Évidemment, avec le titre de ce billet, j'exagère un peu, mais quand même, il y a une idée derrière la provocation, à savoir que l'on cuisine toujours mieux quand les recettes sont réfléchies.
Commençons donc par ce pâté d'oie brioché, un pâté lorrain dont la recettes est quasiment inconnue. La seule chose qu'on ait tiré d'une vieille cuisinière lorraine, c'est qu'il fallait faire une pâte à brioche, déposer de la chair de porc et de veau un peu marinée, et mettre par-dessus des lanières de chair d'oie préalablement rôtie.
C'est là, en gros, la définition du plat, et non pas la recette. Mais je veux montrer ici que l'on n'a pas besoin de plus pour faire quelque chose de très bien : je l'ai testé !
Commençons par broyer de la viande de porc et de veau : on prendra évidemment des viandes saines, mais peu coûteuses, car leur consistance sera détruite au broyage.
On les mettra à mariner et là, avec le vin, on pourra penser à des assaisonnements, car il est vrai que la vieille cuisinière lorraine disait "Plus il y a d'épices mieux c'est".
Pour les épices et assaisonnements, on utilise classiquement du sel et du poivre, du gingembre, de la noix muscade, du clou de girofle et un soupçon de cannelle, plus des oignons, de l'ail et du persil.
Si les oignons sont crus à l'intérieur du pâté, ils cuiront difficilement et on aura donc intérêt -c'est tout à fait logique- à faire revenir les oignons préalablement, avec l'ail et le persil, dans un peu de corps gras, telle de l'huile. Cela sera ajouté à la farce, et lui donnera du moelleux, en plus de lui donner du goût.
Le sel ? Il n'en faut pas trop, mais plus si le pâté est prévu pour un plat froid.
Le poivre ? Le cuisinier Emile Jung préconisait une partie de violence pour 3 parties de force et 9 parties de douceur.
La noix muscade ? Elle est toxique, de sorte qu'il n'en faut pas plus qu'une pincée.
La cannelle ? Elle est très puissante, de sorte qu'il faut vraiment très très peu, une pincée aussi.
Le gingembre ? Allons-y.
Moi j'ajouterais aussi du paprika et du piment de Cayenne.
Le persil viendrait en abondance, et je le mettrai ciselé dans la casserole où je ferais revenir les oignons et l'ail.
Ainsi, la farce est faite.
Il y a donc maintenant à se préoccuper de l'oie : dans mes essais, j'ai pris du poulet, et même plus exactement des cuisses de poulet puisque je n'avais que ça. Je les ai fait revenir, brunir, mais pas cuire : pour que cela ait du goût mais que la chair puisse cuire sans sécher lors de la cuisson du pâté.
Et maintenant la pâte à brioche. La pâte à brioche c'est une pâte ferme fermentée, avec de la farine, de l'œuf et du beurre.
Personnellement je commence toujours par réveiller ma levure en la mettant dans une tasse à café de lait avec un peu de sel, un peu de sucre et un peu de farine. Je pose mon saladier au-dessus d'une casserole d'eau et je porte à ébullition, mais une seconde seulement car il ne faut pas tuer les levures ! Quand je vois des bulles apparaître dans le mélange, alors j'ajoute la farine, par exemple 200 g, du sel pour saler, du sucre, et j'ajoute j'ajuste la consistance avec des œufs entiers. Il faut obtenir une pâte ferme mais molle.
Quand j'ai obtenu cette consistance alors j'ajoute le beurre, et comme disait la vieille paysanne Lorraine, plus il y en a, meilleur c'est. Je mets alors cette préparation très vigoureusement travaillée à fermenter, couverte d'un torchon, et cela pendant quelques heures.
J'insiste sur le travail : j'ai observé que si l'on ajoute le beurre par petits morceaux que l'on travaille beaucoup, alors la pâte a cette consistance merveilleuse de brioche qu'elle n'a pas si on ne travaille pas ; je ne crois pas que le fait d'ajouter le beurre en petits morceaux y soit pour quelque chose et je crois que c'est plutôt le travail qui compte.
Quand j'ai ma première fermentation, alors je prends la pâte et je la mets dans un moule allongé ; je couvre à nouveau et je laisse gonfler.
Quand c'est bien gonflé, bien fermenté, alors je peux déposer au centre la farce, et la volaille coupée en lanière par-dessus. Cette masse va s'enfoncer un peu dans la brioche qui va se refermer par-dessus.
Il restera la cuisson qui se fait classiquement pendant environ une heure à 170 à 180 degrés.
On peut servir ce pâté brioché chaud ou froid, lui faire une sauce ou non, mais, en tout cas, je peux témoigner qu'il est absolument merveilleux.
Analysons maintenant la question : fallait-il vraiment une recette ? En réalité la recette tiens dans le fait qu'on ait des lanières de volaille sur une farce et dans une brioche. Le reste peut se déduire facilement.
Les proportions pour la pâte à brioche ? J'ai expliqué comment les régler, de sorte que là encore, on n'a pas besoin de grammage.
Les proportions de veau et de porc dans la farce ? Là, on fait vraiment ce qu'on veut !
Les quantités d'oignons, d'ail, et cetera ? Là encore, on y met le goût que l'on veut et, de toute façon, on ne pourra pas confronter le résultat à une sorte d'étalon puisque ce pâté d'oie est oublié en Lorraine depuis plusieurs décennies. Régalez-vous !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
mercredi 30 août 2023
Pourquoi nous n'avons pas besoin de recette : le pâté d'oie brioché
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