quand elle est en quantité suffisante, elle stabiliser la mousse. Toutefois, on peut aussi imaginer des systèmes où des composés forment un gel "chimique", bien plus stables que des gels physiques. Les possibilités sont innombrables...
La question n'est donc pas de foisonner un yaourt, mais plutôt de stabiliser la mlsuse obtenue. Quels composés du yaourt stabiliseront-ils la mousse ?
Et puis ne peut-on pas chercher à obtenir des "mousses de yaourts" à partir des fractions évoquées plus haut, mais en séparant les étapes et en prévoyant immédiatement la stabilisation ?
Supposons que nous partions du petit lait des yaourts, c'est-à-dire de l'eau et des protéines et, plus précisément, de protéines sériques, qui peuvent coaguler. Alors la mousse obtenue pourra être passé au four à micro-ondes, de sorte que l'on déclenchera la coagulation et que la mousse sera stabilisée. Une autre façon consiste à reprendre l'idée de la crème fouettée, mais avec les composés du yaourt, c'est-à-dire essentiellement l'acide lactique obtenu à partir du lactose. On oublie pas que, historiquement, le yaourt a sans doute été une découverte de nos lointains ancêtres qui, n'ayant pas les gènesdu métabolisme du lactose à l'âge adulte, étaient privés de la possibilité de consommer le lait, donc ont produit des yaourt, des fromages, etc.
Ajoutons (en vrac : on se souvient que je ne suis pas là pour répondre à la question de l'industrel qui n'a rien payé) que l'acide lactique donne un petit goût acidulé et frais, qui est intéressant, mais évidemment ce n'est pas le seul composé à faire le goût des yaourts, car la fermentation par les deux micro-organismes essentiels utilisés pour faire les yaourts conduit à une série de produits, qui sont soit solubles dans l'eau, soit solubles dans l''huile, de sorte que l'on peut récupérer les deux fractions pour les ajouter à la préparation finale. Finalement on voit que l'on pourra faire mille mousses de yaourts, avec mille consistances différentes, et mille goût différents. Rien de tout cela n'est difficile, à condition d'avoir bien analysé la chose.
Passons donc maintenant à la troisième ligne du tableau : la proposition de solution. Comme on a vu qu'une infinité de solutions étaient envisageables, nous sommes bien en peine de remplir cette ligne, sans indications supplémentaires. D'ailleurs, voici un conseil à mes jeunes amis : ne répondons pas aux questions mal posées. Au minimum, reformulons les questions pour les poser mieux, et répondons à des questions bien formulées.
Vient enfin l'évaluation de la proposition trouvée. Pour ce qui me concerne, elle est faite : j'ai dénonccé un commanditaire qui a passé une mauvaise commande, ce qui est le cas dans nombre de discussions technologiques, et, surtout, j'ai montré le bon exemple à des étudiants.
Mais il manque quand même de leur avoir signalé que la cuisine, c'est de la technique, de l'art, du lien social.
En cuisine, le "bon", c'est le beau à manger... de sorte que nos jeunes amis devraient se rapprocher d'artistes, pour leur projet. Le pire serait qu'ils s'imaginent qu'ils vont être capables de faire "un bon goût" ! En architecture, rien n'est pire que les ingénieurs qui se prennent pour des architectes : il faut des artistes pour dessiner... et les ingénieurs seront là pour rendre les dessins possibles, comme cela a été le cas pour la Philarmonie, à Paris, récemment !
Moralité : avant de nous lancer, analysons correctement, méthodiquement, les questions qui nous sont adressées, et ayons suffisamment de culture (scientifique) pour y répondre. Sans quoi, nous ferons comme les étudiants qui m'avaient interrogé, à savoir produire un travail technique qui n'aboutit même pas, et qui, au mieux, est minable gustativement. Bref, j'invite tous mes jeunes amis à utiliser le tableau précédent avec excès !
mardi 19 janvier 2016
Le nom des nouveaux éléments
Mon ami chimiste toulousain Armand Lattes lance une opération en vue de proposer aux inventeurs de nommer 1 ou 2 des 4 nouveaux éléments à partir des noms de 2 alchimistes parmi les plus connus.
Voici la proposition qu'il a envoyée à l'IUPAC :
Throughout the periodic table no element is called an alchemist! Yet the alchemists had planned (!) the transmutation, although their conception of it has no connection with reality, this idea deserve to be rewarded. I propose to carry out a survey to wish that this omission is repaired by the time 4 new items are recognized. I suggest two options: Flamellium (after Nicolas Flamel), symbol: Fa. and Paracelsium (after Paracelsus) Symbol: Pc.
