Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 2 octobre 2019
Pour un bon scientifique
L'histoire est exacte : un jour, il y a longtemps, discutant avec un "directeur de recherche", ce dernier m'a dit "Il faut faire de la bonne science". Et je lui ai répondu : "C'est quoi ?". A l'époque, il n'avait pas su me répondre, et j'avais évidemment été narquois... mais c c'est sans doute parce que j'ai un assez mauvais fond, n'est-ce pas ? Toutefois le pêcheur peut se rachter, et c'est ce que je propose de faire ici, en livrant quelques "Règles pour un bon scientifique".
J'en donne aujourd'hui trois : (1) dire combien, (2) citer de (bonnes références), (3) réclamer les moyens de la preuve pour chercher à comprendre.
Dire combien, combien, combien ?
La première règle se fonde sur la méthode des sciences de la nature, que j'ai discutée dans nombre de billets. Cette quantification intervient dans le deuxième étape de la démarche, à savoir que le phénomène identifié dans la première étape doit être quantifié, de tous les points de vue utiles. Ce seront ces données qui seront réunies en "lois", c'est-à-dire en équations, lesquelles permettront l'établissement d'une théorie, ou ensemble d'équations assorties de concepts quantitatifs, avant les tests de réfutation (quantitative) des conséquences de la théorie.
Bref, du nombre, du nombre, du nombre... Et voici pourquoi nous devons nous interdire d'utiliser des adjectifs ou des adverbes : la question, l'unique question, c'est "Combien ?".
Les références
En science, rien ne doit être donné ou fait sans justification ! Et c'est là que s'impose la bibliographie, et, de ce fait, la donnée de références.
Les mauvais scientifiques se contentent de trouver des références et de les donner sans justification, sans analyse critique. En revanche, les bons scientifiques savent évaluer les publications, et ne donner de références qu'avec une appréciation critique. Par exemple, on comprend facilement qu'on n'établit pas un fait si l'on cite une publication dont les méthodes sont défaillantes ! Et l'on comprend que l'on n'ira jamais donner des sources non scientifiques.
Mais la question est donc de savoir bien juger un travail publié, car il serait naïf de croire que toutes les publications sont bonnes, et je peux l'attester, moi qui ai vu mille fois publier des articles que j'avais refusé (pour cause de graves insuffisances méthodologiques), en tant que rapporteur !
Reste qu'il faut citer ses sources.
Les "moyens de la preuve"
Si l'on met dit qu'une fusée a décollé, je reste aussi bête qu'avant. Si l'on met dit qu'il y a une bataille en 1515, l'information est vide de sens, sans informations complémentaires. Si l'on me donne un dosage d'un produit dans une matrice, je doute, car je sais que les dosages imposent souvent des extractions, lesquelles sont bien souvent incomplètes. Et ainsi de suite.
C'est la raison pour laquelle, pour chaque donnée qui m'est délivrée, j'ai besoin des "besoins de la preuve", des détails de la procédure. Comment la fusée a-t-elle décollé ? Quels étaient les combustibles ? Et s'est-elle élevé de deux mètres ou a-t-elle atteint l'altitude de libération du champ gravitationnel terrestre ? Et à Marignan : étaient-ils une poignée, ou des milliers ? Et combien de temps cela a-t-il duré ? Combien de morts ? Et pour le dosage : quelle précision ? Comment s'est-on assuré que l'on a fait un bon dosage ? Et ainsi de suite.
Bref, avant d'admettre une information, il me faut mille détails, mille circonstances. L'énoncé précis des matériels et des méthodes employés par les personnes qui ont été à l'origine des résultats donnés.
