dimanche 31 octobre 2021

Donnons-nous des conditions qui n'engendrent pas d'impossibilités

J'apprends que certaines revues scientifiques sont si submergées d'articles qu'elles sont contraintes de procéder ainsi : d'abord elles éliminent tous les articles qui ont été écrits par des machines ou par des sociétés spécialisées dans la production de faux articles scientifiques, ce qui représente déjà 30 % (vous avez bien lu !) des manuscrits soumis. Ensuite les éditeurs du comité restreint se réunissent pour sélectionner les manuscrits qui ont quelques chances d'arriver jusqu'à l'expertise finale par les pairs, ne retenant qu'une fraction du reste. Ce sont ces articles qui sont ensuite envoyés à des éditeurs en charge de conduire le processus d'examen par des experts.

Cette procédure a des conséquences, et notamment que les auteurs d'articles refusés les soumettent à d'autres revues moins bien classées par ordre de citations.
Et c'est ainsi que je vois apparaître des cas pathologiques comme le suivant : un manuscrit soumis et envoyé à des rapporteurs a suscité des remarques ; les auteurs ont fait quelques corrections, mais pas assez pour pallier les insuffisances du manuscrit, de sorte que les rapporteurs ont ensuite, lors d'un deuxième circuit,  fait d'autres remarques. Et, la troisième fois, j'ai vu des auteurs retirer (ou non) leur manuscrit et le publier ailleurs !

C'est détestable, c'est malhonnête, et il est très malhonnête, également, que des revues publient des textes si mauvais !

 Ces phénomènes sont trop dommageables pour l'ensemble de la communauté scientifique pour que nous ne cherchions pas rapidement des solutions.

samedi 30 octobre 2021

Des normes de publication scientifique ? Bien volontiers



Dans une présentation sur l'histoire des mathématiques, Catherine Goldstein corrige un épisode de l'histoire, à propos du mathématicien Evariste Gallois, et elle évoque notamment que, à son époque (le 19e siècle), l'Académie des sciences avait coutume de renvoyer leurs manuscrits aux auteurs afin qu'ils le formatent comme ils imaginaient que cela devait être fait. Elle évoque une "normalisation".

Souvent, le terme est connoté péjorativement, surtout dans le milieu scientifique, où chacun veut être original, mais un article que j'avais consacré à l'amélioration des pratiques scientifiques montre, au contraire, combien la norme à laquelle nous sommes arrivés est utile, combien elle nous porte ! En sciences de la nature, les progrès méthodologiques sont merveilleux, et cela est sans doute dû, en partie, à ces efforts de nos anciens... dont il serait naïf de croire qu'ils étaient des imbéciles obtus : regardez la composition de l'Académie à cette époque !  

Grâce à leurs efforts, nous sommes arrivés à une structure assez classique, qui comprend une introduction, une description des matériels et des méthodes, la description des résultats, la discussion de ces derniers, et des références. C'est clair, et même si l'on peut faire autrement, cela aide les jeunes scientifiques à rédiger leurs articles.

Bien sûr, en mathématiques, par exemple, ou bien en chimie organique, par exemple, on peut imaginer autre chose. Bien sûr, des êtres de talents peuvent imaginer et bâtir des structures d'articles merveilleuses, mais la "norme" actuelle a le mérite de bien commencer par poser la question, puis de donner les conditions d'obtentions des résultats, de séparer les faits des interprétations. J'aime !

Oui, j'aime, tout comme j'aime ces définitions internationales données par l'Union internationale de chimie (IUPAC), qui évitent les confusions, comme j'aime toutes les initiatives qui vont dans le sens de plus de clarté, de plus de communication facilitée entre les communautés.

Bref, je suis reconnaissants aux académiciens du passé d'avoir oeuvré pour que nous en soyons où nous en sommes aujourd'hui, grâce à leurs "normalisations".
Et puis, quand même, je signale quand même que ceux d'entre les scientifiques qui ne savent pas mettre un article au "moule" d'une revue ne verront jamais l'article accueilli, et encore moins publié. On peut être rebelle, mais pourquoi, au fond, perdre son temps à cela ?  

vendredi 29 octobre 2021

C'est évidemment toujours (ou presque) proportionnel



On est pas assez expliqué aux étudiants que ce que l'on nommait naguère des "lois physiques", et qui étaient enseignées au collègue ou au lycée,  sont souvent les équations les plus simples que l'on puisse trouver,  et cela pour une raison qui des relations avec la  continuité des fonctions.

