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samedi 15 mai 2021

Toujours remplacer adjectifs et adverbes par la réponse à la question "combien ?"

Au laboratoire, nous avons une sorte de jeux que nous nommons "jogging", et qui  consistent à faire des calculs à propos de phénomènes simples : quelle doit être la taille de la boîte où l'on stocke des meringues pour que celles-ci restent croustillantes ? quelle doit être la longueur d'une fourchette qui permettrait de manger avec le diable ? quelle est l'épaisseur de la croûte d'un soufflé ? combien de gouttes d'huile dans une sauce mayonnaise ?

Et ainsi de suite :  chaque fois, il s'agit d'imaginer un calcul, c'est-à-dire que nos jogging, nos entraînements, sont en réalité des problèmes et non des exercices,  la différence étant qu'un exercice est l'application directe d'une notion du cours, tandis qu'un problème nécessite un peu d'imagination, de créativité, de choix, de débrouillardise...

Et c'est là où il y a une difficulté : beaucoup de nos jeunes amis sont déjà débordés par la simple application des lois qu'ils apprises, et l'expérience prouve que beaucoup ne parviennent pas résoudre les problèmes. Bien sûr, il y a des exceptions, d'une part, et, d'autre part, mon observation n'est pas une dénonciation, mais une analyse pour aller plus loin, pour faire mieux : sic itur ad astra... si l'on ne se complaît pas dans ses propres insuffisances, mais si, au contraire, on les analyse pour les pallier (par du travail bien ciblé).

Bref il y a la nécessité de les aider, et  je propose la méthode suivante : face à une question, on commence par la répéter lentement pour bien la comprendre ; puis on décrit la situation avec des mots, en faisant un schéma ou une expérience.
Par exemple, si l'on considère la question de la boite où l'on conserve les  meringues, on comprend qu'il faille commencer par considérer les meringues  : que sont-elles ? comment les obtient-on ? quelle est leur composition ?

Ayant cette description, par des mots, on arrive généralement sur des adjectifs et des adverbes. Par exemple, pour les meringues :  on chauffe "beaucoup" ou bien "longtemps",  et ainsi de suite.
Et c'est là qu'une des méthodes caractéristiques de la science nous aide,  car cette méthode stipule que tout adjectif, tout adverbe doit être remplacé par la réponse à la question combien ?

Il y a beaucoup de blanc en neige  : combien, quel volume ? On évapore de l'eau : combien ? Et ainsi de suite.

A ce stade, on n'a que l'embarras du choix, pour déterminer une question et l'étudier quantitativement !  Chacun choisit ce qui l'amuse, parce que je répète que nos "joggings" sont des  entraînements.
Pour calculer  l'épaisseur de la croûte d'un soufflé, par exemple, on peut décider de partir de la consommation électrique de four, ou bien de la quantité d'eau évaporée lors de la cuisson d'un soufflé, et ainsi de suite.

Mais reste la règle essentielle des sciences de la nature : toujours remplacer des adjectifs et des adverbes par la réponse à la question "Combien ?".

dimanche 11 janvier 2015

Evaluation, enseignement, pédagogie, exercices, entraînement, efforts et travail


La question de l'évaluation rejoint celle du travail !  Et nous devons construire rationnellement nos enseignements, et, plus généralement, nos actions pédagogiques



Ici, nous partons d'une question d'évaluation, et notre cheminement nous conduit à une rénovation d'idées pédagogiques. 

Cela peut sembler étrange... mais seulement a priori : puisque l'évaluation de travaux d'étudiants ne peut porter que sur les apprentissages de ces étudiants, le mouvement est a posteriori évident, et c'est le fait que nous  ayons  pu  être étonné qui étonne : comment est-ce possible que nous nous lancions  dans des entreprises (évaluation), alors que l'objectif (apprentissage de compétences) n'est pas posé en premier ? 


