Nous sommes-nous déjà demandés pourquoi le vert des plantes évolue au printemps, d'une teinte presque jaune à un verre plus soutenu ?
La réponse est : c'est une dynamique de production des pigments colorés, comme à l'automne.
Pas la même exactement, mais qui concerne les mêmes objets. En effet, les verts des plantes sont dus à toute une série de composés qui absorbent des couleurs particulières de la lumière, essentiellement des chlorophylles et des caroténoïdes.
Les chlorophylles donnent des couleurs qui vont du vert au bleu, alors que les caroténoïdes donnent des couleurs qui vont du jaune au rouge, en passant par l'orange.
La première catégorie contient la chlorophylle a, la chlorophylle a', la chlorophylle b, la chlorophylle b', les phéophytines, les phéophorbides, etc.
Et la seconde catogorée contient le carotène bêta, la luteine, la violaxanthine, etc.
Et c'est le cocktail particulier de tous ces composés qui fait un vert particulier.
Au printemps, quand les plantes croissent, elle synthétisent donc ces composé, mais dans la mesure où les voies de synthèse sont différentes, il n'y a guère de raisons qu'ils soient tous synthétisés à la même vitesse, d'où l'évolution de la couleur en fonction du temps.
De même, à l'automne, ces composés se dégradent, mais pas tous à la même vitesse, et notamment les caroténoïdes demeurent plus longtemps que les chlorophylles, d'où l'apparition des tons jaunes, orangés, rouges...
Chaque fois que nous voyons la couleur d'une plante évoluer, disons-nous bien que les proportions de tous les composés colorés sont en train de changer.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 11 avril 2022
Le vert du printemps ? Les verts !
samedi 9 avril 2022
Une expérience simple pour voir la fluorescence des chlorophylles
Certains des pigments des végétaux verts émettent de la lumière par fluorescence. Comment l'observer ?
Commençons par confectionner une solution contenant des pigments chlorophytiques en prenant un peu de gazon, que nous coupons en morceaux ou que nous broyons avec de l'éthanol aussi concentré que possible (96 %, par exemple ; on verra plus loin pourquoi) ou avec de l'alcool à brûler. Après quelques dizaines de minutes, filtrons pour obtenir une solution de pigments.
Si cette solution est placée dans un tube à essai et que nous l'éclairons par le bas dans une pièce sombre, avec la lampe d'un téléphone portable, par exemple, la solution apparaît verte. Cependant, si la solution est éclairée par le côté, une fluorescence rouge peut être observée.
En réalité, la lumière émise par fluorescence se propage uniformément dans toutes les directions. Quand la solution est éclairée par le bas, la fluorescence n'est pas visible, parce que la lumière transmise s'impose. En revanche, quand la solution est éclairée horizontalement, presque aucune lumière provenant de la lampe n'entre dans l'œil de l'observateur, et la lumière fluorescente se propageant dans toutes les directions peut être vue sur la surface de la solution.
Si l'on ajoute de l'eau goutte à goutte à la solution fluorescente rouge, la fluorescence finit par disparaître. La solution ne brille plus que d'une couleur verte : les molécules d'eau absorbent tout l'excès d'énergie, c'est-à-dire qu'elles dissipent l'énergie du premier état singulet, de sorte que la fluorescence ne peut plus se produire. De telles substances sont des "quenchers".
(inspiré de Warum Gras nicht rot leuchtet, par Andreas Korn-Müller, Nachr. Chem. 2022, 70, 18–21. https://doi.org/10.1002/nadc.20224123795)
lundi 4 avril 2022
Améliorer une recette
Alors que je mangerais un très bon Baeckahofa, je trouve les pistes pour l'améliorer.
Analysons : le Baeckahofa (on prononce comme cela s'écrit ;-)) est un plat alsacien, cuit dans une terrine couverte, avec un mélange de trois viandes, des oignons et des pommes de terre.
Les viandes sont l'agneau, le boeuf et le porc, ce dernier étant en présent sous deux formes, à savoir des morceaux d'échine et un pied.
L'ensemble est additionné de vin blanc en abondance, et cuit pendant plusieurs heures.
Évidemment, le vin contribue beaucoup au goût du met, et, en Alsace, c'est souvent du pinot gris qui est utilisé.
