On me montre un livre qui est un dialogue entre deux de nos soi-disant penseurs actuels, deux de ces petits marquis qui surfent sur l'ignorance du public, et qui vendent de la fumée. A la lecture, on trouve un enchaînement de truismes déguisés avec des mots de plus de trois syllabes, comme si cela suffisait à donner de l'ampleur aux choses, dans une confusion de la dénomination et de de la généralisation, de l'abstraction.
Que l'on ne se méprenne pas, toutefois : ici, je ne veux pas être négatif ou critique, car cela ne sert à rien. En revanche, je veux expliquer pourquoi une des phrases énoncées dans le livre était fautive. Me contredirais-je en annonçant que je ne veux pas être négatif et en combattant une erreur ? Non : quand on m'a montré le livre et que je suis tombé sur la phrase en question, en ouvrant le livre au hasard, j'ai expliqué à mon entourage pourquoi la phrase fautive... et je n'ai pas été facilement compris. La phrase fautive, et l'analyse que je fais ici, ne sont donc qu'un support à des explications essentielles sur le fonctionnement des sciences de la nature. Et cela est très positif !
La phrase en question ? C'est "les théories physiques sont incertaines". Pourquoi cette déclaration est-elle fausse ? Parce que les théories physiques sont très certaines, au contraire. En revanche, elles ne décrivent pas bien la "réalité", les "phénomènes", et elles ne le feront jamais, quel que soit le degré de raffinement auquel on les portera.
Expliquons donc, en prenant un exemple historique que j'invente (à peine) pour les besoins de la démonstration. Considérons le physicien allemand Georg Ohm (1789-1854), qui proposa que, dans un fil métallique, la différence de potentiel électrique soit proportionnelle à l'intensité du courant. Cela correspond à une "équation" très simple, à savoir que U, la différence de potentiel, est égale au produit de I, l'intensité du courant électrique, par R, la résistance du fil électrique utilisé. Et ce qui est merveilleux, c'est que cette relation vaut pour toutes les intensités et toutes les différences de potentiel. Par exemple, si le fil électrique choisi se trouve avoir une résistance électrique de 3,54 ohms, alors on n'a pas besoin de faire des mesures pour savoir qu'une intensité de 2 ampères est obtenue pour une différence de potentiel de 7,08 volts (7,08 = 2 ×3.54), par exemple. L'équation U = R I est ce que l'on nomme une "loi physique" ; elle est très "certaine", absolument certaine même (il n'y a pas de flou, dans cette équation), et les "théories physiques" sont précisément de telles lois, groupées en plus ou moins grand nombre.
A la limite, une théorie peut se réduire à une loi, quand l'état des sciences physiques n'est pas avancé, comme cela était le cas du temps d'Ohm. Pour autant, bien que les lois physiques, les théories physiques soient certaines, elles ne sont pas "justes", au sens de bien décrire les phénomènes : pour des courants électriques très intenses, le fil métallique fond, de sorte que la loi ne s'applique pas. Même pour des courants électriques modérés, la loi ne décrit pas parfaitement les phénomènes... parce qu'aucune théorie physique n'a la prétention de décrire parfaitement les phénomènes. Si l'on regarde "à la loupe", c'est-à-dire avec un degré de finesse très grand, alors on voit que la loi ne décrit pas parfaitement la réalité.
Bref, la question n'est pas celle de la certitude ou de l'incertitude, mais celle de l'adéquation au réel, de la précision avec laquelle la loi décrit les phénomènes. Cette différence est-elle de détail ? Non, bien sûr ! Si l'on se met à dire n'importe quoi, par utiliser n'importe quel mot, on finira par confondre les chats et les chiens, les tournevis et les marteaux... Dire que la différence de potentiel électrique est égale au produit de l'intensité par la résistance (ce qui est la loi d'Ohm), ce n'est pas la même chose que de dire que l'intensité est égale au produit de la résistance par la différence de potentiel (ce qui est faux, dans le cadre théorique). Bref, à confondre les mots, on finit par dire n'importe quoi... raison pour laquelle je propose de ne bien juger que les textes dont la langue est précise !
Ayant ainsi expliqué que les théories physiques sont certaines, même si elles ne décrivent pas parfaitement les phénomènes, je peux devenir encore plus positif, en profitant de l'occasion pour insister sur la nature merveilleusement positive des sciences de la nature. Il ne s'agit pas d'être désespéré que les théories physiques ne soient pas parfaitement en adéquation avec les phénomènes, mais il faut être émerveillé de voir que le mouvement de recherche d'une meilleure adéquation s'accompagne parfois de changements complets de théorie.
Par exemple, l'addition des vitesses (quand on lance une balle, dans un train, la vitesse de la balle par rapport au sol serait égale à la somme de la vitesse du train, plus la vitesse de la balle par rapport au train) correspondait à une idée, à une théorie, mais la théorie de la relativité a affiné la description du phénomène, en utilisant des idées théoriques différentes. Là, il y a quelque chose de merveilleux, à voir le remplacement d'un cadre théorique par un autre cadre... et cela doit nous guider dans nos explorations scientifiques !
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