Pour aujourd'hui, voici les questions et les réponses.
1. Pensez-vous que la cuisine pourrait exister sans la science ?
La cuisine existe depuis que des humains ont préparé des plats, notamment en ménageant des cuissons ou des fermentations qui contribuaient à la digestibilité ou au goût, sans compter la troisième fonction essentielle de la cuisine, à savoir tuer les micro-organismes pathogènes qui contaminaient les ingrédients alimentaires. A ces époques reculées, il n'y avait pas de sciences de la nature.
Ce qui ne signifie pas que nos lointains ancêtres ne réfléchissaient pas sur les causes des phénomènes, mais la plupart invoquaient des "dieux", des divinités, pour expliquer le tonnerre (Zeus), la pluie, le soleil, les sources, le jour ou la nuit, les étoiles... D'où les mythes, notamment.
Les sciences de la nature, elles, sont devenues modernes vers la Renaissance, quand Galilée a proposé que l'on marche sur deux pieds : l'expérimentation et le calcul. Il n'est pas le seul, puisque Bacon a ajouté que tout devait être mesuré... Mais j'ai évoqué tout cela plus en détail dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire 1 : science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?"
Et puis, j'en profite parce que cela sera utile à nos amis, je recommande de diffuser partout cette image essentielle à leur travail, expliquée dans le livre :
2. L'utilisation
de cette innovation dans le monde gastronomique était-elle celle que
vous envisagiez de propager après avoir inventé la cuisine moléculaire ?
"Cette innovation" : de quelle innovation parlez-vous ? De la gastronomie moléculaire ? Et puis, je vois évoquée la "cuisine moléculaire" : il faut bien faire la différence, que je rappelle brièvement :
1. la cuisine moléculaire était une volonté de rénover techniquement la cuisine en y introduisant des ustensiles qui étaient utiles, et présents dans les laboratoires de chimie (azote liquide, siphons, thermocirculateurs, sondes à ultrasons...) ; la promotion de l'usage de ces ustensiles modernes s'est faite après 1980, mais je n'ai donné le nom "cuisine moléculaire" qu'en 1999, parce que beaucoup de monde confondait la cuisine moléculaire (de la cuisine, comme son nom l'indique) et la gastronomie moléculaire, qui est bien autre chose (de la science) ; elle est dépassée... par la "cuisine note à note".
2. la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique que j'ai commencé à pratiquer le 24 mars 1980, et qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent quand on cuisine ; c'est une science de la nature, et elle a été formalisée par moi-même et par Nicholas Kurti, et elle n'aura pas de fin. Elle se développe d'ailleurs dans les universités et laboratoires de recherche du monde entier... et nous préparons un gros Handbook of molecular gastronomy, qui sortira sans doute cette année.
3. Au final, la cuisine moléculaire est-elle un nouveau style de cuisine ou une simple chimie mise en application ?
Observons que l'expression "au final" n'est pas de bon français.
La cuisine moléculaire, un nouveau style ? Disons un style, oui, et l'anglais fait une différence entre "molecular cooking", qui désigne une technique (l'usage d'ustensiles venus des laboratoires) et "molecular cuisine", qui est un style fondé sur cette technique.
Un style "nouveau" ? Pas si nouveau que cela : la chose a commencé en 1980, et nos amis des TPE n'étaient pas nés ! Non, ce qui est nouveau, c'est la cuisine note à note !
Mais arrivons à la partie plus intéressante de la question "la cuisine moléculaire est-elle une simple chimie mise en application ?". Là, encore, il y a une confusion avec le mot "chimie", dont je rappelle que, malgré des usages dévoyés, il s'agit de science : la chimie est la science de la nature qui s'interroge sur les transformations moléculaires, et je milite pour que l'on ne désigne pas par "chimie" les applications de la chimie ; après tout, l'arbre n'est pas le fruit, non ? Mais oui, la cuisine moléculaire fait usage d’ustensiles venus des laboratoires de chimie. Est-ce alors une "application de la chimie" ? Très indirecte, car la chimie, elle, s'intéresse moins aux ustensiles qu'aux réactions, et la cuisine moléculaire, elle, se focalise sur les réactions.
Quant à la cuisine note à note, on pourra dire que c'est une application de la gastronomie moléculaire, mais hélas, nos jeunes amis de s'intéressent pas à cela.
