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lundi 22 janvier 2024

Le Guide culinaire ne doit pas être utilisé comme manuel ! Ou alors, avec des précautions et des commentaires.

 

Voici un extrait du Guide culinaire, et un commentaire qui montre pourquoi on aura raison de ne pas croire ce qui est écrit :



Cuisson du roux : Le temps de cuisson, étant subordonné à l'intensité du calorique employé, ne peut être fixé mathématiquement,

Le « calorique » est une notion scientifique périmée depuis au moins deux siècles. Et, d’autre part, il n’y a pas de subordination.

Enfin, il ne s’agit pas de mathématiques, mais simplement de calcul.

Il aurait fallu écrire ici : Le temps de cuisson dépendant de la puissance du chauffage, ne peut être fixé


mais il est toujours préférable de conduire la cuisson plutôt trop lentement que trop vite, parce que : sous l'influence d'une chaleur trop vive, les cellules contenant les principes actifs de la farine se racornissent et emprisonnent étroitement leur contenu,

La farine ne contient pas de « principes actifs », et, même en 1900, cette description était scientifiquement périmée. Il faut plutôt considérer que la farine est faite principalement de grains d’amidon (petits grains ronds faits de molécules de deux sortes -des polysaccharides-, qui sont l’amylose et l’amylopectine) et des protéines (essentiellement des gliadines et des protéines).

Les protéines peuvent être « pyrolysées » par une forte chaleur, d’où un brunissement. Mais les granules d’amidon sont très résistants, et, en tout cas, les auteurs n’ont aucune preuve de ce qu’ils imaginent (j’insiste : c’est une supposition assez anthropomorphique).

Quant à « emprisonner étroitement le contenu »… d’objets qui n’existent pas, c’est de la pure imagination.


s'opposant dès lors à son mélange ultérieur avec l'élément de mouillement et, de ce fait, détruisant l'équilibre de liaison de la sauce.

Ici, puisque ces « principes actifs » n’existent pas, la conclusion ne peut pas tenir. Il reste à savoir s’il est exact que de la farine fortement torréfiée peut ou non s’empeser ; on observe qu’il n’y a pas un « mélange », d’une part, et qu’il ne s’agit pas de « détruire » un « équilibre de liaison (quel charabia!), mais simplement d’assurer la liaison.


Il se produit, dans ce cas, un fait analogue à celui qui se constaterait sur des légumes secs traités à l'eau bouillante. Il faut qu'une chaleur modérée d'abord, puis régulièrement progressive; provoque la distension des parois des cellules, pour que l'amidon qu'elles contiennent gonfle et, sous l'influence de la chaleur, subisse un commencement de fermentation qui le transforme en dextrine, substance soluble et principal agent de liaison.

Là encore, l’écriture est prétentieuse («  régulièrement progressive ») et les idées proposées sont fausses. Par exemple, la chaleur ne provoque pas la « distension » des parois des cellules. Pour les légumes secs, il y a bien une parois végétale, mais la chaleur provoque sa dégradation (en dégradant les molécules de pectine qui lient les fibres de cellulose), comme un ciment qui s’effriterait. Et l’amidon ne gonflera pas : les grains d’amidon pourront, s’ils sont en présence d’eau, s’ « empeser », ce qui signifie qu’ils libéreront des molécules d’amylose, tandis que des molécules d’eau migreront dans leur intérieur, créant un « gel ».

En tout cas, il n’y aura certainement pas de fermentation : les micro-organismes qui savent fermenter les polysaccharides sont tués par la chaleur. Quand à la formation de « dextrine », j’aurais bien aimé que nos auteurs m’expliquent ce qu’ils pensent que c’est. Les dextrines sont définies par l'Union internationale de chimie et des applications de la chimie (IUPAC) de la façon suivante (https://goldbook.iupac.org/terms/view/D01656) : "Poly-α-d-glucosides of intermediate chain length derived from starch components (amylopectins) by the action of amylases (starch hydrolysing enzymes).[Des poly-α-d-glucosides de longueur intermédiaire dérivés des composés de l'amidon (amylopectines) par l'action des amylases (les enzymes qui hydrolysent l'amidon)]. Ils ne faut pas les confondre avec les "dextranes". On peut imaginer que ces composés sont également obtenus obtenus par chauffage de l'amidon ou par son hydrolyse acide.

En tout cas, ce ne sont pas les dextrines (des molécules) qui assurent la liaison, mais les grains d’amidon empesés.


Une fois cuit, le roux brun doit avoir une belle teinte noisette claire, et se trouver absolument lisse et sans grumeaux.

Oui, là, on revient à du macroscopique, technique, solide (mais on revient de loin).



samedi 25 janvier 2020

A propos de précisions indues


Dans un précédent billet, j'ai critiqué des indications culinaires telles que "0,222 gramme de sel".

Oui, cette indication est idiote, parce qu'elle est à la fois sans intérêt pratique, prétentieuse ou ignorante, et inutile.


Les explications

Sans intérêt pratique : personne, en cuisine, n'a de balance capable de peser cela, ce qui ne signifie pas seulement d'avoir l'outil, mais aussi avoir l'outil bien étalonné, bien utilisé, validé, etc. (ce n'est pas la peine d'avoir une voiture qui roule à 200 km/h si l'on est à 10 km/h sur une route de campagne défoncée).