Mais je me vois utiliser des mots bien abstraits, alors que mon propos est d'expliquer simplement.

Commençons donc par la "continuité des fonctions". Pour expliquer ce dont il s'agit, on commence par faire deux axes perpendiculaires, à partir d'un point qui est nommé "origine" (le point O). Puis on trace une courbe qui part de ce point origine.


 La courbe bleue est... courbe. Mais regardons à la loupe son début :



Là encore, il y a une légère incurvation, mais grossissons donc encore, et, cette fois, le départ semble rectiligne:


Autrement dit, pour ce départ, le rapport de la distance dy par dx est constant, et c'est cela l'équation d'une droite. Bref, pour de petits intervalles, nous sommes en mesure de voir des segments de droite.

Revenons à nos "lois" en considérant par exemple le poids d'un objet : il dépend de la masse, et l'équation la plus simple consiste à écrire qu'il y a une proportionnalité, comme ci dessus. Mais on comprend que, pour des masses considérables, cela puisse ne pas être vrai.
Idem pour l'intensité d'un courant électrique et la différence de potentiel qui l'engendre dans un circuit. Idem pour la relation entre l'accélération d'un corps et les forces qui agissent sur lui...
La plupart des lois physiques élémentaires sont des relations de proportionnalité parce que l'on suppose des variations continues, et que l'on considère une gamme de variations pas trop grande.

Dans la série des expériences que montrent très pertinemment les musées scientifiques, il y a celle de la surfusion de l'eau.

Considérons de l'eau liquide,  à la température ambiante.
Si nous la refroidissons, vient un moment, à zéro degré, ou l'on voit l'eau se solidifier, former de la glace.
Inversement, si nous chauffons de la glace que nous sortons d'un congélateur  à la température de -20 degrés (par exemple), elle reste solide tant qu'on n'a pas atteint  zéro degré... et elle fond alors, se transformant en eau liquide à cette température particulière, qui est la température de fusion.

Mais si nous faisons la première expérience, celle du refroidissement, dans des conditions parfaitement contrôlées, avec de l'eau parfaitement pure, en dehors de toute poussière, sans vibration, alors on observe parfois un phénomène différent de "surfusion" : quand on refroidit l'eau, on parvient à la garder liquide même à des températures inférieures à 0 degré. Cette eau est alors surfondue, et l'expérience est amusante qui consiste à mettre dans l'eau une poussière, un petit cristal de glace, etc.  :  immédiatement l'ensemble prend en masse, se solidifie.

On peut évidemment faire l'expérience avec d'autres composés que l'eau, et l'on trouvera ici fait des liens vers ces très belles expériences, que je recommande à tous mes amis :

https://www.youtube.com/watch?v=e5huXWeTOe8


https://www.youtube.com/watch?v=LiPvvPJpULE



Distiller ?

 

Comment peut-on distiller quand on ne connaît pas la différence entre l'éthanol et le méthanol ?

Récemment, je m'étais étonné que des artisans distillateurs d'eau-de-vie ne connaissent pas la différence entre le méthanol et l'éthanol.
Le méthanol est le premier des alcools, le plus petit, avec une molécule composée d'un atome de carbone,  de trois  atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène. Ce composé rend fou et aveugle.
D'autre part, l'éthanol, qui est le principal alcool du vin, de la bière, du cidre, etc., est le deuxième composé de la série des alcools, avec cette fois une molécule faite de deux atomes de carbone, six  atomes d'hydrogène et un atome d'oxygène. L'éthanol est un poison, comme chacun sait, mais en petite quantité, il modifie les perceptions "agréablement".   

Méthanol et éthanol sont deux composés bien différent. Ils sont présents en différentes quantités dans les solutions qui ont résulté d'une fermentation alcoolique, et il est important de les séparer lors de la distillation.


Partons d'une telle solution, qui est faite, dans l'ordre, d'eau, d'éthanol, mais aussi de méthanol et de divers composés odorants. Quand on augmente la température, vient un moment où le méthanol se met à bouillir, ce qui signifie qu'il s'élimine rapidement, tandis que l'éthanol et l'eau restent dans la solution.
Puis, quand la température augmente encore, vient un moment où c'est l'éthanol qui bout, de sorte que, si l'on refroidit les vapeurs formées à ce moment, on récupère l'éthanol liquide. Et, enfin, quand la température augmente encore, c'est l'eau qui passe. 

