mercredi 16 juillet 2025

L'amélioration : un effort permanent

Relisant un texte un peu ancien d'un ami physicien, je trouve une erreur historique que j'ai débusquée il y a peu.  Mon ami, averti, plaide coupable et c'est tout à son honneur... mais je me hâte de lui répondre que nous n'avons pas à nous sentir coupables si nous avons fait de notre mieux. 

C'est de persévérer dans l'erreur qui serait coupable. Avec le "faire de son mieux", il y a le renvoi à une discussion que j'ai souvent de vive voix : je demande à mes amis en souriant comment on pourrait ne pas faire de son mieux ? 

Et pour suivre cette discussion, je crois qu'il y a un "faire de son mieux un jour donné". Un jour suivant, nous pourrons faire mieux que le mieux que nous avons fait, et, au fond, c'est là la vraie vertu : faire sans cesse de son mieux, mais, surtout, remettre sans cette le travail sur la table, le reprendre, l'améliorer, ne pas se satisfaire de ce que nous avons produit un jour. 

Finalement, il manquait à mon ami d'avoir fait le travail que j'ai pu lui procurer, et je suis heureux de le faire, parce que, ainsi, sa déjà belle production sort encore embellie. 

mardi 15 juillet 2025

On m'interroge à propos de crème anglaise

Cet après-midi, une salve de questions qui ont, en réalité, toutes trait à la cuisson des crèmes anglaises. J'ai des explications illustrées et (j'espère) claires et détaillées dans Mon histoire de cuisine  (Belin, Paris), mais voici en tout cas de quoi comprendre. 

 Le message :

"Je sais que le blanc commence a coaguler à 62 °C, le jaune à 68 °C (j'ai lu sur votre article sur le site de Pierre Gagnaire), mais je pense que certaines molecules coagulent à d'autres temperatures ; ai je tort ?
Une question voisine : pourquoi dit de cuire la crème anglaise a 85 °C ? Serait-ce pour des question de pasteurisation ? Et pourquoi elle tranche à l'ébullition et pas à 85 °C ?
Est-il possible de rattraper une crème anglaise tournée pour retrouver l’émulsion ? Cela aura-t-il des effets sur la structure moléculaire ou sur la texture ? 
J'ai pu observer que la crème anglaise était plus liquide après avoir été "blendée". Est-ce une destruction de la structure moléculaire au moment du mixage ?

 

Et ma réponse, question par question

 

Là, commençons par : "Je sais que le blanc commence a coaguler à 62 °C, le jaune à 68 °C (j'ai lu sur votre article sur le site de Pierre Gagnaire), mais je pense que certaines molecules coagulent à d'autres températures ; ai je tort ?"

On peut bien sûr répondre point après point à cette première question, et je vais le faire, mais je vais aussi reprendre la chose différemment, parce que je pense que l'on peut être plus clair. D'abord, la réponse médiocre, point à point : Oui, le blanc d’œuf commence à coaguler vers 62 °C. Oui le jaune d' œuf commence à coaguler vers 68 °C. Et oui, certaines molécules de l' œuf coagulent à d'autres températures que les deux ci-dessus. Mais j'observe d'abord que les molécules qui coagulent, dans le blanc ou dans le jaune, sont plus précisément des protéines. Chaque protéine, chaque sorte de molécules de type protéine) coagule à une température particulière. Là, comme dit plus haut, je sais bien que la réponse n'est pas correctement donnée, que l'explication n'est pas claire, de sorte que je reprends maintenant la chose. 

Considérons le blanc d' œuf, puisque le jaune se comporte en principe comme lui mais de façon un peu plus compliquée. Le blanc d' œuf, c'est 90 % d'eau et 10 % de protéines, mais des protéines de plusieurs sortes. Chaque protéine coagule à une température particulière. Et c'est effectivement à 61,8 °C qu'une première protéine du blanc coagule ; les autres restent sous la forme de pelotes dans le blanc à peine pris par la coagulation de cette première protéine qui coagule (on est bien d'accord : quand on dit "une protéine coagule", cela signifie que de très nombreuses molécules d'un même type protéique se "déroulent" et s'associent un grand réseau qui piège le liquide où elles étaient dissoutes). 

