dimanche 6 août 2023

Etonnant... mais je vais me reprendre, faites-moi confiance

 
Ce matin, je m'aperçois que, malgré des décennies de rubrique "science et gastronomie" dans la revue Pour la Science, malgré des billets de blog nombreux, malgré des articles, malgré des livres, je prononce peu le nom de la discipline merveilleuse qu'est la "gastronomie moléculaire". 

C'est une erreur, car cette discipline ne se "dissout" pas dans la science des aliments, et encore moins dans la technologie des aliments. 

 

Expliquons. 

Dans les années 1980, les livres de science ou de technologie des aliments décrivaient essentiellement les ingrédients culinaires (fruits, légumes, huiles, farines, etc.) ou les procédés industriels (la bière, le fromage, la saucisse), mais ils oubliaient complètement les vrais aliments : le cassoulet, le coq au vin, le pot-au-feu, le soufflé...  

Pourtant il est important de répéter, même de façon litanique, que nous ne mangeons pas des ingrédients, mais des mets, de sorte que la transformation qui fait passer des ingrédients aux aliments est clairement une étape essentielle de la connaissance des aliments. 

Cette transformation est l'objet de la gastronomie moléculaire, de sorte que la gastronomie moléculaire est centrale, en sciences des aliments. C'est la raison pour laquelle, en mars 1988, avec mon vieil ami Nicholas Kurti (il avait 50 ans de plus que moi), nous avons décidé de la création de la gastronomie moléculaire et physique, nom abrégé ultérieurement en "gastronomie moléculaire". 

A l'époque, le programme de la discipline n'était pas clair, et nous faisions insuffisamment la différence entre science et technologie, alors même que nous la pensions bien. Cela étant, l'évolution des travaux a montré que la distinction entre science de la nature, technologie (application des résultats des sciences de la nature, mais pas seulement : pensons à l'ingéniérie) ou cuisine (technique doublée d'art et de lien social), bien que nécessaire, ne péremptait pas une discussion du degré de fondamentalisme des travaux.
Par exemple, l'étude du gonflement d'un soufflé, ou la recherche de croustillances différentes d'une volaille selon qu'elle est arrosée de graisse ou d'une solution aqueuse, sont clairement très proches du phénomène : il s'agit de gastronomie moléculaire, mais elle est peu conceptuelle.
Inversement, la recherche des caractéristiques quantiques du mouvement de molécules d'eau placées dans une cellule unité d'un gel dynamique semble être plus "fondamentale", et l'objectif est alors moins la compréhension d'un phénomène immédiatement perceptible que la découverte de phénomènes inédits, de mécanismes inenvisagés. Dans le premier cas, on y arrivera sans beaucoup de difficultés, alors que l'on serait bien en peine de savoir ce qui nous attend derrière des calculs de mécaniques quantiques dans le second cas. 

Bref, il y a de la place pour tous, dans cette "recherche en gastronomie moléculaire" que j'ai trop oublié de discuter. Je vais donc reprendre mon bâton de pèlerin, dans ces pages.

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