Note importante pour les collègues : merci de ne pas me faire l'injure de penser que je ne sais pas que cette description est carricaturale, un peu fausse !


La distillation bien conduite consiste donc à éliminer ce qui part en premier (le méthanol, notamment), et ce qui passe en dernier (l'eau). On a vu que je n'ai pas considéré tous les autres composés présents, notamment les composés odorants, parce que s'impose d'abord la séparation précédente. Le reste suit comme il peut.

Et je reviens maintenant à mon opération de distillation en disant que les bons distillateurs enlèvent les premières fractions distillée, pour ne laisser passer que l'éthanol et un cortège de composés odorants, puis qu'ils arrêtent la distillation quand arrive l'eau...  sans quoi on retrouverait le liquide initial, qui ne serait pas concentré en éthanol, comme on le souhaite.

J'arrive maintenant à la question que je posais initialement  : est-il possible de distiller sans savoir tout cela ?

La réponse est évidemment oui. Parce que c'est ce qu'on l'on fait depuis toujours dans les campagnes :  on  distille depuis des siècles, et pour des raisons empiriques que je ne comprends pas, on a appris que des fractions de tête devaient être éliminées, ce qui tombe bien car elles contiennent ce méthanol qui rend fou et aveugle !

Oui, on peut distiller sans connaître l'existence du méthanol, tout comme on peut conduire une voiture sans savoir qu'il y a une bielle ou un rupteur. Il y a à considérer la différence entre un mécanicien et un conducteur de voiture. Le  conducteur de voiture ne sais pas comment marche le moteur mais il peut éventuellement très bien conduire la voiture, mieux même qu'un mécanicien. Le mécanicien, lui, peut très bien ne pas savoir conduire la voiture,  mais il sait parfaitement comment elle fonctionne.

Evidemment on s'en sort encore mieux quand on a les deux compétences et je ne peux pas imaginer qu'un bon distillateur ne ferait pas encore mieux s'il  connaissait la différence entre le méthanol et l'éthanol.
Car, après tout, il en va de la santé des consommateurs d'eau-de-vie, ce qui n'est pas rien !

jeudi 28 octobre 2021

Je m'étonne que des amis pourtant cultivés acceptent parfois si facilement de croire à des idées impossibles

 

Je rencontre des amis qui sont prets à croire à des choses impossibles : mémoire de l'eau, transmission mentale, effets de la lune sur la croissance des plantes, etc.

Evidemment, on peut leur répondre comme l'avait fait le véritable Cyrano de Bergerac  : "Je n'ai pas entendu parler de sorciers qui n'aient été  à plus de 400 lieues de d'ici". Oui, méfions-nous des histoires extraordinaires (au sens propre du mot) que l'on nous raconte, soit directement soit indirectement : à prétendu phénomène extraordinaire, il faut des démonstrations extraordinairement fortes !

Mais cela n'est pas un argument suffisant et, en tout cas, nos amis on besoin d'un peu plus de connaissances scientifiques pour comprendre s'il y a ou non des impossibilités.

Par exemple, pour la prétendue mémoire de l'eau, nos amis ont besoin savoir que l'eau est composées de myriades de molécules qui bougent en tous sens, sans cesse, s'entrechoquent... Dans un seul verre d'eau, il  y en a des dizaines de millions de milliards de milliards... Qui s'entrechoquent en permanence !
De sorte que toute organisation des molécules qui pourrait exister à un moment donné est immédiatement détruite : pensons à des boules de billard qui seraient bien ordonnées initialement ; si on envoie une bille dans le tas, alors ça devient parfaitement désordonné.

Oui, on sait organiser en quelques sorte les molécules (par divers moyens : électriques, magnétiques, etc.), mais en très peu de temps ces chocs font perdre toute possibilité de reconstituer l'information du passé. Pas de chance pour la prétendue "mémoire" de l'eau.

Pour passer à une autre idée, j'ajoute que, dans ma description précédent, je sais que j'ai été insuffisant parce que j'aurais dû dire que, entre deux molécules d'eau, il n'y a rien.
Ce qui ne manque pas de troubler nombre de mes amis qui apprennent les sciences. Comment ça rien ? De l'air alors ? Non pas d'air  : rien. De l'eau ? Non pas d'eau  : rien. Oui, rien, du vide.