Puis, quand on augmente la température, survient la coagulation d'une seconde protéine, ce qui renforce ce gel qu'est le blanc coagulé. A ce stade, il y a deux "filets" qui piègent les autres molécules, et c'est très mou. Et quand on augmente encore la température, vient un moment où une troisième protéine coagule, renforçant le gel qu'est le blanc coagulé, puis viendra une quatrième coagulation, et ainsi de suite, le blanc coagulé devenant de plus en plus dur, jusqu'à devenir caoutchouteux. Il en va de même pour le jaune d’œuf, mais avec des protéines différentes, qui ont des températures de coagulation différentes. 

 

La suite en découle presque

Une question voisine : pourquoi dit-on de cuire la crème anglaise à 85 °C ? Serait-ce pour des question de pasteurisation ? Et pourquoi elle tranche à l'ébullition et pas à 85 °C ?

Observons tout d'abord que l'on peut cuire la crème anglaise à la température que l'on veut, et je ne sais pas d'où mon interlocuteur sort c'est 85 °C. Pour les questions microbiologiques, je ne suis pas spécialiste, mais je sais qu'il y a surtout la question du "couple temps-température". Et c'est ainsi, par exemple, que si l'on cuit un œuf entier, dans sa coquille, à 59 °C pendant 15 minutes, on détruit les salmonelles ; quand on cuit à température supérieure à 59 °C, on peut réduire le temps nécessaire à l'assainissement microbiologique. 

En revanche, on prendra garde de ne pas descendre beaucoup, car quand les micro-organismes sont à une température élevée mais pas létale, ils prolifèrent. C'est la raison pour laquelle je mets si souvent en garde mes amis cuisiniers contre les trop basses températures maintenues pendant longtemps. Cela étant, oui, on peut faire grumeler une crème anglaise quand on la porte à haute température... Pour une raison que j'explique maintenant, en disant tout d'abord qu'une crème anglaise réussie macroscopiquement, c'est-à-dire de façon visible à l' œil nu, et en réalité grumelée microscopiquement. 

Et j'ajoute que, contrairement à ce qui a été souvent enseigné fautivement, une crème anglaise, ce n'est pas une émulsion mais une suspension : ce n'est pas comme dans une mayonnaise, où l'empilement compact des gouttelettes de matière grasse donne de la viscosité ; ici, dans la crème anglaise, la viscosité, l' "épaisseur" de la sauce, est non pas due aux quelques gouttes de matière grasse (du lait, du jaune), mais à la présence d'agrégats microscopiques, formés par des protéines dispersées dans la phase aqueuse. J'insiste : oui, la crème anglaise prend de l'épaisseur à la cuisson parce que les protéines du jaunes coagulent en agrégats microscopiques. 

Quand on chauffe trop, les grumeaux microscopiques se réunissent en gros grumeaux visibles. Et oui, on peut très bien rattraper une crème anglaise en la secouant dans une bouteille avec du lait, comme on disait : les grumeaux microscopiques sont alors dissociés, comme le montre une image de Mon histoire de cuisine

D'ailleurs, on peut aussi passer la crème grumelée à l'étamine... tandis que le pied mixeur, lui, risque de dissocier les gros grumeaux et aussi les petits agrégats de protéines, ce qui conduit à une re-fluidification de la sauce.

lundi 14 juillet 2025

Le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique AgroParisTech Inrae fait peau neuve

 Le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique AgroParisTech Inrae fait peau neuve
 

Avec cette rentrée et la rénovation du site général d'AgroParisTech, je suis conduit à réorganiser le site du Centre international de gastronomie moléculaire et physique AgroParisTech Inrae.

Cette fois, on a une arborescence de dossiers comme sur un disque dur, avec une partie en français et une partie en anglais. 

Dans chaque cas, les travaux du Centre international de gastronomie moléculaire et physique sont distingués. 

Par exemple, dans le site français, on trouve le Glossaire des métiers du goût, mais aussi les comptes-rendus des séminaires de gastronomie moléculaire, ou encore  les cours, notamment de Master,  des podcasts, etc. 

Pour le site anglais,  de même, on trouve les initiatives note à note, les cours du Master international Food innovation and product design, et cetera. 

 

N'hésitez pas à télécharger tous ces documents qui sont en accès libre  : https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy/international-journal-of-molecular-and-physical-gastronomy2

Que faut-il aux enfants ?

