Dans d'autres lieux, j'ai expliqué que j'étais un peu fautif d'avoir
exagérément promu les "réactions de Maillard", au point que,
aujourd'hui, des personnes des métiers de bouche, ignorant toute
l'histoire, m'expliquent que les réactions de Maillard sont
responsables de tous les brunissements que l'on observe en cuisine. On
met dit aussi que ces réactions n'ont lieu qu'à haute température.
Pourtant...
Pourtant, les réactions de Maillard n'incluent pas les caramélisations,
qui ont également lieu à haute température. Pourtant les réactions de
Maillard ont également lieu (hélas) à température ambiante, étant
notamment responsables de l'opacification du cristallin des personnes
souffrant de diabète !
Et puis, qu'est-ce qu'une
réaction de Maillard ? Même le milieu des sciences de la nature,
notamment des sciences et technologies des aliments, ont des idées
parfois bien vagues à propos des réactions de Maillard.
Là, à
l'occasion du Colloque du 4 février 2016, consacré aux "réactions et
produits de Maillard", j'ai refais une histoire chimique des réactions
de Maillard, et je crois que tout est clair : alors que les réactions
des sucres et des acides aminés étaient connues dès Schiff, Maillard n'a
découvert qu'une chose, à savoir que les mêmes réactions avaient lieu
avec des peptides ou des protéines à la place des acides aminés.
Un texte précis est en ligne sur
http://www.academie-agriculture.fr/publications/n3af/n3af-2016-3-maillard-products-and-maillard-reactions-are-much-discussed-food.
Ref: Hervé This, 2016. “Maillard products” and “Maillard reactions” are much discussed in food science and technology, but do such products and reactions deserve their name? Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France / Academic Notes from the French Academy of Agriculture , 3, 1-10.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 21 mai 2016
dimanche 8 mai 2016
Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant.
Un homme qui ne connaît que sa
génération est un enfant" : Cette phrase est de Cicéron, au moins, et je
dois avouer que je ne comprends plus très bien pourquoi elle figure sur
mon mur.
Bien sûr, dans les discussions politiques
sur la pollution, la toxicité des aliments, etc., il y a lieu de
considérer
voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Un-homme-qui-ne-connait-que-sa-generation-est-un-enfant.html
voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Un-homme-qui-ne-connait-que-sa-generation-est-un-enfant.html
samedi 7 mai 2016
Ce qu'est la cuisine note à note, et ce qu'elle n'est pas
Hier, un ami m'envoie un message me disant "Je fais un superbe diner chez un de tes fans, adepte du note à note, et naturellement je pense à toi.
Merveilleux... mais quel est ce cuisinier qui ferait de la cuisine note à note sans que je le sache ?
La réponse contient : "extraction des saveurs individuelles d'une recette, puis assemblage, comme une composition à partir des notes. Exemple : extraction de petits pois incorporée ensuite à une cuisson de crème d'oignons. "
Evidemment, je suis très heureux que mes travaux inspirent ce chef, qui semble faire très bien... mais ce n'est pas cela, la cuisine note à note.
Je rappelle donc ce que c'est : il s'agit de faire des plats à partir de composés purs, tels l'eau, la cellulose, les sucres, les acides aminés, les protéines, les lipides, etc.
Or, quand on fait une extraction d'un goût de petit pois, par exemple en les macérant dans l'huile, ou même en les distillant sous vide, on récupère un mélange de composés odorants ou sapides, et l'utilisation de ce mélange n'est pas assimilable à l'utilisation d'un composé pur.
Bien sûr, il y a la cuisine note à note "pure", où l'on utilise des composés purs, et la "cuisine note à note pratique", où l'on utilise des mélanges de quelques composés, mais il ne faut pas trop dériver, sans quoi l'idée "note à note" est perdue.
Je pressens que ce type de questions ne fait que commencer, et je me souviens d'un numéro de la revue Thuries Magazine, du temps de la cuisine moléculaire, qui demandait aux cuisiniers ce qu'ils pensaient qu'était la cuisine moléculaire. Il y avait même des chefs qui disaient que toute la cuisine était moléculaire, parce que les aliments étaient faits de molécules. Je veux bien que les chefs aient de l' "autorité"... mais ils auraient dû quand même se rapprocher de la définition : "la cuisine moléculaire, c'est la cuisine faite à l'aide d'ustensiles modernes, à savoir ceux qui n'étaient pas dans les cuisines de Paul Bocuse en 1976, tels les thermocirculateurs, siphons, azote liquide, extracteurs variés...".