Et une difficulté de notre monde, à ce propos, c'est que la vulgarisation scientifique - qui fait souvent une oeuvre salutaire- ne cesse de faire état de phénomènes physiques très subtils, relatifs  par exemple à l'énergie du vide et à la possibilité de créer des particules à partir cette énergie.
Oui, des particules à partir du vide, qui se créent et de détruisent sans cesse... mais il faut expliquer cela n'est pas à la même échelle que les molécules : pas de molécules d'eau qui se créeraient à partir de rien, et disparaîtraient de même.

Et là, on parle de "mécanique quantique"... ce qui, aujourd'hui encore, reste pour le public aussi mystérieux que les apparitions de la Vierge. Tous ceux qui croient aux miracles sont donc sans doute "habilités" à croire aux phénomènes paranormaux. Et cela fait le lit des charlatans, des gourous...

Comment aider nos amis ? Ne manquons pas une occasion de distribuer de la culture scientifique, des idées rationnelles, qui permettront de ne plus croire les marchands d'orviétans de tous poils, de ne plus gober la "magie".
Et tant mieux si nous sommes accusés d'être "rationalistes" !


lundi 25 octobre 2021

An analysis: what is Note by Note Cheese ?

A friend asks me about making a "note by note cheese". What is it ? 

 

Here is more or less the answer that I gave : 

 

Concerning "cheese", let's analyze: what is it ?
Ordinarily, it is a preserve of milk.
And because of this preservation function, lactic bacteria were used to product lactic acid from lactose.
During the process, the acidification was making a gel. And during maturation, some of the water was evaporated (better protection against micro-organisms, such as molds, etc.).

Hence the conclusion: NbN cheese would be :
- a gel
- with limited quantity of water
- including lactic acid

Moreover, preserving milk is important because of :
- milk provides proteins
- milk provides calcium.

So now a new conclusion :
- a gel
- with limited quantity of water
- including lactic acid
- adding proteins
- adding calcium

Of course, sometimes, fat is also present, so that it would be better (in particular from the flavour point of view) to have :
- a gel
- with limited quantity of water
- including lactic acid
- adding proteins
- adding calcium
- fat present

samedi 23 octobre 2021

On m'interroge à propos de score nutritionnel

On m'interroge à propos du "nutriscore" relatif à deux riz qui semblent identiques dans le paquet, mais avec une différence de 5 minutes de cuisson. Pourquoi le nutriscore est-il différent dans les deux cas ?

Je n'ai guère envie de répondre à cette question, parce que je suis sûr que le nutriscore ne sert à peu près à rien comme je l'ai expliqué dans un billet précédent, j'ai même combattu son introduction, car nous mangeons une alimentation et non pas des aliments. 

Du point de vue du nutriscore, le beurre est très mauvais... mais nous ne mangeons pas en réalité du beurre ; nous mangeons du beurre dans une préparation ! Chacun sait que le beurre, c'est de la matière grasse, de sorte qu'il ne faut pas en abuser, et le fait qu'il soit classé E est inutile.
Et puis, je me suis quand même exprimé à propos de nutrition ici :  https://hervethis.blogspot.com/2019/10/ni-nutrition-ni-toxicologie.html.

Bref, je m'interroge vraiment sur l'intérêt du nutriscore, et tant que je n'ai pas compris qu'il puisse être utile, je ne vais certainement pas aller dans sa direction, en m'y intéressant tant soit peu.
J'ajoute que, à propos de son éventuelle utilité, j'ai entendu l'argument selon lequel certains groupes de la population n'auraient pas les informations élémentaires nécessaires pour choisir leur aliments, mais je crois moins à des nutriscore adressés... à ceux qui savent déjà les lire qu'à  des formations pour tous, dès l'école. Mieux j'ai peur que l'énergie et les moyens dépensés pour ces informations ne soient un dévoiement  de l'énergie et des moyens que l'on pourrait allouer à des formations nutritionnelles à l'école, pour tous les enfants, sans compter qu'ils feront remonter l'information à leurs parents.

