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mercredi 11 novembre 2015

Il faut s'amuser à faire des choses passionnantes

Pardonnez-moi un souvenir personnel, mais il nous donnera un exemple à propos duquel nous pourrons discuter.
Il y a quelques années, interviewé par une radio nationale,  j'avais déclaré je m'amusais beaucoup dans mon laboratoire (et c'est encore le cas aujourd'hui, peut-être encore plus que par le passé). Cette déclaration n'était pas une naïveté lâchée sans réflexion, mais, au contraire, une volonté de faire partager de l'enthousiasme, de susciter des vocations, pour les sciences de la nature ou pour la technologie, pour la vie en général : on se souvient que je crois que c'est une politesse que de ne pas se plaindre tout le temps, et, au contraire, d'être aussi positif que possible.
Bref, j'avais dit que je m'amusais  beaucoup... et je n'étais pas encore rentré au laboratoire (vite, au laboratoire, puisque c'est l'un des plus beaux endroits du monde... pour moi) que je recevais un appel téléphonique de la Direction de la Communication d'une Institution Scientifique (on comprend mon usage ironique des majuscules) qui me disait qu'il ne fallait pas faire de déclaration de ce type, que je devais pas dire que je m'amusais alors que d'autres sont au chômage, ou travaillent à la chaîne.
A l'époque, j'avais repoussé leur argument (après tout, ce n'était pas mon employeur), et, aujourd'hui, je maintiens que la position de mes interlocuteurs était idiote !Oui, je "m'amuse beaucoup"... mais que cela signifie-t-il ? Cela signifie que, du matin au soir, les week-end, pendant les vacances que je ne prends pas (et mon institution actuelle me le reproche), je ne cesse de chercher à produire de la Connaissance ! Oui, je m'amuse... sans quoi je changerais immédiatement de métier. Et je peux garantir aux contribuables que, avec mon "amusement" (on pourrait tout  aussi bien dire "travail"), l'état qui m'emploie en a pour son argent !
Oubliées les 35 heures, puisqu'il s'agit d'en faire 105, et que j'en ferais volontiers plus si j'en avais la force physique.
Oui, je m'"amuse", mais mes interlocuteurs de l'époque auraient eu raison de se demander un peu ce que  signifie "amuser". Oui,  je maintiens le mot "amuser", puisqu'il dérive de muser,  «s'appliquer, réfléchir, penser mûrement à» (Id., ibid., III, 161); 2. 1174-87 id. «aspirer, prétendre à, chercher à obtenir» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 245).
S'amuser à faire son métier, n'est-ce pas la meilleure garantie de faire son travail, son métier, avec ardeur ? Et pourquoi aurait-on honte  du  bonheur d'un métier ? Ne peut-on, au contraire, souhaiter cela à tous ? Bien sûr, on n'a pas toujours  un métier merveilleux en claquant des doigts, et je gagne aujourd'hui ce que j'ai "payé" en n'allant pas "au bistrot" plus jeune : les compétences mathématiques s'obtiennent à une table de travail, seul, dans le "silence d'un cabinet".
Mais il faut aussi considérer le point suivant : ce qui est pour moi un "amusement" serait une punition pour d'autres. Des goûts  et des couleurs, on ne discute pas. Moi, les équations m'amusent, mais j'ai rencontré bien des étudiants pour qui cela était punition. La conclusion : c'est qu'il faut approprier le métier à l'individu. Tel qui aime les équations s'amusera à un métier où il en fait, et tel qui ne les aime  pas ne devra pas avoir ce métier. Autrement dit, nous devons tous choisir un métier qui nous amuse, mais ce choix est personnel, et nous n'aurons les  moyens de choisir que si nous  nous donnnons ces moyens.
N'est-ce pas un message à faire passer à tous les étudiants  : chers amis, ne perdez pas une seconde, et appliquez-vous à obtenir les compétences qui vous permettront d'avoir le métier que vous aimez, et que vous ferez alors... en vous amusant ! Pensez à l'image d'un poulain lâché dans le pré, au printemps : quand je suis au laboratoire, c'est ainsi. Je vous le souhaite de tout coeur !



samedi 2 décembre 2017

Ne pas confondre science et cuisine

Ce matin, un correspondant m'écrit, ainsi qu'à plusieurs cuisiniers, ne  me demandant :

Dans le cadre d'un projet personnel et professionnel, je souhaiterai obtenir un entretien avec l'un de vos Gastronome Moléculaire afin de récolter des renseignements sur ce métier.

 Gastronome moléculaire ? D'abord, je m'étonne que le correspondant écrive à des cuisiners  pour leur demander des renseignements sur la gastronomie moléculaire... parce que les cuisiniers ne savent pas bien ce dont il s'agit ! Je rappelle que la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, qui ne se confond pas avec la "cuisine moléculaire", qui est une activité de cuisinier. 
Donc toute opinion de mes amis cuisiniers à ce propos serait nulle et non avenue : chacun son champ. 

D'autre part, pourquoi un cuisinier s'intéresserait-il au métier de la gastronomie moléculaire, qui consiste à résoudre des équations, ce qui n'est vraisemblablement pas son intérêt ni sa compétence ? 

 

Pour ce qui me concerne, je peux répondre quand même que, puisque la gastronomie moléculaire est une activité scientifique, le métier est le métier de "chercheur". Ce métier s'exerce soit dans des instituts de recherche (Inra, CNRS, Cirad...), soit dans des universités (maître de conférence, professeur). 
Ces métiers sont parfaitement cadrés par les textes légaux, puisque, dans les deux cas, il s'agit de métiers qui ont (aujourd'hui) le métier de fonctionnaire. Bien sûr, cela  vaut pour la France, et, dans d'autres pays, les chercheurs peuvent avoir des statuts différents. 

Quelle formation pour exercer ce métier ? Une formation scientifique, évidemment. Une thèse, aussi, par exemple. 
Et pour des questions plus ponctuelles (combien d'heures nous travaillons, pourquoi nous avons choisi ce métier, etc.), il y a des réponses dans la partie "Questions et réponses" de mon site https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses

 

jeudi 1 septembre 2016

Chimie et compagnonnage



Initialement j'avais intitulé ce billet « il n'y a pas de métier manuel, il n'y a pas de métier intellectuel ». J'ai décidé de changer, car ce titre était négatif, et, je me suis dit presque aussitôt que je ferais mieux de clamer que tous les métiers sont manuels et que tous les métiers sont intellectuels. Mais quand il est question de métier, il y a lieu de considérer les institutions qui se préoccupent des métiers, tel le « compagnonnage », qui accueille et guide des jeunes professionnels qui se soucient de bien faire.


Tous les métiers sont manuels, tous les métiers sont intellectuels

Pourquoi cette idée d'une absence de différence entre des métiers dits fautivement manuels et des métiers dits fautivement intellectuelle ? Parce qu'elle est juste ! Et, aussi, parce que j’observe un fossé qui n'a pas lieu d'être entre ces métiers dits fautivement manuels ou dits fautivement intellectuels. Oui, un fossé qui n' a pas lieu d'être, car nous avons tous une tête et des mains. Et puis, comme le disait justement Confucius, l'homme n'est pas un ustensile, ce qui signifie que l'être humain n'est pas comme un objet, limité à une fonction, qui serait de bouger les mains ou de bouger la tête.
Surtout, comme cela est discuté au moins depuis Denis Diderot avec sa Lettre sur les aveugles, nous pensons à partir de données sensorielles, Oui, il n'y a pas la tête d'un côté et les mains de l'autre. Les travaus d'intelligence artificielle ont amplement montré que nos raisonnement se fondent sur un contexte, une culture, un contexte concret. Sans tout ce qui nous vient des sens, nous ne pouvons ni raisonner, ni comprendre, ni échanger, ni même agir ! Nos notions sont comparatives, et le rapport au monde concret, perçu par les sens, est constant ! Je ne fvais pas en faire une théorie qui a déjà été largement faite, mais je rappelle simplement qu'il n'y a pas de pensée sans les « mains ». De même, il y a pas d'individu manuel, dont les mains bougeraient sans que la tête ne le fasse : que la tête nous aide ou nous gène, elle est là, et les métiers manuels sont donc parfaitement intellectuels. La tête intervient dans nos gestes puisqu'elle guide la main… mais nos mains guident aussi notre tête : quand nous prenons un verre entre les doigts, c'est la main qui dit à la tête combien presser pour éviter que le verre ne glisse, insuffisamment tenu, ou qu'il casse, trop pressé.
Et quand nous pensons, nos images mentales ne sont que par référence à des expériences, le monde ayant été « saisi » par les sens, la « main ».
Bref il n'y a pas de métier manuel ni de métier intellectuel : il y a seulement des métiers exercés par des individus qui ont une tête et des mains.


