mardi 4 mars 2025

L'objectif des sciences de la nature ?



Aurais-je fait une erreur en réduisant l'activité scientifique (je parle des sciences de la nature) à l'exploration des mécanismes des phénomènes ?  
En effet, la découverte des fullérènes ou du graphène, par exemple, semble ne pas relèver de cette catégorie, mais plutôt de la découverte d'objets insoupçonnés du monde.
Il y aurait donc lieu d'inclure les deux possibilités mais s'il y en a deux il y en a peut-être trois ?
Par exemple, que penser d'une nouvelle théorie, d'un nouveau concept, d'une nouvelle méthode? D'une certaine façon ce sont encore de nouveaux objets du monde, car les objets du monde sont perçus par nos sens et, de ce point de vue, ils sont théorisés.
Inversement, c'est bien en explorant les propriétés de la suie ou des composés présents dans l'espace que furent découvert les fullérènes, par exemple, de sorte qu'assigner aux sciences l'exploration des phénomènes correspond ipso facto à la découverte de ces objets.

Tant que j'y suis à mes révisions, faut-il que je change l'idée que j'ai de la méthode scientifique ?
L'analyse précédente montre que la première étape, à savoir dl'identification d'un phénomène, mérite d'être conservé. La deuxième aussi puisque la caractérisation quantitative est la base de notre travail. La troisième étape, également s'impose, car on ne manipule pas des nombres mais plutôt des relations entre ces derniers. Et, pour la réunion des équations en théorie, l'introduction de nouveaux concepts, je ne crois pas qu'il y ait à redire. Tester expérimentalement des conséquences théoriques ? C'est bien notre quotidien aussi :  nous devons valider, chercher en quoi nos théories sont insuffisantes.

De sorte que je j'ai l'impression que cette description de la méthode scientifique n'est pas exagérément fausse.
Je me souviens pourtant d'un ami cosmologiste qui y voyait à redire, au motif que le Big Bang n'aurait pas été expérimental en quelque sorte. Ce n'est pas juste car le rayonnement cosmologique et la recherche d'objet très anciens de l'Univers correspond effectivement une caractérisation du big bang.
Les théoriciens ? Au fond, ils sont dans la troisième étape.
Et je n'ai pas dit que tous les scientifiques doivent effectuer toutes les étapes : il y a de la place pour des compétences variées. Parfois, il faudra d'excellents expérimentateurs, qui se consacreront aux étapes les plus expérimentales. Parfois, il faudra d'excellents théoriciens, qui feront les travaux les plus théoriques.

A ce dernier propos, il faut observer que,  bien souvent, les recherches scientifiques produisent beaucoup de données par rapport à l'interprétation qu'on en fait : c'est une observation récurrente à laquelle les stages me conduisent.
Il y a donc à insister beaucoup sur cette étape et il y a certainement lieu de chercher une méthodologie de ces interprétations,  car si nos jeunes amis ne parviennent pas à les faire correctement, c'est que le projet ou la méthode ne sont pas claires.
D'ailleurs, nombre de publications scientifiques sont très insuffisantes de ce point de vue : les auteurs se contentent souvent de dire que leurs résultats sont conformes (ou pas) à ce qui a été observé précédemment. Mais, alors, quel est l'apport de leur travail ? Certes, une confirmation vaut mieux que rien, mais quand même, s'il n'y a pas de véritable nouveauté, faut-il publier ?
En réalité, je suis quasiment certain que c'est moins la nouveauté (expérimentale) qui manque, alors, que la théorisation !

Mais je me trompe peut-être...

lundi 3 mars 2025

Diderot, merveilleux Diderot

 Lettre de M. Denis Diderot sur l’examen de l’Essai sur les préjugés


Les erreurs passent, mais il n’y a que le vrai qui reste. L´homme est donc fait pour la vérité ; la vérité est donc faite pour l’homme puisqu’il court sans cesse après elle ; qu’il l’embrasse quand il la trouve ; qu’il ne veut ni ne peut s´en séparer quand il la trouve. [...]  Si le monde est plein d´erreurs, c’est qu’il est plein de scélérats prédicateurs du mensonge ; mais en prêchant le mensonge ils font à leurs dupes l’éloge de la vérité, mais leurs dupes n’embrassent le mensonge qui leur est prêché que sous le nom de la vérité ; il y a tant d’ennemis du vrai, du bon et du bien ; tant de fausses lois ; tant de mauvais gouvernements ; tant de mauvaises mœurs ; tant d’hommes qui trouvent leur intérêt dans le mal.
Tout mensonge attaqué est détruit et détruit sans ressource : toute vérité prouvée l’est à jamais.

samedi 1 mars 2025

Pâté ou terrine ?