 

À propos d'une différence de nutriscore entre deux riz, je ne vais donc pas m'y intéresser, mais je vais en profiter pour faire une analyse dont on pourra faire son miel :
1. Au premier ordre, le riz, c'est principalement de l'amidon, à savoir une matière composée de deux sortes de molécules : celles d'amylose, comme des enchainements linéaires (des "fils") et celles d'amylopectine, ramifiées (des "arbres"). Dans les deux cas, il y a des enchaînements de résidus de glucose (voir : ).
2. Or les molécules de l'amidon se dégradent lors de la cuisson, comme le montre cette expérience  merveilleuse (une expérience de chimie : oui, j'ai bien dit de "chimie", de quoi faire peur à tous ceux qui détestent bêtement cette science de la nature) qui consiste à utiliser de la liqueur de Fehling pour reconnaître le glucose.
Plus en détails, la liqueur de Fehling est une solution bleue,  qui sert de test pour detecter le glucose, quand elle est ajoutée à une solution qui en contient.
Or quand on cuit peu de temps des spaghettis dans l'eau, la liqueur de Fehling reste bleue ; mais quand on cuit longtemps, elle vire au rouge, signe que l'amylose et l'amylopectine ont été "hydrolysés", dégradés, perdant des résidus de glusose.
[Au fait, pourquoi des "résidus" ? C'est ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/la-rigueur-terminologique-pour-les-concepts-de-la-chimie-une-base]

Et c'est là une expérience que nous devrions aider  tous les enfants à faire,  peut-être pas à l'école mais en tout cas au collège  !

Pourquoi l'avant est-il différent de l'après ?



Le titre est idiot, j'en conviens, car l'avant, c'est l'avant, et l'après, c'est l'après : cette déclaration, d'ailleurs, est sans beaucoup d'intérêt, parce qu'elle manque le point essentiel, n'analyse rien.
Mais, de toute façon, c'est voulu (bien évidemment), car il s'agit surtout, ici, de considérer l'apprentissage.

Et notamment celui de la cuisine : en cuisine, la première exécution d'une recette  est, de façon très étonnante,  souvent compliquée... alors même que cette exécution est techniquement sans aucune difficulté.

Ainsi, je me souviens, la première fois j'ai fait une mayonnaise, combien la chose me semblait difficile, et notamment parce que le discours qui l'entourait était obscur... sans compter que les recettes se contredisaient.

Je me souviens également de la première fois où j'ai réalisé une sauce béarnaise : là encore, j'étais en quelque sorte intimidé, alors que, en réalité, le procédé est d'une simplicité navrante. Mais, il y avait ce mythe de la sauce béarnaise, sa réputation de pouvoir rater.

Plus généralement, je vois régulièrement, dans les séminaires, des personnes "intelligentes" et "cultivées" qui sont hésitantes par rapport à des recettes qu'elles n'ont jamais faites.
Par exemple, je me souviens du directeur marketing d'une grande société alimentaire (élève d'une des grandes écoles de commerce française) à qui j'avais enseigné à faire de la crème fouettée. C'était amusant, parce qu'il m'avait téléphoné pour m'inviter à diner, ajoutant qu'il avait besoin de moi pour lui montrer comment faire. Et quand il avait fait le geste devant moi, il le réussissait parfaitement... mais il ne savait pas reconnaître qu'il avait obtenu le résultat visé.

Bref, quand on apprend, il y a apparemment un mécanisme un peu étonnant d'appréhension, d'hésitation, d'intimidation... Je ne sais pas pourquoi,  mais je n'arrive pas à ne pas mettre cela en relation avec un autre phénomène, qui est celui des expérimentations que nous faisons lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire : chaque fois, nous partons d'une précision culinaire que nous testons expérimentalement.
Evidemment, je cherche à avoir une "théorie", une analyse en termes de phsique ou de chimie,  avant les expériences,  mais régulièrement aussi, nous obtenons des résultats étonnants.
Ou, du moins, étonnants pour nos esprits, car a posteriori, ils sont souvent bien évidents.

Par exemple, il y a eu cette préparation que nous avons obtenue alors que nous testions une étrange recette de béarnaise, trouvée dans un livre ancien, qui donneait un protocole très particulier, consistant à battre du beurre attendri dans du jaune d' œuf que l'on avait préalablement fouetté pendant un quart d'heure (sic) : nous avons obtenu comme une sorte de crème au beurre, et a posteriori, je trouve ce résultat un peu évident. Pourtant personne ne l'avait anticipé.  

Bref, nous devons toujours faire l'expérience, car elle nous surprend chaque fois d'une façon ou d'une autre, et je me dis que nous devrions mieux analyser cette différence entre l'avant et l'après.

vendredi 22 octobre 2021

La pâtisserie serait plus "précise" que la cuisine ? Certainement pas !

