Amusant d'entendre un ami me répondre "rien de spécial" quand je lui demande ce qu'il a fait depuis la dernière fois que nous nous sommes vus.
Pour ce qui me concerne, une telle réponse serait impossible à donner, car j'ai décidé de m'efforcer de faire de chaque seconde un moment inoubliable. J'ai compris, en effet, que c'était moi qui devait mettre de l'intelligence dans ce que je faisais, mettre de l'intérêt, de la passion, de l'enthousiasme. Et j'ai également décidé que je devais partager cet enthousiasme avec tous mon entourage.
Un calcul un peu simple ? Il y a alors moyen d'y réfléchir méthodologiquement, de s'interroger sur l'objectif, la signification, bref de faire un exercice spirituel à son propos.
Un geste expérimental ? Même le simple fait de poser un récipient sur la paillasse de laboratoire peut devenir merveilleux si l'on se donne pour objectif de n'entendre aucun bruit, par exemple (je vous invite à essayer).
Evidemment, pour une séquence expérimentale plus compliquée, alors il y a des possibilités de s'amuser encore plus sans aucunement se forcer.
Un texte à écrire ? Alors, il s'agit d'y mettre du pétillant, de l'intelligence, mais également de soigner la grammaire et l'orthographe, sans oublier la rhétorique qui fera en réalité que le texte pourra toucher chacun.
De la cuisine ? Cela n'est pas mon métier, mais si l'on sait qu'il y a trois composantes, technique, artistique et sociale, alors il y aura lieu de ne pas suivre une recette, telle une machine, mais à soigner chacun des trois aspects du plat, l'aspect social étant sans doute le plus important.
Marcher dans la rue ? Il y a la possibilité de réfléchir et de suivre l'exemple de Henri Poincaré, mathématicien extraordinaire qui écrivait jusqu'à un article de recherche par jour en ayant fait une promenade, puis s'attablant pour rédiger le texte correspondant
Au fond, il y a le monde qui nous est donné et le monde que nous créons. Oui, le monde qui nous est donné semble sans intérêt : toutes les mers sont des mers, toutes les rivières sont des rivières, toutes les montagnes sont des montagnes, toutes les villes sont des villes... Mais ce monde est un monde animal, et je préfère de loin le monde que nous créons, y mettant quelque chose de la culture. Ainsi, il y a toujours quelque chose de spécial, ou, plus exactement, il n'y a jamais "rien de spécial".
Pendant longtemps, j'ai pris le texte Nadja comme un exemple pour soutenir cette idée, mais comme dit dans un autre billet, j'ai finalement compris que mon envie que ce texte soit tel que je le décrivais à mes amis ne correspondait pas à la réalité. Si j'invite mes amis à lire Nadja (et je n'aime pas parfaitement son auteur), c'est pour d'autres raisons que faire que chaque seconde de notre existence soit spéciale, extraordinaire, merveilleuse.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 19 juillet 2019
jeudi 18 juillet 2019
La recherche de lois synthétiques ? Faisons simple, avant de faire compliqué
Pour la physique classique, la première des lois est la proportionnalité, ce qui se fonde sur l'idée de base du calcul différentiel et intégral, lequel repose lui-même sur la continuité des phénomènes. Dans une variation d'un paramètre, si l'on suppose la continuité, un petit intervalle fait apparaître des variations quasi linéaires.
On m'objectera que les fractales montrent que cette idée n'est pas juste, mais je propose que l'on s'intéresse d'abord au gros avant de s'intéresser aux détails. Au premier ordre, la courbe compliquée trouvée par Klaus von Klintzing pour l'effet Hall quantique s'approche d'une droite, celle qui avait été identifiée par Georg Ohm. Au premier ordre, la force est proportionnelle à la masse et à l'accélération. Au premier ordre, le poids est proportionnel à masse. Au premier ordre...
Evidemment on sera bien avisé de dépasser un jour ce premier ordre et de douter de la proportionnalité, mais ce sera un jour seulement, quand le premier ordre aura été fait. Et c'est donc une bonne pratique que de ne pas plonger au deuxième ordre avant d'avoir résolu le premier ordre, de ne pas plonger au troisième ordre avant d'avoir résolu le deuxième, etc.
mercredi 17 juillet 2019
La question de la stratégie scientifique
Comment choisir les phénomènes que l'on veut explorer, sous-entendu parce qu'ils sont prometteurs de découvertes ?
