L'huile
de palme a mauvaise presse. Pourquoi ? Est-ce justifié ?
Ce
qui est certain : bien rares sont les polémistes qui savent ce
dont ils parlent vraiment : on voit répétés des mots tels que
« poly-insaturés », « risque cardiovasculaire »...
mais ils sont souvent seulement répétés, et pas compris.
D'ailleurs l'expérience prouve que même la seule notion d'
« huile » est mal comprise : des individus cultivés
croient que l'huile est faite d'acides gras, car n'est-ce pas ce qui
figure sur les étiquetages ? La déloyauté de ces derniers est
le baton qu'une certaine industrie alimentaire donne pour se faire
battre.
Allons,
cherchons simplement à comprendre.
Ce
qui est clair, c'est que nos sociétés ont trop eu de connaissance
de la chimie, d'une part, et de la nutrition, d'autre part, pour
juger. A défaut de comprendre, on répète, donc, et la prudence qui
a conduit l'espèce humaine a se reproduire et évoluer jusqu'à être
présente aujourd'hui conduit à répéter les discours les plus
prudents, pour ne pas dire alarmistes.
Evidemment,
on serait naïf de ne pas voir, aussi, derrière la polémique de
l'huile de palme, des raisons raisons politico-économiques, avec
notamment des manipulations protectionnistes fondées sur des clichés
faciles à répéter. Pour voir la paille dans l'oeil du voisin, on
sait que les Espagnols ou les Italiens vantent excessivement les
« vertus » de leur huile d'olive, tandis que d'autres
groupes feront la promotion de telle ou telle culture oléagineuse
nationale. C’est ainsi que les pays producteurs de soja du
continent américain diabolisent l’huile de palme, comme le font
également les pays producteurs de tournesol et de colza en Europe,
et le Sénégal producteur d’arachide depuis la privatisation de la
SONACOS.
En
conséquence, une description simpliste ou fausse des lipides, avec
soit une assimilation de ces derniers à des acides gras, soit (dans
les meilleurs cas) une interprétation des lipides en les seuls
termes de composition globale en acides gras. Ces deux descriptions,
fausses ou simplistes, conduisent quasi automatiquement à un
classement erroné, en termes de corps gras soit bons, soit mauvais
(pour la santé humaine, laquelle, on oublie de le dire, est
quotidiennement menacée par le tabagisme, la consommation d'alcools,
la consommation de sucres, de sodas, la consommation de viande
grillées, fumées... dont l'effet est bien supérieur).
Passons
sur les milles formes que la mauvaise foi humaine revêt, et partons
d'une bouteille d'huile raffinée.
Au
premier ordre, il s'agit d'un liquide composé d'un très grand
nombre (des millions de milliards de milliards) d'objets minuscules,
tous identiques, qui se déplacent en tous sens, et entre lesquels il
y a du vide, rien. Ces objets sont des « molécules ».
Dans
l'huile raffinée, les molécules ont quasiment toutes la même
structure : ce sont comme des peignes à trois dents souples, on
pourrait dire aussi comme des diapasons. Le manche du peigne, ou le
point de jonction du manche de diapason et des branches, est fait de
trois atomes de carbone enchaînés, et les dents ou branches sont
liés par de petits groupes d'atomes d'oxygène. Puis les dents
elles-mêmes sont faites d'enchaînement d'atomes de carbone, tous
ces atomes de carbone étant liées à des atomes d'hydrogène. Ces
molécules sont nommées des « triglycérides ».
Nous
avons vu que toutes les molécules de l'huile (ou presque) sont des
triglycérides, mais il existe des triglycérides différents. Les
dents/branches peuvent avoir des longueurs différentes, et elles
peuvent être plus ou moins « souples », déformables.
En
effet, les atomes de carbone peuvent se lier soit simplement, soit
par des liaisons « doubles », auxquels cas les
triglycérides sont dits « insaturés ». Avec une seule
liaison double, il y a une mono-insaturation ; avec plusieurs
liaisons doubles, il y a poly-insaturation.
Et
les acides gras, dans l'affaire ?