 On sait que le psychologue Lazlo Polgar, ayant voulu explorer le "génie", a conduit sa fille Judit à devenir une extraordinaire championne d'échecs. Dans la même veine, Leopold Mozart a conduit son fils Wolfgang sur une voie où ce dernier a excellé. Et Marie Curie, réticente aux méthodes appliquées dans l'enseignement public, organisa pour ses filles et les enfants de ses amis universitaires une coopérative d'enseignement:  Irène Curie reçut un enseignement original, donné par ces universitaires, alliant une éducation de l'esprit pragmatique (des expériences, des visites, des spectacles, etc.) à une éducation du corps (gymnastique) : elle eut le prix Nobel de chimie en 1935. 

Que faut-il pour conduire les enfants vers les sciences ? Selon les exemples, précédents, ne pourrions-nous pas penser qu'il faut : 

- des adultes attentifs, qui créent un cadre intellectuel favorable : une boite de chimie, la visite de laboratoire où se déroulent des expériences spectaculaires, un livre tel que celui de Nikolai Piskounov (Calcul différentiel et intégral), etc.

- un Palais de la découverte : qui fait rayonner la flamme de la connaissance scientifique, une sorte de phare de la science dans le monde de la jeunesse

- des livres bien faits (on sait que Michael Faraday dut son basculement vers la "philosophie naturelle aux Conversations on chemistry de Jane Marcet) 

Il ne devrait pas exister un village sans une bibliothèque, sans un club de science, à l'école, ou au collège, ou au lycée !

dimanche 13 juillet 2025

Des quenelles modernes

 
Aujourd'hui, je discute la confection des quenelles... et une façon moderne de les faire. 

Les quenelles, il y en a mille sortes, mais ce sont toutes des dérivés des terrines, en ce sens qu'il y a initialement de la chair, d'animal terrestre ou aquatique peu importe, qui est broyée, ce qui libère conduit à une pâte, qui est en réalité constituée de protéines dans de l'eau. 

À la cuisson, les protéines coagulent comme celle d'un blanc d'oeuf que l'on chaufferait, de sorte qu'une terrine est un cousin d'un blanc d'oeuf cuit. La différence, c'est évidemment qu'une terrine est plus "consistante" : c'est parce que la viande contient moins d'eau que le blanc d'oeuf. Or plus il y a d'eau dans une solution aqueuse de protéines, et plus le gel obtenu par cuisson est tendre ; inversement moins il y a d'eau, et plus le gel et ferme. Dans une terrine, la proportion d'eau est de 70, pour cent, alors qu'elle est de 90 pour cent pour du blanc d'oeuf. 

En corollaire, on comprend que si l'on veut attendrir une terrine, il suffit d'ajouter un liquide : du bouillon, du vin.. Mais revenons donc à nos quenelles. C'est donc de la chair broyée, et la chair broyée coûte cher. En quelque sorte, elle est précieuse, et c'est pour cette raison que les cuisiniers ont appris à la "diluer" avec des matières moins coûteuse : de la farine, de la matière grasse qui, de surcroît, donne de l'onctuosité. 

Par le passé, dans ces quenelles nommées godiveau, cette matière grasse a souvent été de la graisse de bœuf, peu coûteuse, mais on peut aussi utiliser de la crème pour les quenelles fines. D'où la recette de base des quenelles : broyer de la chair avec de la crème, éventuellement avec une panade ou de la mie de pain trempée dans du lait, ou avec de la farine. 

Bien sûr, on peut aussi partir de viande ou de poisson déjà cuits, mais alors les protéines qui ont déjà coagulé ne peuvent plus jouer le rôle de liant, de sorte que, dans de telles recettes, les cuisiniers ont appris à mettre de l' œuf, souvent du blanc d'oeuf pour ne pas colorer et ne pas trop empiéter sur le goût de la chair. 

 

L’écueil, dans toutes les recettes ?

C'est qu'il y ait trop peu de protéine par rapport à la masse à coaguler. Il faut compter un minimum de 5 pour cent en masse, environ. Et c'est pour cette raison que les cuisiniers ont appris à faire des essais des quenelles, ce qui revient à faire bouillir de l'eau et à déposer de petites quantités pour voir si la masse prend au lieu de se disperser dans le liquide frémissant. 

Que faire si la masse ne prends pas ? Il faut bien sûr ajouter des protéines mais classiquement, ajouter des protéines, cela signifie ajouter de la viande crue, de la chair de poisson cru, ou de l'oeuf non coagulé. Or, par cette méthode, on ajoute aussi aussi de l'eau, de sorte que ce n'est guère pratique. 

 

Pourquoi ne pas vivre de façon un peu moderne et se limiter à ajouter des protéines ?

