Michel Debost, flutiste de l'Orchestre de Paris et auteur de l'excellent livre Une simple flute écrit qu'il ne sait pas pourquoi l'air soufflé rapidement paraît froid, alors que l'air expulsé lentement de la bouche paraît chaud.
Voici l'explication.
Tout d'abord, l'air est un gaz, ce qui signifie qu'il est plein... de vide, avec quelques molécules qui se déplacent en ligne droite, rebondissant seulement quand elles se heurtent ou quand elles heurtent les parois du récipient qui les contient. La distance entre deux molécules est en moyenne d'une centaine de diamètres de molécules. Et ces molécules sont principalement des molécules de "diazote", avec deux atomes de l'élément chimique nommé azote, liés comme dans une haltère. Bien sûr, il y a aussi des molécules de dioxygène, faites de deux atomes d'oxygène. Mais bref, pour simplifier, pensons à des boules de billard qui partent dans toutes les directions de l'espace, et non pas seulement dans le plan d'un billard.
Si nous mettons un gaz dans un récipient cylindrique fermé par un piston, en posant seulement ce piston dans appuyer, il est en équilibre parce qu'il y a autant de chocs par unité de temps par les molécules enfermés dans le récipient que par les molécules de l'air qui est au-dessus du piston. Mais si nous appuyons sur le piston, nous réduisons le volume du gaz dans le cylindre, de sorte qu'il y aura plus de chocs contre le piston... et c'est cela que nous sentons en appuyant : véritablement nous luttons contre des chocs par les molécules.
A cela, il faut ajouter que les molécules n'ont pas toutes la même vitesse : il y en a de lentes et de rapides... mais plus le gaz est chaud, et plus la vitesse moyenne des molécules est grande. D'ailleurs, on mesure facilement que la pression augmente avec la température : dans l'expérience précédente, si nous chauffons le cylindre et le gaz qui s'y trouve, alors le piston remonte... parce que les molécules enfermées, plus rapides parce que plus chaudes, poussent davantage sur le piston.
Tout cela étant posé, nous pouvons maintenant expliquer l'affaire du froid et du chaud.
Observons que, dans notre système respiratoire, l'air est à la température du corps, soit environ 37 degrés. Et, quand on expulse doucement cet air, c'est bien cela que nous sentons sur la paume de la main que nous plaçons devant la bouche qui exhale doucement.
En revanche, quand on expulse l'air à grande vitesse, alors les molécules sont (dans une decription idéalisée) toutes avec la même vitesse et la même direction.
Pourquoi sent-on du froid ? Observons d'abord que, puisque la vitesse moyenne d'agitation des molécules est de l'ordre de 400 Imaginons que nous soyons un petit génie qui se déplace à cheval sur une de ces molécules. Puisque toutes les molécules vont à la même vitesse, nous ne verrions aucun mouvement des autres molécules qui nous entourent... ce qui correspond à une vitesse d'agitation nulle, donc à une "température" nulle.
Mais il y a autre chose : quand on exhale, on expulse rapidement la totalité des molécules, avec leur énergie. Mais quand on souffle un étroit filet d'air rapide, alors on sait bien que l'on en expulse une très petite quantité, donc bien moins d'énergie (on se souvient que la vitesse de l'air expulsé est bien moindre que la vitesse d'agitation aléatoire des molécules). On capte donc moins d'énergie, donc moins de chaleur... même si nos capteurs de pression sentent une pression localisée.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 21 février 2018
Ce matin, une question technique qui m'a fait un peu réfléchir longtemps... alors que la solution était évidente :
Cher Monsieur
J’essaye de faire des pâtes fraîches sans gluten et sans œuf.
J’ai déjà essayé avec de la farine de maïs blanc, farine de maïs jaune, farine de riz et de l’eau, mais il me manque un liant qui permettrait aux pâtes fraiches d’avoir une consistance identique ou approchante aux pâtes traditionnelles (avec semoule, œuf et eau). Pourriez-vous me dire si vous pensez à un liant précis ou quelques pistes ?
Le "gluten", c'est ce réseau de protéines qui se forme quand on malaxe de la farine de blé : il est dû à des protéines, et le réseau (pensons : filet) formé avec l'eau emprisonne les grains d'amidon.
A noter que l'on peut donc faire des pâtes en mélangeant du gluten (cela s'achète) avec n'importe quelle farine : blé, maïs, riz, etc.
Les oeufs, eux, sont utilisés dans les cultures où l'on ne fait pas des pâtes à partir de blé dur. Traditionnellement ce sont des ingrédients de riche, alors que les pâtes de blé dur sont des produits de populations plutôt pauves.
Mais, sans oeufs ni gluten ? Vous mettez la barre très haut : sans gluten ET sans oeufs !
Analysons que les oeufs apportent des protéines... et que le gluten est fait de protéines.
Il faut donc des protéines... que l'on trouve, par exemple, dans de la viande ou du poisson broyés. Ou quand on utilise des protéines végétales, ou des protéines sériques de lait.
Et hopla, comme on dit en Alsace
Cher Monsieur
J’essaye de faire des pâtes fraîches sans gluten et sans œuf.
J’ai déjà essayé avec de la farine de maïs blanc, farine de maïs jaune, farine de riz et de l’eau, mais il me manque un liant qui permettrait aux pâtes fraiches d’avoir une consistance identique ou approchante aux pâtes traditionnelles (avec semoule, œuf et eau). Pourriez-vous me dire si vous pensez à un liant précis ou quelques pistes ?
Le "gluten", c'est ce réseau de protéines qui se forme quand on malaxe de la farine de blé : il est dû à des protéines, et le réseau (pensons : filet) formé avec l'eau emprisonne les grains d'amidon.
A noter que l'on peut donc faire des pâtes en mélangeant du gluten (cela s'achète) avec n'importe quelle farine : blé, maïs, riz, etc.
Les oeufs, eux, sont utilisés dans les cultures où l'on ne fait pas des pâtes à partir de blé dur. Traditionnellement ce sont des ingrédients de riche, alors que les pâtes de blé dur sont des produits de populations plutôt pauves.
Mais, sans oeufs ni gluten ? Vous mettez la barre très haut : sans gluten ET sans oeufs !
Analysons que les oeufs apportent des protéines... et que le gluten est fait de protéines.
Il faut donc des protéines... que l'on trouve, par exemple, dans de la viande ou du poisson broyés. Ou quand on utilise des protéines végétales, ou des protéines sériques de lait.
Et hopla, comme on dit en Alsace
vendredi 16 février 2018
Pourquoi la cuisson d'un poulet est-elle si longue ?
Oui, pourquoi la cuisson d'un poulet au four est-elle si longue ?
Avec un rôtissage classique, dans un four à 180 ou 200 degrés, la cuisson dure environ une heure. Pourquoi est-ce si long, alors que la température est si élevée ? A cette question, il y a une réponse concise, que nous allons développer.
La réponse concise est la suivante :
- dans un four, les transferts de chaleur se font d'un gaz vers un solide ;
- dans la chair, la chaleur pénètre par conduction ;
- et l'évaporation de l'eau des couches superficielles consomme une énergie considérable, qui ralentit les transferts.
Expliquons maintenant ces trois phénomènes.
Pour le premier, on peut commencer par comparer l'entrée dans un sauna très chaud à l'immersion d'un doigt dans un verre d'eau très chaude. Alors que l'on peut facilement entrer dans un sauna, on expose très difficilement notre corps à un liquide très chaud. En effet, les transferts de chaleurs d'un liquide à un solide sont beaucoup plus efficaces que d'un gaz à un solide. Pourquoi ? Parce que les transferts de chaleur correspondent au fait que les molécules du liquide ou du gaz heurtent les molécules du solide et leur communiquent de l'énergie de mouvement : dans le choc, les molécules heurtées prennent des vitesses analogues à celles des molécules heurtantes, comme on le voit bien quand une bille de billart choque une bille immobile. Or la chaleur c'est cela : du mouvement des molécules : plus un corps est chaud, plus ses molécules sont en mouvement rapide. Une telle phrase n'est pas absolument suffisante, car on sait bien que quand on souffle de l'air contre notre main, on sent plutôt du froid. En effet, la chaleur, c'est plus précisément le mouvement désordonné des molécules, et non pas le mouvement ordonné des molécules, comme dans un souffle, où elles sont toutes dans la même direction.
