mardi 14 mai 2019

Les terrines

Les terrines ? Cela fait longtemps que je voulais faire ce billet, qui devrait éclairer des pratiques, en montrant comment la généralisation est mère de l'invention.

Commençons par considérer un morceau de viande ou de poisson cru. C'est un assemblage de "fibres musculaires", à savoir des "tuyaux" de diamètre microscopique, assemblés en faisceaux. Chaque tuyau est donc composé d'une enveloppe, et d'un contenu.




L'enveloppe : il s'agit d'un "tissu" (pensons à un mouchoir ou à une feuille de papier) fait de fibres, qui sont du "collagène", à savoir des protéines qui s'arrangent en triples hélices, ces triples hélices se disposant les unes à côté des autres. Ces protéines ne font pas coaguler à la chaleur... mais quand on cuit longtemps, on défait le tissu collagénique, et on libère ces protéines... qui, au refroidissement, peuvent faire gélifier une solution aqueuse (un bouillon, par exemple), puisque le tissu collagénique défait engendre la "gélatine".
L'intérieur : il y a essentiellement de l'eau et des protéines, dont notamment deux sortes, qui sont nommées "actines" et "myosines". Celles-ci peuvent coaguler à la chaleur, comme pour les protéines du blanc d'oeuf. 

Broyons maintenant cette chair : le broyage, quand il est soigneux, libère l'eau et les protéines, formant une "pâte". Puis, si nous chauffons cette pâte, on observe la coagulation, parce qu'il y a des protéines coagulantes. Et la masse coagulée est ce que l'on nomme un "gel", puisque, par définition, un tel système est un liquide piégé dans un solide : n'oublions pas que la viande est faite de 75 pour cent d'eau !
Et si l'on avait ajouté de la matière grasse avant la cuisson ? Tant que la quantité est raisonnable, la matière grasse est piégée dans le gel, tout comme l'eau, mais dispersée sous la forme de gouttelettes.
Et si l'on avait ajouté de la mie de pain trempée dans du lait ? La mie de pain est faite d'amidon et de protéines, de sorte que ces molécules seraient venues dans le gel.
Et si l'on avait ajouté de la crème ? La crème est une émulsion, faite d'eau, de protéines et de matière grasse : tout se serait dispersé dans la pâte initiale, et aurait été piégée dans la masse coagulée. Et de la crème fouettée  ? Des bulles se seraient ajoutées, formant une pâte foisonnée.
Et si l'on avait ajouté un alcool (un bon Armagnac, par exemple) ? Il serait venu se dissoudre dans l'eau de la  pâte. 
Et si l'on avait ajouté un blanc d’œuf battu en neige ? Comme pour la crème fouettée, cela aurait fait foisonner la pâte, en ajoutant des protéines qui auraient contribué à la coagulation.
Et si l'on avait ajouté des morceaux plus durs : noisettes, pistaches, etc. ? Elles se seraient dispersé dans la pâte, donnant du croquant à la masse coagulée.
Et si...

On le voit : les possibilités sont innombrables, et l'on peut régler à volonté la consistance finale.
Mais... au fait, pourquoi le nom de terrine ? Ce nom n'est juste que si l'on cuit dans un récipient en terre, nommé terrine. Si l'on avait cuit dans un linge nommé mousseline, on aurait obtenu une mousseline. Si l'on avait poché de petites masses, on auraient obtenu des quenelles. Si l'on avait cuire de  petites boules, on aurait obtenu des boulettes. Si l'on avait frit, on aurait eu des croquettes. Si l'on avait...

Tout est possible, toutes les formes sont possibles, tous les assaisonnements sont possibles.
Mais l'idée de base est simple : de l'eau avec des protéines appropriées peut coaguler à la chaleur !








