mercredi 28 mai 2025

Un commentaire à propos de mayonnaise

 Discutant la précision culinaire fautive selon laquelle la moindre trace de blanc d'oeuf préviendrait la constitution de la sauce mayonnaise, je reçois un commentaire : 

Moi je met un œuf entier, une cuillère à café de moutarde et l' huile dans un verre doseur. Je mélange le tout au mixeur et jamais je ne loupe ma mayonnaise ! On peut augmenter la quantité de moutarde suivant qu'on l'aime plus ou moins relevée. 


Pardon de vous contredire, mais si vous mettez de la moutarde, ce n'est plus une sauce mayonnaise que vous faites, mais une sauce rémoulade ! Un autre système physico-chimique, avec un autre comportement physique.

Liquéfier une gelée sans la chauffer ?

 Je vois un commentaire ancien que je modère (= j'en accepte la publication) : 

bonjour,
je dois liquéfier une gelée de boeuf sans la chauffer, est-ce possible?
y a t'il un produit miracle?

 

La réponse est simple  : si cette gelée de boeuf est due à la gélatine, alors il suffit d'injecter très peu d'une solution contenant des enzymes nommées protéases, et cela se défera en quelques heures. 

Où trouver cela ? Du jus d'ananas frais fait l'affaire, mais aussi du jus de papaye, de figue, de cassis...

Réfutation d'un commentaire ancien

A propos de la découverte du gluten, j'avais discuté le nom du chimiste strasbourgeois qui avait proposé la technique de lixiviation expliquant qu'il y avait eu des hésitations sur le nom. 

Or je reçois un commentaire : 

Il s'agit bien de Kessel-Meyer dont la thèse traduite en Français est disponible sur le site de la BNF https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5412435r/f36.item

Mais pardon, non :  ce texte est celui venu plus tard et il est fautif. Moi, j'ai eu entre les mains la thèse de Johannes Kesselmeyer, produite par lui-même, et lui-même signe Kesselmeyer, pas Kessel-Meyer ! 

Voir à ce sujet mon article Hervé This. Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation?. Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, 2018, 3, pp.1-11. ⟨hal-01852558⟩ 

De la potasse dans les cendres ?

Lors d'une discussion récente avec des collègues, nous avons évoqué le fait que les cendres de bois contiennent des bases. 

Et j'ai souvent dit qu'il s'agissait que les cendres de bois contenaient de la potasse, d'hydroxyde de potassium. 

 

Pourtant, récemment, alors que mon attention n'était pas complètement fixée sur les paroles d'un intervenant, je suis allé en ligne faire une recherche bibliographique parce que je voulais savoir la quantité de potasse que l'on trouvait dans les cendres...  et c'est ainsi que j'ai découvert qu'il y avait des cendres de différents types :  certaines contiennent effectivement de l'hydroxyde de potassium, mais d'autres de l'hydroxyde de sodium, ou de calcium, par exemple. 

Plus généralement, la nature des cendres dépend de la nature des matières végétales que l'on brûle. 

mardi 27 mai 2025

À propos de liaisons vers l'arrière du plan de la feuille

Ce billet-ci est un peu ésotérique mais je fais part d'une idée que j'avais trouvée il y a quelques temps et que j'ai oublié de partager. 

Il s'agit de représenter les molécules quand elles ne sont pas planes. Classiquement, pour indiquer une liaison chimique qui irait au-dessus du plan de la feuille, on représente ce cette liaison sous la forme d'un triangle noir avec la partie élargie la plus proche de l'observateur, pour donner une sensation de perspective. 

Pour décrire maintenant une liaison qui serait à l'arrière de la feuille, on utilise encore un triangle, mais hachuré. 

Bien souvent, des chimistes représente ces dernières liaisons vers l'arrière avec la partie étroite vers l'atome du plan de la feuille, mais il y a un certain illogisme, car la perspective n'y trouve plus son compte. 

Dans le Journal of chemical education, un collègue a fait justement observer que l'on ferait mieux de le représenter la partie large sur l'atome du plan de la feuille avec le triangle s'amincissant vers l'arrière. C'est devenu ma pratique. 


 

Pourquoi les pommes dauphines gonflent-elles dans de l'huile alors que les gnocchis ne gonflent pas dans l'eau ?

Pourquoi les pommes dauphines gonflent-elles dans de l'huile alors que les gnocchis ne gonflent pas dans l'eau ?