Dans un gaz ou dans un liquide chaud, il y a donc cette énergie de mouvement des molécules, qui va se communiquer aux molécules du solide. Toutefois un liquide est bien plus dense qu'un gaz, ce qui signifie qu'il y a beaucoup plus de chocs dans le cas du contact liquide-solide que dans le cas du contact gaz-solide. De sorte que le transfert de chaleur est bien plus efficace à partir d'un liquide que d'un gaz.
Les transferts de chaleur par conduction, maintenant ? C'est en réalité ce que nous venons d'évoquer : des molécules d'un échantillon de matière heurtent des molécules d'un autre échantillon de matière, et la vitesse de ces dernières augmente. On comprend qu'un tel transfert soit lent, car si la surface est chauffée, les molécules de la surface vont ensuite heurter les molécules plus à l'intérieur de la viande, et les molécules de l'intérieur vont chauffer des molécules plus à l'intérieur encore, toujours par ce mécanisme d'augmentation des vitesses à l'occasion des chocs, jusqu'au coeur de la viande. Cela est lent.
Plus exactement, cela est lent pour les matériaux qui sont mauvais conducteurs de la chaleur, mais rapide pour les matériaux bons conducteurs. Ainsi, quand on met une cuiller en métal dans de l'eau liquide, on se brûle rapidement, alors que l'on peut tenir pendant très longtemps une cuiller en bois. Le métal est bon conducteur, contrairement au bois… et à la viande, qui est majoritairement faite d'eau. Pourquoi ces différences de conductivité thermique selon les matériaux ? Ce serait un peu long à expliquer ici, de sorte que je propose que nous en arrivions au troisième élément que nous devons présenter.
Il s'agit de se focaliser maintenant sur ce que l'on nomme la chaleur latente d’évaporation de l'eau : c'est la quantité de chaleur qui est nécessaire pour transformer de l'eau liquide en eau à l'état gazeux, en vapeur. Même quand la température de l'eau est de 100 degrés, il faut une énergie considérable pour la faire passer de l'état liquide à l'état gazeux. En effet, le fait que l'eau soit liquide correspond à l'existence de forces puissantes entre les molécules d'eau. Pour faire passer l'eau à l'état gazeux, il faut apporter une énergie supérieure à l'énergie de ces liaisons, et l'on s'aperçoit facilement que cette énergie est considérable quand on examine une simple casserole d'eau que l'on fait bouillir. Partant d'une température ambiante d'environ 20 degrés, on voit la chaleur du feu augmenter progressivement la température de l’eau, jusqu'à ce que l'on atteigne 100 degés ; mais là, il faut tant d'énergie pour rompre les liaisons entre les molécules d'eau que, tant qu'il y a de l'eau liquide, la température n'augmente plus, et reste à 100 degrés.
On voit donc que cette question de vaincre les forces entre les molécules d'eau liquide est fondamentale, et ce mécanisme se retrouve dans le poulet qui rôtit : l'air chaud qui environne le poulet transfère donc de l'énergie à la chair. La température de cette dernière augmente progressivement jusqu'à atteindre 100 degrés. Mais nous avons dit que les aliments sont majoritairement faits d'eau, et notamment la viande qui en contient environ 75 pour cent, de sorte que la température dans un poulet sera toujours limitée à 100 degrés tant qu'il y a aura de l'eau dans la chair. Or le poulet qui cuit comporte deux parties : le centre et la croûte. La croûte, c'est cette partie où toute l'eau de la viande a été évaporée, de sorte que la température a pu dépasser 100 degrés. La croûte est très mince. On le voit mieux sur un pain, un gâteau ou un soufflé, où après une heure de cuisson, il n'y a qu'un ou deux millimètres de croûte. Si l'on avait mis un thermomètre dans le pain, gâteau ou soufflé, on aurait vu que la température restait partout inférieure à 100 degrés, sauf à atteindre la croûte, où, à l'extérieur de cette dernière la température est celle du four, tandis qu'elle est exactement de 100 degrés pour la couche interne.
Or avec une différence de température de 100 degrés, à l'intérieur de la croûte, et de 20 degrés, au coeur du poulet, le transfert de chaleur est lent. Bref ce mécanisme d'évaporation de l'eau réduit les transferts de chaleur.
Mieux qu'au four !
Finalement, avec ces divers phénomènes, on voit que le rôtissage classique n'est pas un procédé très efficace, et l'on comprend pourquoi l'emploi de micro-ondes, qui viennent déposer l'énergie à coeur des aliments, permet des cuissons bien plus rapides. Il manquerait la croûte ? Qu'est-ce qui nous empêche de cuire d'abord par micro-ondes, puis de faire cette croûte, avec un chalumeau, ou une résistance électrique ?
Cela, c'est pour les gens pressés, mais il y a une autre solution pour des cuisiniers pas pressés mais qui veulent faire du très bon : c'est la basse température qui a l'avantage de conserver des chairs très tendres et juteuses. Si l'on place un poulet dans un four ou dans un liquide à 70 degrés environ, les micro-organismes sont tués et les chairs coagulent, cuisent, mais sans se contracter excessivement, de sorte qu'elles conservent leur eau, leur jutosité, et en conséquence la tendreté de la viande. Le phénomène est le même que pour des œufs que j'avais fautivement nommés « parfaits » quand je les avais inventés il y a plusieurs décennies, mais ce serait trop long d'expliquer cela, et je renvoie vers des billets.
Avec un poulet cuit à basse température, on a donc une chair très tendre, juteuse, mais là encore, il manque la croûte. Qu'à cela ne tienne : l'emploi pendant quelques dizaines de secondes d'un chalumeau ou d'un pistolet décape peinture permet d'obtenir cette dernière, et c'est ainsi que l'on évitera avec bonheur les volailles sèches que l'on nous a trop souvent infligées à Noël. Avec la compréhension des phénomènes, nous cuisons enfin des volailles merveilleuses !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Avec un rôtissage classique, dans un four à 180 ou 200 degrés, la cuisson dure environ une heure. Pourquoi est-ce si long, alors que la température est si élevée ? A cette question, il y a une réponse concise, que nous allons développer.
La réponse concise est la suivante :
- dans un four, les transferts de chaleur se font d'un gaz vers un solide ;
- dans la chair, la chaleur pénètre par conduction ;
- et l'évaporation de l'eau des couches superficielles consomme une énergie considérable, qui ralentit les transferts.
Expliquons maintenant ces trois phénomènes.
Pour le premier, on peut commencer par comparer l'entrée dans un sauna très chaud à l'immersion d'un doigt dans un verre d'eau très chaude. Alors que l'on peut facilement entrer dans un sauna, on expose très difficilement notre corps à un liquide très chaud. En effet, les transferts de chaleurs d'un liquide à un solide sont beaucoup plus efficaces que d'un gaz à un solide. Pourquoi ? Parce que les transferts de chaleur correspondent au fait que les molécules du liquide ou du gaz heurtent les molécules du solide et leur communiquent de l'énergie de mouvement : dans le choc, les molécules heurtées prennent des vitesses analogues à celles des molécules heurtantes, comme on le voit bien quand une bille de billart choque une bille immobile. Or la chaleur c'est cela : du mouvement des molécules : plus un corps est chaud, plus ses molécules sont en mouvement rapide. Une telle phrase n'est pas absolument suffisante, car on sait bien que quand on souffle de l'air contre notre main, on sent plutôt du froid. En effet, la chaleur, c'est plus précisément le mouvement désordonné des molécules, et non pas le mouvement ordonné des molécules, comme dans un souffle, où elles sont toutes dans la même direction.