Au début de notre analyse,  il y la question de l'évaluation des étudiants, et, plus précisément, de l'évaluation des étudiants venus en stage dans notre groupe de recherche. Dans des billets précédents, j'ai déjà discuté la question, et j'ai expliqué pourquoi nous demandons aux étudiants de notre groupe de s'évaluer eux-mêmes, pour proposer esuite au groupe  leur auto-évaluation, laquelle était discutée, avant d'être éventuellement amendée, puis transmise à l'université  qui la demande. 

Oui, notre groupe de recherche est très  idéaliste (nous cherchons à faire une réunion d'amis soudés par le but commun : apprendre), mais cela ne nous empêche pas d'essayer d'être rationnels et justes.  


Observons que, avant de discuter les modalités de l'évaluation des étudiants en stage, nous devons discuter la légitimité de ces évaluations. Devons-nous les faire ? Devons-nous refuser de "collaborer"  (et j'utilise le mot avec toutes ses connotations, sans préjuger de l'état d'esprit de nos interlocuteurs universitaires), en considérant que les universités ne doivent pas se défausser de leur travail pédagogique sur nous, qui dépensons  énergie, temps et argent pour accueillir des gens que nous avons pour charge de former ? Ou devons-nous les laisser aux institutions universitaires qui sont responsables des étudiants ? 

Reprenons les faits :  c'est un fait que, à la fin de chaque stage, les institutions universitaires qui nous envoient les étudiants -par convention signée avant le stage-  nous demandent de les évaluer. Et, en pratique, ils nous transmettent une "feuille d'évaluation", avec, souvent, des critères tels que "autonomie", "ponctualité", etc.
Pourquoi confier au tuteur le soin d'évaluer un stage ? Parce que les enseignants universitaires ne sont pas présents sur le lieu  des stages, qu'ils ne connaissent pas les sujets spécialisés qui sont abordés par les étudiants dont ils ont la responsabilité, et que, de ce fait, ils nous demandent de les aider en faisant cette partie de l'évaluation, se réservant le soin de juger la présentation orale et la lecture des rapports de stage (raison pour laquelle je n'assiste pas aux soutenances orales, et pourquoi je ne relis pas les rapports, laissant les étudiants prendre la responsabilité de cette tâche, et les enseignants idem). 


Supposons donc, pour finir, que nous acceptions donc de faire cette évaluation. Comment la faire ? 

Nous pouvons considérer deux points de vue. D'une part, il y a un point de vue absolu, puis il y a un point de vue  relatif. 

L'absolu, cela consiste à savoir si l'étudiant a "bien" travaillé, en l'occurrence s'il a bien appris. Ici "bien"  signifie bien par rapport à l'objectif fixé, lequel dépend d'un niveau universitaire et d'un diplôme que l'étudiant pourra ou non obtenir (je fais l'hypothèse que les diplômes ne doivent être donnés qu'à ceux qui ont des compétences suffisantes pour les recevoir, compétences qui doivent être clairement affichées par ailleurs, dans une sorte de "contrat pédagogique" ; de même qu'il y a des pré-requis à chaque cours, l'attribution des diplômes doit être conditionnée par une liste de compétences acquises). 

D'autre part, le critère que j'avais annoncé de "relativité"est intéressant et double, car il y a la question de situer l'étudiant par rapport aux autres de son groupe, de son  niveau universitaire, par exemple (et l'on voit que ce serait tordre le cou  à l'idée précédente, absolue... mais on doit se souvenir que les diplômes doivent être nationaux, en France), mais aussi d'estimer la progression de l'étudiant (évaluer l'étudiant par rapport à lui-même en quelque sorte).
Quelque soit le point de vue, absolu ou relatif, puisque  les stages sont une période  de formation, c'est donc l'acquisition de nouvelles compétences qui semble devoir être évaluée. 

La question étant difficile, ruminons-la un peu en envisageant par exemple un point de vue différent, à savoir que, très généralement, face à une tâche, on peut se donner une obligation de résultats, ou une obligation de moyens. 

Nos jeunes amis gagneront à savoir la différence entre les deux, et, notamment, ils devront savoir que  les médecins n'ont qu'une obligation de moyens... car nous sommes mortels, et ce serait les mettre dans une position impossible que de leur  demander... l'impossible. 

