Pardonnez-moi de ne jamais faire de
« tome 2 », de ne pas vouloir surfer opportunistement sur
la vague d'un succès, de ne pas faire de feuilletons...
Ayant de l'estime pour mes amis qui me
lisent, je ne me résous pas à leur livrer des textes conçus comme
des savonnettes, en série ; je vois chaque livre nouveau comme
un petit travail orfèvrerie, qui touche une fibre particulière de
nous-même.
► Calculating
and Problem Solving through Culinary Experimentation (CRC Press), ou
comment apprendre le calcul, apprendre à aimer le calcul, apprendre
à expérimenter. Un livre en anglais, plutôt universitaire.
► En
2021, un énorme livre (894 pages, 150 chapitres, des auteurs de 23
pays, 673 figure), en anglais, avec trois parties :
-
une partie « scientifique », qui explique la capillarité,
l’osmose, etc (c’est donc de la gastronomie moléculaire)
-
une partie d’applications de la gastronomie moléculaire à
l’enseignement, de l’école primaire à l’université
-
une partie d’applications de la gastronomie moléculaire à la
cuisine (essentiellement cuisine moléculaire, et, surtout, cuisine
note à note)
► Le premier de mes livres, Les
Secrets de la casserole
(Editions Pour la Science),
était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de
se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité
culinaire, dans sa composante technique.
Oui, un soufflé qui ne gonfle pas
n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a
lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la
question « comment ça marche ? », le livre est
structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que
possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin,
rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire
« justesse », « précisions », mais pas
« rigueur », car la Gourmandise s'accommode mal de
rigueur...
► Le deuxième livre, Révélations
gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma
manière) à la demande de « recettes ».
Sachant que j'ai le plus grand mépris
pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent
l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des
recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a
donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir,
et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de
recettes que de recettes proprement dites.
► Le troisième livre, La
casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant
que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le
soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge
importants : le Tour de France par deux enfants, et les
Aventures du Petit Nicolas.
Le Tour de France par deux enfants
est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les
instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps
où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les
Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage.
L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent
de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée
française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la
Lorraine, et, en faisant ainsi le Tour de France, à la recherche de
leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars
courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la
géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la
technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et,
n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des
races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes
les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le
principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas,
c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son
langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été
voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés
seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent
faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas
de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes
classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui
avaient « vécu », vibré avec mes deux héros !
Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des
métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs
enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la
connaissance n'a pas d'âge.
► Puis est venu le Traité
élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise
en livre d'une « théorie du goût » que je faisais
circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers
ou gastronomes.
Ce livre est arrivé au moment où j'ai
contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées
hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet
enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on
avait commencé à rationaliser la cuisine... en oubliant que, à
cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des
phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement
ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des
notions fausses telles que la « concentration » ou l'
« expansion » des viandes étaient invoquées lors des
examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées
introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre
de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité
élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été,
à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.
► Peu après, la revue Pour la
Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les
chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue :
« Science et gastronomie ».
Le livre, intitulé Casseroles et
éprouvettes ( Pour la Science),
fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne
définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche
les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la
préparation et de la consommation des mets.
Il
est devenu un best seller, en anglais, parce que l'acteur Keanu
Reeves a dit qu'il en était fan :
► Un de mes livres est peu connu...
parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne
croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il
s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane
Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le
livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre
limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des
lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres
gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.
► Puis est venu mon livre préféré,
La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique
(Editions Odile Jacob) :
Le premier traité d'esthétique
culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par
« esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle,
mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à
voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être
austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en
l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je
maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un
peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la
philosophie), est un livre important, utile.
► Peu après, mon amie Marie-Odile
Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »...
mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi
est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page,
de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du
monde ?
Cette fois, dans Construisons un
repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour
gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour
poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple,
pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une
construction des matières, une construction des mets, par assemblage
de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis
efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons
un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme
culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.
► Pendant l'écriture des deux
derniers livres, nous avions des rendez-vous réguliers avec mon ami
Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un
magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le
merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du
roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes
aux fourneaux (Edition Flammarion).
Un « beau livre », un gros
livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi
« allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où
l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H.
This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes
observations, les photographies de Rip Hopkins.
► Le mot « fourneaux »,
d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour
la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique
Science et gastronomie, sous le titre De la science aux
fourneaux :
Cette fois, le risque du tome 2 était
grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de
construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un
livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques
publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une
partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.
► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,
avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du
bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait
penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de
rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du
potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à
préparer La Sagesse du chimiste.
Et je me suis beaucoup amusé à écrire
un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse
personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si
belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux,
c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre
que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne
durera pas- entre la science et la technologie. La science : la
production de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes
par la méthode « scientifique ». La technologie :
amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la
science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura
jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits
chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent
d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de
l'illétrisme.
► D'ailleurs, ces idées, et bien
d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie
moléculaire N°1 : Science, technologie, technique
(culinaires), quelles relations ? (Editions Quae/Belin) :
Pour ce livre, il fallait faire bien
davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste.
L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais
offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur
son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence
entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant
d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité »,
d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui
permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des
formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de
travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de
technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans
toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de
technologie.
► Rapidement, est alors paru le Cours
de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires
(éditions Quae/Belin).
Je suis bien certain qu'aucun de mes
amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé...
parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires
(dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16
mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne
ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y
pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne
annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de
mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour
explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à
la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à
livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !
► Le
livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la
demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le
livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible
par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un
composé.
Plus
exactement, après une longue introduction très générale, et qui
dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie
technique, en considérant les divers aspects des plats
(consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…)
. En fin de livre, des recettes
► En
2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous
lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et
il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans
les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être
également intéressés.
Le
propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en
tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a
du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez
volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que
furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et
s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière,
14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de
mieux cuisiner.
►
En 2017, un roman philosophique
(un traité de la joie de vivre, transformé en roman d'amour qui
finit bien), doublé de recettes de cuisine analysées, le tout
structuré (en apparence) par une réflexion sur le terroir et la
tradition :