Quand
un chimiste veut « synthétiser » un triglycéride, il
peut le faire de nombreuses façons, mais la plus simple consiste à
« estérifier » du glycérol par trois acides gras. Le
glycérol ? Trois atomes de carbones attachés ensemble, avec,
sur chacun, un groupe « hydroxyle », avec un atome
d'oxygène et un atome d'hydrogène, plus des atomes d'hydrogène
pour faire le « compte » (chaque atome de carbone doit
finalement être lié à quatre autres atomes) :
Les
acides gras ? Des atomes de carbone liés de façon linéaire,
avec, à une extrémité, un groupe « acide carboxylique »,
avec un atome d'oxygène lié doublement à l'atome de carbone
terminal, et un groupe d'hydroxyle lié à ce même atome.
Autrement
dit, le chimiste de base reconnaît simplement des motifs dans les
triglycérides, et, même si la synthèse n'a pas été faite par
l'estérification précédemment décrite, beaucoup de mauvais
chimistes voient du glycérol et des acides gras dans les
triglycérides. Ce n'est pourtant pas juste : il y a seulement
des « résidus de glycérol » et trois « résidus
d'acides gras ». Mais, insistons, on pourrait très bien
décrire les molécules de triglycérides différemment, car elles
peuvent se constituer, ou de dissocier, d'innombrables façons où
les glycérol et les acides gras n'ont aucune part !
Evidemment,
si l'on conserve cette façon simple de décrire les triglycérides,
on pourra numéroter les atomes de carbone du résidu de glycérol :
1, 2, 3. Notons que les triglycérides de lait de ruminants ont des
résidus d'acides gras différents, aux positions 1 et 3. Ces
positionnements sont fondamentaux sur le plan de la nutrition :
ils règlent le mécanisme d’absorption des acides gras (je dis
bien, cette fois, des acides gras, car divers mécanismes digestifs
conduisent à séparer des acides gras des triglycérides) à travers
la paroi intestinale pendant la digestion. Lors de cette dernière,
une enzyme nommée lipase pancréatique, sécrétée par le pancréas
(on s'en serait douté) et chargée de digérer les lipides, n'agit
pas de même sur les résidus d'acides gras des positions 1 et 3,
d’une part, et les résidus d'acides gras de la position 2, d’autre
part : seuls les acides gras des positions 1 et 3 sont libérés
et se retrouvent, lors de la digestion, sous forme d’acides gras
libres (on trouve parfois les abréviation a.g.l., ou agl, ou AGL, ou
encore A.G.L.), qui peuvent réagir avec des ions calcium présents
dans l'environnement digestif, pour former des « sels de
calcium » ; les acides gras de la position 2 restent liés
au résidu de glycérol pour former des 2- monoglycérides (tiens,
j'y pense : savez-vous que les monoglycérides sont considérés
comme des « additifs »?).
Les
sels de calcium des acides gras saturés sont insolubles, et ils sont
excrétés dans les fèces ; quant aux acides
gras poly-insaturés, après hydrolyse partielle de leurs sels
de calcium, ils traversent en partie la paroi intestinale et
alimentent les systèmes métaboliques en acides gras essentiels.
Les 2-monoglycérides, eux, traversent rapidement la paroi
intestinale : ce sont des vecteurs d'acides gras, et la
« biodisponibilité » d’un acide gras donné est
maximale lorsque ce dernier est lié au résidu de glycérol par la
position 2.
On
comprend alors aisément que, si la position 2 est riche en résidus
d'acides gras insaturés, ces derniers seront transportés sans
difficultés à travers la paroi intestinale vers le canal
thoracique ; de même, si la position 2 est riche en résidus
d'acides gras saturés, ces derniers seront transportés également
sans difficulté vers le canal thoracique. La position 2 est aussi
qualifiée de position de biodisponibilité des résidus d'acides
gras.
Tableau
1 : Composition et distribution des résidus d'acides gras de
trois matières grasses riches en résidus d'acides gras saturés, la
graisse de porc (lard), l’huile de palme et le beurre de cacao.
Dans
le tableau 1, on compare trois matières grasses saturées : la
graisse de porc (lard), l’huile de palme et le beurre de cacao,
qui contiennent respectivement 48,5, 52,0 et 60,5 % de résidus
d’acides gras saturés (arrondissons à 50, 50, 60) et 51,5, 48,0
et 39,5 % de résidus d’acides gras insaturés (arrondissons à 50,
50, 40). Les arrondis montre que la graisse de porc et l'huile de
palme sont très semblables, alors que le beurre de cacao est bien
différent.