La question est difficile, et le recours à l'histoire des sciences est utile. Par exemple, récemment, il y a eu ces prix Nobel donnés à la découverte du graphène ou des fullérènes. Dans les deux cas, il a fallu des moyens d'observation nouveaux pour voir des objets qui étaient sous nos yeux. Sous nos yeux, mais pas observables avec les outils d'observation anciens. On conclut que la mise au point d'objets qui s'apparentent aux microscope est utile pour la découverte scientifique.
Un autre cas est celui des formalismes, et, là, il s'agit plutôt d'abstraire et de généraliser, comme disaient les logiciens. Sur le cas de la chimie supramoléculaire ou des dynamères, où Jean-Marie Lehn a excellé, je crois que l'on peut décrire le mécanisme du travail par : considérer tout résultats expérimental, tout fait expérimental, tout fait de calcul, comme des cas particuliers dont il faut inventer des cas généraux.
Dans ce mouvement, on décrit un objet par un cadre général, une théorie, et le fait qu'un formalisme soit comme une machine à calculer qui permet à celui qui tient la manivelle de produire des formules nouvelles, qui correspondront ou non à des objets. Si l'on tombe sur des objets connus, alors on aura décrit ces dernier et trouvé des relations. Si l'on tombe sur des objets inconnus, on les cherchera, et parce qu'on les aura vus par avance, on les découvrira. C'est en quelque sorte le mouvement qui porta Dmitri Mendeleiev vers de nouveaux éléments.
Il existe un troisième cas, à savoir affiner les analyses des phénomènes pour voir en quoi ils échappent aux descriptions théoriques, et ce troisième cas se rapproche du premier. Par exemple, l'emploi des méthodes de dynamique moléculaire pour le calcul de la capacité calorifique de l'eau ne trouve la valeur expérimentale qu'à 25 % près. C'est la preuve qu'il y a à travailler pour réformer cette technique qui reste insatisfaisante.
mardi 16 juillet 2019
Savoir lire, savoir relire
On dit que savoir lire, c'est savoir relire. Au delà de la formule, il y a sans doute cette idée d'Héraclite selon laquelle on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, puisque l'eau coule et que le fleuve n'est donc jamais le même. L'être humain aussi évolue, change, se transforme, et je ne suis pas celui que j'étais hier, pas plus que celui que je serai demain.
Il y a sans doute là aussi l'idée du bateau de Thésée, ce héros athénien qui aurait vaincu le Minotaure et dont le bateau fut conservé par sa cité, après son retour : avec les ans, les planches pourrissaient, de sorte qu'on était conduit à les remplacer. Une, puis deux, puis trois, et ainsi de suite jusqu'à ce que toutes les planches aient été finalement remplacées. Le bateau était-il encore celui de Thésée ?
Pour en revenir à la lecture, il est vrai que, au moins pour les écrivains qui nous ont préparé le plus de surprises, et en rappelant que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde, nous ne lisons pas la même chose quand nous lisons plusieurs fois. Tout cela n'est pas neuf, mais je voulais l'évoquer en vue de préparer une série amusante de billets, où j'explorerai mes propres billets passés.
Quel intérêt ? De même que l'on voit mieux la paille dans l'oeil du voisin que la poutre dans son propre œil, on y gagne souvent à laisser reposer les textes que l'on écrit, car on découvre alors plus facilement les erreurs, les fautes… Reprendre d'anciens billets, c'est la possibilité de mieux dépister les endroits où notre pensée était fragile. Rétrospectivement, je vois avoir fait tant d'erreurs intellectuelles, que je suis convaincu que le réexamen des billets du passé conduira à des améliorations.
Par exemple, pour la « chimie ».
Naguère, je clamais « vive la chimie ! » à la fin de toutes mes correspondances, de mes articles. Puis, quand je découvris cette différence essentielle entre la science, la technologie et la technique, il m'est apparu que le mot « chimie » ne pouvait pas légitimement désigner les trois activités à la fois. La chimie est-elle alors une science ? Une technologie ? Une technique ?
J'avais d'abord consulté des « autorités », et j'avais conclu qu'il était préférable de réserver le mot « chimie » à une activité scientifique qui se serait lentement dégagée de la technique. Mais, je ne sais comment cela s'est produit, j'en suis ensuite venu à penser que la chimie aurait été une activité de préparation de composés nouveaux. Or une préparation de composés nouveaux, c'est une activité technique.