Dans un gaz ou dans un liquide chaud, il y a donc cette énergie de mouvement des molécules, qui va se communiquer aux molécules du solide. Toutefois un liquide est bien plus dense qu'un gaz, ce qui signifie qu'il y a beaucoup plus de chocs dans le cas du contact liquide-solide que dans le cas du contact gaz-solide. De sorte que le transfert de chaleur est bien plus efficace à partir d'un liquide que d'un gaz.
Les transferts de chaleur par conduction, maintenant ? C'est en réalité ce que nous venons d'évoquer : des molécules d'un échantillon de matière heurtent des molécules d'un autre échantillon de matière, et la vitesse de ces dernières augmente. On comprend qu'un tel transfert soit lent, car si la surface est chauffée, les molécules de la surface vont ensuite heurter les molécules plus à l'intérieur de la viande, et les molécules de l'intérieur vont chauffer des molécules plus à l'intérieur encore, toujours par ce mécanisme d'augmentation des vitesses à l'occasion des chocs, jusqu'au coeur de la viande. Cela est lent.
Plus exactement, cela est lent pour les matériaux qui sont mauvais conducteurs de la chaleur, mais rapide pour les matériaux bons conducteurs. Ainsi, quand on met une cuiller en métal dans de l'eau liquide, on se brûle rapidement, alors que l'on peut tenir pendant très longtemps une cuiller en bois. Le métal est bon conducteur, contrairement au bois… et à la viande, qui est majoritairement faite d'eau. Pourquoi ces différences de conductivité thermique selon les matériaux ? Ce serait un peu long à expliquer ici, de sorte que je propose que nous en arrivions au troisième élément que nous devons présenter.
Il s'agit de se focaliser maintenant sur ce que l'on nomme la chaleur latente d’évaporation de l'eau : c'est la quantité de chaleur qui est nécessaire pour transformer de l'eau liquide en eau à l'état gazeux, en vapeur. Même quand la température de l'eau est de 100 degrés, il faut une énergie considérable pour la faire passer de l'état liquide à l'état gazeux. En effet, le fait que l'eau soit liquide correspond à l'existence de forces puissantes entre les molécules d'eau. Pour faire passer l'eau à l'état gazeux, il faut apporter une énergie supérieure à l'énergie de ces liaisons, et l'on s'aperçoit facilement que cette énergie est considérable quand on examine une simple casserole d'eau que l'on fait bouillir. Partant d'une température ambiante d'environ 20 degrés, on voit la chaleur du feu augmenter progressivement la température de l’eau, jusqu'à ce que l'on atteigne 100 degés ; mais là, il faut tant d'énergie pour rompre les liaisons entre les molécules d'eau que, tant qu'il y a de l'eau liquide, la température n'augmente plus, et reste à 100 degrés.
On voit donc que cette question de vaincre les forces entre les molécules d'eau liquide est fondamentale, et ce mécanisme se retrouve dans le poulet qui rôtit : l'air chaud qui environne le poulet transfère donc de l'énergie à la chair. La température de cette dernière augmente progressivement jusqu'à atteindre 100 degrés. Mais nous avons dit que les aliments sont majoritairement faits d'eau, et notamment la viande qui en contient environ 75 pour cent, de sorte que la température dans un poulet sera toujours limitée à 100 degrés tant qu'il y a aura de l'eau dans la chair. Or le poulet qui cuit comporte deux parties : le centre et la croûte. La croûte, c'est cette partie où toute l'eau de la viande a été évaporée, de sorte que la température a pu dépasser 100 degrés. La croûte est très mince. On le voit mieux sur un pain, un gâteau ou un soufflé, où après une heure de cuisson, il n'y a qu'un ou deux millimètres de croûte. Si l'on avait mis un thermomètre dans le pain, gâteau ou soufflé, on aurait vu que la température restait partout inférieure à 100 degrés, sauf à atteindre la croûte, où, à l'extérieur de cette dernière la température est celle du four, tandis qu'elle est exactement de 100 degrés pour la couche interne.
Or avec une différence de température de 100 degrés, à l'intérieur de la croûte, et de 20 degrés, au coeur du poulet, le transfert de chaleur est lent. Bref ce mécanisme d'évaporation de l'eau réduit les transferts de chaleur.
Mieux qu'au four !
Finalement, avec ces divers phénomènes, on voit que le rôtissage classique n'est pas un procédé très efficace, et l'on comprend pourquoi l'emploi de micro-ondes, qui viennent déposer l'énergie à coeur des aliments, permet des cuissons bien plus rapides. Il manquerait la croûte ? Qu'est-ce qui nous empêche de cuire d'abord par micro-ondes, puis de faire cette croûte, avec un chalumeau, ou une résistance électrique ?
Cela, c'est pour les gens pressés, mais il y a une autre solution pour des cuisiniers pas pressés mais qui veulent faire du très bon : c'est la basse température qui a l'avantage de conserver des chairs très tendres et juteuses. Si l'on place un poulet dans un four ou dans un liquide à 70 degrés environ, les micro-organismes sont tués et les chairs coagulent, cuisent, mais sans se contracter excessivement, de sorte qu'elles conservent leur eau, leur jutosité, et en conséquence la tendreté de la viande. Le phénomène est le même que pour des œufs que j'avais fautivement nommés « parfaits » quand je les avais inventés il y a plusieurs décennies, mais ce serait trop long d'expliquer cela, et je renvoie vers des billets.
Avec un poulet cuit à basse température, on a donc une chair très tendre, juteuse, mais là encore, il manque la croûte. Qu'à cela ne tienne : l'emploi pendant quelques dizaines de secondes d'un chalumeau ou d'un pistolet décape peinture permet d'obtenir cette dernière, et c'est ainsi que l'on évitera avec bonheur les volailles sèches que l'on nous a trop souvent infligées à Noël. Avec la compréhension des phénomènes, nous cuisons enfin des volailles merveilleuses !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
mercredi 14 février 2018
Il n'y a pas de "gélatine végétale" (horreur), mais des gélifiants végétaux ou d'algues
Ces temps-ci, on voit apparaître le terme fautif de "gélatine
végétale". J'invite mes amis à ne pas l'utiliser, sous peine de paraître
bien ignorants... et de se condamner à l'échec technique.
Au fond, je fais un peu la fine bouche, car la popularisation de cette expression "gélatine végétale" est une sorte de couronnement : c'est la preuve que la cuisine moléculaire a gagné, qu'elle est partout, ce qui est donc une explication suffisante pour expliquer qu'elle ne soit plus nulle part. De même, après que le gaz a été mis à tous les étages, on ne l'a plus signalé, parce que cela était devenu inutile. De même pour la cuisine moléculaire : il y a partout, dans les cuisines, des siphons, de la basse température, et les gélifiants dont on m'accusait de vouloir empoisonner le monde avec. Ces derniers, notamment, sont vendus jusque dans les supermarchés ; ils sont si populaires que l'on en vient à les confondre avec la gélatine, qu'on les dénomme fautivement du nom de cette dernière, dont on oublie aussi qu'elle fut un jour moderne.
Tout cela est confus, je vais expliquer en détail.
Un peu d'histoire
Jusque dans les années 1970, on faisait les aspics ou les bavarois à l'aide de pieds de veau. Il fallait cuire longuement les pieds dans de l'eau chaude, puis filtrer, clarifier, etc. C'était un procédé bien long, qui suscita bientôt la création d'usines qui se mirent à extraire et vendre la gélatine : en feuilles, en poudre. La gélatine ? C'est en effet la matière gélifiante du pied de veau et d'autres tissus animaux, de sorte que l'on n'avait plus qu'à utiliser des feuilles ou de la poudre pour obtenir, en quelques secondes, le résultat qu'on mettait auparavant des heures à atteindre.
