Faut-il démarrer les soufflés au bain-marie ? La question m'est posée
par un correspondant... et elle me ramène trente ans en arrière, quand
je faisais mes études de soufflés.
La réponse à la question posée est... Vous la trouverez en fin de billet.
La question
Voyons
donc la question : classiquement on produit un soufflé en mêlant une
préparation pâteuse à des blancs d'oeuf battus en neige. La préparation
pâteuse peut être une béchamel au fromage, ou une purée de fruits, ou
encore une crème anglaise ou pâtissière aromatisée, par exemple. Mais on
peut tout aussi bien utiliser une pâte faite de viande ou de chair de
poisson broyés avec un liquide qui détend. Les proportions ? Peu importe
: il suffit que la préparation puisse être mélangée aux blancs d'oeufs
battus en neige (les jaunes peuvent être utilement mêlés à la
préparation pâteuse, car ils donnent un goût parfois apprécié).
Puis
on met le mélange de la pâte et de la mousse dans un ramequin beurré
(et fariné ou sucré, selon les cas). On enfourne dans un four préchauffé
(par exemple à 180 degrés), et l'on cuit pendant un temps qui varie
entre 10 et 60 minutes, selon la taille des ramequins.
En réalité, rien de plus simple !
Pour
les soufflés, mes études anciennes ont établi les conseils suivants,
qui ont été recueillis par un journaliste américain sous le nom des
"trois règles de Hervé", auprès de l'équipe de Pierre Gagnaire :
- battre les blancs en neige bien ferme
- faire une croûte sur le dessus de la préparation (au grill, à la salamandre, au chalumeau) avant d'enfourner
- poser les ramequins sur la sole du four (la partie inférieure.
De
ces trois règles, c'est la dernière qui est la plus importante, comme
je l'ai montré dans un de mes séminaires de gastronomie moléculaire :
nous avons fait gonfler des soufflés dont les blancs n'avaient même pas
été battus, et pour lesquels nous n'avions pas fait de croûte : les
soufflés ont parfaitement gonflé, parce qu'ils étaient chauffés par le
fond.
Pourquoi chauffer par le fond est-il la clé du succès ?
Parce que, alors, l'eau de l'appareil s'évapore au fond du ramequin. Or
un gramme d'eau qui s'évapore fait un litre de soufflé ! Si
l'évaporation se fait au fond de la préparation, alors les couches
supérieures sont soulevées en même temps qu'elles soufflent et cuisent
elles-mêmes.
Et c'est ainsi que les soufflés gonflent.
Progressivement, la chaleur coagule les protéines du blanc et du jaune,
ce qui stabilise relativement la structure foisonnée. Mais, évidemment,
quand on ouvre les soufflés, la vapeur formée s'échappe, et les
soufflés retombent un peu. Evidemment, quand on comprend le mécanisme,
on peut éviter que les soufflés retombent... mais la préparation
s'apparente alors plus à un gâteau. Un soufflé doit retomber, en quelque
sorte.
Alors, finalement, la réponse : faites-le si ça vous amuse... mais c'est bien inutile si vous avez les trois règles !
Pour d'autres conseils : voir "Mon histoire de cuisine", aux éditions Belin.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes
de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la
cuisine)