Un mot, d'ailleurs, pour combattre une idée fausse soutenue par des collègues, qui disent que tout est chimie, puisque des réactions entre molécules ont lieu dans notre organisme quand nous marchons, respirons, etc. Bien sûr, des transformations moléculaires ont lieu, mais on ne fait pas une activité technique ou scientifique pour autant, on n'est pas chimiste pour autant ! Que la chimie soit une activité scientifique ou une activité technique, il faut que nous soyons engagés dans cette activité pour qu'elle reçoive le nom de chimie.
D'autre part, on peut faire cette activité de préparations de composés nouveaux quand on est lancé dans des travaux technologiques, ou aussi quand on fait des travaux scientifiques. Mais le fait de faire des transformations moléculaires n'est qu'un détail, un moyen, et non pas une fin, vis-à-vis de l'activité scientifique où l'on est engagé. Or tout est là : l'objectif. Oui, il faut largement dire à nos collègues qu'une activité est définie par un objectif et un chemin qui y mène !
Bref j'avais cru comprendre que ce « vive la chimie » était indu, et que c'était seulement mon attachement enfantin à cette idée qui me l'avait initialement fait clamer. Car il est vrai que j'ai été ébloui dès l'âge de six ans par cette possibilité de transformer la matière, de produire des composés nouveaux à partir de réactifs, par cette science de la nature, que je ne distinguais d'ailleurs que peu de la physique. Je ne renie pas cet éblouissement, et, mieux, je le chéris aujourd'hui, car il fut un moteur merveilleux vers la voie… des sciences de la nature. D’ailleurs, enfant, je ne faisais guère de différence entre la préparation d'eau de chaux ou les phénomènes de croissance des plantes, ou l'électrolyse… Tout était bon à expérimentation. A cela s'ajoutait une fascination pour les mathématiques, avec des amours d'enfant, comme celui que je portais au théorème de Guldin. Bref, il y avait un chemin vers les sciences, et c'est la raison pour laquelle mon coeur se déchira quand je devins incapable de clamer « vive la chimie !».
Cela étant, il est vrai que ce « vive » est étrange : la chimie vivra sans qu'on ait tellement besoin de l'encourager, de souhaiter sa survivance. En réalité, j'aurais eu mieux raison de clamer plutôt « Que la chimie est belle ! ». Mais ce qui précède m'avait fait conclure que ce n'était pas la chimie qui était en cause, mais les sciences de la chimie.
Et j'ai donc hésité sur les dénominations de cette science : science de la chimie, science chimique, sciences pour la chimie, physique chimique... jusqu'à ce que, finalement, j'en vienne à revenir à mon idée initiale de la chimie : mes explorations historiques m'ont fait comprendre que la chimie est effectivement une science de la nature, qui utilise des moyens techniques variés pour se développer, sans se confondre avec la technique, ni avec la technologie. C'est l'usage du mot "chimique" qui est souvent fautif, par exemple dans "industrie chimique", où il est indu : une industrie n'est pas une science, puisque c'est une technique éventuellement assortie d'une technologie.
Oui, je peux aujourd'hui clamer "Vive la chimie", et je peux, en tout état de cause, vouloir partager mon enthousiasme pour cette belle science.
Considérant la question comme résolue (la chimie est une science de la nature), interrogeons-nous sur l'intérêt de clamer que cette science est belle.
Selon le beau principe selon lequel l'enthousiasme est une maladie qui se gagne, discuté dans un autre billet, les déclamations sont une façon de propager l’enthousiasme, de reconnaître la beauté d'un objet (que la chimie est belle !), une façon de contribuer à faire partager un enthousiasme, et plus généralement un goût pour la vie. Il y a là quelque chose de très positif, ce que j'aime fondamentalement, et des amis ont beau me dire que peu importe l'objet exact de mon enthousiasme, je crois quand même qu'il est préférable de désigner précisément le champ vers lequel j'invite mes amis les plus jeunes à se diriger.
On le voit avec cet exemple : l'examen des idées que nous avions, s'il est suffisamment critique, est un moyen de préciser des pensées, de les affiner, de les améliorer… A vrai dire, il s'agit peu de communication, comme la discussion sur l'enthousiasme pourrait le faire penser, mais d'abord de la possibilité, de l'assurance de penser correctement. Il en va de des activités que nous avons, notre production, et voilà pourquoi je me réjouis à la possibilité de discuter de façon critique des billets que j'ai produits préalablement.