Puis, dans les années 1980, j'ai vu qu'il existait de nombreux autres gélifiants : caraguénanes, alginates, agar-agar, gommes de guar, de caroube, etc., et c'est ainsi que je me suis retrouvé un jour à aller proposer à une des principales associations de cuisiniers français d'utiliser ces produits. L'accueil fut amical, et la réponse fut négative. J'étais naïf et désolé. Car, alors que je n'avais rien à vendre, que je pensais aux progrès de la profession, je voyais bien des intérêts à l'emploi de ces composés : au choix, on pouvait faire des gels clairs, transparents, opaques, cassants, élastiques, mous... Bref, il me semblait que le cuisinier pouvait trouver plus de notes sur son piano qu'il y en a dans un triangle!
Ajoutons que ma proposition d'employer ces produits était une partie de ma volonté de rénover les techniques culinaires, ce que j'ai nommé "cuisine moléculaire". Oui, la cuisine moléculaire voulait seulement (OK, ce n'est pas rien) rénover les techniques culinaires, avec l'hypothèse supplémentaire que l'on fait mieux ce que l'on comprend !
Finalement, j'ai parfaitement réussi mon coup, et la cuisine moléculaire s'est merveilleusement développée, comme une application de cette discipline scientifique, branche de la physico-chimie, qu'est la gastronomie moléculaire (je répète qu'il y a une différence essentielle entre les deux : la science et la technique ne se confondent pas, et il faut être bien aveugle -volontairement ?- pour ne pas comprendre la différence).
Parlons de gélifiants d'origine végétale
Aujourd'hui, on parle donc de "gélatine végétale", et je devrais en être content, mais l’expression me choque parce qu'elle est fautive, et que cette erreur terminologique engendre des déboires techniques.
Faisant l'hypothèse qu'un bon technicien mérite de comprendre les outils qu'il emploie, et que les noms de ces outils sont importants au même titre que leurs caractéristiques, je veux expliquer pourquoi il faut parler de gélifiant végétal, et non de gélatine végétale (une gélatine végétale, cela n'existe pas !).
La gélatine n'est pas végétale : c'est une matière extraite des tissus animaux et faite d'une protéines collagène, modifiée à des degrés divers par la cuisson qui l'extrait des tissus animaux.
La gélatine est agent gélifiant, ce qui signifie qu'elle permet de faire gélifier des solutions aqueuses, afin d'obtenir ce que l'on nomme des gels. La gélatine est de nature protéique, animale, et elle a des caractéristiques particulières, que les cuisiniers connaissent bien, et au nombre desquelles on compte sa capacité à fondre à une température voisine de celle de la bouche, ce qui permet d'obtenir des gels fondants, par conséquent.
Les autres gélifiants (ou agents gélifiants) ne sont pas tous de nature protéique. Par exemple, l'amidon, la fécule, faits de molécules d'amylose et d'amylopectine, permettent de produire des gels que l'on nomme en l'occurrence des empois. Et, comme je le disais, il y a bien d'autres agents gélifiants que l'on peut extraire des plantes ou des algues. Souvent, ces composés sont des polysaccharides, de la même famille que l'amidon, et pas des protéines. Ce ne sont donc pas des gélatines. Et voilà pourquoi il est fautif de parler de protéines végétales.
De surcroît, il faut que je signale que je viens de voir de ces sites qui vendent ces produits mal nommés : j'y ai vu qu'une des matières proposée sous ce nom fautif est en réalité faite de deux composés, et non pas d'un seul. Je n'ai rien à redire à ce mélange, surtout si cela donne des propriétés qu'un seul des deux composés n'aurait pas eu, mais il y a lieu d'être prudent et vigilant avec le commerce, qui est parfois déloyal, soit par ignorance soit par volonté : un mélange de composés n'est pas un gélifiant, mais un mélange de gélifiants. En l’occurrence, j'ai vu que les deux composés du mélangé à la désignation fautive étaient d'origine végétale, de sorte qu'on n'a pas à critiquer ce terme sauf à dire qu'il est un peu ambigu, car les produits sont plutôt "issus de végétaux", que "végétaux" eux-mêmes.
Est-ce ratiociner exagérément ? Je ne le crois pas, car il en va d'abord de la loyauté, de l'honnêteté. D'autre part, la discussion que nous faisons ici est en réalité une manière d'aider mes amis à choisir les outils dont ils feront usage. Il faut surtout dire que le mode d'emploi d'un gélifiant d'origine végétale, fait d'un ou de plusieurs composés, n'est pas du tout celui de la gélatine, et que l'on ferait une erreur en le mettant en œuvre de la même façon.
Il y a un mode d'emploi, particulier, pas difficile, mais particulier.
Et c'est ainsi qu'avec des gélifiants variés, bien compris, bien utilisés, la cuisine sera encore plus belle !
Au fond, je fais un peu la fine bouche, car la popularisation de cette expression "gélatine végétale" est une sorte de couronnement : c'est la preuve que la cuisine moléculaire a gagné, qu'elle est partout, ce qui est donc une explication suffisante pour expliquer qu'elle ne soit plus nulle part. De même, après que le gaz a été mis à tous les étages, on ne l'a plus signalé, parce que cela était devenu inutile. De même pour la cuisine moléculaire : il y a partout, dans les cuisines, des siphons, de la basse température, et les gélifiants dont on m'accusait de vouloir empoisonner le monde avec. Ces derniers, notamment, sont vendus jusque dans les supermarchés ; ils sont si populaires que l'on en vient à les confondre avec la gélatine, qu'on les dénomme fautivement du nom de cette dernière, dont on oublie aussi qu'elle fut un jour moderne.
Tout cela est confus, je vais expliquer en détail.
Un peu d'histoire
Jusque dans les années 1970, on faisait les aspics ou les bavarois à l'aide de pieds de veau. Il fallait cuire longuement les pieds dans de l'eau chaude, puis filtrer, clarifier, etc. C'était un procédé bien long, qui suscita bientôt la création d'usines qui se mirent à extraire et vendre la gélatine : en feuilles, en poudre. La gélatine ? C'est en effet la matière gélifiante du pied de veau et d'autres tissus animaux, de sorte que l'on n'avait plus qu'à utiliser des feuilles ou de la poudre pour obtenir, en quelques secondes, le résultat qu'on mettait auparavant des heures à atteindre.
Puis, dans les années 1980, j'ai vu qu'il existait de nombreux autres gélifiants : caraguénanes, alginates, agar-agar, gommes de guar, de caroube, etc., et c'est ainsi que je me suis retrouvé un jour à aller proposer à une des principales associations de cuisiniers français d'utiliser ces produits. L'accueil fut amical, et la réponse fut négative. J'étais naïf et désolé. Car, alors que je n'avais rien à vendre, que je pensais aux progrès de la profession, je voyais bien des intérêts à l'emploi de ces composés : au choix, on pouvait faire des gels clairs, transparents, opaques, cassants, élastiques, mous... Bref, il me semblait que le cuisinier pouvait trouver plus de notes sur son piano qu'il y en a dans un triangle!
Ajoutons que ma proposition d'employer ces produits était une partie de ma volonté de rénover les techniques culinaires, ce que j'ai nommé "cuisine moléculaire". Oui, la cuisine moléculaire voulait seulement (OK, ce n'est pas rien) rénover les techniques culinaires, avec l'hypothèse supplémentaire que l'on fait mieux ce que l'on comprend !
Finalement, j'ai parfaitement réussi mon coup, et la cuisine moléculaire s'est merveilleusement développée, comme une application de cette discipline scientifique, branche de la physico-chimie, qu'est la gastronomie moléculaire (je répète qu'il y a une différence essentielle entre les deux : la science et la technique ne se confondent pas, et il faut être bien aveugle -volontairement ?- pour ne pas comprendre la différence).
Parlons de gélifiants d'origine végétale
Aujourd'hui, on parle donc de "gélatine végétale", et je devrais en être content, mais l’expression me choque parce qu'elle est fautive, et que cette erreur terminologique engendre des déboires techniques.
