Les appels à la prudence sont rarement entendus par les plus
fougueux d'entre nous. Surtout quand, en réalité, cette fougue est un
moyen de se distinguer.
Imaginons, par exemple, un
cuisinier qui fasse des macérations de grappes de tomates grappes dans
de l'huile, qu'il servirait comme un moyen original de donner un goût
original.
Si on lui dit que ces macérations sont très
dangereuses (ce qui est vrai), il est très improbable qu'il cesse sa
pratique fautive... parce qu'il a trouvé un moyen de se distinguer. Idem
pour des pommes de terre servies avec leur peau, laquelle contient des
glycoalcaloïdes toxiques.
Ou pour des macérations de cannelle
dans de l'huile, ou bien encore des macérations d'estragon ou de basilic
dans l'eau de vie (je renvoie à d'autres billets pour les raisons de
ces dangers).
Bref, inutile de vouloir réformer ceux
qui ne veulent pas l'être, de sorte que faut-il vraiment que je fasse ce
billet sur les huiles essentielles ? Ceux qui en vendent assureront
qu'il n'y a aucun danger... alors qu'ils n'en savent en réalité rien.
Pourtant,
ce ne serait pas bien de ne pas discuter la question, car, à côté des
marchands mercantiles, il y a tous les autres, qui souhaitent des
informations de bon aloi, pour en faire bon usage.
Disons alors que, dans les huiles essentielles, il y des concentrations considérables de composés odorants.
Par
exemple, dans l'huile essentielle de basilic ou d'estragon, il y a
jusqu'à 85 % d'un composé nommé méthylchavicol (qui est cancérogène et
tératogène).
Pour de l'huile essentielle de lavande, il y a
environ 30 % de linalol, 1 % d'alpha terpinéol, 4 % de terpinène-4-ol,
32 % d'acétate de linalyle, 7 % d'ocimène, et d'autres composés. Pour ce
cas, on se méfiera, car on a vu les seins de petits garçons pousser
quand leur mère mettait cette huile essentielle dans leur bain, jour
après jour.
Plus généralement, c'est la concentration des
composés organiques qui fait leur danger, de sorte que l'on peut se
demander si le législateur ne serait pas avisé de n'autoriser que des
dilutions de ces huiles essentielles ?
En tout cas,
j'invite mes amis cuisiniers, domestiques ou de restaurant, à être très
prudent avec ces produits. Oui, il y a des odeurs merveilleuses, mais il
y a des dangers. Diluons, et employons des dilutions !
Des références pour ceux qui en demandent :
- le site Toxicologie alimentaire d'AgroParisTech
- Aziz et al., Journal of Food Science r Vol. 77, Nr. 3, 2012
- Jean Bruneton, Plantes Toxiques, Lavoisier Tec et Doc
- AFSSAPS : Recommandations relatives aux critères de qualité des huiles essentielles, 2008
-
McDonald et al, Evidence of the carnogencity of estragole, nov 1999,
Reproductive and Cancer Hazard Assessment Section Office of
Environmental Health Hazard Assessment California Environmental
Protection Agency
- Safety assessment of botanicals and botanical
preparations as ingredients in food supplements intended for use.
Guidance document of the Scientific Committee (Question No
EFSA-Q-2005-233)
- et mille autres !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes
de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la
cuisine)