Chimie et compagnonnage

Tout cela étant dit, je peux maintenant en arriver à la relation annoncée en titre entre la chimie et le compagnonnage.
La chimie est une activité technique, de production de molécules nouvelles. Il est très nécessaire, d'être parfaitement habile de sa tête et de ses mains, pour faire de la chimie sans danger, efficacement, intelligemment. De ce point de vue, la chimie est un métier manuel. Et intellectuel aussi… comme tous les métiers.
D'autre part, la chimie transforme la matière, puisque précisément elles change la nature des corps. Certains ont même dit que son objet est la transformation de la matière. Elle transforme d'ailleurs bien plus la matière que ne le fait le tailleur de pierres, que ne le fait le cuisinier, que ne le fait le bourrelier, que ne le fait l’électricien, tous métiers du compagnonnage.
Or le compagnonnage accueille en son sein des métiers qui transforment la matière. Ne serait-il donc pas parfaitement anormal que le compagnonnage n'accepte pas la chimie ?
Et la recherche scientifique ? J'ai largement expliqué, dans d'autre billets, que les sciences chimiques ne se confondent pas avec la chimie, puisque dans un cas, il y a des sciences, et dans l'autre de la technique. Les sciences sont bien l’activité qui met des équations sur des phénomènes, activité quasi mathématiques, donc. De sorte que l'on pourrait penser que, cette fois, on est bien loin d'un métier manuel. Erreur ! Les sciences de la nature ne sont pas réductibles aux mathématiques (sans quoi on les nommerait « mathématiques »), car elles partent des phénomènes, qu'elles quantifient, par des travaux de laboratoire, techniques donc, pour arriver à des théories (du calcul)… que l'on réfute par d'autres travaux de laboratoire, à nouveaux techniques. Autrement dit, les sciences de la nature ont une composante technique essentielle, qui s'amalgame avec le calcul. Mais le travail de laboratoire est fondamental, constitutif, indispensable. La production de données se fait avec les mains, et des mains habiles !
Le physico-chimiste Martin Karplus, qui a reçu le prix Nobel pour ses travaux de calcul sur des données chimiques, ne cesse de répéter que les calculs ainsi faits doivent être absolument validés expérimentalement, et que sans les travaux expérimentaux, de laboratoire, ses calcul risquent de n'être que de vaines élucubrations.
De sorte que le sciences de la nature ont cette composante manuelle qui justifie parfaitement qu'elles deviennent des métiers du compagnonnage.

Finalement, j’exhorte mes amis compagnons à réviser leur position : je les exhorte à élargir les spectre des métiers qu'ils accueillent, à ne pas rester frileusement crispés sur des métiers techniques particuliers qui les coupent d'amis qui seraient susceptibles de contribuer à des rénovations techniques.
Ce n'est pas en creusant des fossés entre les groupes humains, entre les humains, que nous parviendront à plus d'harmonie, mais en sachant accueillir nos amis avec gentillesse, bienveillance, ouverture d'esprit, intelligence… c'est le croisement des regards qui nous donnera une vision plus juste du monde et qui, par un bon retour des choses, contribuera à embellir nos travaux, à faire grandir chacun.

Oui, que vite vienne le temps où le compagnonnage saura s'ouvrir à des métiers nouveaux !


mercredi 15 janvier 2014

Des questions ? Des réponses circonstanciées !

Ce soir, je reçois un questionnaire, et je m'aperçois que je peux en tirer parti pour faire un billet "édifiant" ;-).

Voici :



Questionnaire sur le métier de gastronome moléculaire


  1. Comment définiriez-vous votre métier ?
Mon métier est celui d'un physico-chimiste... et il faut expliquer ce terme.
Pour commencer, partons de la chimie, qui a toujours été une activité technique ; il s'agit de « faire », puisque le mot « technique » vient du grec techne, qui signifie « faire ». Le chimiste a toujours été celui ou celle qui produisait des composés nouveaux, souvent par l'emploi du feu (disons « des énergies de l'ordre de grandeur de celles que l'on obtient par la combustion de matières organiques »).
La chimie ayant toujours été une activité technique, on comprend que des personnages comme Antoine Laurent de Lavoisier n'aient été que partiellement des chimistes, et aussi des « philosophes de la nature », donc des « physiciens », au sens étymologique.
Toutefois, comment nommer, alors, ceux qui explorent scientifiquement les modifications moléculaires, sans se préoccuper de faire des composés nouveaux ? Ce ne sont pas de physiciens analogues à ceux qui étudient l'hydrodynamique, à coups des seules équations aux dérivées partielles, mais ils ont les mêmes outils de calcul, qu'ils appliquent au comportement des molécules, et notamment des molécules qui réagissent. Ce sont donc des physico-chimistes, et je propose que l'on nomme ainsi tous les scientifiques de la chimie.
Ce sont des scientifiques, et, plus spécifiquement, des « professionnels » des sciences quantitatives (je nomme ainsi, par opposition aux sciences de l'homme et de la société, ceux qui mettent en œuvre la méthode suivante : (1) observation d'un phénomène ; (2) quantification du phénomène ; (3) réunion des données en lois synthétiques ; (4) établissement d'une théorie, par recherche de mécanismes compatibles avec les lois établies précédemment ; (5) recherche de conséquences des théories, de prévisions expérimentales ; (6) tests expérimentaux de ces conséquences, en vue d'une réfutation de la théorie, et donc en vue de son perfectionnement.

Selon les objets d'étude, on distingue des physico-chimistes, des physiciens, des biologistes, des géophysiciens, des astrophysiciens... Dans ce concert, il y a la gastronomie moléculaire, notamment à l'intersection de la physico-chimie et des sciences des aliments. Ou plus exactement, pour des raisons qui seraient trop longues à expliquer, mon activité personnelle se trouve à cette intersection. Les phénomènes dont je pars sont ceux qui s'observent lors des transformations culinaires, et l'objectif est la découverte de théories et de mécanismes.

  1. Quel parcours scolaire ainsi que professionnel avez-vous suivi pour aboutir à ce métier ?
    Mon parccours ? Une boite de chimie à l'âge de six ans, une fréquentation frénétique du Palais de la Découverte (à 12 ans, j'ai fait la démonstration de l'air liquide, parce que les démonstrateurs m'avaient vu venir et revenir au point de connaître par cœur les démonstrations). Une scolarité très anarchique, parce que je lisais le livre de Calcul différentiel et intégral en cours de français, que je faisais de la chimie en cours de maths, que j'étudiais seul les manuels de l'année d'après, que j'avais la coquetterie d'écrire à la plume et à l'encre, de faire mes calculs avec la table de logarithme de mon grand père... J'étais également passionné de sciences (quantitatives) et de littérature, je calculais, je lisais, de façon assez isolée, et, évidemment, je suis allé en Math Sup et Math Spé : des moments merveilleux, parce que je pouvais ne faire que ce que j'aimais, débarrassé de matières qui me semblaient sans intérêt (mais c'était une faiblesse personnelle que de le croire). On m'avait dit que je devais entrer à l'ESPCI... et j'y suis entré. Ce furent quatre années de pur bonheur, avec de belles matières théoriques, et de nombreux travaux pratiques. En même temps, le soir, je suivais les cours de lettres modernes à l'Université Paris IV, voisine.
    Puis, en 1980, par « hasard », je suis entré aux éditions Belin, en même temps que j'ai commencé mes études de gastronomie moléculaire (le nom n'existait pas) dans mon laboratoire personnel.
    Pendant 20 ans, j'ai eu ainsi une double vie : à la revue Pour la Science, avec France Culture, Arte, etc. et dans mon laboratoire personnel pour mes études scientifiques.
    C'est le vice président de l'Académie des sciences qui m'a demandé de passer ma thèse en 1995. Jean Marie Lehn m'a offert un laboratoire au Collège de France en 1996. Et le président de l'Académie des sciences m'a demandé de passer mon habilitation à diriger des recherches en 1999. En 2000, j'ai abandonné la revue Pour la Science pour faire mes recherches à plein temps à l'INRA, d'abord au Collège de France, et, depuis 2006, à l'AgroParisTech. Un pur bonheur !
    Evidemment, j'ai passé de nombreux détails... mais je ne fais pas ici une autobiographie : cela sera pour bien plus tard.
  2. Avez-vous eu besoin de cours de chimie pour vous spécialiser dans la cuisine moléculaire ?
Je vois que vous confondez la cuisine moléculaire (de la cuisine, une forme de cuisine que j'ai introduite et nommée, et qui consiste à rénover les techniques culinaires) et la gastronomie moléculaire. La gastronomie moléculaire, c'est mon métier. La cuisine moléculaire, c'est une cuisine que j'ai proposé aux cuisiniers.
Pour la cuisine moléculaire, pas besoin de cours de chimie : il suffit d'utiliser des outils (évaporateurs rotatifs, azote liquide, frittés, etc.).
En revanche, pour la gastronomie moléculaire, il faut des cours de physiques et de chimie toutes les secondes. Regardez des publications que je fais (par exemple, celles sur l'évolution des pigments chlorophytique des haricots verts traités thermiquement, analysés par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, et vous verrez des équations différentielles, des mécanismes réactionnels, des lois cinétiques, etc.