Vous allez voir que, de même, la "cuisine note à note" va être interprétée, alors que sa définition est claire : "produire des aliments à partir de composés purs".
Merveilleux... mais quel est ce cuisinier qui ferait de la cuisine note à note sans que je le sache ?
La réponse contient : "extraction des saveurs individuelles d'une recette, puis assemblage, comme une composition à partir des notes. Exemple : extraction de petits pois incorporée ensuite à une cuisson de crème d'oignons. "
Evidemment, je suis très heureux que mes travaux inspirent ce chef, qui semble faire très bien... mais ce n'est pas cela, la cuisine note à note.
Je rappelle donc ce que c'est : il s'agit de faire des plats à partir de composés purs, tels l'eau, la cellulose, les sucres, les acides aminés, les protéines, les lipides, etc.
Or, quand on fait une extraction d'un goût de petit pois, par exemple en les macérant dans l'huile, ou même en les distillant sous vide, on récupère un mélange de composés odorants ou sapides, et l'utilisation de ce mélange n'est pas assimilable à l'utilisation d'un composé pur.
Bien sûr, il y a la cuisine note à note "pure", où l'on utilise des composés purs, et la "cuisine note à note pratique", où l'on utilise des mélanges de quelques composés, mais il ne faut pas trop dériver, sans quoi l'idée "note à note" est perdue.
Je pressens que ce type de questions ne fait que commencer, et je me souviens d'un numéro de la revue Thuries Magazine, du temps de la cuisine moléculaire, qui demandait aux cuisiniers ce qu'ils pensaient qu'était la cuisine moléculaire. Il y avait même des chefs qui disaient que toute la cuisine était moléculaire, parce que les aliments étaient faits de molécules. Je veux bien que les chefs aient de l' "autorité"... mais ils auraient dû quand même se rapprocher de la définition : "la cuisine moléculaire, c'est la cuisine faite à l'aide d'ustensiles modernes, à savoir ceux qui n'étaient pas dans les cuisines de Paul Bocuse en 1976, tels les thermocirculateurs, siphons, azote liquide, extracteurs variés...".
Vous allez voir que, de même, la "cuisine note à note" va être interprétée, alors que sa définition est claire : "produire des aliments à partir de composés purs".
jeudi 5 mai 2016
Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer.
Voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Quand-les-lois-sont-mauvaises-il-faut-les-changer.html
dimanche 1 mai 2016
Pardon, je suis insuffisant… mais je me soigne
Je me souviens d'étudiants qui s'énervaient, parce que je ne trouvais pas immédiatement la solution à des problèmes qu'ils venaient me soumettre et que mes conseils les conduisaient à faire et à défaire. Ou alors, quand je corrigeais leur compte rendu, je ne trouvais pas immédiatement la bonne formulation pour rectifier la formulation fautive qu'ils avaient employée. Dans les deux cas, j'aurais pu les envoyer paître, parce que, après tout, leur travail, c'est leur travail, et non le mien, mais j'ai toujours jugé plus pédagogique de leur présenter mes excuses, et d'avouer mes insuffisances.
Oui, je suis insuffisant, au point que je l'ai affiché en très gros caractères sur les murs de mon bureau. Et je préfère de loin quelqu'un qui avoue des insuffisances, à quelqu'un qui est très sûr de lui et qui fait n'importe quoi. Evidemment, comme il est bien trop facile de répéter "Je suis insuffisant", afin de justifier paresse et médiocrité, j'ai ajouté à la fin de la phrase un "mais je me soigne » !
Se soigner, en matière de calcul, en matière de raisonnement, en matière d'écriture, c'est travailler beaucoup pour parvenir à s'améliorer. Le grand chimiste Michel Eugène Chevreul disait « Il faut tendre avec efforts à la perfection sans y prétendre ». Dans cette phrase, la perfection n'est pas très importante, et l'essentiel, c'est le « avec efforts ».