 On peut utiliser par exemple du blanc d'oeuf en poudre, où des protéines végétales, des protéines de pois, de fèves, de soja, de lentilles, de chanvre... Là, on ajoute une cuillerée, et l'on obtient à la cuisson la prise de la quenelle sans aucune difficulté. La transformation technique et aussi importante que quand on est passé de l'utilisation du pied de veau à celle de gélatine en feuille. 

À l'époque (environ 30 ans), il y a eu des cris d'orfraie pour refuser une telle transformation, mais aujourd'hui, bien rares sont ceux qui font leur gelée au pied de veau ou au pied de porc, car il faut cuire longuement, clarifier, et faire cela à petite échelle revient à passer des heures à faire ce que fait l'industrie alimentaire à grande échelle, souvent de façon bien moins coûteuse et sans doute plus propre. 

 

Bref, quand mes quenelles ne prennent pas, je n'hésite pas à ajouter des protéines à mon appareil !


 

samedi 12 juillet 2025

L'oeuf cocotte

 
Il y a quelques jours, une question par internet : 

 

J'ai un problème avec l'oeuf cocotte!!!
Toutes les recettes nous disent de passer par le four. Or, à chaque fois, le jaune est trop cuit, alors que le blanc ne l'est pas. Alors que, normalement, ce devrait être l'inverse!
Pour ma part, je procède (pour des ramequins) de la façon suivante: je mets l'appareil (duxelle de champignons, crème de potimarron,…) en température au micro-ondes. Puis j'ajoute l'oeuf. Et je mets les ramequins dans un bain-marie, avec couvercle, sur induction, juste quelques minutes.Le blanc est cuit, le jaune est coulant. Merci de votre expertise.

 

Pour répondre, il est bon de savoir que la température de coagulation du blanc est en quelque sorte plus basse que celle du jaune (il y a des subtilités que je passe). Et il faut également savoir que la densité du jaune est inférieure à celle du blanc : le jaune flotte dans le blanc. 

De sorte que, dans un bol au four, le jaune vient en surface, où, avec le blanc qui est en surface, ils sont exposés à la forte température du four : ces deux parties cuisent en premier, alors que le blanc du fond de bol reste cru, parce que la porcelaine est mauvaise conductrice. La solution de mon correspondant est-elle bonne ? 

En l'occurrence, le bon n'est pas une donnée universelle, mais personnelle. Certains préfèrent les oeufs cocotte tels qu'obtenus précédemment, tandis que d'autres préféreront des oeufs cocotte cuits dans des récipients métalliques. D'autres voudront du bain marie qui cuit par le fond, sans que la surface ne soit coagulée, mais il est bon de les confronter à Madame Saint-Ange et à tous les cuisiniers du passé qui voulaient une surface "au miroir", légèrement coagulée, donc, au point qu'on passait même les oeufs sous la salamandre ou sous un fer chaud. Bref, tous les goûts sont dans la nature. 

De sorte que je ne suis pas d'accord avec mon correspondant quand il conclut de nos échanges : Et, donc, la cuisson de l'oeuf cocote au four est une aberration. C'est ce que je pense depuis longtemps! Au bain-marie, avec couvercle, le blanc coagule vite, et le jaune reste coulant.

 Et puis, pourquoi ne pas couvrir l'oeuf de crème ? Celle-ci, ayant une densité inférieure à celle du blanc et aussi à celle du jaune, vient flotter en surface et protéger la surface, au four. Sans compter mille autres façons que j'imagine sans difficulté. D'ailleurs, la question qui n'a pas été posée dans cette discussion -et cela est une erreur, voire une faute- est : quel est l'objectif ? C'est une fois ce dernier défini que nous pourrons seulement chercher des moyens techniques de l'obtenir ! 


 

vendredi 11 juillet 2025

Un coeur liquide vitaminé

 
Ce matin, une question, qui appelle des commentaires : 

1. La question de la conservation des aliments est souvent une question de microbiologie 

2. Le goût a plusieurs composantes. 

 

Voici la question : 

"Je souhaiterais donc réaliser une "gomme" vitaminée composée d'un insert liquide de vitamine D et de calcium, et je veux faire appel à la cuisine moléculaire. En effet j'ai pensé à la sphérification inverse, avec pour principe d'obtenir une sphère solide avec un cœur liquide. Mais je ne connais pas le temps de conservation de cette technique. Et je cherche également à masquer le goût de la vitamine D. Je voudrais utiliser des arômes naturels, et réaliser un insert acidulé et sucré, mais sans ajouter du sucre."