L’analyse
des matières grasses, connue depuis presque un demi-siècle permet
de connaître la composition en résidus d'acides gras des
triglycérides, par couplage des chromatographies sur couche mince et
en phase gazeuse, après digestion ménagée in
vitro des
échantillons, soit par le bromure d’éthyl magnésium, soit par la
lipase pancréatique de porc biochimiquement identique à celle de
l’homme. La méthode à la lipase pancréatique est d’ailleurs
normalisée depuis longtemps ; on consultera utilement les
articles et normes référencées ci après :
- AFNOR: "Corps gras, graines oléagineuses, produits dérivés" 5ème édition 1993 – NF ISO 3800 nov. 1986 – Détermination de la composition des acides gras en position 2 (indice de classement T60-241)
- IUPAC: "Méthodes d'analyses des matières grasses et dérivés" 3ème édition 1979 – 1ère partie (section I et II) 2-210 – Détermination de la teneur en acides gras en position 2 dans les triglycérides
- Brockerhoff H., (1967 – Stereospecific analysis of triglycerides: an alternative method – J. Lipid Research, 8, 167-169
(AFNOR :
Association Française de Normalisations – IUPAC:
International Union for Pure and Applied Chemistry)
L’application
de la norme AFNOR a permis de déterminer la composition des résidus
d'acides gras en position 2 de ces trois matières grasses et de
constater que cette position comprend 80 % de résidus d’acides
gras saturés et 20 % d’insaturés dans le lard, alors que pour les
deux matières grasses végétales, palme et cacao, le rapport est
inversé par rapport au lard avec respectivement 80 et 90 % de
résidus d’acides gras insaturés et 20 et 10 % d’acides gras
saturés.
Ces
résultats signifient, sans ambigüité, que :
- dans le cas du lard, les 2-monoglycérides issus de l’action de la lipase pancréatique vectorisent essentiellement des résidus d'acides gras saturés à travers la paroi intestinale,
- alors que dans le cas de l'huile de palme et du beurre de cacao les 2-monoglycérides vectorisent essentiellement des résidus d'acides gras insaturés ;
- quant aux résidus d'acides gras saturés qui occupaient les positions 1 et 3, ils sont éliminés dans les fèces sous forme de sels de calcium insolubles.
Répétons :
dans le cas du palme et du cacao,
les acides gras absorbés par l’intestin sont essentiellement des
acides gras insaturés, alors que ce sont des acides gras saturés
dans le cas du lard.
L’huile
de palme et le beurre de cacao se comportent donc comme les huiles
riches en réssidus d'acides gras insaturés dont la position 2 est
exclusivement composée de résidus d'acides gras insaturés, les
résidus d'acides gras saturés étant répartis sur les positions 1
et 3 des triglycérides.
Lorsque
l’EFSA (l'Agence européenne de sécurité des aliments) fit
connaître sa réponse à la saisine de la Commission européenne, en
juillet 2004, elle souligna la relation positive entre la
concentration en résidus d'acides gras trans (il ne s'agit pas
d'OGM, mais d'une particularité chimique qu'il n'est sans doute pas
nécessaire d'expliquer ici ; je me tiens à la disposition de
ceux qui voudraient des éclaircissements) et risques
cardiovasculaires. Elle observa que cette relation n’est pas
établie pour les autres pathologies à haute prévalence, et que
cette consommation doit être rapportée à celle des résidus en
acides gras saturés – largement plus élevée que celle des
résidus d'acide gras trans et également associée à une
augmentation du risque cardiovasculaire. Enfin l'EFSA signala que la
corrélation ne valait pas pour tous les pays d'Europe, tant sont
grandes les différences de consommation entre pays.
Ce
que l'on a vu précédemment explique qu'il faut interpréter cette
déclaration : ce que visait l'EFSA, ce sont les résidus
d'acides gras trans et saturés, absorbés par la paroi intestinale
et qui, de ce fait, étaient issus de la position 2 des triglycérides
ingérés.
Il
ne faut pas faire l’amalgame entre les lipides absorbés dans la
prise alimentaire et les lipides absorbés par la paroi intestinale
après action de la lipase pancréatique.