 



Lors d'un cours de gastronomie moléculaire, il y a plusieurs années, j'ai fini par comprendre que la composante technique de l'art culinaire est en quelque sorte sans intérêt, tant c'est facile : battre un blanc en neige, faire une mayonnaise, sauter une viande, cuire une tarte... Quel intérêt que de faire ce qu'une machine ferait mieux ? Et c'est bien la question "artistique", celle du "bon", qui est difficile et essentielle. Sans compter la composante "amour", disons lien social.


Bref, pourquoi certains considèrent-ils qu'apprendre la cuisine est difficile ? Certainement parce que ces trois composantes sont indistinctement mêlées dans l'apprentissage classique de la cuisine, qui n'avait pas appris à les reconnaître... D'où des confusions : par exemple, quand on passe des heures à faire du sucre filé ou tiré, au lieu de comprendre


J'ai aussi trop méconnu la question de l'illettrisme... et l'on me connaît assez pour ne pas penser que j'écrive cela de façon hautaine ou méprisante, mais, au contraire, compatissante. Car oui, les chiffres officiels, qui sont sans doute sous estimés, voient 17 pour cent de Français souffrant d'illettrisme, pour des gens qui ont fait huit ans d'études en France ! Comment lire une recette, dans ces conditions ?


Mais, aussi, il y a ce fait que les recettes ne donnent pas bien, quand elles sont écrites, les "objectifs". Par exemple, dans la confection d'une pâte à chou, un œuf de plus ou de moins fait toute la différence... et cela se détermine à l’œil, car les farines donnent des résultats différents, imprévisibles. De même, pour une pâte à foncer (les "pâtes à tarte"), la quantité d'eau à ajouter se joue à trois fois rien, comme on peut en faire la démonstration en faisant simplement un pâton à partir de farine et d'eau.


Bref, il y a bien des cas, dans les activités du goût, où il faut ajuster à l’œil les proportions des ingrédients, et cela se rencontre souvent quand il est question de pâtes, quand on utilise de la farine...


Raison pour laquelle il est ahurissant que le monde culinaire ait prétendu que c'est pour la pâtisserie qu'il fallait avoir des mesures précises. Je dirais au contraire que c'est pour la pâtisserie qu'il ne faut pas les mesures précises !


Dans un séminaire, nous avions mesuré la "précision" nécessaire pour différentes recettes et nous avions bien montré que cette précision n'était pas la même pour les différentes réalisations. Par exemple, quand on cuit un mince filet de poisson (cuisine), alors tout se joue en quelques secondes. A l'inverse, quand on cuit une brioche (pâtisserie), quelques minutes de cuisson de plus ou de moins sont sans importances.


Lors de ce mêmes séminaire, certains, qui étaient confrontés à l'observation que je viens de rapporter (nous avions fait des mesures) m'ont fait observer que cette précision prétendue concernait les proportions, qui auraient été essentielles en pâtisserie, moins en cuisine. Je crois au contraire que ce n'est pas le cas. Car quand on prépare des pâtes, pensions à des pâtes à choux, à des pâtes à foncer (pour les tartes), et cetera, alors il faut adapter la quantité d'eau à la température, à la nature de la farine, notamment. Et il ferait inconcevable utiliser des proportions fixes, puisque les ingrédients ne le sont pas. Bref, la pâtisserie n'est pas plus précise que la cuisine.


Mais, en passant, observons combien la vidéo est plus utile que l'écrit, pour l'apprentissage de la cuisine : il est très difficile de décrire avec des mots une consistance, alors que l'on voit bien, sur une vidéo, comment la pâte s'écoule ou ne s'écoule pas.


Mais je reviens à ma conclusion : il n'est pas vrai que la pâtisserie sois plus précise que la cuisine.

mardi 19 octobre 2021

The method of sciences of nature

 The method of science ? 

https://www.youtube.com/watch?v=coFYUf3GLS4

 

For me, the thing is perfectly clear, and I spread throughout the world (Lewis Carroll: "what I say thrice is true") the idea that the natural sciences work by 

(1) identifying a phenomenon; 

(2) quantifying said phenomenon (due to Bacon); 

(3) putting the data together in equations (formerly rather misnamed laws); 

(4) inducing a theory, by reuniting the equations and introducing new concepts; 

(5) finding testable consequences of the theory; 

(6) experimental tests showing the inadequacies of the theory, so that one can go back to (1) or (2).  


