Je viens de passer devant un kiosque
où j'ai vu un gros titre :
« Les 30 aliments conseillés par la science ».
Ce
titre est choquant, parce que la science ne conseille rien.
Ou,
plus exactement, tout est dans le mot « science ». Le mot signifie « savoir », ce qui
justifie d'ailleurs que les shs aient raison de se nommer sciences,
très légitimement. Toutefois, l'emploi du mot « science » seul
sous-entend, pour la majorité du public, ce qui est
nommé par ailleurs « science de la nature », ou
« philosophie de la nature », ou « sciences
exactes », et que je propose de nommer plutôt « sciences
quantitatives ».
Pour
cette dernière activité, la méthode invariable est d'identifier un
phénomène, de le quantifier (Roger Bacon disait « nombrer »),
de synthétiser les données en lois, puis de produire une théorie,
que l'on s'efforce de réfuter. Aucune possibilité de
« conseiller ».
Plus
spécifiquement, en matière d'alimentation, il y a une différence
entre la nutrition, qui est la « science quantitative »
qui explore les mécanismes de l'alimentation humaine, et la
diététique, qui en est l'application technique. Car il est exact
que les sciences quantitatives ont deux applications principales :
la technique, et la pédagogie. Dans les deux cas, il n'y a pas de
conseil, par la « science » (quantitative), et il est
tendancieux, donc, de confondre la science et ses applications.
Bref,
la science quantitative ne conseille rien, et il est temps de cesser
de faire endosser à la science les applications de cette dernière,
sans quoi on finira (et c'est le cas) par ne plus croire à la
solidité du savoir produit par la science.
Je ne dis évidemment
pas que les théories scientifiques sont justes, puisqu'elles sont
insuffisantes par nature, mais je dis que, dans une gamme de courants
et de tensions, les « lois » telles que la loi d'Ohm (un
exemple, seulement un exemple) sont justes à un niveau de détail
qui peut être caractérisé sans difficultés. Je dis qu'une feuille
de papier A4 est rectangulaire, même si, à la loupe, les bords sont
crénelés. Je propose que nous enseignions à ne pas confondre les
descriptions aux différents ordres de grandeur, ce que l'on aurait
dit autrement en disant « ne pas faire passer le détail avant
le gros ».
Aujourd'hui,
à propos d'alimentation, les marchands de peur ont tant oeuvré que
le public croit qu'il est sans cesse empoisonné par des pesticides
alors que
- les résidus de pesticides sont des résidus
- 90 pour cent des pesticides sont d'origine naturelle
- les Français, dès les beaux jours, ne cessent de faire des barbecues, ingurgitant des charges considérables de benzopyrènes cancérogènes (2000 fois plus que dans les produits fumés de l'industrie alimentaire)
- nos Français (les autres aussi) boivent et fument
- etc.Bref, il règne de l'incohérence, dans l'alimentation, et nos concitoyens ne croient même plus dans les experts.
Cela
sera discuté dans un colloque prochain à l'Académie d'agriculture,
mais nous avons déjà conclu, lors d'un colloque organisé en juin
dernier, qu'il fallait absolument réclamer que les avis des comités d'experts ne
soient pas signés par les directeurs d'agences sanitaires, mais par
les présidents des comités d'expert, sans quoi nos institutions
seraient juges et parties.
D'aileurs, les experts ne doivent pas
prendre la place du politique, qui doit être seul à gérer
l'ensemble des décisions, sur la base de « nombres »
produits par la science, laquelle doit se cantonner à cette
production.
Pour
en terminer, la
science ne conseille rien, parce qu'elle n'a rien à conseiller. La
science se limite à produire des théories qu'elle réfute
elle-même. Elle a des applications, technologiques ou pédagogiques.
La
diététique ? Là, on ferait bien d'être prudent et d'avoir la
mémoire pas trop courte : on nous a refusé le pain il y a
quelques décennies, puis on nous l'a conseillé ; on nous a
refusé le vin, avant de nous en vanter les mérites à raison d'un
verre par jour. Etc. Croyez-vous que les chats échaudés puissent
vous croire ? D'ailleurs, les enquêtes récentes ont montré
que le public n'a plus confiance ni dans le politique, ni dans les
experts... ni dans la presse !
Je
crois que, positivement, c'est en proposant de la « bonne
monnaie » que l'on chassera la mauvaise. Ne le pensez vous pas
également ?
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