jeudi 15 mai 2025

Conseil à des doctorants qui vont soutenir leur thèse

Quand une soutenance de thèse est planifiée, c'est que les rapporteurs ont été mis un avis favorable et que, en réalité, l'affaire est déjà faite, que la thèse est acceptée en toute probabilité. 

Il y a donc lieu de savourer ce moment de la présentation et non pas de le redouter. Il n'y a pas besoin de stresser puisque cela ne sert à rien, que tout est joué. Et il vaut bien mieux savourer ce moment-là,  un moment de science et comme un repas qu'on servirait à nos amis. 

J'ajoute que les membres du jury, scientifiques, sont comme des taureaux devant qui nous avons intérêt à agiter le torchon rouge des mécanismes. Ils sont avides de venir discuter de sciences, avec le doctorant et entre eux. 

Bien sûr, le doctorant doit s'adresser à tous puisque la soutenance est en réalité une façon de montrer que l'on est capable de travailler dans l'enseignement supérieur, c'est-à-dire de faire cours. D'ailleurs, les questions du jury sont de ce type de : elles s'apparentent aux questions que les étudiants pourraient poser si l'on faisait un cours à l'université.
Mais il n'y a pas de doute qu'un doctorat qui a bien travaillé pendant 3 ans sera parfaitement répondre aux questions puisqu'il les aura envisagées pendant ces trois années. Et d'ailleurs, il n'est pas dit que le professeur puisse répondre à toutes les questions au sens de donner la réponse à cette question ; ce qu'il doit donner, c'est une réponse, et même peut-être qu'il ne sait pas. Il n'y a pas de honte à ne pas savoir, et, dans un tel cas, il s'agit surtout d'envisager comment on pourrait avec plus de temps répondre à la question ou comment, si un travail n'a pas été fait on pourrait le faire... 

Bref il n'y a pas à stresser mais à savourer ce moment. Le doctorant ayant invité son jury, il doit lui donner du bonheur comme quand on invite des amis à dîner ; il doit avoir mis les petits plats dans les grands, ce qui signifie avoir préparé correctement le powerpoint qu'il va utiliser. Et de même que l'on met une nappe propre sur la table, on évitera évidemment les fautes d'orthographe dans les textes, par exemple. Mais ensuite, il y aura lieu de servir des mets délicat, de montrer des idées intéressantes... 

Si on en est capable, on peut évidemment faire mieux, par exemple organiser un discours parfaitement élaboré, faire une sorte d'événement mais cela est en plus et en vérité la soutenance est l'occasion de pouvoir se mettre en position de faire cela. 

Il faut en profiter, il faut en profiter pour grandir, il faut en profiter pour s'amuser... Bref la soutenance d'une thèse doit être un moment merveilleux

mercredi 14 mai 2025

Le gros avant le détail

Je viens d'être consulté par deux étudiants, l'un à propos d'un document powerpoint qu'il doit présenter bientôt et l'autre à propos d'un poster. Dans les deux cas, ma réponse est "Dites-moi en une phrase ce que vous voulez que vos interlocuteurs entendent". 

Dans le cas du document PowerPoint, par exemple, la dernière diapositive était consacrée aux conclusions et aux perspectives :  il y avait toute une liste qui était donnée... mais on ne retient pas une liste.  Dans l'autre cas, le poster, il y avait toute une série de boîtes correspondant à l'introduction, le matériel, les méthodes, etc., et, noyé dans tout cela, il y avait un "take home message"... mais c'est justement ce qu'il ne faut pas faire : noyer la chose importante dans le reste. 

Dans les deux cas, il faut prendre beaucoup de recul et commencer par faire l'important ,car c'est ensuite seulement que l'on fera le détail. 

Par exemple dans le cas du poster, notre ami aurait pu placer le "take home message" en plein milieu, bien souligné par de la couleur, ou bien à la fin puisque c'est cela que l'on retient le plus. En tout cas, dans les deux cas, il fallait voir le plus important très aisément. 

Dans le cas du PowerPoint, il y a la constitution générale mais aussi la constitution de chaque page : pour chaque page, le titre doit être court, concis, frappant et aussi visible que possible. 

Ensuite il doit y avoir une image et une seule, très énergique, et le moins de texte possible parce que le texte sera dit par l'orateur, et qu'il ne faut pas être redondant sous peine que nos amis se sentent considérés comme des imbéciles. 