Avec cela, on a un (tout) petit début, mais au moins, on sait ce qu'il y a à faire.
samedi 28 septembre 2019
Je vous présente le saccharose
Le saccharose ? Il faut d'abord et surtout dire qu'il est produit par les plantes et que son extraction, sa purification, par l’industrie du sucre conduit à ... du sucre de table. Car le sucre de table, ce produit blanc cristallisé à la saveur sucrée, c'est effectivement du saccharose à plus de 99 pour cent. C'est un produit inévitable dans l'alimentation, car il est présent dans tous les végétaux que nous consommons. Quand la sève brute monte vers les feuilles, elle permet, avec le dioxyde de carbone de l'air et l'énergie lumineuse du soleil, la synthèse du saccharose, parmi d'autres sucres tels que le fructose et le glucose. Puis ces sucres, ainsi formés dans ces usines naturelles que sont les feuilles, redescendent dans la plante, où ils servent d'énergie à la fois d'énergie à cette dernière, comme l'essence pour une voiture, mais aussi de briques pour la constitution des plantes, et de réserves pour les embryons.
Il y a donc du saccharose dans toutes les plantes, et c'est parce que les sucres, notamment le saccharose, sont dans les tiges, les racines, les tubercules ou les fruits, que nos aïeux lointains ont consommé des tissus végétaux : le sucre, c'est l'énergie dont ils avaient besoin pour vivre. Et c'est ainsi que les grands singes continuent aujourd'hui de mâcher des tiges, ou que les enfants aiment le sucre, comme les animaux.
Le sucre dans les plantes ? Il suffit de cuire doucement des oignons ou des carottes avec très peu d'eau, pour s'apercevoir que le jus récupéré est très sucre : il contient effectivement tant de sucre que l 'on peut même faire des confitures d'oignons.
Faut-il alors ajouter du sucre aux plats ? L'idée un peu bobo de lutter contre les "sucres ajoutés" revient en quelque sorte de faire un bond un siècle en arrière, pour extraire les sucres au lieu d'utiliser celui, très pur, de l'industrie du sucre.
Ici je m'arrête pour signaler que l'industrie du sucre n'est pas une industrie chimique... car il est bien impossible pour une industrie d'être chimique : la chimie est une science, et l'industrie une technique.
Donc l'industrie du sucre produit du sucre, et ses efforts consistent à extraire le sucre de végétaux, le plus souvent des betteraves ou des cannes à sucre, par des méthodes qui s'apparentent absolument à la cuisson de carottes ou d'oignons dans un bouillon ; puis il faut concentrer les liquides, évaporer l'eau. Lors de cette opération, on obtient des jus très impurs, et l'industrie utilise une technique de cristallisation pour avoir plus de pureté : quand des molécules d'une sorte s'empilent régulièrement en cristaux, les autres molécules, qui ne sont pas de la même sorte, ne sont pas acceptées dans l'édifice cristallin. C'est comme quand on empile des petits cubes : l'édifice ne se forme pas s'il y a des cubes d'une autre taille. De fait, quand on cristallise le saccharose, et que l'on obtient des grains de sucre blanc, est rejeté un liquide qui contient tous les composés qui ne sont pas du saccharose... et c'est un fait que le sucre blanc est l'une des matières les plus pures - moléculairement parlant- que l'on trouve en cuite
Evidemment, par les temps qui courent, il y aura toujours les marchands de cauchemars ou ou des trouilladds pour dire que quelque chose de très pur peut être dangereux. Et il est vrai que les huiles essentielles de basilic ou d'estragon sont à éviter. Pour le sucre aussi : si l'on en mange trop, on devient obèse et l'on a des caries. Mais, au fait, qui nous force à en manger trop ?
vendredi 27 septembre 2019
Que faire quand nos amis n'en sont pas ?
On a vu dans un autre billet que j'ai décidé de nommer "amis" ce que le reste du monde nomme "étudiants", et cela pour de bonnes raisons : à savoir que je suis moi-même étudiant, par exemple, mais aussi que nos... amis méritent notre amitié quand nous la leur donnons.
Mais arrive la dureté du monde et, par exemple, quand je vois l'étudiant le plus faible d'un groupe déclarer au dernier moment qu'il est malade, alors que l'examen arrive, ou quand je vois des étudiants répondre à côté de la question parce qu'ils ne savent pas la réponse, comme je ne suis pas fou : je m'aperçois que ces personnes cachent malhonnêtement leurs insuffisances, ce qui est la rupture d'un contrat amicale.