Ainsi,
un repas contenant des lipides riches en résidus d'acides gras
saturés ne signifie pas que ces derniers traverseront
automatiquement la paroi intestinale : ils traverseront la paroi
intestinale s’ils occupent la position 2 des triglycérides ingérés
(cas des graisses animales et de porc, en particulier), mais ils ne
traverseront pas la paroi intestinale s’ils occupent les position 1
et 3 des triglycérides (cas de l’huile de palme et du beurre de
cacao), et seront alors éliminés, dans ce cas, dans les fèces sous
formes de sels de calcium.
Notons,
en outre, qu’il n’y a pas plus de maladies cardiovasculaires en
Malaisie, où la population consomme presqu’exclusivement de
l’huile de palme, qu'au Japon, où la population consomme beaucoup
de poisson et, donc, beaucoup de lipides de poisson réputés
protecteurs contre les maladies cardiovasculaires. En revanche, en
Bretagne ou l’on consomme beaucoup de viande de porc et de
charcuteries, et, donc, beaucoup de graisse de porc, l'incidences des
maladies cardiovasculaires est nettement plus élevé que chez les
habitants du pourtour méditerranéen français.
Pour
terminer, notons que toutes les cellules qui nous constituent sont
limitées par une membrane composée de 70 % de phospholipides :
pour ces composés, il y a deux résidus d'acides gras. Le
fonctionnement correct impose une proportion convenable de résidus
d'acides gras saturés, mono-insaturés et poly-insaturés,
permettant le transfert transmembranaire de sels et de biomolécules,
par des complexes protéiques nommés transporteurs, et permettant le
bon fonctionnement des protéines logées dans les cellules
(fonctions de reconnaissance cellulaire, etc.). Le bon choix des
matières graisses est essentiel... mais la critique de l'huile de
palme mérite d'être sainement examinée. Les êtres humains ont
appris à trouver dans la nature toute une gamme d’huiles, qui,
purifiées, se caractérisent par leur composition en résidus
d'acides gras, avec des propriétés particulières :
insaturations, positions dans le triglycéride (avec la position 2
très importante, on l'a vu). D'autre part, pour ce qui concerne
les aspects politiques, observons que la plantation de palmiers à
huile (qui se fait par défrichement des forêts tropicales) conduit
à produire dix fois plus d’huile à l’hectare que le soja :
le soja est donc responsable de la disparition de dix fois plus de
surfaces riches en biodiversité que le palmier, notamment au
Brésil.
Articles
utiles à consulter :
- Effect of triglyceride structure on fat absorption. Umberto BRACCO. Am. J. Clin. Nutr. (1994), 60 (Suppl.), 1002S -1009S
- The positional distribution of fatty acids in palm oil and lard influences their biologic effect in rats. Serge C. RENAUD, Jean C. RUF and Dominique PETITHORY. J. Nutr. (1995), 125, 229 – 237
- Biodisponibilité des acides gras et apports nutritionnels conseillés. Nicole COMBE. OCL, (2002), 9, 135 – 138
- Betapol structured lipid – A close match to mother’s milk for a healthy start to life. Corey E. SCOTT. Wellness Food Europe infant nutrition. May/June 2009, 30 – 35
- Brevet : dépôt 1994, Publication 20 juin 1997, N° EP19940915542 LODERS CROKLAAN
- Huile de palme rouge de Colombie : Un équivalent tropical de l’huile d’olive. M. Pina et al. OCL, (2005), 12, 180-182
- Dietary lipids and cardiovascular disease: effect of palm oil. Gerard HORNSTRA. Oléagineux, (1988), 43, 311 – 315.
D'après
un document de Jean Graille, consultant en agroalimentaire.
Un petit commentaire juste sur l'aspect "politique" ou plutôt écologique : peut être que le rendement de l'huile de palme est deux fois supérieur à l'huile de soja et c'est surement la raison pour laquelle l'exploitation de la palme s'est fortement développée (car elle présente de très bons rendements). Cependant, du fait de ses bonnes propriétés technologiques et de son faible coût, l'huile de palme ou un de ses dérivés se retrouve aujourd'hui dans un produit alimentaire transformé sur 2.