Prétentieuse ou ignorante : afficher tant de chiffres, c'est -je le sais- une façon pour certains de prétendre qu'ils sont précis, "scientifiques", ce qui est d'ailleurs faux, et c'est "ignorant" (là, ce n'est pas une critique mais un fait), pour d'autres, parce que cela démontre une ignorance des règles de la pesée et de l'affichage : en substance, il existe une règle internationale de l'industrie, de la réglementation, de la science, qui est que l'on ne doit pas afficher plus de chiffres qu'on est capable d'en mesurer, et je suis bien sûr que les personnes qui ont communiqué ce nombre ne pouvaient pas le mesurer.

Enfin, la quantité de sel à utiliser dans une recette,  c'est une question de goût, et que, de ce fait, c'est inutile de donner une valeur qui doit, en réalité, être déterminée par ceux qui font la recette. 


On m'argumente que ce nombre est le produit d'une division, et il est vrai que si l'on avait, par exemple, 10 gramme de sel pour 3 kilogrammes de préparation finale, on obtient 10/3, soit 3,33333333.... grammes pour 1 kilogramme. Ou, de façon plus réaliste, 0,33333.... grammes pour 100 grammes. Et oui, si l'on arrondit à 0,3 grammes pour 100 grammes, alors on mettra moins de sel que prescrit si l'on fait la recette pour 700 grammes.
Mais :
- d'une part, c'est contre les règles internationales, un peu comme si l'on décidait de nommer chat un animal à quatre pattes qui aboie
- de toute façon, on se moque de la quantité exacte de sel d'autrui, comme indiqué
- surtout, la règle veut que, si on fait du 10 grammes pour 3 kilogrammes, on affiche 10 grammes pour 3 kilogrammes, quitte à dire que cela fait environ 0,3 grammes pour 100 grammes.

Et je ne saurais terminer ce billet sans rappeler que la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.

Et pas de la technique en premier ! D'ailleurs, citons ici mon ami Pierre Gagnaire qui explique bien que le sel n'est pas un "curseur" que l'on varie en plus ou en moins : il faut le voir comme un des instruments de l'orchestre, qui joue sa partie, originale, mais en accord avec les autres. Et on ne demande pas à Mozart d'ajouter ou de retrancher un violon de son oeuvre.

Ce qui conduit à observer que le livre où j'ai trouvé l'indication est encore plus bête et malfaisant que je ne pensais initialement. Il met les praticiens sur une mauvaise piste, les abaisse au lieu de les éclairer.



Allons, ne restons pas sur cette note négative, et levons les yeux pour voir le ciel bleu : oui, avec des explications, nous y arriverons, surtout si nous n'oublions pas que, la cuisine, c'est d'abord de l'amour !



vendredi 24 janvier 2020

Abandonnons le Guide culinaire à ses erreurs et à ses prétentions !


Je me suis souvent étonné que le Guide culinaire soit un si mauvais livre, signé par le seul Auguste Escoffier, après la première édition, alors que l'homme avait fait écrire des tas de gens : Philéas Gilbert, Emile Fetu, et bien d'autres.

Je me suis souvent étonné d'y voir tant d'erreurs : de la moutarde dans la mayonnaise, des confusions entre mousses et mousselines, des précisions indues (95 °C sans thermomètre, 0,222 grammes de sel*).

Bref, je n'aime pas ce livre, et je viens de trouver une nouvelle occasion de proposer qu'on le mette aux oubliettes de l'histoire, avec un bien mauvaise note. C'est à propos d'oeuf sur le plat.

Je lis :

Œufs sur le plat
Les œufs traités par ce mode de cuisson représentent une espèce particulière d’œufs poché, dont le juste à point de cuisson fait tout le mérite et leur apprêt s’équilibre sur ces trois points :
1-cuisson du blanc jusqu’au moment où il prend une teinte laiteuse ;
2-miroitement du jaune ;
3-soins attentifs, pour éviter que les œufs ne s’attachent au fond du plat.
La proportion établie pour ce genre d’œufs ; le sont uniformément pour 2 œufs. La quantité normale de beurre est de 15 g, dont moitié dans l’ustensile et l’autre moitié versée, fondue sur les jaunes. L’assaisonnement est de 32 centigrammes pour 2 œufs.


Tout d'abord, non, cela n'a rien à voir avec un oeuf poché, et, d'autre part, c'est une évidence que l'à point de cuisson soit essentiel.
Le blanc doit-il être laiteux ? Si on le veut ainsi ! Et si on le veut différemment, faisons différemment.
Les oeufs qui attachent ? Mouais... Ils attachent en réalité rarement quand la poêle est bien beurrée ou huilée.
D'ailleurs, 15 grammes de beurre ? Il noircit. De l'huile, plutôt, avec du beurre en fin de cuisson ? L'assaisonnement : il n'est pas dit que c'est du sel, mais on peut le supposer. Et... 32 centigrammes ? Prétention ! Prétention !  Et menteurs : je suis bien sûr que ce n'est pas 32 centigrammes qui était mis, mais 30, ou 35, ou 40... Et puis, cela dépend de ce que l'on aime !

Décidément, je préfère de loin la bonne Madame Saint Ange, ou
Jules Gouffé, dont voici la recette :

Étalez dans un plat de fer rond 25 g de beurre, 1 demi-pincée de sel et une prise de poivre. Cassez dessus 6 œufs toujours de première fraîcheur. Saupoudrez avec une demi-pincée de sel et 2 prises de poivre. Mettez-les au fourneau à feu doux. Couvrez avec le couvercle de tôle et feu dessous. Laissez cuire 4 minutes. Dès que le blanc est pris, servez.

C'est quand même mieux, non ?


* On me demande pourquoi je critique ces 0.222, et je vais m'en expliquer dans un billet à suivre rapidement  :
https://hervethis.blogspot.com/2020/01/a-propos-de-precisions-indues.html