 

Pour moi, la chose est parfaitement claire, et je diffuse dans le monde entier (Lewis Carroll : "ce que je dis trois fois est vrai") l'idée que les sciences de la nature marchent par (1) identification d'un phénomène ; (2) quantification dudit phénomène (dû à Bacon) ; (3) réunion des données en équations (naguère assez mal nommées lois) ; (4) induction d'une théorie, par réunions  des équations et introduction de nouveaux concepts ; (5) recherche de conséquences testables de la théorie ; (6) tests expérimentaux montrant les insuffisances de la théorie, de sorte que l'on peut repartir à (1) ou (2). 


Le "saucissonnage" des publications

A propos de réflexions sur l'intégrité scientifique,  je tombe sur une discussion relative au "saucissonnage" des articles.

Les auteurs de cette expression considèrent que c'est une faute de publier de nombreux articles peu différents, sauf un élément mineur... et évidemment je suis approximativement d'accord avec eux.

Mais oublions les cas pathologiques pour se préoccuper des cas généraux. D'abord la question de ce saucissonnage est tout en nuances, car même quand on est honnête, on hésite sans cesse entre publier de gros manuscrits, transmettant une foule de rrésultats, de données, d'interprétations (cela fait des textes indigestes, trop denses, que personne ne lit bien) et de  petits articles courts, concis, focalisés.
Pour presque chacun de mes manuscrits, j'hésite entre ces deux possibilités !

On voit d'ailleurs à la façon dont je formule la question combien je suis plutôt en faveur des petits articles concis et bien faits, mais pourquoi ?

Pas pour augmenter mon nombre de publications, ce dont je me moque  parfaitement (puisque c'est la production scientifique qui m'intéresse), mais surtout parce que la division en petits morceaux facilite, suscite même, les interprétations. Si nous partons d'un résultat, d'un petit groupe de données, et que nous cherchons des interprétations, nous aurons au total plus de ces dernières... avec de surcroît la possibilité de chercher ensuite des synthèses, donc du méta-méta-résultat, en quelque sorte.

Bref, je ne veux pas manquer une occasion de me stimuler créativement, de me lancer sur des calculs qui feront voir dans les données autre chose que des nombres.

Sans compter que je ne suis pas très intelligent, et que, pour moi (comme pour les autres en réalité), les petites bouchées sont plus facile à absorber que les grosses.
Mais je le répète : il faut se concentrer sur le contenu, pas sur la forme. Et publier point à point conduit à mieux évaluer le chemin que l'on parcourt, nous oblige à imaginer plus que ce que nous faisons, nous donne du temps pour maturer des idées plus difficiles.
 
D'ailleurs, c'était la stratégie de Pierre-Gille de Gennes, qui partait fréquemment le vendredi soir avec une pile de résultats, et revenait le lundi avec un projet de publication et les calculs correspondants.
C'était aussi la stratégie de Louis Pasteur, un homme que je n'aime pas, mais qui, même s'il a répété jusqu'à des paragraphes entiers de communication en communication, a avancé comme un rouleau compresseur scientifique, avec pugnacité.
Je le répète : Pasteur s'est beaucoup répété, mais ses publications apportent toutes quelque chose, et c'est cela qui compte, non ?
Bien sûr, il n'a pas été honnête rhétoriquement, n'a pas reconnu tous les apports, s'est mis en avant de façon exagérée, n'a pas toujours utilisé son intelligence avec toute la droiture qu'on aurait pu souhaiter, mais ses publications (je parle surtout de la période 1846-1850) ont fait avancer son travail vers la solution de grands mystères.

Enfin, je concluerais qu'il en va ici comme des teintes comprises entre le noir et le blanc  : il y a toutes les graduations de gris, et il faut évidemment s'efforcer d'être du bon côté... en conservant cette idée forte : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

lundi 18 octobre 2021

Impensable que les institutions confient l'évaluation de la recherche à des acteurs privés !

Les travaux, en sciences de la nature, sont financés par les universités, les instituts de recherche, les académies ; les travaux technologiques le sont par ces mêmes institutions, et aussi par l'industrie.

Quand les financements viennent de l'industrie, alors c'est une relation contractuelle qui échappe à la production "scientifique", et, d'ailleurs, c'est moins de la production scientifique que du travail technologique, et les institutions publiques qui contribuent financièrement doivent juger de l'intérêt de tels contrats, et de la façon dont elles les considèrent.