RépondreSupprimerDonc même si les rendements sont bons, la demande s'est accrue fortement ce qui a causé la culture à outrance avec les conséquences que ça implique (déforestation etc...).
Sinon j'ai bien aimé la bonne explication entre composition en acides gras et ceux qui sont réellement absorbés dans le corps.
Alors oui, plus de bouche à nourrir, plus de surface pour produire la nourriture.
SupprimerMais prenez le problème à l'envers : si on décide de ne pas utiliser l'huile de palme, qu'arrive-t-il? On utilise le soja, le colza, le tournesol ou n'importe quelle autre option. D'un seul coup, les surfaces nécessaires décuplent, le prix de production augmente très significativement, tout en diminuant les revenus des agriculteurs.
Ca ne semble pas tout à fait idéal.
J'ai trouvé cette infographie qui pourra compléter un peu votre article : http://www.visualizing.org/full-screen/57985
RépondreSupprimerLa santé est un sujet complexe, mais ne parler que des acides gras en SN2 est peut-être encore trop précipité.
RépondreSupprimerhttp://vivresanshuiledepalme.blogspot.com/2012/07/lhuile-de-palme-et-la-sante.html
Il ne faut pas oublié le côté environnemental de la culture de l'huile de palme.
http://vivresanshuiledepalme.blogspot.com/2013/01/deforestion-pour-lhuile-de-palme-la.html
Enfin les histoire de "remplacer" l'huile de palme sont aussi plus complexes : http://vivresanshuiledepalme.blogspot.com/2013/01/par-quoi-remplacer-lhuile-de-palme.html Tout comme le rendement, question qui est annexe quand on sais que les pays producteurs ont assez de terres déjà défrichées. http://vivresanshuiledepalme.blogspot.com/2012/11/rendement-et-huile-de-palme.html
Suite à mon dernier article sur les huiles, un internaute me transmet cet article d'Hervé This qui prend le parti de redonner à l'huile de palme une respectabilité à partir de l'argumentation d'un chercheur, Jean Graille. J'en suis d'autant plus surpris que j'ai toujours apprécié les approches subtiles en gastronomie moléculaire d'Hervé This et que nous avons un ami commun, Pierre Gagnaire.
RépondreSupprimerQui est Jean Graille auquel se réfère Hervé This ?
Je cite : "Jean Graille anime des recherches autour de trois thèmes principaux : biotechnologie, oléochimie et technologie. Une approche concrète des problèmes et une connaissance du monde de l'industrie lui permettent de concilier recherches fondamentale et appliquée, "l'essentiel de nos recherches est mené en contrat avec les industriels du secteur agro-alimentaire mais aussi pharmaceutique et cosmétique " confirme Jean Graille" et un peu plus loin on apprend que " Jean Graille a signé à ce jour plus de 150 publications scientifiques dans des revues internationales et son laboratoire est détenteur de 15 brevets dont celui déposé avec une société allemande sur la production de l'huile de drupalm (une huile de palme conservant ses antioxydants, mais gardant la même composition en acides gras). Référénce www.gazettelabo.fr/archives/publics/2000/45graille.htm
Mais mettons à part le "conflit d'intérêts". L'huile de palme est-elle recommandable comme veut le faire penser Jean Graille ?
Ses acides gras saturés seraient non absorbés grâce à leur position sur les positions 1 et 3 du trident glycérophosphate des triglycérides et grâce au calcium qui fait des savons et les entraîne vers l'excrétion fécale. Et la position 2 serait surtout occupée par des acides gras insaturés.