Bien sûr, il y a des détails "importants " et notamment toutes les conditions expérimentales qui doivent être aussi précises que possible : cela s'écrit et ne se dit pas, car dans un discours, soit on insiste sur ces conditions expérimentales parce qu'elles sont essentielles, soit on les indique seulement en passant, pour que nos auditeurs voient le sérieux du travail. Mais il y a un choix à faire. 

Dans les deux cas, il faut des références, et, mieux, le plus de références possible. Des références bien choisies avec éthique : chaque phrase, chaque idée, chaque fait doit être indiqué par une référence primaire et j'insiste sur les références primaires en renvoyant vers un billet d'il y a quelques jours.

Pour terminer, je reviens sur l'idée forte que je veux transmettre : il faut faire le gros avant le détail et le gros doit être gros tandis que le détail doit être de détail.

Intelligente ardeur, ou ardente intelligence ?

Ce matin, alors que je décris la vie de Louis Joseph Gay-Lussac, j'évoque Nicolas Vauquelin, et j'indique le zèle dont il faisait preuve et qui lui valut l'amitié de Claude Geoffroy.

Mais j'hésite à parler d'ardente intelligence ou d'intelligente ardeur. 

On comprend bien que dans un cas, il y a d'abord de l'intelligence, tandis qu'il y a de l'ardeur dans le second. 

L'ardeur, je sais bien ce dont il s'agit mais l'intelligence ? Je suis de ceux qui considèrent que labor improbus omnia vincit,  un travail acharné vient à bout de tout ; je suis de ce qu'ils veulent encourager des étudiants à penser que leur intelligence résultera de leur travail et qu'il y a donc beaucoup d'espoir. Je suis de ceux qui aiment le labeur, même si le mot parait pesant. 

Inversement, je n'aime guère la mousse qui, en matière d'intelligence s'apparente plutôt à une écume (en bon français : une mousse faites d'impuretés). 

Bref, je suis de ce qui maintiennent que l'on est ce que l'on fait et que nos prétentions à l'intelligence n'ont guère d'intérêt. Je suis de ceux pour qui ce qui est intrinsèque est essentiel dans les activités, et ce qui est extrinsèque parfaitement secondaire, voire nul. 

Pour en revenir à Vauquelin, je ne sais pas s'il était un enfant intelligent, mais je sais qu'il eut l'intelligence d'être travailleur et, mieux encore, d'être intéressé par la chimie et par l'étude en général. 

N'ayant pas eu de formation initiale en latin, à une époque où cette langue s'imposait, Vauquelin l'apprenait, emportant avec lui les pages de mots qu'il apprenait par coeur tandis qu'il était chargé de diverses commissions, comme si nos actuels livreurs d'Amazon  délivraient leurs colis en lisant des livres de mécanique quantique. 

Vauquelin fit mentir les idées de classe,  et ce fils de petit paysan, par son intelligente ardeur, devint un des grands chimistes de son temps.

La recherche bibliographique : insistons !

Plus le temps passe et plus je me rends compte que, pour les sujets qui nous intéressent, nous avons bien raison de faire une recherche bibliographique soutenue. 
 
Je viens d'avoir le cas à propos de points d'histoire des sciences, plus précisément de la physique, où même des collègues "avancés" restaient dans le flou où je me trouvais moi-même, faute de ce travail de recherche bibliographique.
C'était à propos d'une expérience historique de Benjamin Franklin , et  l'utilisation d'Internet m'a montré, après une journée de recherche, que beaucoup de faux avait été dit à ce propos. 
En outre, par le passé, des travaux universitaires avaient été faits et publiés, mais, certes,  parfois dans des revues un peu confidentielles. 
En revanche, il aurait été dommage de tout refaire ! Au contraire, ayant identifié ces travaux, nous avons maintenant la possibilité de les vérifier et de les prolonger. 
 
Les vérifier tout d'abord  puisque l'expérience montre qu'il n'y a pas que du bon dans ce qui a été produit par le passé (pas plus que ce qui est produit aujourd'hui, mais pas moins). Il y a donc lieu de publier a minima des évaluations des travaux anciens,  et des rectifications des erreurs que nous trouvons. 
 
Les prolonger, parce que si nous explorons bien,  il est à parier que nous trouverons de quoi faire un bouquet nouveau à partir de fleurs anciennes. 
 
En tout cas, l'utilisation d'Internet nous met aujpurd'hui dans une position inédite dans l'histoire de la recherche scientifique. Jamais autant qu'aujourd'hui il devient inexcusable de ne pas citer les sources primaires. 
 
