Pour ce qui concerne les bonnes pratiques scientifiques, il faut commencer par le commencement, c'est-à-dire toujours l'objectif.
Et là, pour bien comprendre l'objectif de la recherche scientifique il faut que j'évoque l'activité nommée technologie, car il y a souvent des confusions entre science et technologie.
Je crois d'ailleurs que la confusion est venue de jugements de valeur, qui n'ont rien à faire dans l'affaire.
Disons donc, pour ce qui concerne le jugement de valeur qui a gauchi les débats, qu'il n'est pas moins bien de faire de la technologie que de faire de la science, ni d'ailleurs moins bien de faire de la science que de faire de la technologie. Les deux activités sont différentes, et toutes deux indispensables pour nos communautés, toutes deux ont leur intérêt, dans un monde où l'intellect n'est pas moins que le physique.
Que sont ces deux activités ?
La recherche d'applications est l'objectif de la technologie. La recherche de connaissances nouvelles est le but de la recherche scientifique.
On voit qu'il ne faut pas tout confondre, et l'on doit éviter absolument de pervertir la recherche de connaissances scientifiques par la recherche d'applications, ou d'ailleurs de fausser la recherche d'application par la recherche de connaissances pures.
Bien sûr, lors de travaux technologiques, il arrive que l'on trouve des connaissances nouvelles, concepts, notions, méthodes… mais c'est sans doute une bonne pratique que de bien identifier ce fait et de décider si l'on continue d'aller dans cette direction qui détourne de l'objectif.
Bien sûr, quand on fait de la recherche scientifique, il arrive que l'on trouve des applications, mais, à nouveau, c'est une bonne pratique de le voir clairement et décider ou non d'aller dans cette direction.
Le technologue qui irait trop dans la direction des connaissances pures faillirait à sa mission, tout comme le scientifique qui irait vers les applications.
Mais, ici, l'objet était de discuter des bonnes pratiques en matière de recherche scientifique, et, tout ce qui précède étant dit, il y a donc lieu de bien comprendre ce que signifie « recherche de connaissances ».
Parfois, on ajoute « pures », ou « fondamentales », pour caractériser les connaissances produites par la recherche scientifique.
Pures ? Cela est un mauvais terme, car il s'oppose à « impures », comme si la recherche d'applications était impure.
Non, il est préférable de dire « fondamental », car le fondement est bien ce qui supporte l'édifice : à partir de connaissances produites par la science, le technologue dispose d'un socle « frais », « nouveau », « récent », sur lequel il peut élaborer des applications nouvelles.
Le cas de Louis Pasteur est d'ailleurs édifiant, et il faut préciser que ce que j'en dis ici est conforme à ce qu'il en disait lui-même. Pasteur, donc, a produit de nombreuses applications de ses travaux initiaux. Par exemple, c'est parce qu'il avait découvert ce concept nouveau des micro-organismes qu'il a pu explorer la confection du vinaigre, les maladies du vin, les maladies des vers à soie, la confection de la bière, les vaccins. Pasteur reconnaissait parfaitement que toutes ces applications étaient des applications, et il disait lui-même « application des sciences », reconnaissant que le temps qu'il passait à ces applications était autant de temps pris à se recherche scientifique. Il avait jugé que cela valait la peine de se détourner de la science, vu l'intérêt des applications qu'il pouvait développer.
Mais revenons maintenant à la science, et à son objectif, dont il est une bonne pratique qu'il soit bien clair.
L'objectif de la science est la recherche de connaissances nouvelles, que l'on obtient, jusqu'à plus ample informé, en cherchant à répondre à la question « quels sont les mécanismes ? ». Oui, à tout moment de la recherche scientifique, il y a cette question posée. Parfois elle s'estompe un peu, quand on a « les mains dans le cambouis », quand on est en train de produire des données quantitatives en caractérisant les phénomènes que l'on a décidé d'explorer, quand on cherche un peu techniquement à réunir ces innombrables données quantitatives en lois, c’est-à-dire en équations, quand on met au point, quand on exécute l'expérience avec laquelle on veut réfuter une théorie.
Mais toujours il y a cet objectif à ne pas oublier : nous cherchons les mécanismes des phénomène. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos équations et a fortiori sur des données quantitatives que nous aurions produites même au prix de grands efforts ; nous ne devons pas nous arrêter à la production des données, comme cela est fait trop souvent, surtout quand le temps imparti est insuffisant (je pense à des stages, à des thèse qui ne durent plus que trois ans, à des séjours post-doctoraux). Dans notre groupe, comme dans d'autres groupes de recherche, il y a des données quantitatives en extrême abondance, et, dans notre groupe comme dans les autres, il manque trop souvent cette étape essentielle qui consiste à chercher les mécanismes des phénomènes, à produire des concepts ou notions.
On observera que des « discussions » dans les articles scientifiques, sont le lieu d'indiquer les notions et concepts nouvellement produits : dans ces parties, il ne s'agit pas de savoir si les résultats sont cohérents, en phase avec ceux qui été produits par d'autres, antérieurement, mais bien plutôt de produire du nouveau, proposer des modèles, des théories, qui dépassent ce qui a déjà été fait. Une discussion, dans un article scientifique ; ne doit pas être une vérification ou une confirmation du passé, sans quoi c'est la faillite du travail, qui n'a donc rien découvert.
Et un travail scientifique sans la découverte, cela n'est rien !
Dans les « conseils aux auteurs » des revues scientifiques, il y aurait donc lieu, pour la partie « discussion » ou « interprétation » de mettre en tout premier que l'on doit, à cet endroit, produire des connaissances nouvelles, proposer de telles connaissances : notions, concepts...
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