Qu'en est-il ? La notion que les acides gras en position 2 sont plus absorbables est issue d'études sur des lapins et n'a pas été retrouvée dans les études humaines. Par ailleurs lors de la formation des chylomicrons, 30% des acides gras migrent de la position 2 à la position 1 ou 3 ("transestérification"). Par ailleurs, le calcium ne peut bloquer l'absorption d'acides gras que s'il est suffisamment présent dans l'alimentation. Or selon les études montrent que l'alimentation actuelle n'apporte pas les apports recommandés en calcium. S'ajoute à cela que suite à des conseils des autorités de santé publique qui n'ont pas été mois à jour, la majeure partie du calcium vient de produits laitiers, comme le fromage, où il est déjà complexé à des acides gras et donc non disponible pour bloquer des acides gras provenant d'huiles. Au contraire l'huile de palme réduit l'absorption du calcium, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
Références : Emken EA et al, Effect of triacylglycerol structure on absorption and metabolism of isotope-labeled palmitic and linoleic acids by humans, Lipids. 2004 ;39(1):1-9
Berry SE, Triacylglycerol structure and interesterification of palmitic and stearic acid-rich fats: an overview and implications for cardiovascular disease, Nutr Res Rev, 2009 ; 22 (1) :3-17
Hunter JE, Studies on effects of dietary fatty acids as related to their position on triglycerides,, Lipids, 2001; 36 (7) :655-68
Le consensus : l'huile d'olive et l'huile de colza sont recommandées, pas l'huile de palme. Ajouter des acides gras saturés en quantités par l'huile de palme alors qu'il y en encore beaucoup trop dans l'alimentation actuelle et qu'elles sont un puissant contributeur au surpoids, aux pathologies cardiovasculaires, aux pathologies inflammatoires et allergiques et àux cancers les plus fréquents n'est pas une bonne idée. D'autant plus qu'une partie de ses acides gras insaturés sont des oméga six dont nous sommes déjà surchargés avec des conséquences délétères sur l'inflammation et les cancers du sein.
RépondreSupprimerEnfin la situation concernant la production des huiles dans le monde est en pleine contradiction avec les reccommandations. On observe une forte croissance de la consommation mondiale qui a dépassé 54 millions de tonnes en 2012 contre 22,5 millions de tonnes en 2010 ! Ainsi, l'huile de palme est aujourd'hui la plus consommée dans le monde (25 % de la consommation mondiale en 2010), dépassant de peu l'huile de soja (24 %) - une huile contenant un peu d'oméga trois mais beaucoup trop riche en oméga six - et de loin celles de colza (12 %), de tournesol (7 %), d'olive (1%) seulement...
Mr Graille minimise aussi l'impact écologique de déforestation et de réductions des habitats de l'orang outang, du nasique, du tapir et de très nombreux animaux à Bornéo, en Malaisie, en Indonésie… Au Nigéria, autre producteur massif d'huile de palme, cette pratique ajoute un désatre écologique à celui produit par les pétroliers qui laissent derrière eux des lacs d'hydrocarbures à la place des forêts.
RépondreSupprimer"La foret indonésienne est en train de disparaitre peu à peu, pour laisser place aux plantations de palmiers à huile destinées à alimenter l’industrie agro alimentaire du pays.
Selon les estimations des experts de Greenpeace, c’est l’équivalent d’un terrain de football qui disparait toutes les quinze secondes pour faire place aux plantations." Emeline Crossy, www.toute-lactu.com/2011/11/25/600-millions-de-dollars-pour-lutter-contr...
"La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a annoncé aujourd'hui une aide de 600 millions de dollars (440 millions d'euros) à l'Indonésie, 3ème émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, pour la lutte contre la déforestation et le développement des énergies nouvelles.
Cette somme, distribuée par l'agence gouvernementale américaine Millennium Challenge Corporation (MCC), va "favoriser les énergies renouvelables et soutenir la gestion des ressources naturelles", a déclaré Clinton en marge d'un sommet asiatique sur l'île indonésienne de Bali. "Nous pensons que les habitants des zones rurales pourront ainsi accroître leurs revenus tout en réduisant leur dépendance à l'égard des énergies fossiles et de la déforestation", a-t-elle ajouté.
L'Indonésie est la 18ème économie mondiale mais le troisième émetteur de gaz à effet de serre. La déforestation est à l'origine de 85% de ces émissions et les initiatives se sont multipliées ces derniers temps pour lutter contre le phénomène, qui menace une des biodiversités les plus importantes au monde.
La Norvège a promis une aide d'un milliard de dollars, conditionnée à des progrès dans la lutte contre la déforestation. Jakarta a de ce fait instauré un moratoire sur les coupes mais ce dernier a été critiqué par plusieurs organisations écologistes, qui ont pointé du doigt des lacunes qui permettent la poursuite de la déforestation. La corruption endémique du pays freine également l'application du moratoire, selon ses détracteurs" www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/11/19/97001-20111119FILWWW00315-deforest....