  1. Y a-t-il beaucoup de débouchés dans le secteur de la gastronomie moléculaire ?
Non : la gastronomie moléculaire, c'est de la science quantitative, et c'est -je crois- réservé à ceux qui calculent comme chantent les rossignols, ceux qui vivent la science quantitative de façon passionnée.
En revanche, je crois très important de clamer « Vive la technologie » ! Notre pays a besoin d'excellents ingénieurs, notamment dans le domaine alimentaire. C'est l'industrie qui anime le pays, pas la science, qui est une sorte de service d'appui à la technique et à la technologie.
Nous devons aider les plus jeunes à s'émerveiller des trains, des fusées, des ordinateurs, des réseaux, des cosmétiques, des médicaments, des aliments modernes. Et il y a beaucoup à faire pour faire encore mieux ! Si j'avais une autre vie, parallèle à celle-ci, je m'intéresserais certainement à la chimie (j'ai bien dit la chimie) du végétal, l'extraction de composés de haute valeur ajoutée, sélectionnés par des milliards d'années d'évolution biologique, et j'en ferais des modifications chimiques afin de leur donner des fonctionnalités utiles à notre communauté humaine. C'est un métier merveilleux, qui n'est pas le mien, mais qui est extraordinaire, je le répète. Ne nous laissons pas empoisonner par un discours séditieux, pervers, d'anti-technologues, qui prétendent que nos aliments seraient empoisonnés (un mensonge qui devrait être puni), qui prétendent que la pollution est partout (on oublie qu'il y avait du smog à Paris, quand on se chauffait au charbon), qui prétendent... des tas de choses fausses. Assez de ces « fanatiques de la nature », qui sont bêtes au point de refuser des résidus de pesticides alors qu'ils fument du tabac ou mangent des viandes grillées au barbecue ! Assez de ces naïfs (ou menteurs) qui refusent la chimie... alors qu'ils mettent en œuvre (de façon complètement incontrôlée) des réactions chimiques, quand ils cuisinent.

  1. Quelles sont les perspectives d’évolution dans ce métier ?
Dans mon métier, les perspectives d'évolution n'existent pas : on fait sa recherche inlassablement, on s'efforce de « lever un coin du grand voile », de faire des découvertes. Les « grades » n'existent pas, face à l'Etude et à la Connaissance !
En revanche, dans l'industrie, il y a toutes les évolutions possibles, soit pour la « direction », soit du point de vue technique, soit pour des fonctions variées dans l'entreprise (qualité, recherche et mise au point, personnnel, administration, ingénierie, etc.).

  1. La connaissance de différentes langues est-elle nécessaire dans ce secteur ? Si oui, avez-vous effectué un déplacement à l’étranger dans le cadre de votre métier ?
J'écris et je parle anglais toutes les secondes. Je voyages plus de deux fois par semaine à l'étranger.

  1. Travaillez-vous plus généralement seul ou en équipe ? Quel est votre statut par rapport à vos collègues ?
Seul et en équipe. Seul, parce que les calculs se font seuls. En équipe parce que, depuis 2000, j'ai accepté des étudiants en stage, et que je leur dois de la formation. Disons que la pratique scientifique, c'est de la formation donnée à des étudiants afin de produire ensemble des données de bonne qualité, en vue de produire des connaissances nouvelles, de faire de la bonne science.
Mon statut ? Je ne veux pas le savoir : je ne vis pas d'affichage, mais de contenu ! Dépassons le stade des habits pour aller à l'être humain. Une devise affichée dans mon laboratoire est : Mer isch was mer mocht, ce qui, en alsacien, signifie « nous sommes ce que nous faisons ».

  1. Comment se déroule une journée en règle générale ?
Il n'y a pas deux journées identiques, mais s'il y en avait, ce serait :
5.00 : debout, café, réponses email
6.45 : départ
7.30 : arrivée au laboratoire.
Travaux expérimentaux, calculs, rédaction d'articles, généralement un sandwhich à midi, devant l'ordinateur
19.00 : départ
19.45 : arrivée à la maison, repas, douche
20.30 à 23.30 : lectures

  1. A combien de temps de travail estimeriez vous votre métier ?
Voir mon fichier politiquement incorrect sur le temps que je passe au laboratoire et le temps que je propose aux étudiants de passer. Personnellement, je ne prends jamais de vacances, ou disons que je ne m'arrête jamais de travailler.

  1. Comment votre passion pour la cuisine moléculaire vous est-elle venue ?
Encore une fois, vous confondez cuisine moléculaire et gastronomie moléculaire. La cuisine moléculaire n'est pas mon activité. Et pour l'invention de la gastronomie moléculaire, voir mon livre « Les secrets de la casserole », où je raconte cela. Voir aussi le texte du colloque « Communiquer la science », organisé par Muriel Le Roux à l'Ecole normale supérieure.

  1. De quoi vous inspirez-vous pour créer de nouveaux procédés ?
Vous confondez invention et découverte : voir mon livre « Cours de gastronomie moléculaire N°1 : science, technologie, technique, quelles relations » (éditions Quae/Belin).
Et vous verrez des tas d'inventions... que je n'aurais jamais dû faire, puisque je suis scientifique et non pas ingénieur.

  1. Quelles sont les qualités requises nécessaire ?
Le travail, le travail, le travail, le travail.

  1. Si cela ne vous dérange pas, pouvez vous nous donner une fourchette du salaire obtenu ?
Je n'en ai aucune idée, franchement, et je m'en moque : ce dont j'ai besoin, c'est un laboratoire !
Mais je sais que mon salaire serait décuplé, dans l'industrie.

  1. Avez-vous des conseils à donner aux étudiants intéressés par ce métier ?
    Travaillez, travaillez, travaillez, travaillez...
    Et puis, tiens, si vous preniez en compte les « règles morales » qui sont affichées dans mon laboratoire ? Elles ne nuiront certainement pas :





IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES
H. This

Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ?
H. This

Une colonne vertébrale !
H. This

Toujours considérer les résultats particuliers que l’on obtient comme la « projection » de cas généraux que nous devons inventer (abstraire et généraliser)
H. This

Quels sont les mécanismes ?
La science en général

Les mathématiques nous sauvent toujours : « que nul ne séjourne ici s’il n’est géomètre »
Platon

Ne pas oublier de donner du bonheur.
H. This

Tu fais quelque chose ? Fais le, et, en plus, fais-en la théorisation.
H. This

Surtout ne pas manquer le moindre symptôme
H. This

Je ne sais pas, mais je cherche !
H. This

De quoi s’agit-il ?
Maréchal Foch et Henri Cartier-Bresson

Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ?
H. This

« Dois-je croire au probable ? ».
H. This ?
A rapprocher de :
Abélard : « En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ».

Et de :
"Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir".
Poincaré
Combien ?
La science en général

D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht
Proverbe alsacien

Ni dieu ni maître
La devise des anarchistes

Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait
?

La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets !
Jean Claude Risset
Se mettre un pas en arrière de soi même
?

Le summum de l’intelligence, c’est la bonté
(et la droiture)
Jorge Borgès

Regarder avec les yeux de l’esprit
H. This

Vérifier ce que l’on nous dit
Ne pas généraliser hâtivement
Ayez des collaborations
Y penser toujours
Entretenez des correspondances
Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées
Ne pas participer à des controverses
Michael Faraday et Isaac Watts

Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée)
H. This

« Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : » ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller, sublimer, purifier, alambiquer
Jean-Anthelme Brillat-Savarin

« Et c’est ainsi que la chimie est belle »
H. This d’après Alexandre Vialatte

Morgen Stund het Gold a Mund
Proverbe alsacien

Y penser toujours
Louis Pasteur

Ne pas confondre les faits et les interprétations
Elémentaire

Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer
H. This

C'est une erreur de faire une loi qui punit les bons élèves
H. This

Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant
Cicéron

Dieu vomit les tièdes
La Bible

Il n’est pas vrai que « La tête guide la main », ce qui est prétendu par une poutre du Musée du compagnonnage, à Tours : la tête et la main sont indissociables
H. This

Les calculs !
Tous les scientifiques dignes de ce nom

Tout changer à chaque instant (vers du mieux !)
H. This

Chercher des cercles vertueux
H. This

Comme le poête, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores
H. This

Le moi est haïssable
Blaise Pascal

Quels mécanismes ?
La science en général

N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES
Hervé This

L’enthousiasme est une maladie qui se gagne
Voltaire

Clarifions (Mehr Licht)
Goethe

Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)
H. This

Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne
H. This

Comment faire d’un petit mal un grand bien ?
H. This

Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul
H. This

Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions étincelles
H. This

La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente
Diderot

Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi-même
François Rabelais

Il faut des TABLEAUX : les cases vides sont une invitation à les remplir, donc à travailler!
Hervé This

Prouvons le mouvement en marchant !
Hervé This

Comment passer du bon au très bon ? Comment donner à nos travaux un supplément d’âme ?
Hervé This

Quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris

Marcel Fétyzon

Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux (le paraître n'est pas l'être).
Hervé This

Si le résultat d'une expérience est ce que l'on attendait, on a fait une mesure ; sinon, on a fait une découverte!
Franck Westheimer

Il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre.
Michel-Eugène Chevreul

Il faut se comporter en chimiste, et non en tant que chimiste
H. This, d'après les Jésuites



vendredi 4 juin 2010

Réponse à des questions

Ce matin, une jeune correspondante (pléonasme, parce que si c'est une correspondante, c'est une femme, et si c'est une femme, elle a toujours 20 ans) m'interroge sur mon métier.

Comme je n'ai évidemment ni le temps ni le droit de détourner mon temps de travail d'Agent de l'Etat (certes, petit ingénieur de recherche de seconde classe) pour répondre à ces questions particulières, j'ai pris le temps de répondre... pour distribuer largement la réponse.

La difficulté essentielle : alors que les étudiants désertent les sciences, il faudrait que je sois démagogique au point de dire "Vive la Science".
Je le dis, mais je dis aussi que, selon moi, seuls ceux qui ont une idée politique de la science en doivent, vu les conditions d'exercice.
J'engage tous mes jeunes amis à ne pas être lâche au point de se diriger vers les sciences alors qu'ils font des études dites scientifiques, à oser aller dans le "vrai monde", qui est celui de l'industrie.
Bref, j'engage tous nos jeunes amis à se diriger plutôt vers une carrière de technicien ou d'ingénieur, où ils auront à la fois un beau salaire, un travail quasi analogue à celui qu'ils auraient en tant qu'agent de l'Etat, le plaisir de changer le monde en pratique (pensons au constructeur du pont de Millau, au concepteur de la Mégane, de l'IPad, au chimiste qui a créé le Taxotère, contre le cancer du sein...).

Bref, vive la science (bien faite) mais surtout, vive la technologie (bien faite), vive la technique (bien faite), vive l'art (bien fait)...


Ouf, cela étant posé, je peux maintenant répondre.



Conditions d'exercice du métier

1, Quelles sont les activités qui caractérisent votre métier?

Mon métier, c'est la recherche scientifique, c'est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes, par la méthode "scientifique", encore nommée méthode expérimentale, ou méthode hypothético-déductive (en réalité, je crois qu'aucun des trois termes ne convient bien : le premier est pléonasmique, le deuxième est insuffisant, réducteur, et le troisième est une simplification).

Si l'on a bien compris ce qu'est la science, il faut donc faire des expériences pour caractériser des phénomènes dont on cherche les mécanismes ; cette caractérisation est quantitative, ce qui signifie, en pratique, qu'il faut aimer les nombres, le calcul... puisque nos analyses des phénomènes produisent des nombres... en grand nombre. Puis, pour s'en tirer, face à ces montagnes de nombres, il faut chercher à regrouper les données recueillies sous des formes synthétiques (par exemple, des "lois"). Puis, quand ce travail est fait, il faut chercher des explications de ces lois : produire des théories, des modèles, bref trouver la raison de ces lois. A cette fin, il faut beaucoup de calcul, souvent du calcul différentiel et intégral, mais aussi des statistiques, etc. Une fois ces théories (fausses : une théorie est toujours fausse, disons insuffisante) produits, il faut chercher à les réfuter : on cherche des conséquences des théories pour les tester expérimentalement. Puis on repart sur l'expérience, et on boucle à l'infini.

Cela étant, une activité scientifique, dans un laboratoire, ça consiste aussi travailler avec des techniciens (dans les rares cas où l'Etat a de quoi les payer), avec de jeunes chercheurs, et donc faire de l'enseignement puisqu'il s'agit de leur enseigner le métier. Et puis, souvent, la science étant liée à l'enseignement supérieur, il faut aussi enseigner dans l'enseignement supérieur.

De surcroit, quand on travaille, on doit publier le résultat de ses travaux, soit de façon orale (conférences, séminaires...), soit de façon écrite (articles, livres...).

Enfin, pour encadrer tout cela, il faut une bonne dose d'administration... comme dans tous les métiers.


2, Avez-vous des responsabilités? Lesquelles?
Je ne comprends pas la question. Méfions-nous des mots que l'on dit sans les questionner! Par exemple, j'ai reçu récemment un étudiant qui avait l'ambition de diriger une équipe : diriger une équipe alors qu'il était naïvement insuffisant? Quelle présomption! Souvenons-nous quand même de Frère Jean des Entommeures qui répondait, quand on lui proposait de diriger une abbaye : " Comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même?".
Ma principale responsabilité, c'est d'être à la hauteur des attentes des contribuables qui, par leurs impôts, financent le travail scientifique. Mais, également, c'est d'être à la hauteur de l'estime que semblent me porter quelques collègues remarquables dont le monde estime le travail!


3, Le travail est il répétitif ou les tâches effectuées sont-elles variées?

Le travail est évidemment répétitif, puisqu'il s'agit chaque minute de mettre en oeuvre la méthode expérimentale. Mais je crois que la question est mal posée. Elle sent le questionnaire tout fait!


4, Quelles sont les qualités personnelles et les centres d'intérêt nécessaires pour ce métier?
Il faut travailler 105 heures par semaine au minimum.
Et puis, il faut aimer le calcul. Et aussi être capable de calculer comme chante un rossignol (parce que l'on s'est beaucoup entraîné, voir le point 1)
Et puis, il faut être absolument passionné de production de connaissances.
Et puis, surtout, il faut avoir une idée politique (sans quoi, il vaut mieux faire de la R&D dans l'industrie, où l'on est bien mieux payé, considéré, etc.).
Et puis, il faut une grande culture, parce que la science, c'est de la "philosophie naturelle".
Et puis, il faut de la méthode.
Et puis il faut être précis, attentif, soigneux, rigoureux...
Et puis... il faut aimer ne pas savoir et se réjouir d'être sur le chemin de la connaissance sans avoir atteint celle-ci.
Et puis... voir le livre La Sagesse du chimiste, que j'ai écrit à cet effet.


Perspective de carrière

5, Quels sont les grades successifs de la hiérarchie (les spécialisations, les concours, les formations complémentaires...)

Je n'y connais rien, et ces questions m'ennuient. C'est sans doute pour cette raison qu'après avoir été longtemps en CDD, je ne suis qu'ingénieur de recherche de seconde classe (je rappelle que "second" s'applique quand il n'y a pas de troisième!). Cela dit, voir les règles (souvent idiotes) de la fonction publique.
Mais, de toute façon, vu les questions, je crois que vous n'êtes pas fait pour ce métier : pour faire de la science, il faut vouloir faire de la science, pas imaginer des grades successifs, des hiérarchies...

6, Votre entreprise va t-elle recruter dans un proche avenir? A quel niveau?
Mon "entreprise"? Parlez vous de l'Etat qui m'emploie, ou bien des travaux que j'entreprends?
AU vu des budgets donnés à la science, je crois qu'elle ne se développera pas, et, d'autre part, ce n'est peut-être pas nécessaire... si l'industrie se reprend, et qu'elle effectue les travaux technologiques qui lui reviennent, au lieu de s'en décharger sur l'Etat qui, je crois, dois plutôt produire de la connaissance, de l'encadrement du travail de l'industrie, etc.

Mon conseil : devenez plutôt ingénieur ou technicien, comme dit plus haut.


Conditions d'accès au métier

7, L'anglais ou les langues étrangères sont elles indispensables?

L'anglais? Absolument indispensable... mais le français aussi, puisque Lavoisier a très justement dit que l'on ne pourra pas perfectionner le langage sans perfectionner la science, et vice versa. De surcroit, j'ai bien dit ci dessus qu'il y avait une grosse part de communication dans le travail scientifique.


Vive le travail bien fait. Travaillons!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

samedi 20 juillet 2019

A propos de science et de travail de l'ingénieur


Un ami ingénieur m'écrit :

Je note effectivement cette distinction entre sciences et technologies [je lui avait signalé qu'il confondait science et technologie]. La science est un socle de connaissances sur laquelle se base et se développe la technologie (qui en est plus une application), car la science veille à comprendre comment se produisent les faits, à connaître les mécanismes qui y sont sous-jacents, des mécanismes d'ailleurs chiffrables /modélisables. Lorsque ces mécanismes sont connus, ils permettent de contrôler, d'anticiper les mécanismes, donc d'être appliqués en technologies et notamment en procédés.
Même si certains (rares) laboratoires privés prennent le temps et le risque de faire de la recherche dite théorique
[personnellement, je ne suis pas pour confondre science et théorie : les deux mots ont des sens différents], je vous rejoint dans le sens où le secteur industriel est essentiellement orienté vers la technologie [je le dirais différemment : le monde industriel, qui est un monde technique, a des besoins technologiques, afin de rénover les techniques et de produire de l'innovation], et il fait justement appel aux académiques [je le dirais différemment : aux scientifiques] pour au moins se remettre au niveau de l'état de l'art [non, pas se remettre au niveau de l'art, mais valoriser les productions scientifiques les plus récentes], et au mieux se nourrir de nouvelles connaissances qu'ils retranscrira en nouvelles technologies ou conduites de procédés.
Aussi, malgré cette distinction entre science et technologie, on dit bien que le métier d'ingénieur est un métier scientifique [là, je tique... et c'est ma réponse plus détaillée, que je donne plus loin]. N'est-ce pas parce qu'on attend des ingénieurs qu'ils adoptent une démarche scientifique [non, les ingénieurs n'auront jamais de "démarche scientifique" ; voir plus loin], qui est alors utile quel que soit le métier du futur diplômé d'une école comme AgroParisTech ? C'est une évidence absolue pour les scientifique chercheur qui incrémentent la connaissance humaine. C'est aussi important pour les métiers plus technologiques car il me semble toujours bénéfique de savoir quantifer une donnée ou un risque, de bien faire les choses pour acquérir des données fiables et honnêtes, de savoir douter des postulats pour être critique et adopter une vue d'ensemble ou une vision différente (qui peut justement nourrir l'innovation comme vous le démontrez par vos applications régulières)... etc.

Ma réponse comporte donc ceci : 
 
Tout me va assez bien dans votre raisonnement...  jusqu'au "on dit que le métier d'ingénieur est un métier scientifique".. et c'est bien là que ça pèche  : non, le métier d'ingénieur n'a rien à voir avec la science. Il utilise les résultats de la science, et les ingénieurs doivent en conséquence être formés à les chercher, les comprendre, les transférer. Plus de la coordination, ou de la maîtrise d'oeuvre, comme vous voudrez.
D'ailleurs, c'est sur ce bon principe que nous avons organisé notre master IPP Physico-chimie pour la formulation, à AgroParisTech.

Et non, on n'attend certainement pas que les ingénieurs aient une démarche scientifique : je vous joins la démarche scientifique en pj [ici, la figure]. En revanche, on veut certainement que les ingénieurs soient rationnels et rigoureux, ce qui est une autre affaire. Oui, les ingénieurs doivent savoir quantifier et calculer, mais c'est autre chose que les sciences de la nature. Oui on veut que les ingénieurs disposent de données fiables et honnêtes, qu'ils aient un esprit critique, mais c'est autre chose que la recherche scientifique. Oui, on veut que les ingénieurs sachent remettre en question des techniques périmées, mais c'est autre chose que de faire de la science.


lundi 21 août 2023

Techniques avancées


“Haute technologie”, “hautes technologies”...

 Il s'agit en réalité de techniques avancées, et pas de technologie, puisque la technique produite des objet, tandis que la technologie explore cette production, souvent en vue de l'améliorer.

Bref, la technique n'est pas plus de la technologie que le potage n'est de la soupe (la soupe, c'est une tranche de pain, que l'on mouille avec du potage), ou que les gourmets ne sont des gourmands (les gourmets sont les amateurs de vins, et les gourmands des amateurs de chère ; on a le droit d'être à la fois gourmand et gourmet !). 

Le monde technologique ne sort pas grandi de la faute qui consiste à nommer “technologie” ce qui est en réalité une technique, et le monde technique, non plus, d'ailleurs. 

Pourquoi cette faute ? Parce que les technologues ou ingénieurs n'ont pas suffisamment réfléchi à la différence entre technique et technologie ? Impossible de tenir une telle hypothèse, à l'encontre de personnes intelligentes, qui font un métier aussi important. 

Parce que la dénomination “technique” semble moins “élevée” que “technologie” ? Une sorte de politiquement correct qui fait un usage exagéré de la litote et de l'euphémisme ? Pour un métier... technique comme celui de la technologie, il y aurait là quelque paradoxe à confondre des notions qui sont au coeur de l'activité. 

Parce que les techniciens auraient honte de leur métier et se seraient accaparés indûment le titre de technologue ? S'il y a des question d'argent ou de statut, pourquoi pas... mais j'ai du mal à y penser, parce que je crois les métiers techniques extraordinaires. Pensons à un bon ébéniste, à un bon électricien, à un bon bourrelier... à un bon cuisinier ! 

 

Alors, pourquoi ? Parce que la langue française est contaminée par l'anglais ? Difficile à imaginer, car le mot “technique” existe en anglais, ainsi que le mot “technologie”, et c'est ici l'occasion de répéter que le MIT, institution qui forme des ingénieurs parmi les meilleurs, a un nom qui est Massachusetts Institute of Technology, institut de technologie du Massachusetts. Y aurait-il une acception généralisante du mot technologie, qui regrouperait des techniques apparentées. Je viens de relire plusieurs articles de … technologie, et je n'ai pas vu le mot employé régulièrement dans ce sens. 

 

Bref, pourquoi la confusion ? 

 

Je crois la question importante, contrairement à des personnes à qui je m'en suis ouvert récemment, et qui la balayaient rapidement (c'est généralement de la mauvaise foi) en disant que seul compte le travail que l'on fait, et que ces détails terminologiques n'ont pas d'importance. 

A quoi je réponds aussitôt que tout compte : tout travail qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait, et plus encore quand de la transmission est en jeu, ou , plus exactement, quand est en jeu de la transmission à des jeunes, c'est-à-dire de l'enseignement. La mission de l'enseignant n'est-elle pas de clarifier ? D'aider à comprendre ? 

De ce point de vue, la confusion des mots est très nuisible, donc critiquable. Et c'est ce qui motive évidemment ce billet. Certains adultes me disent que les combats terminologiques sont toujours perdus, mais c'est là un défaitisme auquel je ne veux pas céder, parce qu'il n'y a pas de démonstration que cela soit vrai. Faraday n'a-t-il pas réussi à introduire l'usage des mots “anode”, “ion”, “électrode”, etc. ? La grande entreprise de rénovation de la chimie, autour  de la révolution française, par  Louis Bernard Guyton de Morveau, avec Antoine Laurent de Lavoisier et quelques autres, n'a-t-elle d'abord pas été une rénovation terminologique, un bouleversement de la nomenclature ? Les grandes questions de la mécanique quantique n'ont elle pas porté sur l'interprétation, c'est-à-dire le sens, des mots que l'on utilisait ? Henri Poincaré, ce génie des mathématiques, n'a-t-il sans cesse insisté sur le fait que sa plus grande difficulté consistait à trouver des mots pour transmettre ses pensées, inconsciemment formées en lui, maniées sans l'usage des mots dans son esprit ? Ne baissons pas les bras. 

Luttons. Luttons au quotidien contre les usages galvaudés de “technique” et de “technologie”, car c'est ainsi que les techniciens feront un beau métier, et que les technologues feront aussi un beau métier, différent du précédent. Soyons vigilants à propos de technologie, et nommons technique ce qui en est. Car c'est ainsi que la Raison est grande.

lundi 1 avril 2024

Professeur : quel beau métier !

 Professeur, quel beau métier ! 

Quand on en vient à admirer assez naïvement des choses admirables, on s'expose à la moquerie... mais devons-nous vraiment nous préoccuper des pisse vinaigre ? Cette question a deux objectifs : d'une part, me donner l'occasion de promouvoir cette devise merveilleuse : « le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture » ; d'autre part, faire état -sans naïveté : le terme "naïvement" trouvait une place rhétorique- d'une évidence... oubliée, à savoir que, oui, le métier de professeur est admirable. 

Ce billet, lui, veut surtout rappeler ce qui est en réalité une évidence, à savoir que les professeurs se préoccupent de les étudiants. Une certaine lutte des classes idiote oppose les deux camps : les étudiants qui rechigneraient à faire leurs devoirs, à passer du temps sur les matières « arides » ; les professeurs qui considéreraient que les étudiants sont paresseux. 

Cette vision du monde ne me va pas, tout comme ne me va pas l'opposition encore prétendue mais soutenue par certains selon laquelle, pour les industriels, les chercheurs seraient des êtres abscons, enfermés dans leur tour d'ivoire et quasi inutiles, tandis que, pour les scientifiques, les industriels seraient des individus cupides, terre à terre et pas toujours honnêtes. 

D'ailleurs, on comprend qu'avec l'évocation de la lutte des classes, je déteste la prétendue opposition entre travailleurs et patrons. Je suppose que je n'ai pas besoin d'expliquer beaucoup ce qu'est cette prétendue lutte. 

En revanche, je veux dire ici que les faits sont bien différents : s'il y a effectivement des patrons détestables, il y en a aussi d'honnêtes, qui se charge de la responsabilité d'une entreprise parce qu'ils se soucient d'emploi, du bien être de leurs collègues. 

D'ailleurs, de l'autre côté, il faut dire que s'il y a des travailleurs honnêtes, courageux, travailleurs, il y en a aussi de paresseux, profiteurs... Mais on me connaît : je ne veux voir que le meilleur, et, pour les deux groupes, ce sont ceux qui se soucient du bien d'autre qui m'intéressent : les patrons qui visent l'emploi, le bien être des autres, et les travailleurs travailleurs, ceux qui font bien leur travail, honnêtement, selon les termes du contrat qu'ils n'ont pas manqué de signer avec l'entreprise qui les emploie. 

De même, en remontant la chaîne que nous avions descendue, il y a des scientifiques enfermés dans leur tour d'ivoire... mais il y a aussi les autres, qui sont nombreux. Et s'il y a des industriels obtus, il y en a aussi qui sont merveilleux, et qui savent qu'il faut associer la recherche scientifique et la technologie pour aboutir l'innovation, laquelle profite aux deux parties. 

Enfin, pour remonter au véritable sujet de ce blog, ce qui m'intéresse, c'est de constater qu'il y a des étudiants intéressés par les sujets qui leur sont proposés, sujets qui sont d'ailleurs tout à fait merveilleux : les sciences chimiques, en particulier, sont inouïes, remarquables, admirables, merveilleuse… 

Je n'ai pas assez d'adjectifs pour dire tout le bien je pense de ces matières. Et parmi les professeurs, il y en a effectivement qui se contentent d'avoir un métier, pour qui les étudiants sont sans importance, mais il y a aussi tous ceux qui se décarcassent pour les étudiants dont ils ont la responsabilité. Observons que je n'ai pas dit « la charge ». Oui, il faut dire aux étudiants que certains professeurs sont admirables, et que, par vision politique, ils acceptent des salaires bas, car ils considèrent que la mission d'enseigner vaut des sacrifies : ne s'agit-il pas, en effet, de prévoir le monde de demain ? Ne s'agit-il pas de favoriser des compétences et des comportements qui mettront un peu d'harmonie dans notre monde ? 

 

A partir du moment où on cesse de voir le monde par le prisme idiot de la lutte des classes, tout devient plus simple, les rapports sont apaisés, les objectifs sont plus clairs pour chacun, les intentions aussi. C'est pour cette raison que j'en reviens maintenant à ce que j'avais nommé le contrat d'enseignement. Quand il est rédigé, il ne faut pas le laisser moisir sans le considérer, au contraire. 

Je propose qu'il fasse l'objet d'une discussion préliminaire, voire d'une rédaction commune par les professeurs et les étudiants. Il ne s'agit pas d'une espèce de formalité, mais du socle sur lequel doivent s'ériger les activités conjointes des étudiants et des professeurs. Récemment encore, alors que nous avions pris soin de préparer un document soigneux, je sais qu'il a été lu trop vite, et que certains étudiants n'ont pas pu profiter pleinement du système d'apprentissage que nous avions prévu pour eux. Nous aurions dû y passer plus de temps, et peut-être même interroger les étudiants (sans évaluation, bien sûr) pour nous assurer qu'ils avaient bien capté les informations essentielles que nous voulions transmettre. Il en va de la réussite du projet d'enseignement que nous avons en commun. 

Certes, cela prendra un peu de temps d'enseignement, mais l'expérience prouve que nous ne pouvons pas en faire l'économie. 

Finalement on aura observé que, dans ce billet, j'utilise le mot de "professeur", et non pas d'"enseignant". On se reportera à un autre billet pour voir pourquoi le mot d'"enseignant" me déplaît. En substance, quand même, il y a le fait que je répète que l'enseignement est moins important que l'apprentissage, et qu'il ne s'agit pas pour les enseignants d'enseigner, mais il s'agit pour les étudiants d'apprendre. 

A quoi bon le changement de mots ? Professer, c'est soutenir des thèses, « dire devant » : le professeur a un discours, et ce discours ne se réduit pas à des informations techniques, mais à un mode de vie, et l'on voit d'ailleurs, dans l'histoire des sciences, que les grands professeurs ont toujours été des individus qui se préoccupaient d'un cadre qui conduisait les étudiants à mieux apprendre, à apprendre en connaissance de cause, à apprendre par un apprentissage qui avait du sens, qui dépassait les simples connaissances, à apprendre en comprenant pourquoi ils apprenaient, de sorte que, motivés d'eux-mêmes, ils se dirigeaient plus facilement vers l'objectif qu'ils s'étaient eux-mêmes donné. 

 

Il y a donc tout un état d'esprit à organiser, et le contrat d'enseignement n'est qu'une partie infime de ce cadre que nous devons créer avant de commencer à discuter techniquement des diverses matières. Mais c'est un bon début... et c'est notamment avec un tel début que le métier de professeur est merveilleux !

vendredi 3 mai 2013

Reçu de l'Académie de Médecine

Opération transparence

L’ACADÉMIE DE CHIRURGIE S’ATTAQUE AUX IDÉES REÇUES SUR LE MÉTIER DE CHIRURGIEN

Privilégiés, mandarins, « gros dépasseurs », émoluments mirobolants... : face aux idées reçues et aux accusations rapides...

RÉTABLIR LA VÉRITÉ auprès des jeunes en formation et du grand public.
l’Académie nationale de chirurgie, pour la première fois, sort de sa réserve pour défendre l’image d’une profession que les projecteurs éclairent souvent pour des raisons négatives. Petits privilèges, « retraites secrètes » des « médecins stars », dépassements extravagants, immobilisme, tour d’ivoire... L’Académie entend dénoncer des « campagnes médiatiques souvent tronquées, voire désobligeantes ». L’institution souhaite aussi répondre aux « inquiétudes » des jeunes médecins, révélées par le mouvement de contestation de fin 2012 (contre l’encadrement des dépassements, la « privatisation » de la santé, les réseaux mutualistes). Formation, exercice, retraite : sur tous ces sujets, « la vérité doit être rétablie, insiste le Pr Jacques Baulieux, ancien président de l’institution : aujourd’hui, le chirurgien libéral n’est plus un nanti ».

• Une formation longue et ardue : n’est pas chirurgien qui veut ! 14 voire 15 années de labeur post-bac sont nécessaires pour « devenir chirurgien autonome et exercer en pleine responsabilité ». Des études qui, contrairement aux idées reçues, « ne sont pas prises en charge par l’État ». Faiblement rémunérés pour leur (sur)charge de travail, les internes en chirurgie peinent à trouver leur place dans des services qui tendent à l’hyperspécialisation. « Leur fonction s’est dégradée avec le temps, déplore le Pr Baulieux. Les internes sont des super-externes et les chefs de clinique des super-internes ». Le sentiment d’inquiétude (voire de malaise) des jeunes est souvent diffus vis-à-vis d’un métier bouleversé par les nouvelles techniques et la robotique (lire aussi ci-dessous). Ceux qui souhaitent embrasser une carrière hospitalo-universitaire accumulent diplômes, parutions et années de recherche. Parmi les PU-PH rapidement étiquetés « mandarins » de la médecine, seuls 10 % sont chirurgiens, ...

• Exercice : jusqu’à 100 heures hebdomadaires sous contraintes
Entre douze et 14 heures de travail anxiogène par jour (afflux de blessés, complications postopératoires, disponibilité constante, responsabilité...), sans compter les gardes de nuit et de week-end régulières. Passionnant, le métier exige une résistance physique et nerveuse peu commune. « Avec le temps passé aux tâches administratives et à l’enseignement, les chirurgiens viscéraux libéraux de Rhône-Alpes travaillent 101 heures par semaine...», cite en exemple le Pr Baulieux, d’après une enquête de 2010 de l’URPS.
Autre contrainte majeure : la judiciarisation de la profession, en constante augmentation. Un chirurgien libéral sur deux a été mis en cause en 2011, selon les chiffres du groupe MACSF-Sou médical. « Les primes d’assurance en responsabilité civile (RCP) ont augmenté de 115 % en dix ans », déplore le Dr Philippe Breil, chirurgien digestif. Un chirurgien viscéral dépense 26  000 euros d’assurance par an. De quoi tuer dans l’œuf quelques vocations (même si la discipline reste parmi les plus prisées des meilleurs étudiants classés à l’issue des ECN). Mais le métier a-t-il l’aura du passé ? le pouvoir du chirurgien a diminué face aux anesthésistes, au pouvoir infirmier, à l’administration et aux urgentistes.

• Revenus : pas si nantis au regard des comparaisons internationales
« La vérité sur les émoluments et les dépassements doit être faite », martèle l’Académie. « Les excès, qui ont été stigmatisés, ne représentent que 1 à 2 % des dépassements, soit 280 médecins et chirurgiens qui ne respecteraient pas le tact et la mesure » En 40 ans, les tarifs opposables n’ont été revalorisé que de 8,5 %, affirme l’institution. La nomenclature chirurgicale est largement obsolète et sous-tarifée, de l’aveu même de la CNAM. Recettes figées, CCAM inadaptée, charges qui galopent : l’équation est d’autant plus complexe que le chirurgien libéral est un chef d’entreprise. Et les émoluments sont plutôt inférieurs à ceux des chirurgiens des grands pays développés. Le secteur II est jugé « indispensable » pour faire face aux charges et assurer les investissements coûteux (cœlioscopie, robotique...). Ce n’est pas un hasard si 79 % des chirurgiens exercent en honoraires libres en 2011, une tendance encore plus marquée (85 %) chez les nouveaux installés.
La retraite  ? La carrière étant assez courte (de 33 à 65 ans, et une installation en libéral à 38 ans), la période de cotisation est relativement faible. « Le niveau de pension des libéraux oscille entre 3 000 et 4 000 euros, annonce le Pr François Richard, nouveau président. Soit bien moins que les 5  000 à 7  000 euros des cadres supérieurs ».

mardi 20 avril 2021

Je vois beaucoup d'étudiants, jusque en master, qui ne savent pas vers où ils se dirigeront, et cela m'inquiète pour eux, car les études s'achèvent avec la seconde année de master, de sorte qu'ils quitteront l'université sous peu... Pour aller où ?

 


La seconde année de master devrait être  le moment où l'on trouve un stage qui préfigure le poste que l'on aura l'année suivante, et ce stage doit se faire dans l'industrie, puisque c'est là qu'il y a de l'emploi.

Il y a lieu, donc, dès le début des études universitaires, c'est-à-dire en première année de licence, mais aussi en deuxième année de licence, et aussi en troisième année de licence, puis en première année de master, et enfin en seconde année de licence, d'organiser des (j'ai bien dit des : là, il y a une obligation de résultats, et pas seulement de moyens) longues séances de détermination, de choix professionnel, d'orientation car on ne peut pas imaginer que des étudiants puissent étudier sans but. C'est parce qu'ils auront identifié un travail, un métier, qu'ils seront prêts à comprendre qu'il y a des compétences à avoir pour l'exercice de ce travail, de ce métier.

Il faut les aider à se déterminer... au lieu de les laisser dans leur indécision. Car hélas, presque chaque jour, je vois des étudiants qui disent qu'ils se détermineront plus tard.

Plus tard ! Mais quand, plus tard  ? Cette décision, ils ne cessent de la reporter, avec une mauvaise foi infinie : "Je verrai à la fin", "Je déciderai avec mon stage", etc.
Bref, demain on rase gratis !

Faut-il tolérer cette mauvaise foi ? Je vois qu'elle a comme néfaste conséquence à court terme que  nos amis étudieront mal (puisqu'ils n'ont pas de réelle motivation à étudier). Et, à plus long terme, puisqu'ils auront mal étudiés, ils seront médiocres. Et encore à plus long terme, personne ne voudra d'eux pour les postes auxquels ils prétendront (on a bien entendu la racine du mot "prétention").

Bien sûr, on peut ne pas s'en faire, être défaitiste : reconnaître que l'université doit accueillir tout le monde, sans sélection, sans aide aux étudiants, et les laisser avancer à leur gré, en distribuant à tous des diplômes qui ne valent rien...
Mais pourrons-nous bien nous regarder dans la glace le matin, si nous faisons ainsi ?

Oui, d'autre part, certains pourront étudier un peu au hasard, sans savoir vraiment ce qui leur est utile. Bien sûr, certains peuvent vouloir avoir autant de culture que possible, et donc accumuler les connaissances.
Mais viendra bien un jour où il leur faudra non seulement  des connaissances particulières, adaptées aux tâches à exécuter, mais aussi des compétences.

Et c'est de ce point de vue-là qu'il faut absolument, chaque année, commencer par ces séances très particulières, avec tous les étudiants qui ne sont pas déterminés.

Pour les autres, le problème est résolu : puisqu'ils savent le métier qu'ils veulent exercer, alors il est facile de les aider à acquérir les connaissances  et les compétences qui seront nécessaires à l'exercice de ce métier, en plus d'un socle de base qui leur permettra ensuite d'élargir le spectre de leurs connaissances et compétences.

Je prends un peu de recul maintenant pour signaler que oui, l'université peut être là pour donner de la connaissance, mais j'observe quand même que, ces dernières décennies, elle s'est donné pour mission de former des jeunes à des métiers, de sorte qu'est terminée l'ère où l'université ne dispensait que du savoir général.

Il faut entrer dans le vif, et aider les étudiants à devenir "capables" (en termes de connaissances, de compétences, de savoir être, de savoir vivre...).

lundi 29 octobre 2012

On me demande de transmettre. Je le fais avec des commentaires personnels

Lettre du Docteur Arielle SALON [je ne la connais pas personnellement ni même de nom], chirurgienne de la main libérale à Paris, et "connaissance" de la ministre

Marisol

je te connais depuis que j'ai dix huit ans, et j'avais de toi l'idée d'une femme brillante[en politique... honnête ?], mais en ce moment je pense que tu te trompes de cause, et que tu ne fais pas le bon choix de société. Si tu vas au bout de ton intention actuelle, tu diras tout simplement adieu à l'excellence [c'est vrai qu'en Angleterre ou au Québec, c'est terrible ! Aux Etats Unis, c'est... cher!]
française en Médecine (et en Chirurgie), et ce sera ta seule responsabilité

J'ai vu ton film (sponsorisé par la MGEN....) diffusé sur la chaine LCP: c'est un tissu de manipulations, c'est tout simplement offusquant pour un libéral qui exerce son métier avec conviction [pas vu le film]

-tu dis "les Français en ont assez de payer pour leur santé"
La vérité est masquée: OUI ils en ont assez de payer... bien sûr!!....mais parce qu'ils payent DEUX FOIS ! et on se garde bien de le leur expliquer! :
Ils payent une première fois des cotisations obligatoires de Sécurité Sociale, alors que la sécu ne paye pas les médecins, ou de façon indigne [c'est un fait : moins qu'un plombier ou un garagiste], et qu'il y a un gaspillage reconnu. N'oublie pas que ce sont les Médecins qui font l'excellence de la médecine actuelle, et non les administratifs!
"Les Français" payent ensuite pour des MUTUELLES, souvent obligatoires, qui se gavent avec 35 milliards de recettes annuelles quand les honoraires médicaux représentent tout juste 2,4 Mds ...et les transports médicalisés plus de 3 Mds annuels!!...
Ces mêmes mutuelles qui ont un budget de communication et de fonctionnement supérieur à ce qu'elles devraient honnetement rembourser aux cotisants!

-tu dis "les Français ne savent pas combien ils vont payer chez leur médecin"... mais ignores-tu que l'affichage des honoraires est OBLIGATOIRE depuis plus de deux ans, et que la CPAM vient contrôler à peu près deux fois par an le bon affichage tarifaire dans nos gros cabinets Parisiens?[cela est vrai]

-tu dis "l'acces aux soins en tarif opposable est limité", c'est totalement faux à Paris, les centres hospitaliers sont nombreux et très bien dotés, dans toutes les disciplines.

Mais VOILA, justement, on arrive au vrai problème: quelle médecine veulent les gens?
Toi même ne supportes pas la prise de RDV gérée par une centrale d'appels anonyme à l'AP, les trois mois d'attente, l'hétérogénéité des compétences des praticiens. Tu es la première à faire appel à des spécialistes particuliers. Mais quand tu viens te faire soigner, sais-tu au moins combien ça coûte? Mon assistante aux petits soins qui te connait (qui que tu sois d'ailleurs, et bien avant même que tu sois Ministre), et que les patients dérangent souvent trois fois pour un seul rdv, et qui veulent tout tout de suite? l'aide opératoire qualifiée pour que les procédures de plus en plus contraignantes de la HAS soient strictement respectées, la nounou qui va garder mes trois enfants pendant que je travaille 65 heures par semaine? 6000 euros d'URSSAF pour mes salariés et moi : çA TE PARLE?, et je ne te parle pas de toutes mes autres charges sociales, dès lors que je suis une petite entreprise!

Tu vois, je vais te faire une comparaison très simple:

Dans Paris, actuellement, toute personne qui a faim peut se nourrir, avec un ticket restaurant, un ticket repas, etc. Seulement bien sûr, avec un ticket restaurant, ne compte pas avoir mieux que de la bouffe de cantine.
 
Mais si tu veux bien manger, que du personnel se décarcasse pour te faire de l'art en cuisine, ça ne vaudra surement plus un ticket restaurant![je n'aime pas la comparaison]
Ton choix de société il est là: Si tu imposes qu'on aille dans n'importe quel restaurant avec un tarif plafonné, et bientôt un tarif unique- ton TICKET OPPOSABLE quoi- adieu les chefs étoilés de la cuisine française, adieu l'invention, la création, le talent culinaire, la compétition, la recherche de l'excellence, le dépassement de soi, la prise de risque
Tu n'imposeras pas à un restaurateur haut de gamme de te faire de la grande cuisine pour un ticket restaurant[oui]
De même, l'excellence pour un spécialiste en libéral signifie bien sûr des salariés, donc des emplois, car nous tous chirurgiens libéraux dans Paris employons un, deux, trois salariés. Je te rappelle juste que 75% des actes chirurgicaux sont réalisés en libéral

Avec ton équivalent de "ticket-médecin" opposable, tu auras une médecine médiocre, uniformisée, tu auras la cantine, Marisol![la cantine n'est pas mal, mais à condition d'avoir quelque chose d'autre par ailleurs ; d'autre part, il y a, pour la cuisine, la ressource de la cuisine domestique]

Je vais plus loin dans ton choix de société:
Trouves-tu juste normal, digne, qu'un chirurgien viscéral, bac plus quinze, concours d'entrée, concours de sortie, (au moins autant d'études que toi au passage) opère une appendicite et risque la vie de ton enfant pour CENT SOIXANTE DIX BALLES, je dis bien 170, en tarif opposable?

Et moi, et nous tous chirurgiens de la main, je devrais opérer ton pouce par exemple, ou un ophtalmo ta cataracte, pour même pas le prix de ton coiffeur? [oui, cela est anormal]  pour la moitié du prix d'une de tes paires de pompes?
Marisol, ne vois tu pas que c'est INDIGNE?
Oui Raymond Barre a eu raison, mille fois raison, de créér le secteur deux, il a compris que si la sécu n'avait pas les moyens de financer les médecins, qui font la Médecine en pratique - ce serait bien de ne pas l'oublier- il fallait permettre de rémunérer justement un métier difficile et à risques lourds! Nos "dépassements d'honoraires" ne sont pas un vol du patient, une goinfrerie coupable, ce sont juste des honoraires NORMAUX dans le monde actuel avec le niveau de responsabilité qui est le nôtre [en réalité, l'expression "dépassements d'honoraires" est injuste : il y a des honoraires, d'une part, que le médecin ne dépassent pas, et, d'ature part, il y a ce qui devrait être nommé "remboursement par la sécurité sociale ou les mutuelles ; ne pas confondre]

As tu déjà dérangé ton plombier pour moins de 200 euros à Paris? As tu déjà payé une heure d'avocat? trouves tu normal qu'un acte chirurgical (après quinze ans d'études, deux concours, un internat d'esclavage[cela est tout à fait juste]) soit payé en moyenne 200 euros, quand on en est pénalement responsable, quand on paye entre 8000 et 25 000 euros d'assurance en responsabilité, quand on a de plus en plus de procédures, quand on travaille 65 heures par semaine, quand on emploie un à trois salariés?

Parlons un peu droit du travail et retraite, puisque tu connais bien le sujet:
je te parle en tant qu'ancien interne et chef de clinique de chirurgie: trouves tu normal que l 'on aie tous fait au moins 500 gardes de nuit entière à l AP, à opérer 24/24 à moins du SMIC horaire toutes les urgences qui se déversent dans les CHU parisiens, sans même que ce travail de nuit ne soit comptabilisé en salaire? connais tu une seule autre profession qui travaillerait de nuit dans des conditions plus que pénibles, sans récupération, sans prime de ci ou de ça, sans droit à une retraite anticipée, (cf sncf et autres...)?
Connais tu une seule profession où le point de retraite vient de baisser de 10% cette année seule, sans que personne ne s'en émeuve?

Le battage médiatique et la campagne de diabolisation des médecins que vous avez orchestrée est tout simplement odieuse [oui]
Nous stigmatiser tous parce que 200 praticiens, identifiés sur la place de Paris ne se conduisent pas bien, c'est de la manipulation détestable
Il y a des gens cupides dans toutes les professions, y compris en politique
Quant tu commences à humilier tes Médecins, c'est comme si tu humiliais ta Justice ou ta Police, c'est vraiment moche, et tu en paieras le prix plus tard: tu vas dégrader le niveau de soins, et tu risques même d'aggraver l'inégalité d'accès aux soins. Sache que les praticiens de renom ne pourront pas brutalement baisser leur train de vie de moitié, et qu'ils se déconventionneront. Jusque là, sans attendre que tu nous le dises, nous voyions tous au moins 30% de patients en tarif opposable, voire GRATUITEMENT, mais ces patients n'iront même plus voir des spécialistes déconventionnés, ils n'auront plus que l'hopital comme recours [le déconventionnement risque effectivement d'être la réponse, et l'Etat aura le contraire de ce qu'il voulait]

Tu te trompes de cible: 99% d'entre nous faisons notre métier avec dévouement et conviction. Le métier de chirurgien est un métier difficile, que l'on fait par passion, non pas par cupidité. Comment peux tu etre méprisante au point de nous réduire tous à si peu de chose?

Si la Santé te tient vraiment à coeur, occupes toi plutôt de diminuer le gaspillage dans la gestion des comptes de la Sécu, les fraudes, les redondances administratives etc...
Et surtout, sois honnête envers toi-même: tu sacrifies les Médecins à l'autel des Mutuelles, là est le vrai problème, l'acceuil triomphal que la mutualité t a réservé en témoigne, et bien sûr c'est pour des raisons de financements politiques réciproques que tu te gardes bien de dire.[j'approuve]
Tu vas jusqu'à censurer les interview qui te compromettent dans les médias, nous commençons tous à en entendre parler. Demande -toi plutôt pourquoi les gens évitent l'hôpital en dehors de l'urgence, alors que l'hopital compte des praticiens extraordinaires, essaie plutôt d'optimiser son fonctionnement, intéresse toi à la Santé plutôt qu'à la Politique

Marisol, tache d'etre juste[elle s'en moque], pour l'instant l'idéologie te met des œillères [pas l'idologie, l'ambition] et tu ne sortiras pas grandie de ces manipulations de l'opinion
Préserve plutôt la qualité de ta Médecine!

avec mon amitié

Arielle