 

Et voici ma réponse

Il y a donc plusieurs questions en une, et je propose d'examiner cela successivement, en observant, en passant, que je mets à la disposition de tous l'expertise qui est celle de l'agent de l'Etat que je suis. Mon interlocuteur n'ayant ni payé une consultation (l'argent serait allé au laboratoire) ni stipulé que la question posée était confidentielle, je me sens le droit d'évoquer cette question publiquement... d'autant que la question n'est pas "originale", en ce sens que je l'ai déjà eue plusieurs fois, sous des formes variées. 

1. D'abord, un coeur liquide dans un gel, c'est facile : on prend un liquide, on le fait congeler, et on le trempe dans la gélatine, par exemple, ou bien dans du chocolat fondu, ou mille autres façons. Mais oui, l'emploi d'alginate de sodium est une possibilité, et j'ai nommé des "degennes" ces perles à coeur liquide que l'on obtient avec l'alginate : - pour la formation de "degennes" directs : on dissout de l'alginate de sodium (environ 5 pour cent) dans un liquide, et l'on fait tomber des gouttes de ce liquide dans un bain d'eau avec du calcium ; on lave immédiatement les degennes qui se forment, sans quoi le calcium qui migre dans la peau gélifiée de surface vient gélifier le coeur - pour la formation de "degennes" inverse, on dissout du calcium dans le premier liquide, et on verse celui-ci dans un bain d'eau et d'alginate de sodium. Là encore, une peau gélifiée se forme, mais cette fois, la peau ne s'épaissit plus avec le temps, parce que l'alginate est trop gros pour migrer dans gel formé. J'observe d'ailleurs que mon interlocuteur a de la chance : il voulait mettre du calcium dans le coeur liquide interne. 

2. Une observation supplémentaire : je suis très heureux de voir que mon interlocuteur fait bien la différence entre cuisine moléculaire (une technique) et gastronomie moléculaire (de la science). Ici, c'est bien une question technique. 

3. A propos de "conservation", il faut savoir que la principale question est le plus souvent une question de microbiologie : notre environnement est plein de micro-organismes qui n'ont qu'une "envie" : se développer et se reproduire. Or souvent, ils ont besoin des mêmes éléments que nous : une température ni trop froide ni trop chaude, des nutriments, de l'eau. Dans nos aliments, il y a tout cela, et il n'est donc pas surprenant que nos aliments laissés à l'air libre pourrissent... sauf quand on a séché la surface (manque d'eau), ou quand la température est basse (réfrigérateur), par exemple. Bref, ici, la question de la tenue physique ou chimique des degennes n'est guère en cause, mais c'est la question microbiologique qui s'impose. Pour les degennes, n'étant pas microbiologiste, je n'ai aucune idée de la conservation, mais je sais que des sociétés vendent des degennes contenant de la vinaigrette, de l'alcool, des jus variés, de sorte que la conservation est un problème qui a été résolu par certains. 

4. Masquer le goût de la vitamine D ? Il y a plusieurs dimensions sur lesquelles jouer : la saveur, l'odeur, la couleur, le trigéminal. Mais commençons par les "arômes naturels" : un arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique, à ne pas confondre avec un "aromatisant", ce que l'on devrait nommer un extrait ou une composition gustatifs. Evidemment, puisque est naturel ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par un humain, un aromatisant n'est JAMAIS naturel, sauf au sens d'une réglementation que nous devons combattre. Et là, il faut absolument aller voir les produits merveilleux vendus par la société Kitchenlab  (je ne touche rien de cette société). 

5. Mais l'odeur n'est pas la seule dimension, comme dit précédemment, et la saveur est essentielle. On veut omettre le sucre de table, à savoir le saccharose ? Alors il suffit de prendre un autre composé édulcorant, soit non intense (fructose, ou autre), soit intense : aspartame, ou autre. Personnellement, j'irais vers de l'aspartame... en répétant ici que l'Europe a dépensé des fortunes pour la réévaluation toxicologique, et que l'aspartame est sans risque. Un peu d'acide, aussi ? De salé, puisqu'il amoindrit l'amer et rehausse le sucré ? 

6. Et l'on n'oubliera pas d'autres dimensions, et notamment les composés à action trigéminale, comme le menthol pour une fraîcheur mentholée, et les pipérines, capsaïcines ou isothiocyanate d'allyle, pour des piquants. En détournant la sensation, on fait autre chose que la "masquer"... mais ça marche tout aussi bien.