Obligation de moyens : là, il y a la question des règles explicites qui détaillent ces moyens. En l’occurrence, pour notre équipe de recherche, nous avons des documents explicites qui indiquent aux étudiants que leur obligation est d'apprendre beaucoup et d'apprendre à faire état de ce qu'ils ont appris. C'est donc de ce point de vue que nous devons les évaluer : il y a un contrat, et l'on doit légitimement se demander si ce contrat est rempli. 


Le problème que je discute aujourd'hui est le suivant : certains de nos amis, dans le groupe, ont jugé qu'il n'était pas équitable de noter de la même façon un étudiant très faible et un étudiant "meilleur" (plus de connaissances, plus de compétences), à quantités d'efforts égales. Ce ne serait pas suffisant de bien travailler, de bien apprendre. Ils disent que l'on doit mieux  noter les "meilleurs". Et ils ont des arguments, à savoir notamment qu'un étudiant qui passe son stage à se remettre à niveau ne fait pas avancer la recherche scientifique qui lui est confiée, de sorte que, du point de vue d'un stage de recherche,  l'étudiant le plus faible ne fait  pas ce qu'il aurait dû faire. 

A quoi certains d'entre nous ont répondu  que l'obligation de notre groupe était d'apprendre. A quoi ils ont répondu que oui, apprendre, mais apprendre la recherche scientifique...


La question étant difficile, et le dialogue inachevé (on ne termine jamais  une discussion, avec des amis : n'est-ce pas cela l'essence de l'amitié ?), je n'ai pas dit que nos amis qui faisaient cette remarque avaient raison, ni qu'ils avaient tort, mais je dis qu'il est légitime de considérer cette observation,  car, dans la vraie  vie, lorsqu'on tire  la charrue, le fait est que  l'on ne peut  pas attribuer la même "valeur" (rappelons qu'il s'agit d'évaluation, de jugement sur la valeur) à un cheval qui tire efficacement, et à un autre qui, même s'il fait des efforts sur le moment, n'a  pas fait des antérieurement des efforts pour se muscler, de sorte qu'il tire moins bien. 

Au total, il y a donc la question des efforts que  l'on fait, et de ceux que l'on a fait. 


Certes, l'indulgence, la générosité, l'humanité doit nous conduire à donner à chacun une deuxième chance, mais la question n'est pas là : donner une deuxième chance, cela signifie accepter les étudiants en stage. Cela ne signifie pas considérer que  tout se vaut  ! Non tout ne se vaut pas... devant la charrue, et quelqu'un qui accomplit une tâche parce qu'il en a la compétence est supérieur à celui qui ne l'accomplit pas, surtout quand il a paressé antérieurement. 

J'entends mes amis lecteurs de textes religieux me dire que le père accueille l'enfant prodigue comme son autre fils, vertueux, mais pour ce qui me  concerne, je dois avouer que je manque de la grandeur d'esprit qui me permettrait  vraiment d'oublier que le fils prodigue a été prodigue. Je ne confonds pas l'utopie et mes envies généreuses, parce que l'utopie est... utopique... et qu'il y a la charrue à tirer ! 

Oui, je sais que certains d'entre nous n'ont pas eu la chance que j'ai eue personnellement (milieu aisé, parents admirables, etc.), et  que la collectivité doit promouvoir ce qui est à mon avis mal nommé "ascenseur social" (je ne comprends pas pourquoi on placerait plus haut un ministre qu'un ouvrier), mais je sais aussi que c'est en promouvant l'effort, le soin, le travail, la rigueur... que nous obtiendrons un système plus juste. 

Nous pouvons nous efforcer nous-même de donner une deuxième chance, voire une  troisième, etc. (je dis "nous efforcer", parce que c'est un vrai effort que d'aider les plus faibles : cela prend sur notre temps, notre intelligence, notre énergie, notre argent... au détriment des autres, qui n'ont pas besoin de notre aide), mais nous devons aussi être capables, parce que nous en avons la responsabilité sociale, de juger que, parfois, des individus n'ont pas certaines capacités. Oui, je crois que c'est une question de courage que de dire à un étudiant, parfois, qu'il doit changer d'orientation... ou travailler bien plus qu'il ne le fait. 