PS. J'avais oublié : cela fait partie des "commandements" que j'indique dans "Mon histoire de cuisine"


dimanche 12 mai 2019

Fact checking


   Today, questions by a fact checker from a main US journal:

1.  You are a French?
yes, but rather Alsatian
  
2. You are a chemist?
yes (more precisely physical chemist)
   
3. You helped found and name the field of molecular gastronomy ?
I co-created this scientific discipline (rather than "field") and I co-named it "molecular and physical gastronomy", sometimes shortened into molecular gastronomy
   
4. Molecular gastronomy is the scientific study of the physical chemistry that is the foundation of all cooking?
not "the physical chemistry that is the foundation of all cooking", but instead "the mechanisms occuring during food preparation and concumption"
   
5. In 1984, you proposed taking scientific equipment from the laboratory into the kitchen to enlarge the possibilities for the chef.
Not 1984, but since 1980. But it is true that I published it first in 1995 ( Hervé This. La gastronomie moléculaire. L'Actualité chimique, 1995 (5-6), 42-46). And the name "molecular cooking", for such uses, was given by me in 1999 (in Paris, in front of French TV's, during a meeting of the Inicon FP5 project).
   
6. From a practical standpoint, you proposed this because a chef could wait 30 seconds for something using lab equipment as opposed to five minutes using kitchen utensils.
Yes

 7. One way of making foam requires a pressurized whipping-cream siphon.
It could be a simple pump !
   
8. The liquid is first poured into the canister of the siphon then charged with nitrous oxide.
or another gas
   
9. Nitrous oxide is a colorless, flavorless, odorless gas.
yes, but it is "hilarant"
   
10. A liquid with a higher percentage of fat absorbs more gas.
no
   
11. The liquid then expands.
yes
   
12. The liquid's expansion generates bubbles.
no, the gas pushed with the liquid is making bubbles trapped in the liquid
   
13.  Using a siphon allows the foam to achieve a fluffiness that cannot be achieved by manual labor.
perhaps

   
14. Beating egg whites causes its proteins to unfold and stretch out.
yes
   
15. Unfolding and stretching out the proteins allows the egg whites to trap more air.
no,  but when the air bubbles are introduced in the l iquid by the whisk, they are covered by the unfolded proteins
   
16. Beating egg whites causes them to stiffen into peaks.
yes
   
17. Nos. 1–3 describe the process of creaming meringue.
?
   
18. Meringue is a type of foam.
yes
   
19. The following are also examples of foam…
        the crema of an espresso, yes
        the halo of milk in a latte, ?
        the head of a beer, and yes
        the bubbles in Champagne.yes

samedi 11 mai 2019

Quel livre pour qui ?


Pardonnez-moi de ne jamais faire de « tome 2 », de ne pas vouloir surfer opportunistement sur la vague d'un succès, de ne pas faire de feuilletons...
Ayant de l'estime pour mes amis qui me lisent, je ne me résous pas à leur livrer des textes conçus comme des savonettes, en série ; je vois chaque livre nouveau comme un petit travail d'orfévrerie, qui touche une fibre particulière de nous-même.


► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.



Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...



► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».




Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.

►  Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.



Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le Tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.


















Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.



► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».















Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Il est devenu un best seller, en anglais, parce que l'acteur Keanu Reeves a dit qu'il en était fan :
















►  Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.



►  Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) : 





Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.



► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?









Cette fois,  dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.



► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).














Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.



►  Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :














Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.



► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,  avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.












Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.



► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?  (Editions Quae/Belin) :





















Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.




► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).














Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !




► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes










► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que  furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux  cuisiner.







►  En 2017, un roman philosophique (un traité de la joie de vivre, transformé en roman d'amour qui finit bien), doublé de recettes de cuisine analysées, le tout structuré (en apparence) par une réflexion sur le terroir et la tradition :



Cet après midi, un message amical qui m'a fait longtemps réfléchir :

Cher Monsieur,
je suis en train de regarder le message où vous dites avoir déjà beaucoup parlé de la béarnaise.
Et je me fais la remarque que c'est très difficile de retrouver tous ces endroits. Pourtant ça serait très intéressant puisqu'à chaque fois vous ajoutez quelque chose de nouveau. Cette fois-ci, le concept étrange de suspension émulsionnée. Vous devriez mettre des mots clés. Et faire une base de données privée avec tout ce matériel: tweets, billets de blog etc. Sinon c'est tout  un trésor de pédagogie et de vulgarisation qui se perd. Vous en avez conscience j'espère.



Et ma réponse : 

Oui, je publie dans des endroits variés, mais cela prendrait sans doute encore plus de temps de mettre de l'ordre... et cela ne m'amuse pas ! D'où des livres, périodiquement, où, là, je fais un effort d'organisation, de cohérence !
 
