Et si l'industrie alimentaire innovait comme le prêt à porter ? On a beau regarder : les aliments produits par l'industrie alimentaire semblent très classiques, et très comparables, selon les marques. Les salons professionnels, d'ailleurs, montrent bien que les innovations dans le domaine alimentaire portent surtout sur le conditionnement, plus que sur les aliments eux-mêmes. Ce sont les éternels cassoulets, choucroute, pizzas, salades de carottes ou de pomme de terre... Je n'ai pas besoin de vous inviter à faire la visite dans un supermarché pour vous convaincre que bien peu de changements ont eu lieu.
Bref, je maintiens que l'industrie alimentaire innove peu en ce qui concerne le contenu affiché des mets (et si ces mets étaient changés, en dépit ce qui est « affiché », alors ce serait déloyal!). D'ailleurs, l'industrie alimentaire voudrait-elle évoluer qu'elle le pourrait difficilement : nous sommes "biologiquement" collés à l'alimentation que nous avons eu enfant, et les changements de culture alimentaire sont difficiles.
L'histoire d'Augustin Parmentier le démontre à l'envi : il fallut à la fois une famine et une intelligente stratégie pour déterminer les Français à consommer des pommes de terre.
Arrêtons-nous à la stratégie : il donna au roi à consommer des pommes de terre, tout comme, plus tard, Auguste Escoffier assura le succès de sa pêche Melba en la nommant d'après une actrice célèbre.
Dans les deux cas, c'est l'argument d'autorité... qui est largement utilisé par l'industrie de l'habillement, qui parvient, elle, à imposer des styles très variés et parfois quasi imbéciles : cela va de la casquette à l'envers jusqu'au pantalon troué par avance ! Comment l'industrie du vêtement s'y prend-elle ? D'abord, il y a un "artiste", qui dessine des vêtements qui sont réservés à une élite (sur mesure), et souvent portés dans des circonstances (défilés de mode, festivals de cinéma, galas...) qui s'apparentent à la consommation de pomme de terre par le roi ; puis l'argument d'autorité joue, et le public adopte les nouvelles modes, ce qui permet le développement de production en série.
Observons qu'il s'agit là d'un mécanisme qui correspond pleinement à du "design", lequel est né avec la Révolution industrielle, et la collaboration des artistes à des industries produisant en série.
Pourquoi l'industrie alimentaire ne pourrait-elle fonctionner de même ?
L'introduction de véritables innovations aurait l'intérêt de la libérer du carcan de la concurrence, qui, depuis quelques années, conduit à une réduction désastreuse des marges bénéficiaires. Se pose alors la question de la collaboration de l'industrie avec les "artistes".
Là, il faut reconnaître à la pratique culinaire trois composantes : technique, artistique, de lien social. Si l'industrie alimentaire est techniquement compétente, elle est souvent très faible artistiquement, et gagnerait donc à s'adjoindre le concours des meilleurs artistes. Comment y parviendra-t-elle, économiquement ? La pratique des droits d'auteur semble pouvoir être mise en oeuvre, pour le bénéfice commun des artistes et des sociétés qui les emploieront : cette pratique conduit à éviter de gros investissements, et incite les deux parties à oeuvrer de conserve pour assurer le succès de leurs produits.
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