lundi 21 octobre 2019

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Étonnant phénomène que celui que j'ai détecté hier,  lors d'une conférence que je donnais :  je montrais l'évolution de la cuisine au cours du temps ;  puis je montrais  l'état de la cuisine d'aujourd'hui dans différents pays. Je signalais donc l'organisation de mes exemples selon  deux axes perpendiculaires,  l'un vertical pour le temps et l'autre horizontal pour la répartition géographique.
Et immédiatement, j'ajoutais qu'il nous fallait donc chercher sans attendre un troisième axe perpendiculaire aux deux autres.
Cette proposition n'était pas indécente intellectuellement... sauf que, le soir venu, je me suis aperçu qu'il était un peu paresseux de chercher seulement un troisième axe perpendiculaire aux deux autres  : pourquoi pas, aussi, un quatrième, puis un cinquième, etc. ?

Pourquoi n'avais-je pas proposé immédiatement plusieurs axes, et non pas seulement un de plus ?  Une première analyse me fait comprendre que le troisième axe s'est imposé parce que nous vivons dans un espace à trois dimensions. Certes, mais,  quand même, il n'est pas interdit de penser les espaces les espaces  à quatre, cinq, six, etc.  dimensions ? 

Il y avait donc une erreur terrible, et si l'on se préoccupe d'innovation,  alors il apparaît clairement que le nombre trois doit appeler le nombre quatre, qui doit appeler  le nombre cinq,  et ainsi de suite à l'infini !

dimanche 20 octobre 2019

N'est-il pas honteux ?


"N’est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas. Il faut être prudent mais non pas timide". La phrase est de Voltaire (Pensées détachées de M. l'abbé de Saint-Pierre), mais je m'aperçois d'une erreur que je faisais en la citant : je l'interprétais en pensant qu'il fallait répondre aux fanatiques.

Les fanatiques ? Par exemple, il y a des idéologues qui luttent contre le nucléaire, contre les additifs, etc., et, quand leurs arguments sont faux, mais répétés,  il y a une sorte de litanie fanatique que nous devons combattre, car elle peut s'exercer de façon délétère sur nos amis, nos collectivités, conduisant à des décisions mauvaises.
Certes, il y a lieu de donner des faits justes, en vue de prises de décisions collectives rationnelles, mais je me rends compte aujourd'hui que j'ai interprété la phrase de Voltaire en terme de réponses aux fanatiques, alors qu'il y a peut-être à la considérer non pas par rapport aux fanatiques, mais par rapport à notre activité propre, personnelle, sans relation avec celle des fanatiques.

Oublions les fanatiques et pensons à nos propres activités : ayons du zèle !

samedi 19 octobre 2019

Les aliments traditionnels sont-ils sûr ?


Les aliments traditionnels sont-ils sûr ? Hier encore, j'entendais un collègue dire (de façon erronée, disons-le immédiatement) que les aliments traditionnels étaient sûrs :  il en prenait pour preuve que ces aliments avaient été consommés depuis très longtemps.
Ne peut-on dire, au contraire, que cette ancienneté est signe de péremption ? Expliquons-le à partir d'une observation  : je propose que nous croisions le traité d'Hildegarde de Bingen, qui propose l'usage de plantes variées pour des applications alimentaires, thérapeutiques ou cosmétiques, avec  le Compendium des plantes toxiques publiés par l'Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa). Il est tout à fait extraordinaire de voir que les plantes recommandées par Hildegarde de Bingen sont très souvent à l'origine d'intoxications qui conduisent les consommateurs dans les centres anti-poison, mais il y a pire :  certaines plantes qui sont utilisées en infusion pour soigner divers petits désagréments (vertiges, nausées, maux de tête,  etc.)  provoquent des cancers dix ans plus tard. En réalité, les  ingrédients alimentaires traditionnels n'ont jamais été testés toxicologiquement, et l'on peut supposer que beaucoup serait retoqués aujourd'hui s'ils étaient évaluées par les test que l'on fait passer aux "novel food". Autoriserait-on la noix muscade ? Je ne crois pas. La cannelle ? Les choux, même ? Ou encore les pommes de terre ?

Pour ce qui concerne la médecine, je dis souvent que les médecines, traditionnelles, anciennes, sont surtout périmées, mais je propose que nous soyons, avec les aliments, plus prudents que mon collègue évoqué en début de billet !

vendredi 18 octobre 2019

Les Français auraient-ils peur de manger ? Pas sûr !


Pourquoi les Français ont-ils peur de leur alimentation ?
Avant de poser la question, il faudrait quand même être certain de ce que l'on cherche à expliquer ; il faut d'abord établir les faits, sans quoi nous risquons de trouver une réponse à une question qui ne se pose pas !