J'insiste en rappelant que  je dis souvent que l'on n'est pas "bon en quelque chose", mais que l'on peut le devenir. Je cite ce "labor improbus omnia vincit", où improbus ne signifie pas malhonnête, mais acharné  : le travail vient à bout de tout. Ce n'est d'ailleurs pas vrai, mais c'est mon idée politique. Je veux que nous disions à nos jeunes amis que  le travail les portera. 

Dans la même veine, je dis que je n'aime pas le mot "capacité" (on a les capacités en proportion de son travail), et certainement pas le mot "don", mais je n'oublie pas non plus que quelqu'un qui sait est quelqu'un qui a appris. A cette  fin, le bistrot n'est pas l'endroit  adéquat, et ce n'est pas en baillant aux  corneilles que  s’acquièrent les compétences et les connaissances. C'est par l'exercice, l'entraînement. 


De ce fait, je dois très logiquement déduire de ce qui précède que les enseignants (j'en suis) gagneraient à proposer aux  étudiants des séries d’entraînements, d'exercices, et nous devrions juger les étudiants sur le fait qu'ils ont ou non passé du temps à ces exercices. Si l'on suppose que les compétences viennent avec l'entraînement, dans la mesure où l'on a la capacité d'apprendre, laquelle est sanctionnée par le diplôme, alors une évaluation fondée selon ce critère en viendrait à juger des compétences, ce qui est finalement ce  que nous recherchions ! 


De ce fait, il devient urgent de changer les systèmes d'enseignements, afin de proposer aux étudiants des séries ordonnées d'efforts, d'exercices, d'entraînements... 

J'en profite pour signaler, par exemple, l'existence d'un livre d'enseignement exemplaire : le Calcul différentiel et intégral, de N. Piskounov (éditions Mir, Moscou, Russie). C'est un  livre qui commence de façon élémentaire, qui est d'une clarté absolue, et qui comporte des exercices que n'importe qui peut faire : les premiers exercices sont très simples, puis, quand l'étudiant les a fait, on a des exercices à peine plus difficiles, et ainsi de suite. Bref, je recommande ce livre à tous, aux étudiants qui doivent savoir que, en sciences, le calcul différentiel et intégral est omniprésent, et  aux collègues enseignants parce que nous pourrons discuter des systèmes pédagogiques que nous mettons en œuvre (on se souviens que je suis si iconoclaste que j'en viens  même à questionner le "Le professeur est maître dans sa classe"). 

Jusqu'à présent, je faisais personnellement mes cours en y passant beaucoup de temps, essentiellement en cherchant à détailler les étapes des calculs, pour faciliter la compréhension des étudiants, mais je m'aperçois que cette méthode est sans doute mauvaise, et, conformément à l'analyse précédente, je vais réorganiser mes cours en une  série d'exercices, d'entraînements, qui donneront lieu à autant d'évaluations ponctuelles. Finalement, les étudiants seront jugés sur le fait d'avoir ou non effectué tous les exercices proposés, tous ces entraînements. 

Idem pour les stages : je vais chercher à introduire de nouvelles manières d'encadrer les étudiants, où l'initiation à la pratique scientifique sera conçue comme une série orchestrée d'entraînements, d'exercices. Cela correspond plus ou moins à ce que je faisais déjà, mais il faudra que ce  soit  bien plus systématique, plus explicite. 

Comme  toujours je compte sur mes amis pour me dire si l'analyse ci-dessus est erronnée, car on se rappelle que je suis  prêt à beauccoup...  d'efforts, beaucoup d’entraînements, beaucoup d'exercices, beaucoup de travail,  pour améliorer les méthodes que je mets en œuvre très explicitement, en vue d'aider mes jeunes  amis (et moi-même) à grandir en science et en technologie.