mardi 26 mars 2024

En sciences, la convention est bien souvent une paresse à combattre.


Dans un billet précédent, j'ai discuté le mot polisaccharide qu'un étudiant utilisait dans une soutenance sans savoir en réalité de quoi il parlait. 

Mais on rencontre cela souvent et même chez des professionnels. Par exemple en sciences et technologie des aliments, on entend beaucoup trop parler d'une certaine "réaction de Maillard" qui aurait lieu dans les aliments chauffés. 

Mais d'une part, cette réaction on s'appelle pas réaction de Maillard est une réaction de glycation, ou une réaction amino-carbonyle, et, surtout,  il y a de nombreuses réactions qui engendrent du brunissement dans les aliments chauffés. La réaction amino-carbonyle, comme son nom l'indique, doit faire intervenir un groupe amine et un groupe carbonyle. Ce groupe amine (-NH2, avec un atome d'azote et deux atomes d'hydrogène, ou -NH-, avec un atome d'azote et un atome d'hydrogène), on le trouve effectivement dans des protéines, dans des peptides, dans des acides aminés... Et le groupe carbonyle peut se trouver notamment dans des saccharides (des "sucres") réducteurs tels que le D-glucose et le D-fructose. 

Avons-nous alors cette réaction amino-carbonyle quand seulement des protéines seront présentes ? Non évidemment  : ce sera une "pyrolyse", ou une "thermolyse",  parfois une hydrolyse, etc. 

Avons-nous cette réaction quand des acides aminés sont en présence de sucre de table, le saccharose, qui n'est pas un sucre réducteur ? Là encore il y a lieu d'y regarder de plus près et de savoir si les conditions particulières dans lesquelles le chauffage se fait peuvent conduire à l'hydrolyse du saccharose et à la libération de D-glucose et de D-fructose, qui pourront éventuellement ensuite réagir. 

D'ailleurs, pour que la réaction ait lieu il faut quand même que ces composés soient réunis et non pas séparés dans des compartiments des tissus végétaux ou animaux. 

Bref, un esprit qui ne serait pas faux aurait raison de ne pas couvrir d'un grand voile son ignorance, de ne pas s'exposer à dire des choses fausses parce que trop générales et, en tout cas, incomprises par lui-même. 

Il y a lieu d'être prudent, précis, de dépasser les conventions telles que "les aliments brunissent en raison des réactions de Maillard" :  cela est non seulement faux mais de plus c'est le signe d'une paresse, d'une ignorance, et d'une certaine malhonnêteté ou impudence puisque l'on n'hésite pas à distribuer des informations fausses en sachant en réalité qu'on ne sait pas de quoi on parle.

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