Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 11 janvier 2015
Evaluation, enseignement, pédagogie, exercices, entraînement, efforts et travail
La question de l'évaluation rejoint celle du travail ! Et nous devons construire rationnellement nos enseignements, et, plus généralement, nos actions pédagogiques
Ici, nous partons d'une question d'évaluation, et notre cheminement nous conduit à une rénovation d'idées pédagogiques.
Cela peut sembler étrange... mais seulement a priori : puisque l'évaluation de travaux d'étudiants ne peut porter que sur les apprentissages de ces étudiants, le mouvement est a posteriori évident, et c'est le fait que nous ayons pu être étonné qui étonne : comment est-ce possible que nous nous lancions dans des entreprises (évaluation), alors que l'objectif (apprentissage de compétences) n'est pas posé en premier ?
Au début de notre analyse, il y la question de l'évaluation des étudiants, et, plus précisément, de l'évaluation des étudiants venus en stage dans notre groupe de recherche. Dans des billets précédents, j'ai déjà discuté la question, et j'ai expliqué pourquoi nous demandons aux étudiants de notre groupe de s'évaluer eux-mêmes, pour proposer esuite au groupe leur auto-évaluation, laquelle était discutée, avant d'être éventuellement amendée, puis transmise à l'université qui la demande.
Oui, notre groupe de recherche est très idéaliste (nous cherchons à faire une réunion d'amis soudés par le but commun : apprendre), mais cela ne nous empêche pas d'essayer d'être rationnels et justes.
Observons que, avant de discuter les modalités de l'évaluation des étudiants en stage, nous devons discuter la légitimité de ces évaluations. Devons-nous les faire ? Devons-nous refuser de "collaborer" (et j'utilise le mot avec toutes ses connotations, sans préjuger de l'état d'esprit de nos interlocuteurs universitaires), en considérant que les universités ne doivent pas se défausser de leur travail pédagogique sur nous, qui dépensons énergie, temps et argent pour accueillir des gens que nous avons pour charge de former ? Ou devons-nous les laisser aux institutions universitaires qui sont responsables des étudiants ?
Reprenons les faits : c'est un fait que, à la fin de chaque stage, les institutions universitaires qui nous envoient les étudiants -par convention signée avant le stage- nous demandent de les évaluer. Et, en pratique, ils nous transmettent une "feuille d'évaluation", avec, souvent, des critères tels que "autonomie", "ponctualité", etc.
Pourquoi confier au tuteur le soin d'évaluer un stage ? Parce que les enseignants universitaires ne sont pas présents sur le lieu des stages, qu'ils ne connaissent pas les sujets spécialisés qui sont abordés par les étudiants dont ils ont la responsabilité, et que, de ce fait, ils nous demandent de les aider en faisant cette partie de l'évaluation, se réservant le soin de juger la présentation orale et la lecture des rapports de stage (raison pour laquelle je n'assiste pas aux soutenances orales, et pourquoi je ne relis pas les rapports, laissant les étudiants prendre la responsabilité de cette tâche, et les enseignants idem).
Supposons donc, pour finir, que nous acceptions donc de faire cette évaluation. Comment la faire ?
Nous pouvons considérer deux points de vue. D'une part, il y a un point de vue absolu, puis il y a un point de vue relatif.
L'absolu, cela consiste à savoir si l'étudiant a "bien" travaillé, en l'occurrence s'il a bien appris. Ici "bien" signifie bien par rapport à l'objectif fixé, lequel dépend d'un niveau universitaire et d'un diplôme que l'étudiant pourra ou non obtenir (je fais l'hypothèse que les diplômes ne doivent être donnés qu'à ceux qui ont des compétences suffisantes pour les recevoir, compétences qui doivent être clairement affichées par ailleurs, dans une sorte de "contrat pédagogique" ; de même qu'il y a des pré-requis à chaque cours, l'attribution des diplômes doit être conditionnée par une liste de compétences acquises).
D'autre part, le critère que j'avais annoncé de "relativité"est intéressant et double, car il y a la question de situer l'étudiant par rapport aux autres de son groupe, de son niveau universitaire, par exemple (et l'on voit que ce serait tordre le cou à l'idée précédente, absolue... mais on doit se souvenir que les diplômes doivent être nationaux, en France), mais aussi d'estimer la progression de l'étudiant (évaluer l'étudiant par rapport à lui-même en quelque sorte).