 Un pâté est cuit dans une pâte, une terrine est préparée dans une terrine. Et le pâté de campagne, en conséquence, est souvent mal nommé par les charcutiers, parce qu'il n'y a pas de pâte. 

A ces évidences, certains - de mauvaise foi- ont voulu m'opposer que la chair d'une terrine de campagne était réduite en pâte... mais ils auraient mieux fait d'aller voir le dictionnaire, qui dit que le mot pâte désigne -depuis 1174 !- une  «farine détrempée et pétrie» (ETIENNE DE FOUGÈRES, Livre des manières, éd. Lodge)
 

jeudi 27 février 2025

Plein de questions passionnantes !

Il y a plus de cinq millions articles scientifiques sur le thé... et pas un ne discute la manière dont les composés présents dans les feuilles peuvent sortir dans l'eau  !

C'est bien la preuve que la gastronomie moléculaire a encore de beaux jours devant elle. 

D'ailleurs, en écrivant cela, je m'aperçois que l'étude de cette question, tout intéressante qu'elle est plus en vue d'applications, permettra de faire un bout de chemin scientifique, lequel se fera avec l'espoir d'une découverte.
Non pas la découverte, en quelque sorte locale, qui est la réponse à la question mais j'ai une découverte plus la fondamentale dont je n'ai encore aucune idée aujourd'hui. 

Disons que la question du thé est une manière de nous mettre en chemin et rapprochons cela de cette phrase de Chevreul qui envisageait de considérer d'abord le potentiel des questions étudiées, dans ces réflexions méthodologiques. Une citation pour terminer, à ce propos : « Avant d'admettre des résultats nouveaux, examiner si ces derniers portent avec eux les conditions qui en assurent l’exactitude » (Chevreul, 1824 : II).

mercredi 26 février 2025

Une stratégie d'enseignement

Alors que je m'interrogeais sur mon "baroquisme" personnel, ma compulsion à faire des incises, à augmenter le nombre des rameaux qui sortent du tronc principal, quand je fais une présentation écrite ou orale, je m'interrogeais aussi sur la question de l'enseignement : au-delà des données techniques que l'on donne dans un cours, il y a surtout la nécessité de susciter de l'enthousiasme pour des questions et d'inviter efficacement nos amis à étudier puisque nous serons dans l'incapacité de leur faire ingurgiter ce dont ils n'ont pas envie 

Et là,  parce que je m'interrogeais d'autre part sur les notes en bas de page dans les articles, je vois qu'il y a le début du baroquisme : on fait un discours, on introduit un élément supplémentaire en bas de page... mais on pourrait aller à l'infini, introduire une note de la note et cetera. 

Cela est évidemment à éviter, mais il faut surtout revenir à la question : comment susciter l'enthousiasme ? 

Imaginons que nous ayons un discours parfaitement linéaire. C'est un chemin, et nous ne pouvons pas sauter d'une étape à une autre sans égarer nos amis : imaginons que vous voulions aller de Paris à Colmar, impossible d'aller de Paris à Reims, puis de Strasbourg à Colmar ; il faut manifestement faire quand même le chemin de Reims à Strasbourg. 

Comment alors faire saillir des parties du discours ? Manifestement, si le chemin est choisi, fixé,  c'est soit par les idées soit par les mots. 

Les mots, c'est bien joli, mais au-delà de la coquetterie qu'un joli mot introduit, je crois que la force de l'idée est supérieure. Et je vois donc que nous en sommes réduits à trouver des idées passionnantes sur des thèmes qu'ils ne sont pas toujours. 

À moins que je me trompe et que l'enjeu, pour le professeur, soit de savoir bien voir la beauté afin de la faire ensuite partager à nos amis ? 

Cela étant, un long discours mérite toujours d'être segmenté : on fait un plus long chemin si l'on y va doucement, par petites étapes ; à propos de cuisine, on dirait que les plus petites bouchées sont plus faciles à avaler que les grosses. 