Quand la recette est faite, les pommes de terre sont fondantes bien qu'un peu rissolées sur le dessus, parce qu'elles sont restées longtemps à la chaleur du four, les viandes sont tendres et le pied de porc ajoute de l'onctuosité au jus.
Mais malgré plus de 10 heures de cuisson, on n'a pas toujours un aussi bon résultat qu'on aurait pu l'avoir, notamment parce que le pied de porc met très longtemps à cuire.
D'où la proposition d'amélioration qui consiste à préparer la cuisson avec seulement le vin et le pied de porc : on fait cuire à tout petit frémissement pendant un jour ou deux, afin que le pied perde toute sa dureté et que la dissolution du tissu collagénique vienne vraiment donner de l'onctuosité à la sauce.
Puis viendra la cuisson des viandes, qui gagne donc à se faire à basse température, pour que la viande s'attendrisse sans sécher.
Et enfin, quand tout cela sera préparé, on pourra ajouter les oignons et pommes de terre pour terminer la cuisson à four chaud.
En aura-t-on fini ? Non, parce que je propose d'éviter d'avoir un jus trop liquide : je vois donc bien, juste avant le service, la récupération du jus de cuisson et sa réduction, pour lui donner plus de goût et plus de consistance.
Et c'est ainsi que nous aurons un Baeckahofa perfectionné. Evidemment, j'ai peu discuté la question des ingrédients qui contribuent à l'assaisonnement : des poivres, du genièvre, du clou de girofle, du laurier bien sûr, et cetera, mais ce n'est plus une question technique mais une question artistique qui est laissé au choix de chacun.
jeudi 31 mars 2022
Donnons confiance, en cuisine et ailleurs !
Alors que je suis chez le boulanger, je m'étonne de le voir vendre de la pâte feuilletée et de la pâte brisée.
De la pâte feuilletée, pourquoi pas, car si on a pas le temps, on peut avoir besoin de s'en procurer, mais pour la pâte brisée, qui s'obtient en quelques dizaines de seconde, par simple mélange de beurre et de farine ?
L'analyse se trouve là : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/donnons-confiance-en-cuisine-et-ailleurs-et-des-lecole/
mercredi 23 mars 2022
À propos de notre dernier séminaire de gastronomie moléculaire
Tous les mois depuis 21 ans, nous nous réunissons pour expérimenter à propos de précisions culinaires, c'est-à-dire de trucs, astuces, tours de main, et, plus généralement, d'idées techniques qui s'ajoutent à la définition d'une recette, laquelle définition est le protocole minimum pour faire la recette.
Pour ce séminaire de mars 2022, nous avons testé trois précisions culinaires : à savoir que le cabillaud trempé dans l'eau salée avant la cuisson serait plus tendre que du filet non trempé, que le cabillaud cuit dans de l'eau trop salée ne prendrait pas de sel en excès, et que l'artichaut noircirait moins à la cuisson s'il était en présence de citron et d'huile d'olive.
Je passe sur les détails expérimentaux, évidemment importants, et donnés dans les comptes rendus mis en ligne, pour arriver aux résultats.
Pour la première précision culinaire testée, nous n'avons fait qu'une expérience, ce qui est insuffisant ; mais, quand même, nous avons été surpris d'observer que le cabillaud qui avait été trempé dans de l'eau fortement salée pendant 40 minutes était plus tendre que le cabillaud qui avait pas été trempé.
Cela a été observé au cours d'un test triangulaire en aveugle, et tous les jurés ont été unanimes : la différence était flagrante.
Pour la deuxième précision, c'était plus facile, car il s'agissait simplement de mettre un filet de cabillaud dans de l'eau très fortement salée et de cuire.
La aussi, les résultats ont été très clairs : la partie externe du cabillaud était devenue extraordinairement salés, mais l'intérieur, il est vrai, était restée sans sel. C'est que nous avions poché le poisson, avec le mot pochage qui dit bien ce qu'il veut dire : faire une poche coagulée autour de la chair.
Mais quand même, ce filet de cabillaud était beaucoup trop salé au total.
Pour les artichauts, enfin, nous avons comparé quatre artichauts cuits dans l'eau : d'un même l'eau, d'une même taille, d'une origine commune. Ils étaient cuits ensemble, pendant le même temps, dans l'eau bouillante, dans la même quantité d'eau, dans les mêmes casseroles. Mais une casserole ne contenait que de l'eau, tandis que les autres contenaient soit du jus de citron (et les demi citrons pressés), soit dans de l'eau additionnée d'un demi litre d'huile d'olive, soit avec citrons et huile.