Quelque soit le point de vue, absolu ou relatif, puisque les stages sont une période de formation, c'est donc l'acquisition de nouvelles compétences qui semble devoir être évaluée.
La question étant difficile, ruminons-la un peu en envisageant par exemple un point de vue différent, à savoir que, très généralement, face à une tâche, on peut se donner une obligation de résultats, ou une obligation de moyens.
Nos jeunes amis gagneront à savoir la différence entre les deux, et, notamment, ils devront savoir que les médecins n'ont qu'une obligation de moyens... car nous sommes mortels, et ce serait les mettre dans une position impossible que de leur demander... l'impossible.
Obligation de moyens : là, il y a la question des règles explicites qui détaillent ces moyens. En l’occurrence, pour notre équipe de recherche, nous avons des documents explicites qui indiquent aux étudiants que leur obligation est d'apprendre beaucoup et d'apprendre à faire état de ce qu'ils ont appris. C'est donc de ce point de vue que nous devons les évaluer : il y a un contrat, et l'on doit légitimement se demander si ce contrat est rempli.
Le problème que je discute aujourd'hui est le suivant : certains de nos amis, dans le groupe, ont jugé qu'il n'était pas équitable de noter de la même façon un étudiant très faible et un étudiant "meilleur" (plus de connaissances, plus de compétences), à quantités d'efforts égales. Ce ne serait pas suffisant de bien travailler, de bien apprendre. Ils disent que l'on doit mieux noter les "meilleurs". Et ils ont des arguments, à savoir notamment qu'un étudiant qui passe son stage à se remettre à niveau ne fait pas avancer la recherche scientifique qui lui est confiée, de sorte que, du point de vue d'un stage de recherche, l'étudiant le plus faible ne fait pas ce qu'il aurait dû faire.
A quoi certains d'entre nous ont répondu que l'obligation de notre groupe était d'apprendre. A quoi ils ont répondu que oui, apprendre, mais apprendre la recherche scientifique...
La question étant difficile, et le dialogue inachevé (on ne termine jamais une discussion, avec des amis : n'est-ce pas cela l'essence de l'amitié ?), je n'ai pas dit que nos amis qui faisaient cette remarque avaient raison, ni qu'ils avaient tort, mais je dis qu'il est légitime de considérer cette observation, car, dans la vraie vie, lorsqu'on tire la charrue, le fait est que l'on ne peut pas attribuer la même "valeur" (rappelons qu'il s'agit d'évaluation, de jugement sur la valeur) à un cheval qui tire efficacement, et à un autre qui, même s'il fait des efforts sur le moment, n'a pas fait des antérieurement des efforts pour se muscler, de sorte qu'il tire moins bien.
Au total, il y a donc la question des efforts que l'on fait, et de ceux que l'on a fait.
Certes, l'indulgence, la générosité, l'humanité doit nous conduire à donner à chacun une deuxième chance, mais la question n'est pas là : donner une deuxième chance, cela signifie accepter les étudiants en stage. Cela ne signifie pas considérer que tout se vaut ! Non tout ne se vaut pas... devant la charrue, et quelqu'un qui accomplit une tâche parce qu'il en a la compétence est supérieur à celui qui ne l'accomplit pas, surtout quand il a paressé antérieurement.
J'entends mes amis lecteurs de textes religieux me dire que le père accueille l'enfant prodigue comme son autre fils, vertueux, mais pour ce qui me concerne, je dois avouer que je manque de la grandeur d'esprit qui me permettrait vraiment d'oublier que le fils prodigue a été prodigue. Je ne confonds pas l'utopie et mes envies généreuses, parce que l'utopie est... utopique... et qu'il y a la charrue à tirer !
Oui, je sais que certains d'entre nous n'ont pas eu la chance que j'ai eue personnellement (milieu aisé, parents admirables, etc.), et que la collectivité doit promouvoir ce qui est à mon avis mal nommé "ascenseur social" (je ne comprends pas pourquoi on placerait plus haut un ministre qu'un ouvrier), mais je sais aussi que c'est en promouvant l'effort, le soin, le travail, la rigueur... que nous obtiendrons un système plus juste.