Il y a sans doute là aussi l'idée du bateau de Thésée, ce héros athénien qui aurait vaincu le Minotaure et dont le bateau fut conservé par sa cité, après son retour : avec les ans, les planches pourrissaient, de sorte qu'on était conduit à les remplacer. Une, puis deux, puis trois, et ainsi de suite jusqu'à ce que toutes les planches aient été finalement remplacées. Le bateau était-il encore celui de Thésée ?
Pour en revenir à la lecture, il est vrai que, au moins pour les écrivains qui nous ont préparé le plus de surprises, et en rappelant que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde, nous ne lisons pas la même chose quand nous lisons plusieurs fois. Tout cela n'est pas neuf, mais je voulais l'évoquer en vue de préparer une série amusante de billets, où j'explorerai mes propres billets passés.
Quel intérêt ? De même que l'on voit mieux la paille dans l'oeil du voisin que la poutre dans son propre œil, on y gagne souvent à laisser reposer les textes que l'on écrit, car on découvre alors plus facilement les erreurs, les fautes… Reprendre d'anciens billets, c'est la possibilité de mieux dépister les endroits où notre pensée était fragile. Rétrospectivement, je vois avoir fait tant d'erreurs intellectuelles, que je suis convaincu que le réexamen des billets du passé conduira à des améliorations.
Par exemple, pour la « chimie ».
Naguère, je clamais « vive la chimie ! » à la fin de toutes mes correspondances, de mes articles. Puis, quand je découvris cette différence essentielle entre la science, la technologie et la technique, il m'est apparu que le mot « chimie » ne pouvait pas légitimement désigner les trois activités à la fois. La chimie est-elle alors une science ? Une technologie ? Une technique ?
J'avais d'abord consulté des « autorités », et j'avais conclu qu'il était préférable de réserver le mot « chimie » à une activité scientifique qui se serait lentement dégagée de la technique. Mais, je ne sais comment cela s'est produit, j'en suis ensuite venu à penser que la chimie aurait été une activité de préparation de composés nouveaux. Or une préparation de composés nouveaux, c'est une activité technique.
Un mot, d'ailleurs, pour combattre une idée fausse soutenue par des collègues, qui disent que tout est chimie, puisque des réactions entre molécules ont lieu dans notre organisme quand nous marchons, respirons, etc. Bien sûr, des transformations moléculaires ont lieu, mais on ne fait pas une activité technique ou scientifique pour autant, on n'est pas chimiste pour autant ! Que la chimie soit une activité scientifique ou une activité technique, il faut que nous soyons engagés dans cette activité pour qu'elle reçoive le nom de chimie.
D'autre part, on peut faire cette activité de préparations de composés nouveaux quand on est lancé dans des travaux technologiques, ou aussi quand on fait des travaux scientifiques. Mais le fait de faire des transformations moléculaires n'est qu'un détail, un moyen, et non pas une fin, vis-à-vis de l'activité scientifique où l'on est engagé. Or tout est là : l'objectif. Oui, il faut largement dire à nos collègues qu'une activité est définie par un objectif et un chemin qui y mène !
Bref j'avais cru comprendre que ce « vive la chimie » était indu, et que c'était seulement mon attachement enfantin à cette idée qui me l'avait initialement fait clamer. Car il est vrai que j'ai été ébloui dès l'âge de six ans par cette possibilité de transformer la matière, de produire des composés nouveaux à partir de réactifs, par cette science de la nature, que je ne distinguais d'ailleurs que peu de la physique. Je ne renie pas cet éblouissement, et, mieux, je le chéris aujourd'hui, car il fut un moteur merveilleux vers la voie… des sciences de la nature. D’ailleurs, enfant, je ne faisais guère de différence entre la préparation d'eau de chaux ou les phénomènes de croissance des plantes, ou l'électrolyse… Tout était bon à expérimentation. A cela s'ajoutait une fascination pour les mathématiques, avec des amours d'enfant, comme celui que je portais au théorème de Guldin. Bref, il y avait un chemin vers les sciences, et c'est la raison pour laquelle mon coeur se déchira quand je devins incapable de clamer « vive la chimie !».
Cela étant, il est vrai que ce « vive » est étrange : la chimie vivra sans qu'on ait tellement besoin de l'encourager, de souhaiter sa survivance. En réalité, j'aurais eu mieux raison de clamer plutôt « Que la chimie est belle ! ». Mais ce qui précède m'avait fait conclure que ce n'était pas la chimie qui était en cause, mais les sciences de la chimie.