Oui, nous sommes tous insuffisants, puisque la perfection n'est pas de ce monde, et notre seul recours, c'est de nous soigner, de travailler, d'y mettre du soin, de l'application, des efforts… Au minimum, si nous n'avons pas obtenu le résultat que nous visions, nous aurons au moins fait quelque chose, et nous pourrons en rendre compte, tendre le fruit de nos efforts à nos évaluateurs… à qui nous pourrons d'ailleurs (sans impertinence, bien sûr) soumettre les questions que nous nous posions et leur demander s'ils auraient fait mieux que nous et comment.
Mais je dévie vers la difficile question des évaluateurs. Ici, pour nous recentrer, je propose que nous soyons nous-mêmes ces instances d'évaluation de notre travail.
Oui, je suis insuffisant, au point que je l'ai affiché en très gros caractères sur les murs de mon bureau. Et je préfère de loin quelqu'un qui avoue des insuffisances, à quelqu'un qui est très sûr de lui et qui fait n'importe quoi. Evidemment, comme il est bien trop facile de répéter "Je suis insuffisant", afin de justifier paresse et médiocrité, j'ai ajouté à la fin de la phrase un "mais je me soigne » !
Se soigner, en matière de calcul, en matière de raisonnement, en matière d'écriture, c'est travailler beaucoup pour parvenir à s'améliorer. Le grand chimiste Michel Eugène Chevreul disait « Il faut tendre avec efforts à la perfection sans y prétendre ». Dans cette phrase, la perfection n'est pas très importante, et l'essentiel, c'est le « avec efforts ».
Oui, nous sommes tous insuffisants, puisque la perfection n'est pas de ce monde, et notre seul recours, c'est de nous soigner, de travailler, d'y mettre du soin, de l'application, des efforts… Au minimum, si nous n'avons pas obtenu le résultat que nous visions, nous aurons au moins fait quelque chose, et nous pourrons en rendre compte, tendre le fruit de nos efforts à nos évaluateurs… à qui nous pourrons d'ailleurs (sans impertinence, bien sûr) soumettre les questions que nous nous posions et leur demander s'ils auraient fait mieux que nous et comment.
Mais je dévie vers la difficile question des évaluateurs. Ici, pour nous recentrer, je propose que nous soyons nous-mêmes ces instances d'évaluation de notre travail.
samedi 30 avril 2016
Ne pas confondre les faits et les interprétations.
Ne pas confondre les faits et les interprétations : le conseil fut donné il y a quelques décennies par Hubert Beuve-Méry, un des fondateurs du journal Le monde, mais elle s'impose évidemment en sciences de la nature (en plus de s'imposer, plus que jamais, pour le journal de Beuve-Méry).
Pour Beuvre-Mery, le bon journaliste sait faire la part des choses : il est honnête (ne fait certainement pas ce qui est décrit dans Le président, à la suite de la séquence https://www.youtube.com/watch?v=o6pcBGpag2o ), et présente d'abord les faits, avant les interprétations. Oui, même pour un journal d'opinion, il est honnête de donner les faits. Ensuite, on peut utiliser ces derniers pour asseoir des opinions, des valeurs, des jugements.
D'où mon étonnement, il y a quelques mois, quand j'ai assisté à une conversation où un journaliste d'un grand quootidien, parlant à auditoire dans une soirée, se disait parfaitement vertueux, selon lui, parce qu'il avait fait état de travaux qui étaient opposés à ses propres idées (en matière d'écologie). Sur le coup, j'avais été intrigué, parce que je savais l'homme idéologiquement malhonnête... mais qu'il semblait y avoir une certaine honnêteté dans cette affaire. Toutefois, quand on y pense bien, notre homme n'aurait-il pas mieux pas fait de changer ses idées, puisqu'elles étaient contredites par les faits ? Oui, finalement, je vois moins de la vertu que de la bêtise ou de la malhonnêteté, dans ce comportement dont le journaliste se vantait. Passons... en tirant des leçons sur le crédit que l'on doit accorder au journal où cet homme travaille.
Plus positivement, donc, cette question des faits et des interprétations, qui donc a été énoncée pour le journalisme, est essentielle en sciences, où nous cherchons les mécanismes des phénomènes, c'est-à-dire des interprétations des faits. Le scientifique observe un phénomène, le quantifie, obtient des données, et il ou elle doit ensuite chercher des régularités, des mécanismes.
