Ce matin, j'ai accueilli une équipe de journalistes qui voulaient que je parle de l'odeur spéciale de l'ail et de l'oignon. Ayant préparé leur sujet, ils auraient voulu que je leur dise qu'une enzyme particulière engendre des composés qui engendrent de l'acide sulfurique dans les yeux, ce qui aurait fait pleurer, pour l'oignon. Pour l'ail, ils auraient voulu que j'évoque le diméthylsulfure.
Pourtant, quand on y regarde bien, les choses sont beaucoup plus compliquées et ce n'est pas une enzyme mais plusieurs qui sont responsables de la transformation qui a lieu quand on coupe l'ail ou l'oignon, sans parler de l'odeur propre des composés des alliacés, libérés sans transformation automatique au moment de l'ouverture des cellules.
Car c'est de cela dont il s'agit. Une gousse d'ail, par exemple, c'est un assemblage de petits sacs soudés les uns aux autres, les cellules végétales, qui contiennent des molécules soufrées de nombreux types. Certaines sont présentes à l'état libre et d'autres sont liés par exemple à des acides aminés.
Quand on coupe de l'ail, on ouvre les cellules sur le passage de la lame du couteau, et il y a deux effets : le premier est la libération dans l'air de certaines des molécules soufrées responsables de l'odeur et, d'autre part, il y a effectivement l'action d'enzymes qui peuvent se rapprocher d'autres composés, leurs "substrats", et agir enzymatiquement donc pour libérer d'autres composés soufrés. Le nombre de composés en question est considérable, car à côté du diméthylsulfure, il y a le diméthyl disulfure, le diméthyl trisulfure, le diallyldisulfure, le propényl allyl trisulture, des thiofuranes, et j'en passe des dizaines.
Pourquoi l'odeur de l'ail change-t-elle à la cuisson ? Il y a évidemment la dénaturation des enzymes, la modification de nombreuses molécules, mais la question est plus complexe, car on ne répétera jamais assez que l'odeur, c'est la sensation qui résulte de la perception d'un mélange de composés odorants. Si l'on change la quantité d'un de ses composés, ou la composition en composés odorants, alors l'odeur change et pas seulement en intensité mais aussi en nature. Et c'est sans doute la raison pour laquelle croquer de la cardamome après avoir mangé de l'ail permet de ne plus avoir, dans la bouche, l'odeur de l'ail
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 28 mars 2024
L'odeur de l'ail ? Ce n'est pas une seule molécule ! (ce qui est simple est faux)
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