My preference is to Flamellium as Nicolas Flamel claimed to have made transmutations, while Paracelsus is best known for its work in the health field (concept of active ingredient).
Je traduis :
Aucun des éléments ne porte le nom d'un alchimiste. Pourtant les alchimistes avaient envisagé la transmutation, même si leurs idées sur la chose n'avaient rien à voir avec la façon dont on est parvenu à faire des transmutations. En conséquence, il est proposé de s'interroger sur la possibilité de réparer cette omission, quatre nouveaux éléments ayant été découverts. Je propose deux options : le flamellium, du nom de Nicolas Flamel, sympole Fa, et le paracelsium, d'après Paracelse, symbole Pc.
Ma préférence va au flamellium, car Nicolas Flamel a prétendu avoir obtenu des transmutations, tandis que Paracelse est plutôt connu pour ses travaux en pharmacie (concept de principe actif).
Pour ceux qui sont intéressés par cette question : arlattes@yahoo.fr.
dimanche 17 janvier 2016
Est-ce bien de séparer les campus universitaire des villes ?
Est -il bon de déloger les campus universitaires des villes ?
Souvent, le raisonnement est le suivant : le mètre carré est coûteux, et les établissements universitaires, qui appartiennent à l'état, sont des bâtiments que l'on peut reconstruire dans des champs éloignés des centres des villes, ce qui permet de vendre les espaces récupérés à plus haut prix.
Certes, mais si l'on déloge les campus universitaires des villes, on crée une communauté du savoir, qui est séparée de la communauté civile. Une communauté du savoir séparée de la société civile ? Cela s'est déjà vu, et cela a conduit à la révolution française. Des établissements de formation séparés des entreprises ? Il y a le risque que l'enseignement soit coupé du monde professionnel pour lequel les étudiants sont formés.
D'autant qu'il faudra bien loger les étudiants et les enseignants, les nourrir (bouchers, boulangers, bistrots, épiceries...), les "entretenir" (plombiers, électriciens, laveries, teinturiers, médecins...), ce qui revient à créer, à l'extérieur des villes... des villes, autour des universités.
Et le cycle infernal reprendra, avec des villes de "vieux", sans vie étudiante, et sans possibilité pour la population générale d'aller facilement à l'université, ce qui revient à priver la population du savoir indispensable pour l'innovation.
Cela dit, la question mérite d'être replacée dans un cadre rénové par l'avènement du numérique. Par exemple, pourquoi aller en cours, quand on a sur son ordinateur de quoi travailler ? Et faut-il, encore, créer des amphithéâtres, alors que l'on peut imaginer des MOOC, qui rendront le savoir accessible au plus grand nombre ?
mardi 12 janvier 2016
Je me demande finalement si la vulgarisation ne nuit pas un peu à l'enseignement.
La question est ancienne de savoir quelle est la différence entre la vulgarisation scientifique et l'enseignement des sciences. Pour la vulgarisation, une règle communément admise (mais que je propose de questionner ici) est
...
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Vulgarisation-et-enseignement-les-relations.html
La question est ancienne de savoir quelle est la différence entre la vulgarisation scientifique et l'enseignement des sciences. Pour la vulgarisation, une règle communément admise (mais que je propose de questionner ici) est
...
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Vulgarisation-et-enseignement-les-relations.html
dimanche 10 janvier 2016
Une tribune importante dans Le Point
Tribune : il faut repenser et renforcer l'Agence nationale pour la recherche !
Huit grands scientifiques de l'Académie des sciences et du Collège de France, dont trois Prix Nobel, signent une tribune commune pour demander au gouvernement de réinvestir sans délai dans la recherche publique, au risque sinon de voir la France décrocher. Ils ont choisi Le Point.fr pour lancer leur appel.
Par Le Point.fr
Publié le
- Modifié le | Le Point.fr
La recherche fondamentale, par son originalité et sa liberté, est
génératrice des ruptures conceptuelles qui, par-delà leur valeur propre,
une fois traduites en innovations technologiques et industrielles,
assurent le succès des économies fondées sur la connaissance.