Nous pouvons nous efforcer nous-même de donner une deuxième chance, voire une troisième, etc. (je dis "nous efforcer", parce que c'est un vrai effort que d'aider les plus faibles : cela prend sur notre temps, notre intelligence, notre énergie, notre argent... au détriment des autres, qui n'ont pas besoin de notre aide), mais nous devons aussi être capables, parce que nous en avons la responsabilité sociale, de juger que, parfois, des individus n'ont pas certaines capacités. Oui, je crois que c'est une question de courage que de dire à un étudiant, parfois, qu'il doit changer d'orientation... ou travailler bien plus qu'il ne le fait.
J'insiste en rappelant que je dis souvent que l'on n'est pas "bon en quelque chose", mais que l'on peut le devenir. Je cite ce "labor improbus omnia vincit", où improbus ne signifie pas malhonnête, mais acharné : le travail vient à bout de tout. Ce n'est d'ailleurs pas vrai, mais c'est mon idée politique. Je veux que nous disions à nos jeunes amis que le travail les portera.
Dans la même veine, je dis que je n'aime pas le mot "capacité" (on a les capacités en proportion de son travail), et certainement pas le mot "don", mais je n'oublie pas non plus que quelqu'un qui sait est quelqu'un qui a appris. A cette fin, le bistrot n'est pas l'endroit adéquat, et ce n'est pas en baillant aux corneilles que s’acquièrent les compétences et les connaissances. C'est par l'exercice, l'entraînement.
De ce fait, je dois très logiquement déduire de ce qui précède que les enseignants (j'en suis) gagneraient à proposer aux étudiants des séries d’entraînements, d'exercices, et nous devrions juger les étudiants sur le fait qu'ils ont ou non passé du temps à ces exercices. Si l'on suppose que les compétences viennent avec l'entraînement, dans la mesure où l'on a la capacité d'apprendre, laquelle est sanctionnée par le diplôme, alors une évaluation fondée selon ce critère en viendrait à juger des compétences, ce qui est finalement ce que nous recherchions !
De ce fait, il devient urgent de changer les systèmes d'enseignements, afin de proposer aux étudiants des séries ordonnées d'efforts, d'exercices, d'entraînements...
J'en profite pour signaler, par exemple, l'existence d'un livre d'enseignement exemplaire : le Calcul différentiel et intégral, de N. Piskounov (éditions Mir, Moscou, Russie). C'est un livre qui commence de façon élémentaire, qui est d'une clarté absolue, et qui comporte des exercices que n'importe qui peut faire : les premiers exercices sont très simples, puis, quand l'étudiant les a fait, on a des exercices à peine plus difficiles, et ainsi de suite. Bref, je recommande ce livre à tous, aux étudiants qui doivent savoir que, en sciences, le calcul différentiel et intégral est omniprésent, et aux collègues enseignants parce que nous pourrons discuter des systèmes pédagogiques que nous mettons en œuvre (on se souviens que je suis si iconoclaste que j'en viens même à questionner le "Le professeur est maître dans sa classe").
Jusqu'à présent, je faisais personnellement mes cours en y passant beaucoup de temps, essentiellement en cherchant à détailler les étapes des calculs, pour faciliter la compréhension des étudiants, mais je m'aperçois que cette méthode est sans doute mauvaise, et, conformément à l'analyse précédente, je vais réorganiser mes cours en une série d'exercices, d'entraînements, qui donneront lieu à autant d'évaluations ponctuelles. Finalement, les étudiants seront jugés sur le fait d'avoir ou non effectué tous les exercices proposés, tous ces entraînements.
Idem pour les stages : je vais chercher à introduire de nouvelles manières d'encadrer les étudiants, où l'initiation à la pratique scientifique sera conçue comme une série orchestrée d'entraînements, d'exercices. Cela correspond plus ou moins à ce que je faisais déjà, mais il faudra que ce soit bien plus systématique, plus explicite.
Comme toujours je compte sur mes amis pour me dire si l'analyse ci-dessus est erronnée, car on se rappelle que je suis prêt à beauccoup... d'efforts, beaucoup d’entraînements, beaucoup d'exercices, beaucoup de travail, pour améliorer les méthodes que je mets en œuvre très explicitement, en vue d'aider mes jeunes amis (et moi-même) à grandir en science et en technologie.
samedi 10 janvier 2015
Honorons la mémoire de Guy Ourisson
Guy Ourisson ? Il avait dit du chimiste Pierre Potier, le jour de son enterrement "Il nous a laissé le privilège de l'avoir connu"... C'est exact, mais cela est également exact de Guy Ourisson !
Guy Henry Ourisson était un chimiste français, né le 26 mars 1926 à Boulogne-Billancourt.