Et rien ne se perd, puisque tout est en ligne.
 
Au fond, ce n'est pas si compliqué. Il y a :
- mon blog Google, où j'ai regroupé tous mes blogs qui étaient séparés : là, on peut utiliser la fonction de recherche, pour trouver un sujet parmi mille ;
- des billets AgroParisTech
- des billets quotidiens Inra
- quelques blogs Pour la Scienc
- plus les articles dans des revues variées
Mais, tout cela est pour des interlocuteurs différents, d'où pas de redondance.
 
bon samedi
 
 
PS. J'ai oublié mon site... où c'est également ordonné. Et je vais faire un autre billet pour expliquer mes livres, et leurs destinataires. 





Méfions-nous de nos ignorances... et de l'information qui nous est donnée !



Il y a des raisons d'être optimiste : alors que des idéologues jouent les marchands de cauchemars, jusque dans une presse qui devrait être de service public, on voit des esprits raisonnables s'élever contre les mensonges délivrés publiquement. Cela fait chaud au coeur d'être dans une communauté rationnelle !
Mais il est encore plus merveilleux de voir des collègues plus jeunes se lancer dans le salutaire combat de la Raison : tout n'est pas perdu, bien au contraire.
Cette introduction générale pour partager avec mes amis un message reçu après une conférence que j'avais eue le plaisir de faire à l'Ecole de chimie de Rennes, par un étudiant de première année, et que je livre (avec son accord) :

Récemment, j'ai pu mener une petite expérience "sociale" sur quelques camarades de promo. Avec deux autres étudiants, nous devions préparer un exposé pour un cours d'anglais. Le hasard faisant que l'exposé allait se passer le 1er avril, j'ai proposé à ceux qui faisaient l'exposé avec moi de parler de science dans les médias.
Nous avons donc présenté à la classe trois sujets controversés dans les médias, en leur expliquant qu'au vu de la date particulière, nous allions leur présenter des arguments volontairement erronés, et qu'ils devraient les trouver pendant la présentation, puis nous les donner à la fin de celle-ci.
Nous avons donc présenté des arguments contre les vaccins, contre les ogm, et contre le glyphosate. Ce que la classe ignorait, c'est que l'intégralité des arguments que nous proposions étaient faux. A la fin, ils ont rebondi sur les vaccins et un peu sur les ogm, pensant avoir trouvé tous les pièges. Nous avons donc confirmé l'absence de risque pour les vaccins et les ogm sur la santé.
Je leur ai ensuite posé la question : "Qui savait, avant l'exposé, que le glyphosate donnait le cancer ?" (j'ai volontairement utilisé le verbe "savoir" pour qu'ils soient moins hésitants sur la réponse, le but étant de les interpeller sur leurs erreurs). Les trois quarts ont levé la main. Puis, j'ai repris et démonté tous les arguments que je leur avait auparavant présenté contre le glyphosate (j'ai simplement repris ceux d'Envoyé Spécial).
Ils furent très réceptifs et personne ne s'est offusqué, bien que quelques approfondissements furent demandés. Notre professeur d'anglais a alors très justement dit : "Si une classe de scientifiques comme celle-ci peut se construire un avis complètement erroné sur un sujet, simplement parce qu'ils ont été influencés par les médias qui se fichent des faits scientifiques, comment une personne normale a-t-elle la moindre chance de détecter des tromperies présentées comme scientifiques ?".
Cette question n'a probablement pas de réponse, mais peut-être qu'il existe des pistes pour résoudre le problème qu'elle soulève : comment rendre les gens moins crédules face à tout ce qui les choque dans les médias, et comment leur (re)donner confiance en la science ?"


Ce message est d'autant plus réconfortant que, lorsque j'étais à l'Ecole de chimie de Rennes, une classe de lycéens de Concarneau avait été récompensée pour un travail montrant qu'il n'existait pas de lien entre vaccination et autisme : merveilleux professeurs que ceux qui avaient encadré les élèves !