Malheureusement, le financement de cette recherche est actuellement mis
en péril par la faiblesse des crédits qui arrivent dans les
laboratoires. Cette baisse reflète les investissements insuffisants dans
les universités et les Établissements publics scientifiques et
techniques (EPST) et l'affaiblissement dramatique du budget de l'Agence
nationale pour la recherche (ANR).
Pour s'en tenir aux chiffres, depuis plus de 20 ans, les dépenses en recherche et développement (R&D) de la France plafonnent à 2,25 % du produit intérieur brut (PIB), loin de l'objectif de 3 % recommandé par l'agenda de Lisbonne de l'année 2000 et atteint, sinon dépassé, par nos principaux concurrents, dont nos amis allemands. Pour ce qui est de la recherche fondamentale, cela correspond à un déficit de l'ordre de 0,2 % du PIB, soit 4 milliards d'euros.
Les signataires de cette lettre considèrent qu'il est évidemment nécessaire que les universités et les EPST, tels le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), contribuent à une hauteur significative au financement pérenne des équipes. Ils n'en sont pas moins convaincus que le financement contractuel complémentaire, fourni par l'ANR, doit être très fortement augmenté.
Sur les dernières années, la diminution du budget de l'ANR, passé de 800 à 520 millions d'euros et la quasi-disparition des « programmes blancs » privent de financement les équipes qui s'engagent dans des travaux originaux relevant de la recherche fondamentale. À cet assèchement financier s'est ajoutée une complexification tatillonne des demandes de soutien. L'évaluation des résultats devrait être la principale contrainte, sinon la seule, en matière de financement de travaux fondamentaux.
Il est de notre responsabilité d'attirer l'attention des responsables politiques sur le fait qu'une ANR bien dotée, majoritairement orientée vers la recherche fondamentale et capable de financer au moins 20 % des projets pour une durée de 3 à 5 ans, permet de soutenir la grande majorité des équipes. Par ailleurs, et c'est là un point essentiel, une évaluation anonyme par des chercheurs pris dans la communauté internationale met à égalité les jeunes équipes et celles qui sont dirigées par des personnalités établies. On doit donc y voir un gage, non seulement de qualité, mais aussi d'équité.
La situation est donc particulièrement grave pour les jeunes chercheurs qui, après avoir été recrutés selon un processus extrêmement sélectif, se retrouvent sans crédits de recherche pour mettre en œuvre ou poursuivre de façon indépendante des travaux originaux, parfois en rupture avec l'existant, leur permettant d'accéder, ensuite ou parallèlement, à des financements compétitifs internationaux, européens tout particulièrement.
Cela conduit certains d'entre eux, de plus en plus nombreux, à se tourner vers d'autres métiers ou à programmer un départ vers des universités ou instituts étrangers. La recherche française commence à perdre les meilleurs talents des nouvelles générations, pour ne rien dire des chercheurs confirmés eux aussi atteints par le découragement face à une situation incompréhensible qui risque de nous faire perdre à court terme notre place encore éminente dans la compétition internationale.
Nous sommes conscients de la situation budgétaire de notre pays, non sans lien avec la faiblesse chronique de nos investissements en R&D, et nous comprenons qu'on ne pourra rattraper ce retard d'un seul coup. Mais nous demandons que le gouvernement programme ce redressement à moyen terme et consacre immédiatement 1 milliard d'euros supplémentaire à la recherche publique, dont au moins 500 millions à une ANR débarrassée des règlements absurdes qui lui ont été récemment imposés et réorientée majoritairement vers la recherche fondamentale. Une autre part de ce budget supplémentaire doit aller à l'embauche de chercheurs et enseignants chercheurs, plus tôt dans leur carrière, et à des salaires dignes des métiers auxquels ils se destinent.
Faute de changements courageux dans notre politique R&D, seuls quelques îlots de très haut niveau seront préservés, insuffisants pour conserver le tissu nécessaire de recherche fondamentale et pour assurer sa traduction en innovations technologiques et industrielles. Il n'y a plus un instant à perdre, il en va du maintien de notre pays parmi les nations qui comptent au niveau intellectuel, économique et politique. Pour reprendre le mot d'ordre mobilisateur de la COP21 « Plus tard, il sera trop tard ».