Sa mère, de petite noblesse périgourdine et d’ascendance de grande noblesse
russe, était pianiste. Son père, juif de Lodz ayant émigré en France, mathématicien de formation, était devenu chimiste pendant la première guerre mondiale. Il a fait toute sa carrière aux Usines Chimiques de Thann et en a été promu directeur vers 1930. C’est donc là que Guy Ourisson a eu ses premiers contacts avec la chimie.
Après des études secondaires à Thann, puis à Sarlat, pendant la deuxième
guerre mondiale, et ensuite en classe préparatoire au Lycée Saint-Louis, il intègre l’École Normale Supérieure en 1946 et est reçu à l’Agrégation de Physique en 1950.
Un stage de deux ans dans le laboratoire de Louis Fieser à l’Université Harvard lui permet d’obtenir un Ph.D. en 1952. Sa thèse porte sur les terpènes.
À son retour en France, il prépare une deuxième thèse sur la structure d’un
sesquiterpène, le longifolène, dans le laboratoire de Georges Dupont à l’ENS, et obtient le Doctorat ès Sciences en 1954.
Il rejoint ensuite l’Université de Strasbourg en 1954 comme Maître de Conférences.
Il est nommé professeur dans cette même université en 1958.
Il est lauréat du Prix Humboldt en 1987.
De 1995 à sa mort, il est professeur émérite
Il fut membre de l'Académie des sciences dont il a été vice-président, puis président.
Il est l'auteur, en 2002, d'un rapport sur la désaffection des étudiants pour les études scientifiques.
Il était membre actif du comité de patronage du think tank strasbourgeois le Forum Carolus.
À Strasbourg, il avait aussi créé le Cercle Gutenberg pour stimuler la recherche scientifique en Alsace.
Docteur honoris causa de l'École polytechnique fédérale de Zurich, commandeur de l'Ordre de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du Mérite, commandeur de l'Ordre des Palmes académiques, titulaire de l'Ordre du Trésor sacré japonais (or et argent)
Il est mort le 4 novembre 2006 à Strasbourg.
Le « Prix Guy Ourisson » a été créé en son honneur par le Cercle Gutenberg. Il est attribué chaque année à un scientifique de moins de quarante ans cherchant en Alsace.
Référence :
http://www.academie-sciences.fr/activite/conf/seance_270508_Lehn.pdf
Extrait d'un entretien avec Guy Ourisson :
Pride can lead a scientist to try to hide his mistakes, but this seldom occurs because discovery is all too certain. More important, I think, is the tendency towards gluttony that the need for publication creates for many of us working in the laboratory. The problem is the demand for large numbers of publications attached to one’s name. This raises the whole spectre of authorship and, when there are many researchers involved, whose name comes first. Some maintain that the man who has done the most important part of the work should have his name first; others say that the name of the head of the laboratory should precede the rest. British chemists use the alphabetical order — a clever way to avoid trouble. However, the point I want to stress here is that every act in the laboratory, even the simplest, has its moral side.
Guy Henry Ourisson était un chimiste français, né le 26 mars 1926 à Boulogne-Billancourt.
Sa mère, de petite noblesse périgourdine et d’ascendance de grande noblesse
russe, était pianiste. Son père, juif de Lodz ayant émigré en France, mathématicien de formation, était devenu chimiste pendant la première guerre mondiale. Il a fait toute sa carrière aux Usines Chimiques de Thann et en a été promu directeur vers 1930. C’est donc là que Guy Ourisson a eu ses premiers contacts avec la chimie.
Après des études secondaires à Thann, puis à Sarlat, pendant la deuxième
guerre mondiale, et ensuite en classe préparatoire au Lycée Saint-Louis, il intègre l’École Normale Supérieure en 1946 et est reçu à l’Agrégation de Physique en 1950.
Un stage de deux ans dans le laboratoire de Louis Fieser à l’Université Harvard lui permet d’obtenir un Ph.D. en 1952. Sa thèse porte sur les terpènes.
À son retour en France, il prépare une deuxième thèse sur la structure d’un
sesquiterpène, le longifolène, dans le laboratoire de Georges Dupont à l’ENS, et obtient le Doctorat ès Sciences en 1954.
Il rejoint ensuite l’Université de Strasbourg en 1954 comme Maître de Conférences.
Il est nommé professeur dans cette même université en 1958.
Il est lauréat du Prix Humboldt en 1987.