Quand il y a un gonflement, en cuisine, c'est principalement parce que de l'eau s'évapore : on  conservera à l'idée qu'un petit gramme d'eau liquide (soit un volume égal à un cube de un centimètre de côté)  fait  un litre et demie de vapeur.  

Or les aliments sont fait essentiellement d'eau, et notamment la purée de pommes de terre éventuellement mêlée à de l'œuf pour un appareil de pommes de terre dauphines. 

Plongé dans l'huile à 170 degrés, ce appareil à pommes Dauphine est chauffé par l'extérieur, ce qui évapore son eau externe (on voit une abondance de bulles) et conduit à la formation d'une croûte. 

Mais bientôt l'intérieur de la croûte se trouve à 170 degrés, et l'eau de l'appareil qui n'a pas encore croûté s'évapore. Cette fois cette vapeur n'est plus libre de partir dans l'huile, puisqu'il y a la croûte, et elle repousse la croûte, avant que davantage de croûte ne soit formé. Le phénomène est le même qu'avec de petits choux : on doit le gonflement, puis le croûtage externe, puis la fissuration de la croûte formée, puis de nouveau la fissuration. 

Avec des échaudés (pâtes, gnocchis, etc.) placés dans l'eau chaude, il en va très différemment, parce que, en présence d'eau, il ne peut pas y avoir de croûtage : l'amidon présente se limite à s'empeser. Et des bulles de vapeur pourraient alors parfaitement s'échapper... si elles se formaient parce que en réalité, il s'établit une variation de température entre les 100 degrés de l'extérieur et les 20 degrés initiaux de l'intérieur. Avec des températures toujours inférieures à 100 degrés, donc, pas d'évaporation,  pas de gonflement.  

Cinq pour cent de phase continue dans les émulsions

Oui, il faut environ 5 de phase continue pour former une dispersion telle qu'une émulsion. 

Les dispersions colloïdales sont fréquences en cuisine : ce sont les mousses, les suspensions, les émulsions... Dans tous ces cas, il y a une phase dispersée dans une phase continue. Une phase continue, cela signifie que l'on peut aller du haut en bas, de droite à gauche et d'avant en arrière en restant toujours dans la même phase :  cette phase peut-être un gaz, un liquide, un solide. 

Les phases dispersées, elles, sont... dispersées, c'est-à-dire discontinue. Par exemple, dans une émulsion,  il y a des gouttelettes d'huile dispersées dans une solution aqueuse ou l'inverse. 

Pour commencer,  pensons que les structures dispersées sont comme  des sphères dans une boîte, ou des oranges sur un étal de marchand des quatre saisons. Avec des sphères qui seraient toutes de la même taille, la détermination de l'empilement le plus compact est un vieux problème mathématique et l'on sait calculer qu'il faut un minimum d'environ  30 pour cent de phase continue, entre les sphères. C'est ce que l'on nomle l'empilement compact. 

Mais pour des émulsions telles que la mayonnaise, par exemple, d'une part les gouttelettes d'huile ne sont pas des sphères, et, d'autre part elles ne sont pas toutes de la même taille. 

Or on comprend facilement que l'on puisse mettre plus de sphères s'il y en a de grosses et de petites : avec les grosses, faisons un empilement compact, puis plaçons les petites dans les espaces laissés par les grosses sphères. Mathématiquement, si l'on dispose de sphères de toutes les tailles voulues on peut emplir l'espace entièrement  : c'est le problème de la baderne d'Apollonius, du nom d'un mathématicien de la Grèce antique. 

De même, avec des objets dispersés qui peuvent se déformer on comprend, en caricaturant, que s'ils forment des cubes, l'empilement est complet. 

 

Toutefois en pratique, on comprend qu'il faille une certaine épaisseur de phase continue entre des sphères voisines ou même entre des sphères déformées. Par exemple, si deux gouttes d'huile venaient au contact, elles fusionneraient. Au minimum, il faut une couche de molécule qui sépare les gouttes d'huile. Ce serait très instable. Pensons à environ 5 pour cent de phase continue.

Cela a des conséquences culinaires, et notamment pour des sauces émulsionnées chaudes, pour lesquelles la solution aqueuse s'évapore progressivement, quand elles restent sur le coin du fourneau avant le service : une cause de ratage des hollandaises, béarnaises, par exemple (certes, ce sont plutôt des suspensions que des émulsions, mais il faut quand même que la matière grasse y soit émulsionnée).