Le résultat nous a étonné : nous n'avons eu aucune différence de couleur, ni sur l'extérieur, ni sur la partie comestible des feuilles, ni sur le cœur après avoir ouvert les artichauts.
Et c'est ainsi que l'on a des idées techniques plus justes, en cuisine !
mardi 22 mars 2022
Loyauté
Quand on veut aider les amis à bien comprendre, il s'agit d'être clair et d'utiliser des mots loyaux, sans ambiguïté.
Dans un tweet récent, j'avais signalé que la terminologie "levure chimique" me semblait déloyale ou fautive, et je proposais de l'interdire, mais mon message a suscité une discussion avec des correspondants qui disaient en substance que, au fond ce n'était pas si grave.
Je n'ai pas dit que c'était très grave, mais j'ai observé que
1. cela n'aidait pas mieux comprendre
2. quand il y a des possibilités de confusion, nos amis confondent et rencontrent des difficultés
3. les commerçants sans scrupule utilisent les confusions pour leurs agissements répréhensibles.
D'aillerus, je vois dans le milieu culinaire des confusions d'un genre tout à fait analogue à propos de gélatine et d'agents gélifiants.
La gélatine, c'est un agent gélifiant parmi d'autres, d'origine animale exclusivement. Il y a d'autres agents gélifiants extraits des plantes ou des algue,s mais ce ne sont pas des gélatine : ce sont des agents gélifiants.
J'insiste : chaque fois qu'il y a une confusion, il y a des malhonnêtes qui s'en empare pour tromper ceux à qui ils vendent leurs produits, et voilà pourquoi je crois tout à fait importante la loi de 1905 qui revendique que les produits soient loyaux : si c'est du bœuf, ce n'est pas du cheval.
Les confusions précédentes, entre levures, levure de boulanger et poudre levante, ou entre gélatine et agents gélifiants sont en réalité tout à fait analogues à la confusion entre boeuf et cheval : il s'agit de viande dans les deux cas, mais le prix n'est pas le même !
Bref, on n'aura jamais raison de supporter des confusions quand on est capable de pas les faire, et nous avons un devoir, si nous comprenons bien, d'éclairer nos amis.
lundi 21 mars 2022
A propos de pizza
Un des problèmes des professeurs, c'est que, quand on a bien compris quelque chose, éventuellement grâce à des enseignements qu'on a dispensé, alors on devient moins capable de bien se souvenir des raisons pour lesquelles il a pu sembler difficile d'avoir soi-même l'information qu'on a transmise.
Et je crois qu'on a tout intérêt à ne jamais hésiter à dire des choses simples, car on peut toujours espérer rendre service à certains.
En outre, en disant des choses que l'on sait déjà, on a la possibilité de bien s'arrêter sur chaque élément d'information que l'on transmet pour s'assurer que l'on est soi-même au clair avec toutes les notions.
Aujourd'hui, pour une chaîne de télévision, je dois expliquer la fermentation des pizzas, et je vais donc faire l'expérience qui consiste tout simplement à mettre de la levure dans de l'eau additionnée de farine, éventuellement avec du sel et du sucre, afin de montrer le dégagement gazeux qui correspondra à la production de dioxyde de carbone par les levures.
Il faudra que je prenne soin de bien distinguer la levure de la poudre levante.
Il faudra que je prenne soin de bien dire que la "poudre levante" n'est pas de la levure, mais un agent levant, qui n'aurait jamais dû être autorisé à être nommé "levure chimique".
Il faudra expliquer que les levure sont des êtres vivants, unicellulaires, c'est-à-dire réduit à une seule cellule, et qui, pour vivre, consomment du sucre et produisent ce gaz qu'est le dioxyde de carbone et que l'on voit former des bulles.
Tout cela, il va falloir le dire lentement, car je sais que même dans des milieux professionnels, il y a des confusions, par exemple entre poudre levante, levure chimique ou levure.
Il y a là une question de concepts, de mots, et il faudra s'arrêter à ces derniers, lentement, tranquillement.
Et c'est ainsi que l'on aura rendu service.