mercredi 9 août 2023

La gastronomie moléculaire ? C'est une science de la nature, et pas une technologie

 Partons de cette question lancinante des rapports de la science et de la technologie, une question compliquée par l'ego de chacun, assorti du goût personnel pour la science ou pour la technologie, et rendue confuse par l'espèce d'aura qu'aurait la science, connaissance qui serait "pure" (un mot bien compliqué), tandis que la technologie serait appliquée, utilitaire, "impure", donc.

Je déteste ce débat pourri, à la base, par les préjugés, les fantasmes, les prétentions, la prétendue pureté d'une connaissance qui n'a d'autre objectif qu'elle-même, la prétendue impureté d'une connaissance liée à l'action... 

 

Essayons donc de dépasser ces projections, ces fantasmes, afin de mieux comprendre. 

 

On parlera de sciences de la nature pour l'exploration des phénomènes, et de technologie pour l'étude des techniques, puisque c'est là le sens véritable de ces deux mots. 

On criera "Vive les sciences de la nature" à condition de ne pas oublier de clamer aussi "vive la technologie". 

On dira que l'on peut perdre son âme à l'étude sans autre but que l'étude elle-même, et l'on dira que l'on peut perdre son âme à la recherche d'applications détestables (les gaz de combat...), mais on dira aussi que la découverte de mécanismes nouveaux de phénomènes inédits repousse les limites de la connaissance, cette connaissance qui contribue à notre humanité, et l'on dira aussi que c'est la technique qui nous fait véritablement humain, que la tête et la main sont indissociables, comme le savoir et la technique. 

 

Cela étant posé (mais cela devra être répété de façon lancinante, encore et encore), nous pouvons revenir à la question "locale" de la science et de la technologie, dans le cas particulier de la gastronomie moléculaire. 

La gastronomie moléculaire est-elle science de la nature ou technologie ? 

La réponse est claire : elle est science de la nature, parce que c'est cette "case" qui avait été vue manquante dans les années 1980 avec mon vieil ami Nicholas Kurti. Nous avions bien identifié que, puisque la science des phénomènes culinaires restait très rudimentaire, il y avait une activité spécifique qui devait être créée, et qui a été nommée gastronomie moléculaire. 

C'était clair, c'est clair, cela reste clair. 

Pour autant Nicholas et moi-même avions un deuxième (voyez : je n'ai pas écrit "second") objectif, voisin de la gastronomie moléculaire, et qui ne se confondait pas avec elle : la rénovation des techniques culinaires, activité véritablement technologique, et à la quelle j'ai donné ultérieurement le nom de cuisine moléculaire. Les choses sont donc claires :  il y a la science  qui a été nommée gastronomie moléculaire, et il y a une activité technologique qui a été nommée cuisine moléculaire ; plus tard est apparue  la cuisine note à note, un pan de rénovation très spécifique et inattendu à l'époque. 

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