Sans des données fiables, nos recherches de régularités et mécanismes ne valent rien, ce qui justifie qu'un de mes amis chimiste répète à l'envi, et très justement, que "donnée mal acquise ne profite à personne".
Oui, il nous faut des faits bien établis, validés, et validés encore, afin que nous ne bâtissions pas des châteaux sur le sable, que ce soit sur un sol parfaitement ferme que nous érigeons nos théories. Sans quoi nos idées ne valent rien, et elles s'écrouleront au moindre coup de vent. Il faut donc d'abord les faits, puis les interprétations. Des faits bien établis, et des interprétations qui n'aillent pas au-delà de ce que les faits nous font penser.
Bien sûr, l'induction qui est au coeur du travail scientifique, dépasse les faits en ce qu'elle propose des prévisions de faits qui ne sont pas établis. C'est même là l'intérêt des théories scientifiques que de recouvrir d'innombrables situations par un même cadre théorique, de mieux décrire le réel, les phénomènes, mais il y a précisément ce risque d'aller élucubrer. Nous devons chercher les interprétations, les tester, avec prudence. Avec audace, mais avec raison, en ce que nous devons, quand nous avons fait une proposition théorique, chercher à la tester… en vue de la réfuter, car la science honnnête sait bien que nos théories ne sont que des descriptions approximatives, que nous devons donc améliorer sans cesse, pour nous approcher d'une meilleure description du monde.
La description parfaite n'existe pas, mais nous sommes dans cette description de meilleure en meilleure, et, chemin faisant, nous décrivons des objets, notions, concepts, phénomènes, qu'il était impossible de voir auparavant.
dimanche 24 avril 2016
Penser en souriant aux sujets sérieux
Encore une phrase écrite sur les murs de notre laboratoire : "Penser avec humour aux sujets sérieux". Il concerne donc la recherche scientifique, et propose d'accroître le bonheur de sa pratique.
L'écrivain argentin Jorge Louis Borges disait : "Je travaille avec le sérieux d'un enfant qui s'amuse". Oui, si nous voulons une vie merveilleuse, nous devons nous amuser, ce qui ne signifie pas que nous divertissons notre temps à des travaux indignes, mais que nous savons prendre nos travaux avec le recul nécessaire, que nous savons les évaluer avec indulgence, certes, mais avec rigueur. Si nous devons être nos propres évaluateurs, soyons quand même un peu bienveillants ; ne soyons pas crispés, sourions un peu. La vie, qui s'achève par la mort, est quelque chose de beaucoup trop sérieux pour que nous n'en sourions pas. Je plains au fond les pisse-vinaigre, les individus qui ne savent ni boire ni manger, ni chanter en compagnie, ni prendre du plaisir à leurs travaux. Je plains ceux qui se prennent au sérieux, et, évidemment, je m'inquiète ces billets sur les règles que je me suis données, car je les vois bien sérieuses, bien morales... et pour tout dire un peu ennuyeuses.
Vite, un sourire, une illumination de mon visage qui offrira à mes interlocuteurs un aspect plus réjouissant que celui d'une porte de prison !
L'écrivain argentin Jorge Louis Borges disait : "Je travaille avec le sérieux d'un enfant qui s'amuse". Oui, si nous voulons une vie merveilleuse, nous devons nous amuser, ce qui ne signifie pas que nous divertissons notre temps à des travaux indignes, mais que nous savons prendre nos travaux avec le recul nécessaire, que nous savons les évaluer avec indulgence, certes, mais avec rigueur. Si nous devons être nos propres évaluateurs, soyons quand même un peu bienveillants ; ne soyons pas crispés, sourions un peu. La vie, qui s'achève par la mort, est quelque chose de beaucoup trop sérieux pour que nous n'en sourions pas. Je plains au fond les pisse-vinaigre, les individus qui ne savent ni boire ni manger, ni chanter en compagnie, ni prendre du plaisir à leurs travaux. Je plains ceux qui se prennent au sérieux, et, évidemment, je m'inquiète ces billets sur les règles que je me suis données, car je les vois bien sérieuses, bien morales... et pour tout dire un peu ennuyeuses.
Vite, un sourire, une illumination de mon visage qui offrira à mes interlocuteurs un aspect plus réjouissant que celui d'une porte de prison !
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