L'étude sur les OGM fortement contestée
Mots clés : OGM
Par Cyrille VanlerbergheMarc Mennessier - le 20/09/2012
De nombreux scientifiques mettent en avant des problèmes
méthodologiques et statistiques dans l'étude affirmant la toxicité des
OGM sur des rats.
Ce décalage de 24 heures provient du fait que la communauté scientifique n'a pu avoir accès à l'étude à paraître dans la revue Food and Chemical Toxicology que mercredi à 15 heures. Soit bien après les médias, comme le Nouvel Observateur, qui ont révélé ce «scoop» moyennant «la signature d'une clause de confidentialité». C'est du moins, ce qu'expliquait le matin même au Figaro, l'assistante de Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen et principal auteur de l'étude. Résultat: des images chocs de rats déformés par des tumeurs monstrueuses, et des propos définitifs sur la dangerosité des OGM, «enfin avérée», ont circulé toute la journée sans qu'il soit possible pour d'autres scientifiques d'apporter la moindre contradiction.
«Un échantillon bien trop faible»
«Cela ne vaut pas un clou, confiait ce matin au Figaro, le toxicologue Gérard Pascal après avoir pu enfin procéder à une lecture approfondie du travail de ses collègues. Pour faire une étude de cancérologie sérieuse sur deux ans, il faut des groupes d'au moins 50 rats. Or ici, ils n'en comptent que dix. Du fait des décès spontanés qui surviennnent pendant l'expérience, l'échantillon est bien trop faible pour tirer la moindre conclusion. Enfin, la souche de rats utilisée est réputée pour développer spontanément des cancers mammaires.» La littérature scientifique montre en effet qu'au bout de deux ans, 90 % de ces rongeurs attrapent un cancer. Qu'ils aient mangé ou non des OGM.De son côté, le Pr Marc Fellous, ancien président de la Commission du génie biomoléculaire, pointe le manque d'information sur le régime alimentaire des rats. «A part le maïs OGM, on ne sait pas ce qu'ils ont mangé. De plus, le maïs renferme des mycotoxines, des substances naturelles fortement cancérigènes. A-t-on mesuré leur concentration? La publication ne le dit pas».
«Hypermédiatisation»
«Pour bien faire, il faudrait que l'Agence française de sécurité sanitaire et le Haut conseil des biotechnologies (mandatés hier par le gouvernement pour donner un avis sur cette étude choc, NDLR) ne se limitent pas un examen des dossiers individuels des rats mais conduisent une enquête de terrain afin, notamment, de consulter les carnets de laboratoire ou les coupes histologiques» renchérit Gérard Pascal.Pressé par le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, de rendre ses résultats «le plus vite possible», le Pr Frédéric Pagès, qui préside le comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies, a déclaré ce matin qu'il prendra avec ses collègues «le temps nécessaire pour produire une analyse consistante sans impératif de calendrier». Mais il s'est d'ores et déjà insurgé contre «l'exploitation tout sauf scientifique des photos» de rats malades et «l'hypermédiatisation» de ces travaux.
«Un coup médiatique soigneusement préparé»
A l'étranger, les médias ont accordé eux aussi une large place à l'information, particulièrement en Californie, où l'État envisage de rendre obligatoire l'étiquetage des aliments contenant des éléments transgéniques. Ce projet de loi qui va être soumis à référendum en novembre est une première aux États-Unis, où les OGM sont considérés comme des aliments comme les autres.«Ce n'est pas une publication scientifique innocente, mais un coup médiatique soigneusement préparé», critique dans le New York Times, Bruce Chassy, professeur émérite des sciences de l'alimentation à l'université de l'Illinois. Contrairement à beaucoup de leurs homologues français, les médias américians n'ont pas omis de préciser que le Pr Séralini est ouvertement opposé aux OGM et que ses travaux ont été financés par le Criigen, une association militant contre les biotechnologies, et par deux géants de la grande distribution, Auchan et Carrefour, en pointe sur la vente de produits «bio» ou garantis sans OGM…
Américains et britannique très critiques
Les scientifiques américains ou britanniques se montrent eux aussi très critiques sur les résultats et la méthodologie des travaux de l'équipe française. Pour Anthony Trewavas, de l'université d'Edimbourg, il aurait dû y avoir autant de rats testés avec OGM que de rats dans le groupe témoin (alimentation sans OGM), ce qui n'était pas le cas, rapporte le New Scientist.Le Los Angeles Times, comme d'autres titres, s'étonne que la gravité des symptômes observés n'augmente pas avec la dose d'OGM et d'herbicides donnés aux rats. Les rongeurs mâles nourris avec 33 % d'OGM vivent ainsi plus longtemps que ceux qui n'en avaient que 11 % dans leur alimentation et même que ceux qui n'en mangent pas du tout. «On observe probablement les variations d'un risque normal de développement de tumeurs au sein d'une petite population de rats», estime dans le même journal, Kevin Folta, biologiste de l'université de Floride, à Gainsville.