De 1995 à sa mort, il est professeur émérite
Il fut membre de l'Académie des sciences dont il a été vice-président, puis président.
Il est l'auteur, en 2002, d'un rapport sur la désaffection des étudiants pour les études scientifiques.
Il était membre actif du comité de patronage du think tank strasbourgeois le Forum Carolus.
À Strasbourg, il avait aussi créé le Cercle Gutenberg pour stimuler la recherche scientifique en Alsace.
Docteur honoris causa de l'École polytechnique fédérale de Zurich, commandeur de l'Ordre de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du Mérite, commandeur de l'Ordre des Palmes académiques, titulaire de l'Ordre du Trésor sacré japonais (or et argent)
Il est mort le 4 novembre 2006 à Strasbourg.
Le « Prix Guy Ourisson » a été créé en son honneur par le Cercle Gutenberg. Il est attribué chaque année à un scientifique de moins de quarante ans cherchant en Alsace.
Référence :
http://www.academie-sciences.fr/activite/conf/seance_270508_Lehn.pdf
Extrait d'un entretien avec Guy Ourisson :
Pride can lead a scientist to try to hide his mistakes, but this seldom occurs because discovery is all too certain. More important, I think, is the tendency towards gluttony that the need for publication creates for many of us working in the laboratory. The problem is the demand for large numbers of publications attached to one’s name. This raises the whole spectre of authorship and, when there are many researchers involved, whose name comes first. Some maintain that the man who has done the most important part of the work should have his name first; others say that the name of the head of the laboratory should precede the rest. British chemists use the alphabetical order — a clever way to avoid trouble. However, the point I want to stress here is that every act in the laboratory, even the simplest, has its moral side.
jeudi 8 janvier 2015
Soutenons le Cercle Gutenberg
Le Cercle Gutenberg a été créé en 2004 par le Professeur Guy OURISSON (1926–2006), éminent chimiste alsacien, président fondateur de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg qui fut, en 2000, le premier non parisien élu président de l’Académie des Sciences depuis sa création en 1666 par Colbert.
L’objectif du Cercle Gutenberg est de renforcer les liens entre les membres alsaciens de l’Institut de France, du Collège de France, de l’Institut Universitaire de France (membres senior) et des grandes académies étrangères et de stimuler la recherche scientifique en Alsace.
Le Cercle Gutenberg regroupe actuellement cinquante spécialistes de toutes disciplines membres des académies et institutions suivantes: Académie Française,
Académie des Sciences, Académie des Sciences Morales et Politiques, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Académie de Médecine, Académie de Pharmacie, Académie des Technologies, Académie d’Agriculture, Collège de France, Institut Universitaire de France et académies étrangères, Académie nationale des sciences allemande Leopoldina et Académie Norvégienne des Sciences et Lettres, Académie de Finlande.
Le Cercle Gutenberg est présidé par Pierre BRAUNSTEIN, Directeur de recherches au CNRS et membre de l’Académie des Sciences. Messieurs Jean-Marie LEHN, prix Nobel de Chimie 1987 et Jules HOFFMANN, prix Nobel de Médecine 2011, qui fut président de l’Académie des Sciences de 2006 à 2008 en sont vice-présidents.
L’Alsace se révèle être la région française, hors Ile de France, où oeuvrent le plus grand nombre d’académiciens, ce qui est un premier témoignage de la place occupée par la recherche alsacienne.
Pour développer cette recherche et son excellence, le Cercle Gutenberg a pris différentes initiatives et notamment :
- lancement en 2007 des Chaires Gutenberg pour faciliter l’accueil, pendant environ un an, de scientifiques de très haut niveau au sein d’établissements alsaciens d’enseignement supérieur et de recherche;
- lancement en 2008, du prix Guy OURISSON attribué chaque année à un jeune chercheur menant en Alsace des recherches prometteuses. Toutes les disciplines sont concernées;
- organisation de rencontres et de groupes de réflexions entre décideurs des
institutions politiques et scientifiques locales, régionales, nationales et internationales présentes en Alsace.
Ces actions sont possibles grâce au soutien financier des Collectivités alsaciennes et de mécènes industriels ou individuels.
Tout concours supplémentaire pour pérenniser et amplifier ces actions sera bienvenu et pourra donner lieu à des déductions fiscales.
Pour tout renseignement, merci de bien vouloir vous adresser à
cercle.gutenberg@free.fr
vendredi 2 janvier 2015
Mensonge !