Il faut maintenant conclure en rappelant que, pour aider les étudiants qui font des travaux sur
- la gastronomie moléculaire (ce n'est pas de la cuisine, mais de la science, et il faut ajouter que la discipline, scientifique donc, se développe dans des laboratoires du monde entier),
- ou bien sur la cuisine moléculaire (c'est complètement dépassé, notamment avec le développement de la cuisine note à note),
- ou encore sur la cuisine note à note (la cuisine du futur),
et pour répondre aux questions (qui sont souvent les mêmes : si vous avez choisi la mayonnaise ou les perles d'alginate, changez rapidement), j'ai publié récemment un livre intitulé "Mon histoire de cuisine" (Editions Belin, Paris).
D'autre part, j'ai construit UN TRES GROS SITE, que je viens d'ailleurs de refaire de fond en comble : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
Il s'y trouve notamment un ESPACE TPE/TIPE :
http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/applications-pedagogiques/second-degre/tpe-et-tipe.
Je vous invite à aller l'explorer en détail, notamment parce qu'il explique ce que sont les travaux demandés par les institutions d'enseignement (TPE, TIPE, mémoires d'université...), et comment il faut les faire. En particulier, il dit clairement qu'il vaut mieux focaliser sur un point particulier que de faire une synthèse très générale.
Pour les QUESTIONS spécifiques sur la gastronomie moléculaire, ou sur la cuisine moléculaire (je répète : si la gastronomie moléculaire est parfaitement actuelle, la cuisine moléculaire, elle, est bien dépassée, et si c'est votre sujet, changez vite), ou sur la cuisine note à note, ou sur des préparations culinaires variées (le soufflé, la sauce mayonnaise, le chocolat chantilly, etc.), il y a une grosse série de pages "questions/réponses" (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses), complétées par une série de pages "questions/answers", en anglais (http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-and-answers).
Les deux groupes de pages ne disent pas la même chose, et ils renvoient vers des sous rubriques que je vous invite à explorer.
Evidemment, si certaines des questions n'avaient pas de réponse, je pourrais les ajouter... mais il y a déjà des montagnes d'informations.
J'allais oublier : je réponds le plus souvent aux questions non pas par email, par sur mo blog http://hervethis.blogspot.fr/. Il y a de nombreuses réponses à des questions posées par des élèves tels que vous.
Pour me rencontrer, c'est plus difficile, car je n'ai pas assez de temps pour consacrer ne fut-ce qu'une heure aux élèves (à raison de 10 à 30 demandes par jour, cela fait 10 à 30 heures par jour !). C'est pourquoi je propose aux élèves de venir à un des "Séminaires de gastronomie moléculaire", qui se tiennent le plus souvent (vérifiez les dates sur le site http://www.agroparistech.fr/Les-activites-de-Herve-This.html!) le troisième lundi de chaque mois, de 16 à 18 heures, à Paris. L'entrée est libre, mais il faut un laisser passer que l'on obtient en écrivant à icmg@agroparistech.fr ; et ils peuvent prendre des photos, faire des films, poser des questions... (mais pas aux questions dont la réponse est sur mon site !).
Voir le lien pour les conférences et séminaires : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/liste-des-conferences-prevues
Je répète enfin que si la gastronomie moléculaire (de la science, donc) est très active, la cuisine moléculaire (de la cuisine) est très dépassée par la cuisine note à note (également de la cuisine, mais celle de demain).
Pour la cuisine note à note, voir :
- le cours 2012 podcasté sur le site AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/podcast/-Cours-2012-La-cuisine-note-a-note-.html
- les pages note à note du Centre international de gastronomie moléculaire, sur le site AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/-Centre-international-de-.html
- le podcast de la séance publique de l'Académie d'agriculture de France : http://www.academie-agriculture.fr/seances/la-cuisine-note-note-questions-nutritionnelles-toxicologiques-economiques-politiques?191212
- mon livre "La cuisine note à note", aux éditions Belin
- les pages sur mon site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
- à noter que, pour ceux qui veulent faire des expérimentations avec la cuisine note à note, il y a des adresses de fournisseurs de produits sur ma page https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/cuisine-note-a-note/des-produits
Groupe de Gastronomie moléculaire (Laboratoire de chimie analytique, UMR 1145 Ingénierie Procédés Aliment GENIAL)
16 rue Claude Bernard, 75005 Paris.
tel : +33 1 44 08 72 90
Courriel : herve.this@agroparistech.fr
Twitter : @Herve_This ; Skype : hervethis
site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
blogs :
http://www.agroparistech.fr/-Le-blog-de-Herve-This-Vive-la-.html
http://hervethis.blogspot.fr/
http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/
http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/
http://molecular-gastronomy-international.blogspot.fr/
http://hthisnoteanote.blogspot.fr/
Vient de paraître : Le terroir à toutes les sauces, éditions de la Nuée bleue