Conservation de sorbets et glaces

Ce matin, une question à propos de l'utilisation de l'azote liquide, pour la réalisation de glaces ou de sorbets :

Quelles sont les conditions de conservation d’une glace réalisée avec de l’azote liquide ?
J’ai cru comprendre que la texture de ces glaces était dû à la taille et à la forme des cristaux formés via une réfrigération rapide versus standard.
Mais est-ce seulement une question de température (dans ce cas quelle serait la limite) ou d’autres paramètres rentrent-ils en compte ?


Il faut rappeler que l'on ne manipule l'azote liquide qu'avec des précautions :
- lunettes (très important : une goutte dans l'oeil et l'on est aveugle)
- loin de ceux qui n'ont pas de lunettes (les projections sont fréquentes, parce que l'azote liquide est très... liquide)
- stockage dans un récipient qui N'EST PAS hermétiquement fermé (sans quoi cela exploserait)
- et autres...

Cela étant dit, la réponse à la question posée doit commencer par une explication du  mécanisme de la formation des glaces et sorbets (voir le détail dans Mon histoire de cuisine) :
- de gros cristaux se forment quand la cristallisation est lente
- de petits cristaux se forment quand la cristallisation est rapide.
Avec l'utilisation de l'azote liquide, la cristallisation se forme en quelques dizaines de secondes (bien plus vite, donc, qu'avec une sorbetière), de sorte que les cristaux sont très petits.
D'où la consistance bien supérieure, pour les sorbets et glaces à l'azote liquide, par comparaison avec les sorbets et glaces faits à la sorbetière.


Mais la question du stockage est différente. 

Une fois que l'on a une glace ou un sorbet (quel que soit son mode de préparation), il peut évoluer, surtout quand la température est fluctuante... et cette évolution conduit à un grossissement des cristaux : les plus petits disparaissent au profit des plus gros. Et la consistance devient donc moins intéressante que lorsque les glaces et sorbets ont attendu, parce que, alors, ils n'ont plus cette consistance due à leurs tout petits cristaux.
D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle les industriels qui vendent des glaces ajoutent (le plus souvent) des "polysaccharides", composés cousins de l'amidon, qui ralentissent considérablement le grossissement des cristaux... mais au détriment de la qualité gustative.
Cela étant, si l'on n'ajoute pas ces composés, un sorbet azote liquide ou un sorbet sorbetière : c'est le premier qui gagne quand même, parce qu'il part de plus loin !


Au fait, revenons à la question : il s'agissait de bien conserver une glace à l'azote liquide. Et c'est la même question que pour n'importe quelle glace, à savoir que plus la température de stockage est basse, meilleur le résultat. Et, comme dit, des polysaccharides sont utiles pour des stockages plus longs (quel intérêt ?) : pectines, agar-agar, gomme arabique, gomme guar... Ils sont extraits de matières naturelles, comme je l'explique, donc, dans Mon histoire de cuisine, où je fais une "histoire morale et naturelle" de ces produits.


vendredi 10 mai 2019

Florilège d'inepties. Je me réserve d'en ajouter

Le bio est bon pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent.. Mais je veux surtout rappeler ici que le bio n'est pas un critère de qualité ; c'est seulement un cahier des charges et que cultiver bio maladroitement peut conduire à faire des fruits et légumes malsains.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai toujours affiché un intérêt pour l'agriculture raisonnée : quand on raisonne, on fait mieux que quand agit comme un automate idiot.


Les vaccins provoquent l'autisme : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On rappellera que la relation prétendue entre vaccination et autisme a été très soigneusement étudiée, et qu'il a été établi qu'elle était fausse. Elle avait été avancée au début des années 1990 par un article frauduleux publié par le Lancet, article qui fut caractérisé comme "sans doute la plus dommageable des fraudes médicales des 100 dernières années". Cet article scandaleux fut publié par le médecin  (il ne mérite pas ce titre), rétracté en 2010... mais il  reste cité par des  anti-vaccinistes.
Terminons en donnant des informations attestées :