Dans un journal populaire, un article populiste qui dit :
''A partir de 2000 triomphait, sur fond de french bashing, la cuisine moléculaire et son cortège de gélifiants, arômes chimiques, colorants et techniques issues de l’industrie lourde. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? A peu près rien "
Mensonge ! Nos chefs qui cuisinent du "naturel" utilisent aujourd'hui des siphons, des gélifiants naguère récusés, et que, par un tour de mauvaise foi merveilleux, on considère aujourd'hui comme naturels. L'induction, les micro-ondes, les capteurs électroniques dans les fours, les robots culinaires, la basse température sont partout !
Plus en détail : la cuisine moléculaire n'est pas un produit du French Bashing, mais une rénovation des techniques. Et les cuisiniers français auraient été bêtes de ne pas les utiliser.
Les gélifiants ? Quand il y eut la crise de la vache folle, les cuisiniers français passèrent à l'agar-agar, aux alginates, etc. sans moufter, et ils auraient été idiots de ne pas le faire, non pas que la gélatine ait été dangereuse, mais plutôt parce qu'il n'y a aucune raison de se priver de produits "naturels", merveilleux, qui font des consistances différentes de celle du pied de veau. En musique, pour prendre une comparaison, il est dommage de jouer du triangle quand on peut jouer du piano...
Les arômes chimiques ? L'expression ne signifie rien, stricto sensu. Notre homme veut-il parler de préparations odorantes de synthèse ? Et pourquoi n'en utiliserait-on pas ?
Des colorants ? Le monde de la cuisine ne cesse d'extraire du vert d'épinard, de colorer avec du safran, du curcuma...
Les techniques issues de l'industrie lourde ? Je rigole : tout, dans cette écriture, relève de la rhétorique médiocre du dragon chinois.
Mon pauvre ami... Je sais bien que vous êtes condamné à vendre du papier, mais quand même : ne vaut-il pas mieux avoir l'honnêteté de faire marcher ce qu'il y a entre les oreilles ?
Et puis, la cuisine moléculaire est partout, dans tous les restaurants. Et c'est pour cela qu'il en reste quelque chose : elle est partout, et il faut être aveugle ou malhonnête pour ne pas le voir !
''A partir de 2000 triomphait, sur fond de french bashing, la cuisine moléculaire et son cortège de gélifiants, arômes chimiques, colorants et techniques issues de l’industrie lourde. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? A peu près rien "
Mensonge ! Nos chefs qui cuisinent du "naturel" utilisent aujourd'hui des siphons, des gélifiants naguère récusés, et que, par un tour de mauvaise foi merveilleux, on considère aujourd'hui comme naturels. L'induction, les micro-ondes, les capteurs électroniques dans les fours, les robots culinaires, la basse température sont partout !
Plus en détail : la cuisine moléculaire n'est pas un produit du French Bashing, mais une rénovation des techniques. Et les cuisiniers français auraient été bêtes de ne pas les utiliser.
Les gélifiants ? Quand il y eut la crise de la vache folle, les cuisiniers français passèrent à l'agar-agar, aux alginates, etc. sans moufter, et ils auraient été idiots de ne pas le faire, non pas que la gélatine ait été dangereuse, mais plutôt parce qu'il n'y a aucune raison de se priver de produits "naturels", merveilleux, qui font des consistances différentes de celle du pied de veau. En musique, pour prendre une comparaison, il est dommage de jouer du triangle quand on peut jouer du piano...
Les arômes chimiques ? L'expression ne signifie rien, stricto sensu. Notre homme veut-il parler de préparations odorantes de synthèse ? Et pourquoi n'en utiliserait-on pas ?
Des colorants ? Le monde de la cuisine ne cesse d'extraire du vert d'épinard, de colorer avec du safran, du curcuma...
Les techniques issues de l'industrie lourde ? Je rigole : tout, dans cette écriture, relève de la rhétorique médiocre du dragon chinois.
Mon pauvre ami... Je sais bien que vous êtes condamné à vendre du papier, mais quand même : ne vaut-il pas mieux avoir l'honnêteté de faire marcher ce qu'il y a entre les oreilles ?
Et puis, la cuisine moléculaire est partout, dans tous les restaurants. Et c'est pour cela qu'il en reste quelque chose : elle est partout, et il faut être aveugle ou malhonnête pour ne pas le voir !