Mais pour les travaux scientifiques, les financements se font par l'Etat, qu'il s'agisse des instituts publics de recherche, des universités, des sociétés savantes, des académies. Et là, l'évaluation ne peut pas être confiée à des acteurs privés sans quoi ceux-ci ont plus à coeur de gagner de l'argent dans l'affaire que de faire correctement -et légitimement- le travail que nous envisageons ici.

La première des "évaluations" de la production scientifique est la publication de résultats. Et là, déjà, on comprend que le contrôle ne doit pas être confié à des éditeurs privés, mais aux institutions préalablement citées.
Dans le temps, on avait besoin des éditeurs, dont c'était le métier de procéder à l'impression de journaux, mais avec l'avènement des techniques numériques, les éditeurs ne sont plus d'aucune utilité, et, d'ailleurs, ils se sont outrageusement développé comme des sangsues sur la communauté scientifique. Vite, il faut que les institutions reprennent le contrôle des publications.

Pour ce qui concerne le travail d'expertise des manuscrits, il est fait par les scientifiques, donc  il est  financé par les institutions déjà évoquées, et des acteurs privés n'ont pas à se mêler de ce qui regarde des relations entre des employeurs et des employés.
Voilà pourquoi je récuse des sites comme Publons, qui, peut-être à l'origine, ont été créés  à partir de la bonne intention qui était de vouloir reconnaître ceux qui font des expertises de manuscrits, mais qui sont privés, de sorte qu'ils sont illégitimes.

Il faut donc  les académies, les institutions de recherche, les sociétés savantes, reprennent la main sur ces questions-là également.
De toute façon, au 21e siècle, ce n'est pas un gros travail, car l'administration s'est considérablement simplifié ; il n'y a plus de papier, et les coûts ont fondu.

Il faut donc que les institutions fassent leur travail, leur travail d'évaluation indépendant, leur travail de reconnaissance des chercheurs. 




samedi 16 octobre 2021

En avant première, les mécanismes de formation des crêpes

Voici ce qui sera probablement expliqué bientôt à la télévision, dans C'est pas sorcier... puisque cela vient de moi : 



Au fond, les mécanismes qui engendrent les crêpes à partir de la pâte à crêpes sont simples.
Considérons une pâte à crêpes faite d'oeufs, de farine et de lait.
- le lait, au premier ordre,  c'est de l'eau, avec de la matière grasse dispersée;
- l'oeuf apporte de l'eau, à nouveau, mais également des protéines, qui sont initialement comme de microscopiques pelotes;
- et la farine apporte essentiellement des grains insolubles dans l'eau, que l'on nomme  des grains d'amidon. Quand on mélange les trois ingrédients, on a de l'eau, qui fait une phase continue, avec des protéines en solution, et des grains d'amidon en suspension, plus des gouttelettes de matière grasse.

Quand on chauffe, les protéines de l' œuf se déroulent et s'attachent en a un réseau qui s'étend dans tout le volume de la crêpe, comme quand on cuit du blanc d'œuf. Et ce réseau donne donc de la cohésion au liquide. Toutefois, à ce "gel" de protéines s'ajoute l'empesage de l'amidon : cela signifie que, dans l'eau chaude, les grains d'amidon gonflent en absorbant l'eau environnante. Ils gonflent même tant  qu'ils finissent par s'interpénétrer et se souder. C'est donc un deuxième mécanisme qui donne de la solidité à la crêpe, et permet notamment de la retourner.



Il y a de nombreuses questions qui demeurent, comme de savoir pourquoi les deux face de la crêpe ne sont pas identiques. C'est pourtant simple  : quand ton cuit la première face, la crêpe est encore liquide, de sorte que l'eau qui s'évapore au contact de la poêle chaude forme de la vapeur, qui arrive à traverser le liquide, créant de petits trous.
La base de la crêpe cuit en premier, puis la cuisson va jusque au sommet.
Quand on retourne la crêpe, on ne cuit plus un liquide, mais un solide et cela est bien différent, car l'eau qui s'évapore au contact de la poêle n'a plus la possibilité de traverser la crêpe , car celle-ci n'est plus liquide ; elle  soulève donc la crêpe, forme des cloques et c'est ainsi que l'on a des parties au contact de la poêle et des parties qui ne sont pas au contact de la poêle, d'où des différences de couleurs et de degrés de cuisson.