Conclusion valable pour tous les sujets qui nous préoccupent le plus aujourd'hui : si les scientifiques trouvaient suffisamment d'indépendance par rapport aux intérêts industriels, militaires ou politiques ils pourraient se positionner de façon plus éthique et ne donneraient pas aux entreprises délètères des décennies de sursis, sur le prétexte de controverses, pour continuer à endommager la santé et la planète !
Je vous renvoie à ce sujet, aux congrès et livres qui dénoncent ces "marchands de doute".
Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Les Marchands de doute, ou comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique, Le Pommier
- See more at: http://www.lanutritherapie.fr/article/huile-de-palme-la-polemique-rebondit#sthash.z05neHd0.dpuf
Il serait dommage de finir cette série sur l'idée que les scientifiques sont des pourris.
RépondreSupprimerOn ne fait pas ce métier pour de l'argent, généralement, et je crois plus juste de considérer que les scientifiques sont des DISTRIBUTEURS DE FAITS ETABLIS
Les scientifiques ne sont pas, en général, des pourris. Mais l'homme étant faillible, il est influencé par divers liens d'intérêt ; ceci est normal dans la vie en socitété. Ce qu'il faut éviter (et c'est sur ce point qu'Irène Frachon plaide pour davantage d'éducation) c'est que les personnes ayant des liens d'intérêts dans un domaine particulier se croient immunisés contre le biais que ces liens d'intérêts peuvent introduire, inconsciemment, dans leur discours scientifique.
RépondreSupprimerPourquoi le texte de Jean Graille omet-il d'indiquer que les faits qu'il avance ne sont valables que pour le lapin, et non pour l'homme, comme le contexte peut le faire croire ? N'est-ce pas une forme de mensonge par omission ? Peu importe si cette omission est volontaire ou non, le résultat sur le lecteur est le même.
Les scientifiques ne font pas ce métier pour l'argent, mais il n'y a pas que l'argent dans la vie, il y a aussi la reconnaissance par ses pairs (la « gloire ») qui peut pousser à la tricherie. Enfin, de nombreux chercheurs ne peuvent exercer leur metier que grâce aux financements privés, et si les résultats des recherches vont à l'encontre des buts marchands des financeurs, il y a de fortes chances que ces derniers ne renouvelleront pas leurs financements l'année suivante. Un chercheur qui veut survivre a donc le choix entre plaire à son financeur ou changer de métier. Et donc dans une certaine mesure, les scientifiques soumis à ce mode de financement finissent dans les faits par faire ce travail pour l'argent.
Ne nous y méprenons pas : les scientifiques (je distingue des technologues) sont des gens dont l'objectif est la découverte, qu'ils mettent au dessus de tout, pour la majorité. Comme dans tout groupe, il y a des brebis galeuses, mais la grande majorité est remarquable, et il faut le dire, le redire, sans quoi on risque de penser que c'est du "tous pourris" !
RépondreSupprimerIl ne peut pas exister de biais dans le discours scientifiques, parce que les données sont des données. C'est seulement si la méthodologie est médiocre que des fautes peuvent s'introduire. Je répète que la science n'est pas la technologie.
Pour Jean Graille, c'est moi qui ai fait un résumé, et je vois d'ailleurs une faute : il manque des références.
Un point, encore : à propos de la reconnaissance par les pairs. Quelqu'un d'honnête (et je répète qu'il en existe beaucoup) est quelqu'un qui se demande, chaque matin devant le miroir, s'il est digne d'être lui-même. Une "découverte" : on se fiche de l'appréciation des pairs... parce qu'on sait bien, en soi même, si elle est ou non importante. Et le "ni dieu ni maître" que je viens de twitter est en réalité une façon de dire que, pour la science (= repousser les limites de la connaissance), on se moque des reconnaissances, de l'économie, etc. Il n'est pas vrai que les scientifiques (je distingue des "chercheurs" : un artiste fait de la recherche, mais il ne fait pas de science) doivent "plaire". Einstein a travaillé sans chercher à plaire. Poincaré aussi, Faraday aussi. Ne nous méprenons pas sur la véritable science ! Il n'y a pas d'argent en jeu, sauf si on le veut bien.