Les Français ont-ils peur de leur alimentation ? Il y a là l'éternelle faute de Platon que  combattit Aristote, et que j'expose toujours en rappelant que le goût de la fraise n'existe pas et qu'il y a plutôt les goûts des fraises. Pour ce qui nous concerne ici, il n'y a pas les Français, mais des Français  :  certains ont peur de leur alimentation, mais combien véritablement ? Certains n'ont pas peur de leur alimentation, et certains ne se posent pas la question d'avoir peur ou non.
Or nous ne devons  pas nous-mêmes susciter des craintes, en répétant croire que les Français ont peur de leur alimentation : ce serait de la pyromanie !

Cependant  il y a  ce fait que nous-même arrivons parfois à penser que les Français pourraient avoir peur de leur alimentation, parce que nous sommes exposés à l'activisme de certains, ce que je préfère nommer du fanatisme. Il y  a en effet des personnes qui, pour mille raisons, sont fanatiques, combattent maladivement des moulins...  J'en connais, par exemple, qui, ayant eu une grave maladie, cherchent activement à  épauler  les traitements médicaux qu'on leur donne, et focalisent leur action sur l'alimentation, parce qu'ils supposent que c'est cette alimentation qui est responsable de leur maladie. Ils s'activent alors pour rectifier ce qu'ils croient être des erreurs alimentaires, non seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la société, confondant d'ailleurs souvent le danger et le risque.
Mais ne serait-il pas aberrant que des politiques soient tentés de les suivre dans toutes leurs lubies ? Ne serait-il pas aberrant que ces élus (pour autant, ils n'ont pas plus de savoir que leurs électeurs), appliquant bêtement le principe de précaution, en viennent à proposer de tuer tous les crocodiles sous prétexte que ces derniers sont dangereux ? En plein cœur de Paris, le risque d'être mangé par un crocodile est quand même extrêmement faible !

De toute façon, la stratégie qui qui consiste à vouloir répondre à toutes les craintes les unes après les autres est impossible à tenir, car les craintes individuelles sont en nombre infini. Pire, l'expérience montre que la rectification est impossible, de sorte que combattre les peurs est inutile. Je propose donc de ne jamais aller frontalement à l'encontre de ceux qui ont peur, et au contraire, de distribuer des fait justes, de proposer un cadre cohérent, où  ces faits s'insèrent,  de donner des idées principales avant de se perdre dans les détails...

jeudi 17 octobre 2019

Pourquoi le bouillon ?


Pourquoi  les recettes de bouillon sont-elles toujours au début des livres de cuisine, depuis les premiers livres de cuisine qui furent publiés ?

Je l'ignore (et je ne suis pas le seul, bien sûr), mais il est vrai que les bouillons sont à la base des potages, et aussi des sauces, des ragoûts, et de l'ensemble des mouillements.
De surcroît, les viandes qui cuisent se contractent,  libérant des jus qui risquent toujours d'être perdus, et qui sont donc recueillis quand la viande est cuite dans un liquide, ce qui engendre le bouillon.
Selon cette analyse,  on pourrait penser que c'est le pot-au-feu qui devrait être au début des livres de cuisine, et il l'est d'ailleurs souvent, avec ce commentaire de Marie-Antoine Carême : c'est l' "âme des ménages". 
Toutefois on peut faire des solutions nutritive avec bien d'autres ingrédients que la viande :  par exemple, des légumes. Le point commun, ce n'est plus le pot-au-feu, mais alors le bouillon.

Et il est donc logique à placer le bouillon en début de livre, surtout si l'on se souvient que la cuisine du passé à souvent visé à faire le meilleur usage possible des ingrédients culinaires qui étaient en nombre insuffisant  : je propose de ne jamais oublier que nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine, et pas encore pour tous !



mercredi 16 octobre 2019

Lavons-nous les mains !


Les TIAC ? Ce sont les "toxi-infections collectives : il faut au moins deux cas similaires de dérangements gastro-intestinaux. Les TIAC sont des maladies à déclaration obligatoire, car leur signalement permet de prendre des mesures rapides dans le cas de restauration collective. En France, la surveillance des TIAC est assurée par l’Institut de veille sanitaire via la déclaration obligatoire (DO) et les données provenant du Centre national de référence (CNR) des salmonelles, une des familles de bactéries les plus fréquemment incriminées dans des TIAC.
Tout cela étant dit, je ne crois pas inutile de rappeler que, depuis 2012, il y a  1200 cas de toxi-infections alimentaires par an en France. Environ 30 % d'entre elles résultent de repas familiaux, 30%  de repas dans des structures collectives et 40%  de repas en restauration commerciale.
Aux États-Unis, la cause principale identifiée est l'insuffisant lavage des mains du personnel des restaurants. On peut supposer que cette cause se retrouve à domicile.