Et au point d'étape, que ferions-nous ? C'est là où il y a peut-être à organiser nos incises, pour donner un peu de relief. En arrivant au point d'étape, nous ferions une petite conclusion pour bien résumer ce que nous avons vu. Puis nous annoncerions une incise un peu étonnante, afin de donner des compléments d'information, de faire de la variété. Et nous ne remettrions en chemin après avoir expliqué là où nous allons. 

 

Il me semble qu'il y a là une stratégie d'enseignement qui mérite d'être considéré

 

mardi 25 février 2025

Paraphrase contre plagiat

Je reçois d'un cabinet d' "aide à la rédaction scientifique" une proposition de service. 

Pour montrer leurs compétences, ces gens envoient un texte où ils font la différence entre la paraphrase et  le plagiat, et ils expliquent l'importance de citer éthiquement les auteurs des idées que l'on utilise pour rédiger un article scientifique. 

Je m'étais fait un copier-coller pour  lire au calme ce document, mais quand je l'ai regardé en détail, j'ai vu combien il était inutile. 

Surtout, il ne discutait pas la véritable question,  qui est d'utiliser des résultats expérimentaux, ou des concepts, ou des idées proposés par des collègues,  en citant bien évidemment ces derniers puisque c'est la moindre des choses que de ne pas s'emparer des biens d'autrui. 

Quoi que... Lorsque nous lisons un article, nous pouvons aussi nous rappeler que le monde est imparfait, et que ces résultats, concepts, méthodes, idées ne sont peut-être pas des auteurs de l'article que nous lisons, mais de collègues ayant publié cela antérieurement. Décidément, le cabinet d'aide à la rédaction a pris les choses bien légèrement. 

Cela étant, ayant vérifié que les données que nous allons utiliser sont vraiment des auteurs de l'article que nous lisons, il y a la question :   faut-il prendre une phrase de l'article et la citer telle qu'elle est,  assortie de la référence à l'article, ou bien  faut-il plutôt éviter le "plagiat", et  paraphraser en citant  l'article d'où nous sortons les données paraphrasées ? J'ai bien peur que le cabinet d'aide à la rédaction n'ait à nouveau manqué le point important : quand on change les mots, on change les idées, les concepts, et :
- on risque de faire dire aux collègues des choses qui n'ont jamais dit,
- on risque de donner des idées fausses qui n'ont pas été établies par le travail expérimental qui est cité. 

Personnellement,  je crois préférable de reprendre les mêmes mots pour bien véhiculer les mêmes fait expérimentaux, les mêmes concepts, les mêmes idées théoriques que ce qui a été établi ou proposé. 

Mais, surtout, si l'on n'est pas capable de rédiger ses propres articles, est-on bien à même de publier des articles scientifiques, même en recourant à ces cabinets  que je vois bien insuffisants ?

lundi 24 février 2025

Les Comptes Rendus de l'Académie d'agriculture ? Passionnants !

Alors que je corrige les Comptes rendus de l'Académie de l'agriculture de France pour l'année universitaire 2020-2021, je comprends mieux l'intérêt de ces documents, fondés sur les séances publiques organisées par l'académie tous les mercredi. 

Nos comptes rendus sont utiles pour la divulgation de données scientifiques ou technologiques qui prennent tout les sens quand elles sont ainsi réunies. Je dois avouer que je ne voyais pas bien l'intérêt avant de préparer ces documents, mais leur lecture est passionnante, et l'on mesure mieux combien les activités académiques sont essentielles pour le public, le politique, l'administration. 

Certes  les praticiens (notamment les agriculteurs, mais pas seulement) ont des des sources d'information variées, notamment avec des journaux professionnels privés, mais les Comptes rendus de l'Académie d'agriculture donne une information d'une qualité sans doute supérieure : la préparation des séances de mercredi consiste à réfléchir les meilleurs moyens de transmettre des informations juste sur des sujets difficiles. 

Ce sont finalement les auteurs des meilleurs travaux qui sont sélectionnés, et on leur a demandé une présentation en 20 minutes, de sorte qu'ils ont dû donner l'essentiel le meilleur dans ce temps un peu court. 

Les séances sont podcastées, et l'Académie publie également les documents PowerPoint qui sont utilisés pour les présentations. 

Mais les textes, notamment les introductions et les synthèses, ont été rédigées par des académiciens, qui ont cherché un discours concis qui, de surcroit, prend un peu de grandeur. 

Passionnant, vous dis-je !