Science pure/applications de la science
Un extrait de Dialogues avec moi-même, du physicien Pierre Auger (Albin Michel, p. 108) :
"Ayant vécu un demi siècle - et quel demi siècle ! - dans les laboratoires, [Jean Perrin] voulait faire connaître aux jeunes la ferveur et l'enthousiasme qui accompagnent l'effort des hommes de sciences, de science pure, pour utiliser la terminologie courante, mais erronée, séparant la science pure de la science appliquée.
S : Il n'y a pas de science appliquée, disait Pasteur, il y a la science et les applications de la science. Autrement dit, il y a la recherche scientifique et les technologies qui découlent des découvertes que la recherche effectue. Cela ne veut pas dire que ceux qui appliquent la science, les ingénieurs principalement, ne sont pas des chercheurs et même ne réalisent pas des découvertes dans certaines circonstances, mais dans l'ensemble ils cherchent non pas à "comprendre" mais à "utiliser" les phénomènes de la nature mis à jour par les hommes de sciences.
C : C'est pour cela que l'on parle parfois de recherche "désintéressée", en voulant exprimer par là que certains travaux sont orientés vers un but purement intellectuel -comprendre- alors que les chercheurs des sciences appliquées visent un résultat "intéressé", c'est-à-dire à signification économique."
Pierre Auger était un des artisans du CERN, et je m'aperçois que son écriture révèle un baroquisme intéressant. Toutefois, je vois des tas de commentaires à faire :
1. je suis content qu'il cite Pasteur, à propos de la faute de la "science appliquée" : c'est une faute à combattre sans cesse.
2. mettre les technologies comme découlant de la science, c'est une erreur que j'ai faite, et que je propose d'éviter : il y a des technologies qui ne sont pas subordonnées à la science, et que j'ai nommées "technologie locale" (Science, technologie, technique : quelles relations ?, Editions Quae/Belin, Paris, 2010)
3. Le mot "chercheur" est flou, dans cet extrait : je propose que l'on nomme chercheur toute personne qui fait une recherche, historique, artistique, scientifique, technologique...
4. certains proposent le mot "ingénierie", à côté de technologie, et c'est à considérer attentivement, mais ma religion n'est pas faite, ici
5. Auger utilise très mal la ponctuation, et fait des fautes de français ("dans un but", etc.), de sorte qu'il faut reprendre la question du langage selon Condillac : les mots et la pensée vont-ils entièrement de pair ?
6. La question de la science pure/les applications de la science ne règle pas tout : on peut faire de la science de surface, qui sera de la science de détail, à l'opposé d'une science de rupture, et l'analyse de cela doit guider la stratégie scientifique.
J'appelle de mes.... voeux (nous sommes le 1er janvier) une bonne analyse, collective, de cette question, afin d'aider les scientifiques dans leur travail quotidien.
"Ayant vécu un demi siècle - et quel demi siècle ! - dans les laboratoires, [Jean Perrin] voulait faire connaître aux jeunes la ferveur et l'enthousiasme qui accompagnent l'effort des hommes de sciences, de science pure, pour utiliser la terminologie courante, mais erronée, séparant la science pure de la science appliquée.
S : Il n'y a pas de science appliquée, disait Pasteur, il y a la science et les applications de la science. Autrement dit, il y a la recherche scientifique et les technologies qui découlent des découvertes que la recherche effectue. Cela ne veut pas dire que ceux qui appliquent la science, les ingénieurs principalement, ne sont pas des chercheurs et même ne réalisent pas des découvertes dans certaines circonstances, mais dans l'ensemble ils cherchent non pas à "comprendre" mais à "utiliser" les phénomènes de la nature mis à jour par les hommes de sciences.
C : C'est pour cela que l'on parle parfois de recherche "désintéressée", en voulant exprimer par là que certains travaux sont orientés vers un but purement intellectuel -comprendre- alors que les chercheurs des sciences appliquées visent un résultat "intéressé", c'est-à-dire à signification économique."
Pierre Auger était un des artisans du CERN, et je m'aperçois que son écriture révèle un baroquisme intéressant. Toutefois, je vois des tas de commentaires à faire :
1. je suis content qu'il cite Pasteur, à propos de la faute de la "science appliquée" : c'est une faute à combattre sans cesse.