Et j'ai donc hésité sur les dénominations de cette science : science de la chimie, science chimique, sciences pour la chimie, physique chimique... jusqu'à ce que, finalement, j'en vienne à revenir à mon idée initiale de la chimie : mes explorations historiques m'ont fait comprendre que la chimie est effectivement une science de la nature, qui utilise des moyens techniques variés pour se développer, sans se confondre avec la technique, ni avec la technologie. C'est l'usage du mot "chimique" qui est souvent fautif, par exemple dans "industrie chimique", où il est indu : une industrie n'est pas une science, puisque c'est une technique éventuellement assortie d'une technologie.
Oui, je peux aujourd'hui clamer "Vive la chimie", et je peux, en tout état de cause, vouloir partager mon enthousiasme pour cette belle science.
Considérant la question comme résolue (la chimie est une science de la nature), interrogeons-nous sur l'intérêt de clamer que cette science est belle.
Selon le beau principe selon lequel l'enthousiasme est une maladie qui se gagne, discuté dans un autre billet, les déclamations sont une façon de propager l’enthousiasme, de reconnaître la beauté d'un objet (que la chimie est belle !), une façon de contribuer à faire partager un enthousiasme, et plus généralement un goût pour la vie. Il y a là quelque chose de très positif, ce que j'aime fondamentalement, et des amis ont beau me dire que peu importe l'objet exact de mon enthousiasme, je crois quand même qu'il est préférable de désigner précisément le champ vers lequel j'invite mes amis les plus jeunes à se diriger.
On le voit avec cet exemple : l'examen des idées que nous avions, s'il est suffisamment critique, est un moyen de préciser des pensées, de les affiner, de les améliorer… A vrai dire, il s'agit peu de communication, comme la discussion sur l'enthousiasme pourrait le faire penser, mais d'abord de la possibilité, de l'assurance de penser correctement. Il en va de des activités que nous avons, notre production, et voilà pourquoi je me réjouis à la possibilité de discuter de façon critique des billets que j'ai produits préalablement.
lundi 15 juillet 2019
Quels polycopiés ?
Des collègues qui suivent un cursus universitaire (entendez donc : des "étudiants") se plaignent que "les polycopiés qui consistent la plupart du temps en une impression du support de présentation, ne suscitent que peu d’intérêt".
Voilà une phrase qui me laisse perplexe : des polycopiés qui sont la reproduction d'un document qui a été projeté ont l'intérêt... d'être des reproductions d'un document qui a été projeté, tout comme une photographie fixe un moment particulier. Leur reprocher cela est donc injuste. Certes, il ne faut pas qu'elles soient floues, ou coupées, mais ce n'est généralement pas le cas.
Là, bien sûr, je faisais la bête, car je sais bien que nos collègues ont autre chose dans la tête : ils pensent à l'utilité de ces supports de présentation pour étudier, ou pour réviser des examens, par exemple. Et ils abusent, donc, en demandant que les supports de présentation soient autre chose que ce qu'ils sont. Ce qu'ils voudraient, c'est que ces supports de présentation soient donc autre chose que des supports de présentation. Par exemple, des cours !
Et là, je ne suis pas certain qu'ils aient raison de réclamer cela... car les bibliothèques (numériques, au 21e siècle) sont pleines de ces cours, très soigneusement rédigés. Tous le s sujets sont présentés en ligne pour qui sait faire l'effort d'aller les chercher. Mais là, il faut travailler, étudier. Il faut de l'autonomie, du soin, du temps... Et c'est là l'opposé de ce que réclament nos amis : la becquée, du contenu tout mâché. Une illusion !
Mais prenons un peu de recul : j'ai déjà analysé la fonction des cours, et j'ai largement conclu que ces derniers devaient être réduits, qu'ils devaient surtout être des moments d'amorce, et que rien ne remplacerait le travail, les études, à partir de documents plus fouillés qu'il s'agirait d'aller étudier. De ce point de vue, le cours ne devrait conduire qu'à un seul document : la reproduction du support de présentation, plus un liste de références à aller étudier. Chaque page du supports de présentation devrait être une invitation à consulter des documents, pour se constituer du savoir, des connaissances.
Et pour passer des connaissances aux compétences, il faut faire des exercices, ou bien avoir des séances de travaux dirigés ou de travaux pratiques, pour ceux qui ont besoin d'aide.