Faisant l'hypothèse qu'un bon technicien mérite de comprendre les outils qu'il emploie, et que les noms de ces outils sont importants au même titre que leurs caractéristiques, je veux expliquer pourquoi il faut parler de gélifiant végétal, et non de gélatine végétale (une gélatine végétale, cela n'existe pas !).
La gélatine n'est pas végétale : c'est une matière extraite des tissus animaux et faite d'une protéines collagène, modifiée à des degrés divers par la cuisson qui l'extrait des tissus animaux.
La gélatine est agent gélifiant, ce qui signifie qu'elle permet de faire gélifier des solutions aqueuses, afin d'obtenir ce que l'on nomme des gels. La gélatine est de nature protéique, animale, et elle a des caractéristiques particulières, que les cuisiniers connaissent bien, et au nombre desquelles on compte sa capacité à fondre à une température voisine de celle de la bouche, ce qui permet d'obtenir des gels fondants, par conséquent.
Les autres gélifiants (ou agents gélifiants) ne sont pas tous de nature protéique. Par exemple, l'amidon, la fécule, faits de molécules d'amylose et d'amylopectine, permettent de produire des gels que l'on nomme en l'occurrence des empois. Et, comme je le disais, il y a bien d'autres agents gélifiants que l'on peut extraire des plantes ou des algues. Souvent, ces composés sont des polysaccharides, de la même famille que l'amidon, et pas des protéines. Ce ne sont donc pas des gélatines. Et voilà pourquoi il est fautif de parler de protéines végétales.
De surcroît, il faut que je signale que je viens de voir de ces sites qui vendent ces produits mal nommés : j'y ai vu qu'une des matières proposée sous ce nom fautif est en réalité faite de deux composés, et non pas d'un seul. Je n'ai rien à redire à ce mélange, surtout si cela donne des propriétés qu'un seul des deux composés n'aurait pas eu, mais il y a lieu d'être prudent et vigilant avec le commerce, qui est parfois déloyal, soit par ignorance soit par volonté : un mélange de composés n'est pas un gélifiant, mais un mélange de gélifiants. En l’occurrence, j'ai vu que les deux composés du mélangé à la désignation fautive étaient d'origine végétale, de sorte qu'on n'a pas à critiquer ce terme sauf à dire qu'il est un peu ambigu, car les produits sont plutôt "issus de végétaux", que "végétaux" eux-mêmes.
Est-ce ratiociner exagérément ? Je ne le crois pas, car il en va d'abord de la loyauté, de l'honnêteté. D'autre part, la discussion que nous faisons ici est en réalité une manière d'aider mes amis à choisir les outils dont ils feront usage. Il faut surtout dire que le mode d'emploi d'un gélifiant d'origine végétale, fait d'un ou de plusieurs composés, n'est pas du tout celui de la gélatine, et que l'on ferait une erreur en le mettant en œuvre de la même façon.
Il y a un mode d'emploi, particulier, pas difficile, mais particulier.
Et c'est ainsi qu'avec des gélifiants variés, bien compris, bien utilisés, la cuisine sera encore plus belle !
Ceci n'est pas un oeuf !
Ce matin, j'annonçais le premier repas 100 % note à note en France, le 21 février 2018, par le chef Julien Binz, àAmmerschwihr (Alsace).
J'y ajoutais l'image suivante
L'un de mes correspondants m'a alors demandé :
"Je ne comprends pas ce qu'est la cuisine note à note : si l'on sert des oeufs sur le plat, en quoi est-ce note à note ?
La première réponse est :
1. ce n'est pas un oeuf sur le plat !
La seconde réponse est :
2. la cuisine note à note est cette forme de cuisine qui n'utilise ni viande, ni légume, ni fruit, ni poisson, ni oeuf... On part de composés purs (eau, cellulose, pectines, polysaccharides, protéines, acides aminés, etc.) et l'on construit tous les aspects du plat :
- forme
- consistance
- odeur
- saveur
- couleur
etc.
Et c'est ainsi que Julien Binz a décidé d'arriver à la création du plat dont l'image est ici donnée ! Ce n'est pas un oeuf... et l'on peut s'attendre à un goût très nouveau !
Tiens, pour la bonne bouche, je vous livre une seconde image de ses productions :
J'y ajoutais l'image suivante
L'un de mes correspondants m'a alors demandé :
"Je ne comprends pas ce qu'est la cuisine note à note : si l'on sert des oeufs sur le plat, en quoi est-ce note à note ?
La première réponse est :
1. ce n'est pas un oeuf sur le plat !
La seconde réponse est :
2. la cuisine note à note est cette forme de cuisine qui n'utilise ni viande, ni légume, ni fruit, ni poisson, ni oeuf... On part de composés purs (eau, cellulose, pectines, polysaccharides, protéines, acides aminés, etc.) et l'on construit tous les aspects du plat :
- forme
- consistance
- odeur
- saveur
- couleur
etc.
Et c'est ainsi que Julien Binz a décidé d'arriver à la création du plat dont l'image est ici donnée ! Ce n'est pas un oeuf... et l'on peut s'attendre à un goût très nouveau !
Tiens, pour la bonne bouche, je vous livre une seconde image de ses productions :
lundi 12 février 2018
La crème fouettée serait plutôt un gel foisonné
Pour l'enseignement de la cuisine, il y a des classifications simples, et hélas parfois trop fausses.
Par exemple, pour les émulsions, certains ont distingué des émulsions stables et des émulsions instables, alors qu'en réalité, toute émulsion est instable, puisque les gouttelettes d'huile dispersées dans l'eau d'une émulsion viennent crémer, en raison de leur densité inférieure. Plus ou moins vite, mais le crémage a quand même lieu, et il est donc assez illégitime de parler d'émulsion stable.
De toute façon, cela n'a guère d’intérêt, car quelle que soit l'émulsion que l'on réalise en cuisine, on souhaite une certaine stabilité. De surcroît, de nombreuses sauces sont considérées comme des émulsions, alors qu’elles n'en sont pas.
Par exemple les sauces béarnaises ou hollandaises contiennent, certes, de la matière grasse liquide (le beurre fondu), mais, comme la crème anglaise, elles doivent surtout leur viscosité à la coagulation des protéines apportées par l'oeuf.
Mais revenons à la crème fouettée.
Pour faire une crème fouettée, on part de crème. Déjà là, il y aurait une imprécision importante à la décrire comme une émulsion, car non seulement la phase aqueuse (de l'eau où se dissolvent notamment le lactose et certaines protéines) disperse des gouttelettes de matière grasse, mais elle disperse aussi de petits agrégats faits de protéines et de sels minéraux. Autrement dit, d’emblée, on doit considérer que la crème est un système hybride entre l'émulsion et la suspension.
Il y a pire, car la matière grasse laitière n'est pas entièrement liquide à la température ambiante.
Prenons un échantillon de matière grasse laitière débarrassée de son eau, le beurre clarifié. A la température ambiante, on a un système mou, parce que composé d'une partie de graisse liquide et d'une partie de graisse solide. Dans la crème, chaque gouttelette de matière grasse est ainsi faite de graisse liquide et de graisse solide. On n'a donc pas stricto sensu une émulsion.
Quand on fouette de la crème, il est certain que le fouet introduit des bulles d'air, fait « foisonner ». Le système final est donc « foisonné, ce qui est la caractéristique des mousses. Mais contrairement aux mousses simples, avec des bulles de gaz dispersées dans un liquide, la crème fouettée doit sa fermeté à un autre phénomène, à savoir la fusion partielle des gouttes de matière grasse et l'établissement d'un réseau continu,de graisse solide. S'il y a un réseau continu, c'est que le système est formellement un gel, avec un réseau continu qui emprisonne un liquide (et des bulles d'air).
D'une certaine façon, en simplifiant, la crème fouettée doit donc être décrite comme un gel foisonné. C'est plus juste que de dire qu'elle serait une mousse.