Le 28 janvier 2010, un tribunal de 5 membres de l'Ordre anglais des médecins (GMC) prouva la véracité de plus d'une trentaine des inculpations contre Wakefield, parmi lesquelles quatre inculpations pour « malhonnêteté », et douze pour abus contre enfants victimes de troubles du développement. Le tribunal a jugé que Wakefield a « failli à son devoir de consultant responsable », a agi contre l'intérêt de ses patients, « malhonnêtement et de manière non responsable » lors de son étude. The Lancet rétracta immédiatement et complètement la publication de l'étude de 1998 de Wakefield sur la base des résultats de l'enquête du GMC, notant que des éléments du manuscrit furent falsifiés. Wakefield fut radié du registre médical (c'est-à-dire renvoyé de l'Ordre des médecins) en mai 2010 et n'est plus autorisé à exercer la médecine au Royaume-Uni.
En janvier 2011, un article de Brian Deer publié dans le British Medical Journal identifia les travaux de Wakefield comme une « fraude élaborée ». Dans un article faisant suite à ce dernier, Deer affirme que Wakefield prévoyait de lancer une entreprise s'appuyant sur une campagne de propagande anti-vaccins. Un prospectus pour les investisseurs potentiels dans l'entreprise de Wakefield suggérait qu'un test de dépistage pour la maladie que Wakefield voulait appeler « entérocolite autistique » pouvait produire jusqu'à 28 millions de Livres Sterling de revenus (plus de 32 millions d'euros), avec des tests de dépistages effectués dans le cas de litiges entre patients et médecins comme marché initial, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Cependant, entretemps, l'étude de Wakefield ainsi que les recommandations publiques contre l'utilisation du vaccin combiné ROR furent liées à un fort déclin des taux de vaccinations au Royaume-Uni ainsi qu'à une augmentation des cas de rougeoles y correspondant, le tout résultant en de sérieux troubles de la santé ainsi que plusieurs décès.



Les OGM provoquent des cancers : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. D'autre part on rappellera que des milliards d'êtres humains dans le monde mangent depuis des décennies les fruits et légumes OGM, et en souffrent si peu parce que la population mondiale ne cesse d'augmenter !


Les additifs sont mauvais pour la santé : rien que cette généralisation est idiote, ou ignorante, ou malhonnête, selon les personnes qui la profèrent. On voudrait bien laisser des imbéciles ou  ignorants continuer à avoir de telles idées, mais il y a le risque qu'ils influencent des âmes qui ne sont pas gauchies, et que  cela conduise à des décisions collectives coûteuse, et nous pâtirons  nous-mêmes, qui sommes (hélas) dans la même collectivité que ces individus pernicieux. Il y a donc lieu de combattre les idées fausses et irrationnelles.


Il y a des risques à consommer des aliments qui contiennent des additifs : là, c'est particulièrement ineptes... parce que c'est juste, mais, surtout, parce qu'il y a la confusion entre danger et risque.
Par exemple, un couteau est dangereux, à savoir qu'il peut tuer. La vraie question n'est donc pas le danger, mais le risque, à savoir que si l'on veut éviter des accidents, il vaut mieux ranger le couteau dans un tiroir que de se le suspendre au dessus de la tête par un fil de soie !
De même, pour tous les composés de notre alimentation, jusqu'à l'eau. Par exemple, un consommation excessive d'eau peut provoquer de graves troubles. Et chaque composé de notre alimentation est "dangereux" à des degrés divers. Par exemple, le sucre est cariogène... mais il y en a (du "saccharose") dans tous les tissus végétaux, d'où la saveur douce des carottes, oignons, etc. Ou l'acide acétique glacial (cela signfie "pur") est très acide... mais on serait idiot d'en consommer pur, et, en dilution, on peut faire des solutions moins acides que du jus de citron ou que des framboises.
Mais c'est là un gros sujet, et je renvoie à mille billets précédents.


La nature est bonne : ben voyons,  le lion, la peste, le choléra, la foudre sont notoirement connus pour être favorable à la vie humaine.


Vins ou aliments "naturels" : c'est mensonger, car est naturel ce qui n'a pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Tout aliment est artificiel, et idem pour le vin. En revanche, on peut parler de yaourt nature, de vin nature, à la limite.


Aliments ultratransformés : notion idiote ou malhonnête, ou idéologique (une idéologie qui conduit à mentir est donc malhonnête), comme nous l'avons montré dans une séance de l'Académie d'agriculture de France. Voir : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/des-matieres-premieres-agricoles-aux-aliments-quel-impact-des?020518