Signataires :
Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences
Anny Cazenave, Académie des sciences
Serge Haroche, Collège de France, Prix Nobel de physique
Édith Heard, Collège de France
Jules Hoffmann, Prix Nobel de physiologie ou médecine
Jean-Marie Lehn, Collège de France, Prix Nobel de chimie
Bernard Meunier, président de l'Académie des sciences
Alain Prochiantz, Collège de France
Pour s'en tenir aux chiffres, depuis plus de 20 ans, les dépenses en recherche et développement (R&D) de la France plafonnent à 2,25 % du produit intérieur brut (PIB), loin de l'objectif de 3 % recommandé par l'agenda de Lisbonne de l'année 2000 et atteint, sinon dépassé, par nos principaux concurrents, dont nos amis allemands. Pour ce qui est de la recherche fondamentale, cela correspond à un déficit de l'ordre de 0,2 % du PIB, soit 4 milliards d'euros.
Les signataires de cette lettre considèrent qu'il est évidemment nécessaire que les universités et les EPST, tels le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), contribuent à une hauteur significative au financement pérenne des équipes. Ils n'en sont pas moins convaincus que le financement contractuel complémentaire, fourni par l'ANR, doit être très fortement augmenté.
Sur les dernières années, la diminution du budget de l'ANR, passé de 800 à 520 millions d'euros et la quasi-disparition des « programmes blancs » privent de financement les équipes qui s'engagent dans des travaux originaux relevant de la recherche fondamentale. À cet assèchement financier s'est ajoutée une complexification tatillonne des demandes de soutien. L'évaluation des résultats devrait être la principale contrainte, sinon la seule, en matière de financement de travaux fondamentaux.
Il est de notre responsabilité d'attirer l'attention des responsables politiques sur le fait qu'une ANR bien dotée, majoritairement orientée vers la recherche fondamentale et capable de financer au moins 20 % des projets pour une durée de 3 à 5 ans, permet de soutenir la grande majorité des équipes. Par ailleurs, et c'est là un point essentiel, une évaluation anonyme par des chercheurs pris dans la communauté internationale met à égalité les jeunes équipes et celles qui sont dirigées par des personnalités établies. On doit donc y voir un gage, non seulement de qualité, mais aussi d'équité.
La situation est donc particulièrement grave pour les jeunes chercheurs qui, après avoir été recrutés selon un processus extrêmement sélectif, se retrouvent sans crédits de recherche pour mettre en œuvre ou poursuivre de façon indépendante des travaux originaux, parfois en rupture avec l'existant, leur permettant d'accéder, ensuite ou parallèlement, à des financements compétitifs internationaux, européens tout particulièrement.
Cela conduit certains d'entre eux, de plus en plus nombreux, à se tourner vers d'autres métiers ou à programmer un départ vers des universités ou instituts étrangers. La recherche française commence à perdre les meilleurs talents des nouvelles générations, pour ne rien dire des chercheurs confirmés eux aussi atteints par le découragement face à une situation incompréhensible qui risque de nous faire perdre à court terme notre place encore éminente dans la compétition internationale.
Nous sommes conscients de la situation budgétaire de notre pays, non sans lien avec la faiblesse chronique de nos investissements en R&D, et nous comprenons qu'on ne pourra rattraper ce retard d'un seul coup. Mais nous demandons que le gouvernement programme ce redressement à moyen terme et consacre immédiatement 1 milliard d'euros supplémentaire à la recherche publique, dont au moins 500 millions à une ANR débarrassée des règlements absurdes qui lui ont été récemment imposés et réorientée majoritairement vers la recherche fondamentale. Une autre part de ce budget supplémentaire doit aller à l'embauche de chercheurs et enseignants chercheurs, plus tôt dans leur carrière, et à des salaires dignes des métiers auxquels ils se destinent.
Faute de changements courageux dans notre politique R&D, seuls quelques îlots de très haut niveau seront préservés, insuffisants pour conserver le tissu nécessaire de recherche fondamentale et pour assurer sa traduction en innovations technologiques et industrielles. Il n'y a plus un instant à perdre, il en va du maintien de notre pays parmi les nations qui comptent au niveau intellectuel, économique et politique. Pour reprendre le mot d'ordre mobilisateur de la COP21 « Plus tard, il sera trop tard ».
Signataires :
Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences
Anny Cazenave, Académie des sciences
Serge Haroche, Collège de France, Prix Nobel de physique
Édith Heard, Collège de France
Jules Hoffmann, Prix Nobel de physiologie ou médecine
Jean-Marie Lehn, Collège de France, Prix Nobel de chimie
Bernard Meunier, président de l'Académie des sciences
Alain Prochiantz, Collège de France
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