Suis-je en train de « compliquer » ? Je ne connais pas d'enfant qui ne puisse comprendre une telle structure, surtout si elle est assortie d'un schéma simple. En tout cas, une caractérisation juste de l'état du système permet de mieux comprendre les causes de ratage éventuel, à savoir qu'une quantité insuffisante de matière grasse ne permet pas de stabiliser les bulles d'air, car, avec trop peu de matière grasse, on ne parvient pas à faire le réseau continu de graisse du gel.
D'autre part, tous ceux qui ont essayé de fouetter de la crème en été, dans un pays un peu chaud, savent bien que la température est essentielle, preuve que la proportion de graisse solide est un paramètre fondamental de réussite, et aussi indication que la caractérisati
Quand on ajoute des glaçons, on augmente la proportion de matière grasse solide qui fait le réseau continu où seront piégés la matière grasse liquide, les bulles d'air, la phase aqueuse.
J'ajoute que rien de tout cela n'est compréhensible si l'on confond mousses et émulsions, et je conclus que quatre termes sont essentiels pour l'enseignement, dont nous étions partis : gels, émulsions, mousses, suspensions.
En conséquence, il semble indispensable de présenter ces quatre systèmes aux jeunes cuisiniers, afin de leur donner des outils intellectuels qui leur serviront pour leur pratique technique et artistique, sans parler de leurs réflexions technologiques.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Par exemple, pour les émulsions, certains ont distingué des émulsions stables et des émulsions instables, alors qu'en réalité, toute émulsion est instable, puisque les gouttelettes d'huile dispersées dans l'eau d'une émulsion viennent crémer, en raison de leur densité inférieure. Plus ou moins vite, mais le crémage a quand même lieu, et il est donc assez illégitime de parler d'émulsion stable.
De toute façon, cela n'a guère d’intérêt, car quelle que soit l'émulsion que l'on réalise en cuisine, on souhaite une certaine stabilité. De surcroît, de nombreuses sauces sont considérées comme des émulsions, alors qu’elles n'en sont pas.
Par exemple les sauces béarnaises ou hollandaises contiennent, certes, de la matière grasse liquide (le beurre fondu), mais, comme la crème anglaise, elles doivent surtout leur viscosité à la coagulation des protéines apportées par l'oeuf.
Mais revenons à la crème fouettée.
Pour faire une crème fouettée, on part de crème. Déjà là, il y aurait une imprécision importante à la décrire comme une émulsion, car non seulement la phase aqueuse (de l'eau où se dissolvent notamment le lactose et certaines protéines) disperse des gouttelettes de matière grasse, mais elle disperse aussi de petits agrégats faits de protéines et de sels minéraux. Autrement dit, d’emblée, on doit considérer que la crème est un système hybride entre l'émulsion et la suspension.
Il y a pire, car la matière grasse laitière n'est pas entièrement liquide à la température ambiante.
Prenons un échantillon de matière grasse laitière débarrassée de son eau, le beurre clarifié. A la température ambiante, on a un système mou, parce que composé d'une partie de graisse liquide et d'une partie de graisse solide. Dans la crème, chaque gouttelette de matière grasse est ainsi faite de graisse liquide et de graisse solide. On n'a donc pas stricto sensu une émulsion.
Quand on fouette de la crème, il est certain que le fouet introduit des bulles d'air, fait « foisonner ». Le système final est donc « foisonné, ce qui est la caractéristique des mousses. Mais contrairement aux mousses simples, avec des bulles de gaz dispersées dans un liquide, la crème fouettée doit sa fermeté à un autre phénomène, à savoir la fusion partielle des gouttes de matière grasse et l'établissement d'un réseau continu,de graisse solide. S'il y a un réseau continu, c'est que le système est formellement un gel, avec un réseau continu qui emprisonne un liquide (et des bulles d'air).
D'une certaine façon, en simplifiant, la crème fouettée doit donc être décrite comme un gel foisonné. C'est plus juste que de dire qu'elle serait une mousse.
Suis-je en train de « compliquer » ? Je ne connais pas d'enfant qui ne puisse comprendre une telle structure, surtout si elle est assortie d'un schéma simple. En tout cas, une caractérisation juste de l'état du système permet de mieux comprendre les causes de ratage éventuel, à savoir qu'une quantité insuffisante de matière grasse ne permet pas de stabiliser les bulles d'air, car, avec trop peu de matière grasse, on ne parvient pas à faire le réseau continu de graisse du gel.
D'autre part, tous ceux qui ont essayé de fouetter de la crème en été, dans un pays un peu chaud, savent bien que la température est essentielle, preuve que la proportion de graisse solide est un paramètre fondamental de réussite, et aussi indication que la caractérisati
Quand on ajoute des glaçons, on augmente la proportion de matière grasse solide qui fait le réseau continu où seront piégés la matière grasse liquide, les bulles d'air, la phase aqueuse.
J'ajoute que rien de tout cela n'est compréhensible si l'on confond mousses et émulsions, et je conclus que quatre termes sont essentiels pour l'enseignement, dont nous étions partis : gels, émulsions, mousses, suspensions.
En conséquence, il semble indispensable de présenter ces quatre systèmes aux jeunes cuisiniers, afin de leur donner des outils intellectuels qui leur serviront pour leur pratique technique et artistique, sans parler de leurs réflexions technologiques.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
On m'interroge à propos de "tendances", mais qu'en sais-je ? Je sais seulement que la cuisine note à note va s'imposer !
On m'interroge à propos de "tendances"... mais pourquoi m'interroge-t-on, alors que je n'ai pas de boule de cristal (et que je ne crois pas à l'efficacité de telle boules... sauf à prendre de l'argent aux esprits faibles) ?
Bon, je vais essayer de répondre... avec compétence et bonne humeur.
INTRODUCTION:
→ Pouvez-vous rapidement nous décrire votre position dans le secteur de la gastronomie ?
Là, je crains que mes interlocuteurs ne confondent gastronomie et... une certaine cuisine, dont il faudrait savoir si c'est de la cuisine artistique, de la cuisine de luxe, les deux étant dommageablement confondues.
La gastronomie est -en réalité- la "connaissance de tout ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit". Il y a de la gastronomie historique pour les historiens, de la gastronomie géographique pour les géographes, de la gastronomie littéraire pour les écrivains, et de la "gastronomie moléculaire" pour les physico-chimistes.
Mon activité, c'est cela : de la recherche scientifique, au sens des sciences de la nature, celles qui calculent, qui mesurent, et qui fonctionnent selon des critères que j'ai exposés mille fois, notamment dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?" (Editions Belin/Quae).
Certes, comme je suis un peu remuant, et que j'ai une vision très politique de mon activité, je montre également que les sciences de la nature sont très utiles pour les applications pédagogiques ou intellectuelles et pour les applications technologiques et techniques. D'où mes inventions, à raison d'une par mois depuis 18 ans sur le site de mon ami Pierre Gagnaire : http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve. C'est public et gratuit ! Ou encore, les Ateliers introduits pour l'Education nationale : http://www.agroparistech.fr/La-gastronomie-moleculaire.html
Mais mes actions politiques me détournent de ma véritable activité, celle pour laquelle je suis en réalité payé par l'Etat, donc par le contribuable, et qui est la recherche scientifique, laquelle est ma passion.
Cela, c'était pour la "vraie" réponse, mais je réponds maintenant à la question gauchie de mes interlocuteurs. Le monde de la cuisine est le monde de la cuisine, et je ne suis pas cuisinier... mais c'est un fait que quand je vais dans ce monde (réunion de professionnels, convention, salon professionnel, etc.), j'y suis merveilleusement accueilli... parce qu'il est vrai que mes "séminaires de gastronomie moléculaire" donnent gratuitement de la formation à tous, tout comme mes cours, mes blogs, etc. Je ne compte plus le nombre de témoignages amicaux et reconnaissants... même si j'ai peut-être des ennemis (ce dont je me moque, puisque je ne peux rien y faire, et que ce sont vraisemblablement des ignorants ou des malhonnêtes). Mais terminons par une note positive : j'ai BEAUCOUP d'amis cuisiniers, et je m'en réjouis.