2. mettre les technologies comme découlant de la science, c'est une erreur que j'ai faite, et que je propose d'éviter : il y a des technologies qui ne sont pas subordonnées à la science, et que j'ai nommées "technologie locale" (Science, technologie, technique : quelles relations ?, Editions Quae/Belin, Paris, 2010)
3. Le mot "chercheur" est flou, dans cet extrait : je propose que l'on nomme chercheur toute personne qui fait une recherche, historique, artistique, scientifique, technologique...
4. certains proposent le mot "ingénierie", à côté de technologie, et c'est à considérer attentivement, mais ma religion n'est pas faite, ici
5. Auger utilise très mal la ponctuation, et fait des fautes de français ("dans un but", etc.), de sorte qu'il faut reprendre la question du langage selon Condillac : les mots et la pensée vont-ils entièrement de pair ?
6. La question de la science pure/les applications de la science ne règle pas tout : on peut faire de la science de surface, qui sera de la science de détail, à l'opposé d'une science de rupture, et l'analyse de cela doit guider la stratégie scientifique.
J'appelle de mes.... voeux (nous sommes le 1er janvier) une bonne analyse, collective, de cette question, afin d'aider les scientifiques dans leur travail quotidien.
Une réponse à mes voeux
J'avais titré "évidence" des voeux que j'émettais, et un ami me répond :
"Evidence, évidence... ce n'est pas le scientifique qui parle...mais l'être humain qui nous souhaite et incite à nous souhaiter à tous... UNE EXCELLENTE ET BELLE ANNEE !"
Très bonne année à chacun
"Evidence, évidence... ce n'est pas le scientifique qui parle...mais l'être humain qui nous souhaite et incite à nous souhaiter à tous... UNE EXCELLENTE ET BELLE ANNEE !"
Je répond que les Jésuites disaient : il ne faut pas se comporter en tant que Chrétien, mais en chrétien.
Pour
les scientifiques, c'est la même chose !
Donc, si, c'est le
scientifique qui parle... et la science ne vaut qu'avec conscience, et
"socialité".
D'autre part, j'ai foi (;-)) que nous
construisons notre bonheur, Mer isch wàs mer màcht, dit-on en alsacien,
ce qui signifie "Ce que tu fais te fait" !
Donc notre bonheur !
mercredi 31 décembre 2014
Comment enseigner bien ?
Dans
un billet précédent je suis arrivé à la conclusion que, au moins au
niveau de la fin de mastère, en fin d'université donc, les étudiants
devaient être capables de lire les articles de recherche récents. Dans
cette hypothèse essayons d'affiner un peu.
La
première question est la suivante : des articles de recherche récents,
mais lesquels ? Dans la masse des publications il y en a de bonnes et
il y en a de mauvaises. Malgré tous les dispositifs d'évaluation avant
publication, il y a tant de revue que les articles, même mauvais,
finissent par être publiés. On n'y peut rien, et ce serait une naïveté
de croire qu'on arrivera à résoudre ce problème.
L'enseignant
aurait-il alors pour mission de proposer aux étudiants de se consacrer
aux bons articles? Pourquoi pas, aussi, de devenir capables de
dépister les mauvais, puisque de toute façon, ils seront un jour en
position de devoir sélectionner eux-mêmes les bonnes publications ? Des
articles -bon ou mauvais, donc- étant sélectionnés, il faudra ensuite
que les étudiants les lisent, mais évidemment l'enseignant a pour
mission de les aider dans cette tâche qu'ils doivent apprendre. Il y a
donc la première question qui est de sélectionner des articles, selon
des critères qui doivent être explicites, puis il faudra guider les
étudiants pour lire. Lire un article scientifique est une tache qui
s'apprend. Il ne s'agit pas seulement de lire, au sens de parcourir
nonchalamment les mots du regard. Il faut certainement comprendre ce
qui est écrit, et il faut aussi savoir mettre en perspective, savoir
retenir ce qui est important, par exemple... Il y a donc là une
procédure qui s'apprend et, donc, qui s'enseigne. Une fois cette
tâche effectuée, que fera-t-on de cette information ? Il faut sans
doute la structurer parce qu'une information non structurée ne se
retient pas, et que, à la limite l'information est dans l'article. Mais
une idée dans un tiroir n'est pas une idée, et nous avons la nécessité
de sortir les idées du tiroir pour les mettre en oeuvre. Là encore,
cette tâche particulière qui s'apprend et, donc, s'enseigne.
Je
m'arrête là en concluant que le bon enseignant a beaucoup de travail
même s'il se limite à vouloir que les étudiants deviennent capables de
lire des articles scientifiques.
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