Puis-je encore appeler amis ces personnes-là ? Je me souviens de plusieurs personnages de Marcel Pagnol qui donnent leur confiance à d'autres afin que ces derniers en deviennent capables, je me souviens d'être devenus capables d'être rédacteur en chef d'une revue, il y a très longtemps, le jour où j'ai été nommé à cette position...
C'est bien l'état d'esprit que je veux faire régner. Je veux que les étudiants autres que moi-même soient vraiment des amis, des gens avec qui l'on discute librement, franchement, loyalement. Mais une fois la confiance brisée, que faire ? Pour des gens intransigeant comme moi, la question est d'autant plus terrible que je sais que l es associations avec des malhonnêtes nous conduisent généralement à des déboires terribles. Je veux absolument fuir ces personnes (ou les rejeter, ce qui est bien pareil).
Une seconde chance ? Regardons bien quand même l'ardoise de ces personnes, et l'on s'apercevra parfois que ces personnes l'ont déjà eue : ils n'ont pas eu une seconde, mais une deuxième chance, une troisième... Il y a un moment où il est de notre responsabilité de ne pas être complètement dupe, où il faut dire quand le roi est nu, quand des amis cessent de l'être.
Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.
Les projets : quel intérêt dans les études ?
Dans un autre billet, j'ai évoqué la question des stages, mais pas celle des projets, dont on dit que les étudiants les préfèrent aux cours (c'est à vérifier ; et puis, tous les étudiants ?).
Par exemple, dans une école de chimie, on donne aux étudiants la formule topologique d'un composé et on leur demande de faire tout le travail nécessaire pour arriver à proposer une synthèse industrielle, après avoir rempli un certain nombre de critères, à propos de rendement, de sécurité, etc.
Est-ce un bon système ?
Le mot "bon" est un adjectif, qui, selon nos... bons principes, doit être remplacé par la réponse à la question "Combien ?". Il y aurait lieu de faire une évaluation de la chose... à condition que cela soit possible.
Mais en attendant, j'observe que cette question des projets me fait penser à celle des stages, qui semblaient si appréciés de mes amis plus jeunes avec lesquels j'ai correspondu tout l'été, à propos des études supérieures.
Dans mon analyse, j'observais tout d'abord que les études devaient conduire à obtenir des informations, des connaissances, des notions, des concepts, des méthodes, des valeurs, des expériences, des compétences, des savoir être, des savoir vivre... Ici, avec les projets, on voit bien des connaissances transformées en compétences, mais on doit aussi observer que cette transformation ne peut s'opérer que si les connaissances ont été données. Il est hors de question de penser, comme cela a été fait, que les connaissances données par la préparation des concours aux écoles d'ingénieurs soient suffisantes, comme indiqué dans un autre billet !
Ce que je crains, c'est le temps considérable capté par un tel projet, au détriment de connaissances théoriques qui doivent emplir la valise intellectuelle de nos amis. C'est la même question qu'avec les stages : oui, ces travaux sont passionnants, et nos amis trouvent souvent grisants de voir qu'ils sont "capables", mais on ne doit pas sacrifier la théorie, que les institutions de formation doivent donner, avant que nos amis ne soient absorbés par la production.
Bref, il faut que ces projets soient parfaitement conçus pour ne pas s'arrêter à des applications, mais qu'ils conduisent nos amis à chercher des connaissances théoriques supplémentaires, et, mieux encore, qu'ils conduisent nos amis à apprendre, en situation de production, à chercher les connaissances théoriques supplémentaires. Car on n'oublie pas que les institutions de formation doivent conduire à l'autonomie.
Car, au fond, c'est cela la différence entre les études et la vie professionnelle, notamment : dans un cas, on est tout orienté vers l'obtention de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-vivre, etc., alors que dans la vie professionnelle, si cette recherche de capacités supplémentaires est importante, elle doit quand même passer après la production.
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