→ Quelle perception les gens ont de la gastronomie aujourd’hui ?
Aie, comment voulez vous que je le sache, alors que je suis enfermé dans un laboratoire, et que je ne regarde aucune "actualité" (ni télévision, ni radio, ni journal, ni actualités sur internet).
Surtout, cela ne m'intéresse pas de savoir ce que la communauté pense. J'ai fait une fois l'erreur d'en tenir compte, en cessant de promouvoir la cuisine note à note avant l'an 2000, quand une partie du public craignait le Bug de l'an 2000... et cela m'a fait perdre une dizaine d'années. D'autre part, je me souviens des débuts de la gastronomie moléculaire (on se souvient que c'est de la physico-chimie, pas de la cuisine), quand des collègues qui étaient des petits esprits, dans des universités variées, disaient que mon activité était futile, pas de bonne qualité... Mais j'avais pour moi l'opinion de Pierre Gilles de Gennes ou de Jean-Marie Lehn... mais, surtout, la mienne ! Je me moque du qu'en dira-t-on, et j'ai une devise : fais ce que dois, advienne que pourra... que mon ami Jean-Marie Lehn dit différemment : "ils causent, je bétonne".
Mais, en réalité, mon interlocuteur veux savoir ce que "les gens" pensent de la haute cuisine, de la cuisine artistique, de la cuisine de luxe... et comment le saurais-je ? Cela étant, les innombrables émissions de télévision sur la cuisine semblent répondre à sa question, non ? Et cela n'est pas nouveau, puisque, en France, l'idée prévaut depuis la Renaissance. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que le phénomène est dans tous les pays, aujourd'hui.
Enfin, j'alerte mon ami sur ce "les gens" : je prends le pari qu'il y a "des gens" qui trouvent que la grande cuisine est merveilleuse, et d'autre "gens" qui la critiquent en disant que c'est honteux de se goberger alors qu'une partie de l'humanité meurt de faim.
Au fond, cela mérite plus qu'une phrase : il faut une étude de consommation... qui servira à quoi, au fait ? (car je rappelle qu'un sondage n'a d'intérêt que si les questions sont pertinemment choisies).
→ Quelle type de cuisine ou d’expérience les consommateurs recherchent-ils aujourd’hui ?
Et comment le saurais-je ? Cela dit, il y a encore ce "les consommateurs". Il y a mille consom... non, je me reprends, parce que nous ne sommes pas des vaches à lait de l'industrie : il y a mille citoyens différents.
ENJEUX ACTUELS :
→ Quels défis rencontre aujourd’hui le secteur de la gastronomie ? (Business model / Type de cuisine / Expérience consommateur / Santé / Environnement…)
Bon, je cesse de faire le bête à propos de gastronomie, et je considère donc la question modifiée "Quels défis rencontre aujourd'hui le secteur de la cuisine commerciale étoilée ?".
Et la réponse, d'après mes amis (mais je n'ai pas vérifié), est le coût de la main d'oeuvre.
Mais il faut également dire que les pratiques culinaires sont un peu désuettes, comme si l'on roulait encore en char à boeufs. Pourquoi passer cinq minutes à battre un blanc d'oeuf en neige avec un fouet, quand il suffit de quelques secondes avec un siphon, par exemple ?
Le frais, aussi, est une question grave, parce qu'il y a à la fois des coûts de matière, des pertes, des flux difficiles à gérer. Quel chef parisien va encore à Rungis le matin très tôt, alors qu'il ou elle terminera tard le soir ?
Mais, au fond, pourquoi suis-je en train de répondre à la question, alors que je ne sais rien de tout cela ? Il faut interroger des cuisiniers et des restaurateurs (ce n'est pas le même métier).
→ Quelles solutions/changements apparaissent aujourd’hui face à ces défis ?
Je n'en sais vraiment rien... mais je propose inlassablement la cuisine note à note, que vous découvrirez dans mon livre "La cuisine note à note" (Editions Belin).
En passant, je souris à ce mot de "défi" que j'entends souvent et qui renvoie à des idées parfois bien éloignées de l'acception réelle du mot. Mais bon, j'ai mauvais esprit.
FUTURES TENDANCES :
→ Quels vont être selon vous les changements majeurs pour le monde de la gastronomie dans 10 ans ?
Encore une question boule de cristal ! Je n'en sais rien... mais je vais tout faire pour que la cuisine note à note s'impose. Et je vois des signes de changement. Si tout se passe comme prévu (et comme cela s'est déjà passé avec la cuisine moléculaire), alors l'effet boule de neige va jouer.
→ Quelles seront alors les innovations/ nouveautés qui apparaîtront ? (Business model / Type de cuisine / Expérience consommateur / Santé / Environnement… )
Business model : vous vous moquez ? Me poser une telle question alors que je m'intéresse qu'à la physico-chimie ? Oui, j'ai un passé industriel, mais c'est bien fini, et je passe tout mon temps à mes travaux scientifiques et à ses applications "politiques". A d'autres de parler de ces choses là.
Mais je vois aussi les mots "innovations" ou "nouveautés", et c'est l'occasion de dire que je reçois chaque semaine une lettre d'information qui me vient d'un cabinet de tendances... et que je suis atterré par la nullité des propositions qui sont faites par l'industriel alimentaire : une bouteille en plastique qui a la forme de la main, un peu de basilic dans une sauce tomate... Regardons aussi les prix donnés au Salon de l'alimentation, et comparons avec les possibilités de la cuisine note à note, et nous comprenons rapidement que l'industrie alimentaire évolue très lentement, et, en tout cas, bien plus lentement que les cuisiniers étoilés les plus avancés !
Dans la question, il y a aussi le mot "santé"... et là, c'est une vaste rigolade, parce que nous disons tous vouloir manger sainement... mais nous nous jetons sur le chocolat et le foie gras dès que les moindres fêtes nous le "permettent". Nous voulons éviter les aliments "dangereux"... mais les Français passent les beaux jours à manger des viandes mal cuites au barbecue... qui déposent 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu'il n'en est autorisé dans les produits fumés de l'industrie ! Sans compter nos amis qui fument et qui boisent (trop). Décidément, je ne vais pas me préoccuper du détail avant que le gros ait été résolu ! Et il y a beaucoup de baratin industriel très déloyal à ce propos, notamment l'usage du mot "naturel" qui est mensonger, déloyal, malhonnête : en français, est naturel ce qui n'a pas fait l'objet de transformations par l'être humain... or les aliments sont préparés, par l'être humain. Il ne peut donc pas exister d'aliment qui serait naturel.
Environnement ? C'est bien d'être sensibilisé !
Bref, je ne suis pas la bonne personne à qui poser ces questions, on le voit !
Bon, je vais essayer de répondre... avec compétence et bonne humeur.
INTRODUCTION:
→ Pouvez-vous rapidement nous décrire votre position dans le secteur de la gastronomie ?
Là, je crains que mes interlocuteurs ne confondent gastronomie et... une certaine cuisine, dont il faudrait savoir si c'est de la cuisine artistique, de la cuisine de luxe, les deux étant dommageablement confondues.
La gastronomie est -en réalité- la "connaissance de tout ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit". Il y a de la gastronomie historique pour les historiens, de la gastronomie géographique pour les géographes, de la gastronomie littéraire pour les écrivains, et de la "gastronomie moléculaire" pour les physico-chimistes.
Mon activité, c'est cela : de la recherche scientifique, au sens des sciences de la nature, celles qui calculent, qui mesurent, et qui fonctionnent selon des critères que j'ai exposés mille fois, notamment dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?" (Editions Belin/Quae).
