samedi 16 septembre 2023

Pourquoi nous aimons les confitures

Commençons par le commencement. Les confitures se sont introduites dans l'alimentation humaine, parce que l'on voulait conserver les aliments, qui, plein d'eau et de nutriments, attirent les micro-organismes. C'est pour éviter le pourrissement que nos ancêtres ont cuit des fruits avec du sucre, parce qu'ils avaient observé que ce sucre permettait d'obtenir des conserves, sucrées de surcroît : on dit même que le corps d'Alexandre le Grand fut conservé dans du miel. 

Merveille : le liquide obtenu lors de la cuisson de végétaux dans du sucre solidifie au refroidissement, formant un gel, ce que la cuisine nomme une gelée lorsque le liquide a été passé et qu'il n'y a plus de morceaux. 

La confiture est donc un gel, et cela vaut la peine de se demander pourquoi. Dans un billet précédent, nous avons vu que la cuisson des fruits libère dans la confiture des molécules analogues à des fils, à savoir les molécules de pectines. Quand la confiture est encore chaude, elle est liquide, parce que les molécules de pectine flottent au milieu des molécules d'eau, en compagnie de toutes les molécules qui donnent de la saveur, de la couleur, du goût. Notamment les molécules de saccharose. 

Lors du refroidissement, les molécules de pectine peuvent se lier les unes aux autres pour plusieurs raisons, mais notamment parce que les « fils » ont des parties qui ne se dissolvent pas bien dans l'eau. Puisque le fil tout entier est dans l'eau, ces parties se regroupent pour former des zones où l'eau est exclue ; en quelque sorte, ces parties se protègent de l'eau. Le sucre, qui, lui, se dissout très bien dans l'eau, ne se lie pas non plus à ces parties, et quand il est en abondance, comme le prescrivent les recettes de confiture, il favorise ces associations. 

Et c'est ainsi que l'on observe que les confitures peuvent gélifier quand la concentration en sucre est comprise entre 40 et 60 pour cent environ. C'est là une des conditions de la prise des confitures. Comment faire le dosage ? On aura une bonne approximation en considérant que les fruits sont faits d'eau, et que le sucre est du sucre. Autrement dit, il faut moitié d'eau et moitié de sucre, environ.

vendredi 15 septembre 2023

Ah bon?

 

Un correspondant pâtissier m'écrit :
"Il a ete observer qu’avec du repos une pate a bsicuits aurait tendance a s’etaler moins pour obtenir donc une pate plus moelleuse et fondante" [sic]

Ah bon, cela a été observé ? Par qui ? Dans quelles circonstances ? Au cours de quelle expérience ? Répétée combien de fois ? Avec combien de témoin ? Selon quel protocole ?

Personnellement, je ne sais rien de tout cela, et je comprends qu'un séminaire expérimental sera nécessaire, parce que je doute de tous les on dit.

L'ordre des ingrédients ?

Un correspondant m'interroge : 


"Donc apres notres discussion l’ordre est imperatif le beurre la farine et le sucre ensuite ? Mais est ce que le sucre glace avec amidon peut aider?" [sic]



Dans une pâte sucrée, si on la veut friable, on a intérêt à mélanger d'abord le beurre et la farine,  puis l'eau, puis le sucre. De la sorte, on évite la formation d'un réseau de gluten trop fort, qui préviendrait la fiabilité.

Plus exactement, dans l'ordre, avec le beurre et la farine on formerait une d'abord masse sans gluten, ou,  disons, avec très peu  de gluten.

L'ajout d'eau permettrait la cohésion des grains formés lors de ce sablage, , mais contribuerait à la formation de gluten.

Mais, ensuite,  l'ajout de sucre, par l'effet sucre décrit ailleurs, déferait le gluten dans la pâte ainsi constituée.

Faut-il du sucre glace,  du sucre en poudre,  du sucre semoule ?
Ce qui compte, c'est surtout que le sucre puisse se dissoudre dans l'eau présente et défaire le réseau de gluten.
Bien sûr, avec du sucre glace cela sera plus rapide car la même masse répartie en de très nombreux petits cristaux permettra d'atteindre plus facilement toutes les parties de la pâte.

Mais la question posée était de savoir si l'amidon à la surface des cristaux de sucre glace amylacé pourrait favoriser le phénomène. Et là, la réponse est qu'il ne faut pas tout confondre : le gros et le détail.