De sorte que la  leçon est claire : lavons-nous les mains, avant de cuisinier, avant de manger !

mardi 15 octobre 2019

A propos d'oignons qui brunissent


À propos d'oignons qui brunissent, je vois évoquée une "caramélisation", ce matin. D'autres fois, je vois évoquées des "réactions de Maillard"... par des personnes qui ne savent pas ce que cela signifie.

Finalement, pourquoi les oignons brunissent-ils ? que peut-on en dire ? 

Je donne déjà la réponse  : il suffit de parler de brunissement, car c'est la seule façon vraiment juste de le faire, même si elle est d'une simplicité qui prévient la prétention d'utiliser des mots de plus de trois syllabes pour paraître savant.

Partons des faits : nous mettons des oignons dans un récipient et nous chauffons. C'est un fait qu'il brunissent, et c'est également un fait (que j'avais vérifié il y a plus de 20 ans) que l'ajout de sel peut changer considérablement la vitesse de brunissement et peut-être le brunissement lui-même. Mais oublions ce détail du sel pour l'instant, et posons la question : pourquoi ce brunissement ?

Commençons simplement en observant que  les oignons contiennent des composés variés et que, manifestement, des transformations moléculaires engendrent  des composés nouveaux, qui donnent la couleur brune.
Quels sont les composés initiaux ? Comme tous les tissus végétaux, les oignons sont faits majoritairement d'eau, puis de polysaccharides (pensons à la cellulose, chimiquement inerte, aux pectines et aux autres composés de la même famille), mais aussi de ces "petits"  sucres que sont le glucose, le fructose ou le saccharose (ce dernier étant le sucre de table),  des acides aminés, et mille autres composés.

Quand on chauffe, ces composés réagissent, par les mêmes réactions que celles que des chimistes pourraient faire dans des éprouvettes.

Par exemple,  les sucres peuvent caraméliser... mais on  gagnera à  se souvenir de la température de 140 degrés,  à partir de laquelle le brunissement commence de façon manifeste. Or, tant qu'il y a de l'eau dans les oignons, la température est limitée à 100 degrés,  et la caramélisation ne peut pas avoir lieu. En revanche, en surface, là où l'eau est évaporée, alors le brunissement par caramélisation peut se produire... mais je dis bien "peut" se produire, car personne ne l'a encore montré correctement.
Avec des acides aminés et des sucres, un brunissement d'une autre sorte peut résulter de réactions... mais pas par des réactions de Maillard, car les réactions de Maillard ne sont pas entre sucres et acides aminés, mais plutôt entre sucres et protéines. Si le brunissement découlait de réactions entre les sucres et les acides aminés, ce seraient des "réactions de  Fischer", et non des réactions de Maillard. Certes, dans les deux cas, les températures nécessaires sont plus basses que celles de la caramélisation, de sorte qu'elles pourraient expliquer le brunissement des oignons... mais il reste quand même à établir qu'elles ont lieu lors de la cuisson des oignons !  
Surtout, il peut y avoir également bien d'autres réactions, et j'en prends pour preuve le fait que des protéines chauffées à sec brunissent très vite,  je vous invite à mettre au four de la  farine (avec amidon et protéines), de la fécule (avec seulement de l'amidon), des protéines, du sucre. Chauffez, par exemple, à 200 degrés, et vous verrez rapidement les protéines brunir, puis les sucres. Le brunissement des protéines seules ? Il a lieu, donc, mais je ne sais pas par quelles réactions.

Pour en revenir aux oignons, on doit donc conclure que le brunissement résulte probablement de plusieurs réactions simultanées et j'insiste pour dire que je n'en ai cité jusque ici que quelques-unes d'envisageables... car il y en a bien d'autres  : des thermolyses, des pyrolyses, des oxydations, des déshydratations intramoléculaires des hexoses...
Finalement, laquelle de ces réactions est prépondérante ? Personne n'en sais rien, de sorte qu'il est totalement abusif de parler de "réactions de Maillard", ou même de "réactions de Fischer" ou encore de réactions de caramélisation.
A ce jour, la seule position intellectuellement soutenable est de parler ... de brunissement.

Ah, j'oubliais l'affaire du sel : non seulement j'ignore pourquoi cet effet, mais je ne connais pas de publication scientifique qui en ait établi le mécanisme. C'est un message optimiste que j'adresse aux jeunes scientifiques : ne croyez pas que le vieux aient déjà tout découvert, au contraire ! Tout reste à faire, pour comprendre les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires.