Tous les métiers sont manuels, tous les métiers sont intellectuels
Pourquoi cette idée
d'une absence de différence entre des métiers dits fautivement
manuels et des métiers dits fautivement intellectuelle ? Parce
qu'elle est juste ! Et, aussi, parce que j’observe un fossé
qui n'a pas lieu d'être entre ces métiers dits fautivement manuels
ou dits fautivement intellectuels. Oui, un fossé qui n' a pas lieu
d'être, car nous avons tous une tête et des mains. Et puis, comme
le disait justement Confucius, l'homme n'est pas un ustensile, ce qui
signifie que l'être humain n'est pas comme un objet, limité à
une fonction, qui serait de bouger les mains ou de bouger la tête.
Surtout, comme cela
est discuté au moins depuis Denis Diderot avec sa Lettre
sur les aveugles, nous pensons à partir de données
sensorielles, Oui, il n'y a pas la tête d'un côté et les mains de
l'autre. Les travaus d'intelligence artificielle ont amplement montré
que nos raisonnement se fondent sur un contexte, une culture, un
contexte concret. Sans tout ce qui nous vient des sens, nous ne
pouvons ni raisonner, ni comprendre, ni échanger, ni même agir !
Nos notions sont comparatives, et le rapport au monde concret, perçu
par les sens, est constant ! Je ne fvais pas en faire une
théorie qui a déjà été largement faite, mais je rappelle
simplement qu'il n'y a pas de pensée sans les « mains ».
De même, il y a pas d'individu manuel, dont les mains bougeraient
sans que la tête ne le fasse : que la tête nous aide ou nous
gène, elle est là, et les métiers manuels sont donc parfaitement
intellectuels. La tête intervient dans nos gestes puisqu'elle guide
la main… mais nos mains guident aussi notre tête : quand nous
prenons un verre entre les doigts, c'est la main qui dit à la tête
combien presser pour éviter que le verre ne glisse, insuffisamment
tenu, ou qu'il casse, trop pressé.
Et quand nous
pensons, nos images mentales ne sont que par référence à des
expériences, le monde ayant été « saisi » par les
sens, la « main ».
Bref il n'y a pas de
métier manuel ni de métier intellectuel : il y a seulement
des métiers exercés par des individus qui ont une tête et des
mains.
Chimie et compagnonnage
Tout cela étant
dit, je peux maintenant en arriver à la relation annoncée en titre
entre la chimie et le compagnonnage.
La chimie est une
activité technique, de production de molécules nouvelles. Il est
très nécessaire, d'être parfaitement habile de sa tête et de ses
mains, pour faire de la chimie sans danger, efficacement,
intelligemment. De ce point de vue, la chimie est un métier manuel.
Et intellectuel aussi… comme tous les métiers.
D'autre part, la
chimie transforme la matière, puisque précisément elles change la
nature des corps. Certains ont même dit que son objet est la
transformation de la matière. Elle transforme d'ailleurs bien plus
la matière que ne le fait le tailleur de pierres, que ne le fait le
cuisinier, que ne le fait le bourrelier, que ne le fait
l’électricien, tous métiers du compagnonnage.
Or le compagnonnage
accueille en son sein des métiers qui transforment la matière. Ne
serait-il donc pas parfaitement anormal que le compagnonnage
n'accepte pas la chimie ?
Et la recherche
scientifique ? J'ai largement expliqué, dans d'autre billets,
que les sciences chimiques ne se confondent pas avec la chimie,
puisque dans un cas, il y a des sciences, et dans l'autre de la
technique. Les sciences sont bien l’activité qui met des équations
sur des phénomènes, activité quasi mathématiques, donc. De sorte
que l'on pourrait penser que, cette fois, on est bien loin d'un
métier manuel. Erreur ! Les sciences de la nature ne sont pas
réductibles aux mathématiques (sans quoi on les nommerait
« mathématiques »), car elles partent des phénomènes,
qu'elles quantifient, par des travaux de laboratoire, techniques
donc, pour arriver à des théories (du calcul)… que l'on réfute
par d'autres travaux de laboratoire, à nouveaux techniques.
Autrement dit, les sciences de la nature ont une composante technique
essentielle, qui s'amalgame avec le calcul. Mais le travail de
laboratoire est fondamental, constitutif, indispensable. La
production de données se fait avec les mains, et des mains habiles !
Le physico-chimiste
Martin Karplus, qui a reçu le prix Nobel pour ses travaux de calcul
sur des données chimiques, ne cesse de répéter que les calculs
ainsi faits doivent être absolument validés expérimentalement, et
que sans les travaux expérimentaux, de laboratoire, ses calcul
risquent de n'être que de vaines élucubrations.
De sorte que le
sciences de la nature ont cette composante manuelle qui justifie
parfaitement qu'elles deviennent des métiers du compagnonnage.
Finalement,
j’exhorte mes amis compagnons à réviser leur position : je
les exhorte à élargir les spectre des métiers qu'ils accueillent,
à ne pas rester frileusement crispés sur des métiers techniques
particuliers qui les coupent d'amis qui seraient susceptibles de
contribuer à des rénovations techniques.
Ce n'est pas en
creusant des fossés entre les groupes humains, entre les humains,
que nous parviendront à plus d'harmonie, mais en sachant accueillir
nos amis avec gentillesse, bienveillance, ouverture d'esprit,
intelligence… c'est le croisement des regards qui nous donnera une
vision plus juste du monde et qui, par un bon retour des choses,
contribuera à embellir nos travaux, à faire grandir chacun.
Oui, que vite vienne
le temps où le compagnonnage saura s'ouvrir à des métiers
nouveaux !