Donc : pas d'accord sur ce point avec nos amis !
dimanche 14 juillet 2019
L'intelligence ? Il faut travailler pour l'y mettre
Quand on prononce des mots comme "intelligence", la discussion tourne vite le café du commerce. Les acceptions différentes s'affrontent, les lieux communs pleuvent, les opinions sont assénées... et l'on perd son temps. Un jeune ami m'avait interrogé à cette question, et je m'étais souvenu de cette discussion avec un lauréat du prix Nobel qui me soutenait que l'intelligence n'est pas quelque chose que l'on obtient par le travail. Il n'avait pas d'autre argument que d'autorité, et je lui opposais -sans démonstration- l'idée que je ne veux pas savoir si ce qu'il me disait est vrai ou faux, mais que je veux surtout distribuer l'idée qu'un travail acharné vient à bout de tout... comme l'on dit depuis les Latins, au moins.
Je ne sais pas ce qu'est l'intelligence... et je ne veux même pas le savoir. N'avons-nous pas plutôt intérêt à bien diffuser l'idée selon laquelle une connaissance que l'on s'efforce d'obtenir est une connaissance que l'on finit par avoir, qu'une compétence que l'on obtient est une compétence dont on dispose ? Ne gagnons-nous pas à faire bien comprendre qu'une oeuvre (du devoir de l'étudiant jusqu'au plat qu'on met sur la table) gagne en beauté quand on y a mis du travail ? Et évidemment, à force d'ajouter, de répéter les ajouts, on comprend que l'on devient plus apte à faire ces ajouts.
Bref, la question, c'est peut-être de travailler pour mettre de l'intelligence, quoi qu'elle soit, là où elle n'est initialement pas.
Je ne sais pas ce qu'est l'intelligence... et je ne veux même pas le savoir. N'avons-nous pas plutôt intérêt à bien diffuser l'idée selon laquelle une connaissance que l'on s'efforce d'obtenir est une connaissance que l'on finit par avoir, qu'une compétence que l'on obtient est une compétence dont on dispose ? Ne gagnons-nous pas à faire bien comprendre qu'une oeuvre (du devoir de l'étudiant jusqu'au plat qu'on met sur la table) gagne en beauté quand on y a mis du travail ? Et évidemment, à force d'ajouter, de répéter les ajouts, on comprend que l'on devient plus apte à faire ces ajouts.
Bref, la question, c'est peut-être de travailler pour mettre de l'intelligence, quoi qu'elle soit, là où elle n'est initialement pas.
Une sélection universitaire par l'envie d'apprendre ?
Soyons simples : dans un système mondial où les échanges sont devenus la règle, les règles locales doivent s'harmoniser. C'est le cas pour l'attribution des diplômes, lesquels sont des reconnaissances de compétences et de connaissances, plus de savoir être et de savoir vivre. Un enfant perdrait son temps à rester longtemps dans un cours de master de physico-chimie, et, surtout, ils ne mériterait pas le diplôme qui reconnaît la connaissance et les compétences qui vont avec ce diplôme et qui, d'ailleurs, font l'objet d'une description publique.
Bien sûr, le professeur pourrait s'occuper tant de cet enfant que, après bien des années, il deviendrait capable de recevoir le diplôme, mais alors l'enfant ne devrait-il pas être dans d'autres "niveaux" que celui du master ?
Je parle d'un enfant pour mieux faire sentir les choses, dans cette discussion de la "sélection", laquelle va de pair avec celle des diplômes. Mais, surtout, je ne cesse d'observer que celles et ceux qui "réussissent" sont celles et ceux qui ont vraiment envie, et qui ne se contentent pas de dire qu'ils ont envie. Il y a toujours la prétention, d'un côté, et le travail, de l'autre : quand il y a plus de prétentions que de travail, on est prétentieux, mais, inversement, quand on travaille plus qu'on ne prétend, on... travaille.
Bref, j'ai foi que celles et ceux qui y passent de temps peuvent y arriver, à condition, je le répète, qu'ils y passent du temps, beaucoup de temps ! Et celles-là et ceux-là pourront pallier des insuffisances.
Tout cela étant dit, il y a d'abord l'intérêt intrinsèque des études. Quelqu'un qui aime ce qu'il fait ne fait en réalité pas d'efforts, et il ne lui en coute pas de passer des heures à cette activité qu'il a choisi. Alors que, inversement, celui ou celle qui s'y met courageusement "parce qu'il faut" sera dans une dynamique de pensum, et n'aura de cesse que de vouloir faire autre chose. A quoi bon, alors ? Le bonheur, c'est donc de rencontrer de jeunes collègues qui ont envie d'étudier, sans cet objectif d'avoir une peau d'âne avec laquelle ils s'échapperont du système universitaire le plus vite possible... pour faire quoi, au fait ?
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