Mieux encore, pour chaque sujet que nous explorons, nous pouvons embrasser d'un coup la totalité des production sur un thème particulier :  il y a là de l'historiographie, certes, mais à nous de faire des synthèses plus intéressantes que les collections de papillon.

mardi 13 mai 2025

Des excuses à toutes celles et tous ceux qui ont laissé des commentaires... auxquels je n'ai pas répondu

Chers Amis

Pardonnez mes insuffisances informatiques : je viens de découvrir tout une série de commentaires à mes billets, et j'ignorais leur existence ! 

Là, je viens de cocher une case qui me le signalera, à l'avenir, mais, dès que le 14e International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy sera passé (jusqu'à 16 mai), je répondrai à tous les messages ! 

 

Avec mes excuses. 

Validation de méthodes

Hier, lors d'une discussion avec un étudiant, je me suis aperçu qu'il manquait de connaissances pour faire bien, malgré son envie de faire bien, et cela me semble très intéressant : pouvons-nous vraiment réclamer à des étudiants ce dont ils ne sont pas capables ? Je crois que ce serait injuste. 

En l'occurrence, alors que nous discutions présentation orale, il s'agissait d'indiquer les méthodes qu'il avait utilisées. 
Par exemple, il avait utilisé des méthodes microscopiques, mais aussi gravimétriques, et granulométriques. Dans sa présentation, il ne voyait qu'un manque, à savoir la marque de l'appareil employé et les conditions utilisées lors de la mise en oeuvre... mais je lui ai fait remarquer qu'il manquait SURTOUT des références à  la validation de la méthode employée : on n'utilise pas un matériel simplement en appuyant sur des boutons ; on doit mettre en oeuvre une méthode rationnelle, et, surtout, validée. Soit validée par soi-même, soit validée par d'autres. 

Notre jeune ami ignorait l'existence de telles méthodes, ignorait  l'existence des répertoires officiel de méthodes validées, internationalement reconnues, telles qu'indiquées dans les document de l'AOAC, l'Association of Official Agricultural Chemists

Il faut donc dire ici que toute méthode doit être mise en œuvre selon un protocole qui a été exploré, étudié, caractérisé, validé... Mettre en œuvre un appareil, une méthode, cela signifie soit montrer soi-même que cette méthode est bonne, soit se fonder sur le travail d'un collègue qui antérieurement aura fait ce travail là. 

Cela vaut pour tous les gestes expérimentaux,  d'une simple pesée jusqu'à la mise en œuvre d'une méthode spectroscopique compliquée. Pour la pesée, par exemple il s'agit de savoir qu'il y a des règles sur l'utilisation d'une balance et notamment un consensus international à propos de la masse minimale que l'on peut peser avec une balance donnée, de la masse maximale que l'on peut poser aussi avec cette même balance. 

Et je conclurai en observant combien mes discussions avec les étudiants sont utiles, dans la mesure où elles me montrent l'étendue de ce qu'il faut leur transmettre avec bienveillance, clarté, rigueur...  et un peu de charme car on n'oubliera pas que les fleurs forment de jolis bouquet quand elles sont réunis avec art. 



PS. SI l'on est dans le cas de l'étudiant discuté ici, on voit que la question qui s'impose est "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?"


lundi 12 mai 2025

Un exemple ? Aie !

 Hier, lors d'un échange avec un jeune scientifique chinois, celui-ci m'écrit  que je suis un exemple pour sa génération... et je me demande bien en quoi. 

Ce que je comprends,  d'abord, c'est qu'il y a cette passion réelle et affichée pour la science, que je distingue bien de la technologie. 

Je l'ai exprimée dans un texte intitulé Le château de la science  : il est certain que ma quasi dévotion pour la chimie peut donner à certains un élan, une possibilité de comprendre les beautés de la chimie, et de la science en général.  

D'autre part, dans cette même journée d'hier, la discussion avec une étudiante m'a montré qu'il y avait lieu de ne pas faire les choses au hasard, qu'il fallait étudier pour devenir capable de travailler avec rigueur, structure  : est-ce un exemple à donner? 

Et encore une autre discussion m'a fait comprendre ce que j'ai exprimé dans un billet précédent, à savoir que nos travaux devaient être fondés sur un sol aussi ferme que possible, je veux dire par là que nous devons faire des recherches bibliographiques extraordinairement rigoureuse, fouillée. 

Derrière tout cela, il y a la question de la rationalité, la question de la méthode, de la rigueur et le temps passé à vouloir faire bien. 

Au fond , c'est peut-être cela que mon jeune collègue entendait ?