Certes, comme je suis un peu remuant, et que j'ai une vision très politique de mon activité, je montre également que les sciences de la nature sont très utiles pour les applications pédagogiques ou intellectuelles et pour les applications technologiques et techniques. D'où mes inventions, à raison d'une par mois depuis 18 ans sur le site de mon ami Pierre Gagnaire : http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve. C'est public et gratuit ! Ou encore, les Ateliers introduits pour l'Education nationale : http://www.agroparistech.fr/La-gastronomie-moleculaire.html
Mais mes actions politiques me détournent de ma véritable activité, celle pour laquelle je suis en réalité payé par l'Etat, donc par le contribuable, et qui est la recherche scientifique, laquelle est ma passion.
Cela, c'était pour la "vraie" réponse, mais je réponds maintenant à la question gauchie de mes interlocuteurs. Le monde de la cuisine est le monde de la cuisine, et je ne suis pas cuisinier... mais c'est un fait que quand je vais dans ce monde (réunion de professionnels, convention, salon professionnel, etc.), j'y suis merveilleusement accueilli... parce qu'il est vrai que mes "séminaires de gastronomie moléculaire" donnent gratuitement de la formation à tous, tout comme mes cours, mes blogs, etc. Je ne compte plus le nombre de témoignages amicaux et reconnaissants... même si j'ai peut-être des ennemis (ce dont je me moque, puisque je ne peux rien y faire, et que ce sont vraisemblablement des ignorants ou des malhonnêtes). Mais terminons par une note positive : j'ai BEAUCOUP d'amis cuisiniers, et je m'en réjouis.
→ Quelle perception les gens ont de la gastronomie aujourd’hui ?
Aie, comment voulez vous que je le sache, alors que je suis enfermé dans un laboratoire, et que je ne regarde aucune "actualité" (ni télévision, ni radio, ni journal, ni actualités sur internet).
Surtout, cela ne m'intéresse pas de savoir ce que la communauté pense. J'ai fait une fois l'erreur d'en tenir compte, en cessant de promouvoir la cuisine note à note avant l'an 2000, quand une partie du public craignait le Bug de l'an 2000... et cela m'a fait perdre une dizaine d'années. D'autre part, je me souviens des débuts de la gastronomie moléculaire (on se souvient que c'est de la physico-chimie, pas de la cuisine), quand des collègues qui étaient des petits esprits, dans des universités variées, disaient que mon activité était futile, pas de bonne qualité... Mais j'avais pour moi l'opinion de Pierre Gilles de Gennes ou de Jean-Marie Lehn... mais, surtout, la mienne ! Je me moque du qu'en dira-t-on, et j'ai une devise : fais ce que dois, advienne que pourra... que mon ami Jean-Marie Lehn dit différemment : "ils causent, je bétonne".
Mais, en réalité, mon interlocuteur veux savoir ce que "les gens" pensent de la haute cuisine, de la cuisine artistique, de la cuisine de luxe... et comment le saurais-je ? Cela étant, les innombrables émissions de télévision sur la cuisine semblent répondre à sa question, non ? Et cela n'est pas nouveau, puisque, en France, l'idée prévaut depuis la Renaissance. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que le phénomène est dans tous les pays, aujourd'hui.
Enfin, j'alerte mon ami sur ce "les gens" : je prends le pari qu'il y a "des gens" qui trouvent que la grande cuisine est merveilleuse, et d'autre "gens" qui la critiquent en disant que c'est honteux de se goberger alors qu'une partie de l'humanité meurt de faim.
Au fond, cela mérite plus qu'une phrase : il faut une étude de consommation... qui servira à quoi, au fait ? (car je rappelle qu'un sondage n'a d'intérêt que si les questions sont pertinemment choisies).
→ Quelle type de cuisine ou d’expérience les consommateurs recherchent-ils aujourd’hui ?
Et comment le saurais-je ? Cela dit, il y a encore ce "les consommateurs". Il y a mille consom... non, je me reprends, parce que nous ne sommes pas des vaches à lait de l'industrie : il y a mille citoyens différents.
ENJEUX ACTUELS :
→ Quels défis rencontre aujourd’hui le secteur de la gastronomie ? (Business model / Type de cuisine / Expérience consommateur / Santé / Environnement…)
Bon, je cesse de faire le bête à propos de gastronomie, et je considère donc la question modifiée "Quels défis rencontre aujourd'hui le secteur de la cuisine commerciale étoilée ?".
Et la réponse, d'après mes amis (mais je n'ai pas vérifié), est le coût de la main d'oeuvre.
Mais il faut également dire que les pratiques culinaires sont un peu désuettes, comme si l'on roulait encore en char à boeufs. Pourquoi passer cinq minutes à battre un blanc d'oeuf en neige avec un fouet, quand il suffit de quelques secondes avec un siphon, par exemple ?
Le frais, aussi, est une question grave, parce qu'il y a à la fois des coûts de matière, des pertes, des flux difficiles à gérer. Quel chef parisien va encore à Rungis le matin très tôt, alors qu'il ou elle terminera tard le soir ?
Mais, au fond, pourquoi suis-je en train de répondre à la question, alors que je ne sais rien de tout cela ? Il faut interroger des cuisiniers et des restaurateurs (ce n'est pas le même métier).
→ Quelles solutions/changements apparaissent aujourd’hui face à ces défis ?
Je n'en sais vraiment rien... mais je propose inlassablement la cuisine note à note, que vous découvrirez dans mon livre "La cuisine note à note" (Editions Belin).
En passant, je souris à ce mot de "défi" que j'entends souvent et qui renvoie à des idées parfois bien éloignées de l'acception réelle du mot. Mais bon, j'ai mauvais esprit.
FUTURES TENDANCES :
→ Quels vont être selon vous les changements majeurs pour le monde de la gastronomie dans 10 ans ?
Encore une question boule de cristal ! Je n'en sais rien... mais je vais tout faire pour que la cuisine note à note s'impose. Et je vois des signes de changement. Si tout se passe comme prévu (et comme cela s'est déjà passé avec la cuisine moléculaire), alors l'effet boule de neige va jouer.
→ Quelles seront alors les innovations/ nouveautés qui apparaîtront ? (Business model / Type de cuisine / Expérience consommateur / Santé / Environnement… )
Business model : vous vous moquez ? Me poser une telle question alors que je m'intéresse qu'à la physico-chimie ? Oui, j'ai un passé industriel, mais c'est bien fini, et je passe tout mon temps à mes travaux scientifiques et à ses applications "politiques". A d'autres de parler de ces choses là.
Mais je vois aussi les mots "innovations" ou "nouveautés", et c'est l'occasion de dire que je reçois chaque semaine une lettre d'information qui me vient d'un cabinet de tendances... et que je suis atterré par la nullité des propositions qui sont faites par l'industriel alimentaire : une bouteille en plastique qui a la forme de la main, un peu de basilic dans une sauce tomate... Regardons aussi les prix donnés au Salon de l'alimentation, et comparons avec les possibilités de la cuisine note à note, et nous comprenons rapidement que l'industrie alimentaire évolue très lentement, et, en tout cas, bien plus lentement que les cuisiniers étoilés les plus avancés !
Dans la question, il y a aussi le mot "santé"... et là, c'est une vaste rigolade, parce que nous disons tous vouloir manger sainement... mais nous nous jetons sur le chocolat et le foie gras dès que les moindres fêtes nous le "permettent". Nous voulons éviter les aliments "dangereux"... mais les Français passent les beaux jours à manger des viandes mal cuites au barbecue... qui déposent 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu'il n'en est autorisé dans les produits fumés de l'industrie ! Sans compter nos amis qui fument et qui boisent (trop). Décidément, je ne vais pas me préoccuper du détail avant que le gros ait été résolu ! Et il y a beaucoup de baratin industriel très déloyal à ce propos, notamment l'usage du mot "naturel" qui est mensonger, déloyal, malhonnête : en français, est naturel ce qui n'a pas fait l'objet de transformations par l'être humain... or les aliments sont préparés, par l'être humain. Il ne peut donc pas exister d'aliment qui serait naturel.
Environnement ? C'est bien d'être sensibilisé !
Bref, je ne suis pas la bonne personne à qui poser ces questions, on le voit !
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