La farine, le beurre, l'eau, le sucre sont les constituants essentiels, les protagonistes essentiels du phénomène. Ils sont en quantité qui se comptent par grammes, dizaines de grammes ou centaines de grammes.
Mais pour l'amidon utilisé comme agent antimottant du sucre glace, ce sont des quantités infimes, puisque le but est seulement de couvrir  la surface des cristaux de sucre, afin d'éviter qu'ils ne collent entre, ayant absorbé l'humidité l'atmosphère.
Ces quantités d'amidon sont donc d'un ordre de grandeur bien inférieur à celles des principaux constituants de la pâte.

D'ailleurs, quiconque a fait l'expérience que j'ai proposée dans un autre billet et qui consiste de mettre du sucre glace dans l'eau pour voir si l'on voit un très léger trouble ou plutôt un dépôt blanc, sait que la présence de ces anti-mottants est quasi imperceptible.

Le repos des pâtes et la cuisson

 

Un correspondant me dit :
"il se partage souvent que le repos au froid est benefique pour la cuisson"[sic].

Et là je n'en sais vraiment rien. Il va falloir que nous organisions un séminaire en divisant une pâte en deux et en faisant reposer la moitié au froid tandis que l'autre restera à température ambiante. Nous cuirons ensuite les deux pâtes ensemble et nous organiserons un test sensoriel en aveugle pour savoir si les juré perçoivent une différence.

Les fameux émulsifiants



Les oeufs serviraient d'émulsifiants pour suspendre les corps gras ce qui donnerait une texture plus moelleuse aux sablés ou aux pâtes à foncer  ?

Les œufs contiennent des protéines, et ces protéines peuvent enrober des gouttelettes de matière grasse et contribuer à leur dispersion, notamment dans des émulsions. Elles peuvent  également contribuer à disperser des bulles d'air.

Dans les deux cas, il faut une phase aqueuse pour accueillir les structures dispersées,  puisque une émulsion est -au moins dans les cas qui nous concernent- une dispersion de gouttelettes d'huile dans  une solution aqueuse, tandis qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air dans une solution aqueuse.

la texture est-elle alors plus moelleuse ? Le mot moelleux est ambigu car on comprend bien que le moelleux d'une mousse, avec des bulles d'air dispersées n'est pas le moelleux d'une émulsion, avec des gouttelettes des matières grasses dispersées.

Le beurre froid dans les pâtes à foncer ?


Travailler le beurre froid avec la farine et le sucre permettrait d'obtenir des biscuits friables et croustillants ?

 Est-il exact que le beurre froid ait vraiment une importance ? Mes sentiments à cet égard ne sont aucune utilité et c'est là typiquement une de ses idées que nous devons tester lors d'un séminaire, dans des conditions rigoureuses.

C'est l'occasion de rappeler que les séminaires de gastronomie moléculaire sont des rencontres ouvertes à tous, gratuites, et qui donnent lieu à des comptes rendus parfaitement rédigés et envoyés à tous ceux qui les demandent.

L'idée, c'est de partir de précisions culinaires :  trucs, astuces, tours de main, on dit, proverbes, dont on se demande s'ils sont justes. Nous les discutons avant de les tester expérimentalement en public.
Une fois les tests fait, la question est résolue le plus souvent, et je me demande bien comment les enseignants peuvent faire quand ils n'ont pas les résultats des tests expérimentaux.

Quant aux praticiens, ils se reposent souvent sur des intuitions sans avoir de certitude, et les  séminaires, qui fonctionnent ainsi chaque mois depuis 23 ans, sont en quelque sorte la seule façon qu'ils aient d'avoir des idées fiables, définitives sur ces questions.

Je ne dis pas que des individus ne puissent pas faire ce genre de tests, mais en pratique ils ne le font pas. Il y a lieu d'être extrêmement rigoureux dans les conditions expérimentales mais aussi dans les appréciations des résultats.

Brunissement et goût

 

On me demande si "le processus de brunissement au four permet d'obtenir une saveur plus prononcée" ?

La réponse est que il ne faut pas confondre la saveur et le goût.

Le goût, c'est la sensation synthétique que nous avons quand nous mettons des aliments en bouche. La saveur, c'est seulement la composante sapide, ce qui est perçu par les papilles.

Et quand on fait cuire une pâte, qui brunit, donne-t-on de la saveur ou du goût ?

Pour le savoir, je vous invite à faire l'expérience de cuire une pâte à tarte, de telle sorte qu'elle soit bien brune, et de la mettre en bouche après vous être pincé le nez :  pendant que le nez est pincé, vous mastiquez, et vous sentirez les saveurs.
Puis, après quelques secondes, vous relâcherez les narines et la sensation qui viendra sera l'odeur. .

Cest la totalité qui fait le goût .

Avec cette expérience vous pourrez répondre vous-même à la question posée.