Il nous faut des publications scientifiques éclairées !
Je viens de publier aux
Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France un article qui dit en substance que nous aurions raison de faire des revues scientifiques libres et gratuites, avec une analyse critique (plutôt qu'une "évaluation") en double anonymat, afin que nous évitions les rejets d'articles, car cette pratique des refus est un gâchis pour l'ensemble de notre collectivité : les auteurs se désespèrent de voir leurs textes rejetés alors que ces derniers contiennent des données utiles à l'ensemble de la communauté.
C'est un fait, toutefois, qu'il y a de bons et de mauvais scientifiques. C'est un fait que les revues sont encombrées d'articles sans nouveauté, ou bien dont les résultats sont mal établis, dont les expériences sont mal conçues ou mal conduites... Mais, au lieu de rejeter les articles, ne ferions-nous pas mieux de bien analyser les manuscrits, en vue d'aider les auteurs à progresser, soit dans leur pratique scientifique, soit dans leur rédaction d'articles scientifiques ?
Ma proposition est la suivante : ne rejetons pas les manuscrits, mais expliquons aux auteurs (et aux "rapporteurs") que les textes seront publiés dès que la qualité nécessaire sera atteinte, grâce aux échanges (anonymes, toujours anonymes) entre auteurs et rapporteurs, alors le texte sera publié.
Bien sûr, la question de la nouveauté demeure, mais il est important que des collègues qui produisent un résultat déjà obtenu s'en aperçoivent, et qu'ils puissent corriger les pratiques erronées qui les ont conduit à cette reproduction sans doute involontaire. Bref, des collègues qui ont reproduit par mégarde un résultat déjà publié ne doivent pas voir leur manuscrit rejeté, mais doivent le retirer eux-mêmes, afin que cesse cette réputation de revues qui rejettent les textes.
J'insiste un peu sur la question de la formation des scientifiques : tous les collègues n'ont pas eu la chance d'être formés dans de bons laboratoires, ou d'avoir su se former eux-mêmes, et les publications scientifiques (terminologie à préférer à "revue", pour des raisons expliquées dans mon article) ont donc un rôle de formation essentiel : les rapporteur doivent pouvoir donner des conseils aux auteurs, afin que finalement, si ces conseils sont suivis bien évidemment, les manuscrits soumis soient acceptés.
J'insiste aussi, dans mon article, pour observer que ni les auteurs ni les lecteurs ne doivent payer, dans toute cette affaire.
Les lecteurs, d'une part, sont des contribuables, dont les contributions ont permis les travaux et les publications.
Pour les auteurs, d'autre part, il y aurait un conflit d'intérêt à payer pour être publier, et c'est la brèche dans laquelle des "revues prédatrices" se sont engagées.
Bref, c'est aujourd'hui le rôle des académies, des institutions de recherche, des universités, de prendre en charge les publications scientifiques, au lieu de les confier à des éditeurs privé, comme cela se faisait par le passé.
Jadis et naguère, il y avait certainement le papier à payer, l'impression, la mise en page... Mais aujourd'hui, avec le numérique, tout a changé : plus de papier, plus d'impression ,une mise en page qui se fait quasi automatiquement, notamment quand les auteurs mettent en forme conformément à des modèles, des relecture qui sont faites par les rapporteurs, lesquels sont des collègues déjà rémunérés par ailleurs... Nous sommes donc dans un nouveau paradigme, et il est temps que l'on fasse disparaisse l'expression de "évaluation par des pairs" au profit de "analyse critique et conseils donnés aux auteurs".
Vous lirez tout cela, et bien davantage dans :
Hervé This, L'analyse critique des manuscrits et les conseils donnés aux auteurs. A propos des publications : Klebel et al., 2020, Stern and O'Shea, 2019; Sarabipour et al., 2019; Inrae, 2016. Notes Académiques de l'Académie d'agriculture, 2020, 2, 1-14.
Et cela se trouve ici :
https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes