lundi 24 mars 2025

Qu'est-ce qu'une tarte à la Bourdaloue ?

 Aujourd'hui, de nombreux pâtissiers croient que la "tarte à la Bourdaloue" est une tarte aux poires... mais c'est une erreur. 

Pour bien comprendre il faut savoir que Bourdaloue était un prédicateur célèbre, dont les sermons faisaient courir le Tout-Paris. Il avait un chapeau avec un cordon tout autour et c'est donc le cordon qui a imposé la dénomination culinaire "à la Bourdaloue" : il faut un ruban de pâte. 

Or c'est ce qu'ont toutes nos tartes actuelles : toutes sont à la Bourdaloue ! 

Là, il faut aller doucement, et d'abord pour signaler que, jadis, on ne parlait pas de "tartes", mais de  tartelettes : le mot "tarte" est un anglicisme qui s'est introduit plus tard. 

Ces  tartelettes étaient faites d'un disque de pâte sur lequel il y avait la garniture, par exemple des fruits, et notamment des poires.
On devrait donc parler de tartelette aux poires pour un disque - quel que soit sa taille - sur lequel il y a des poires. 

Mais s'il y a un rebord en pâte, alors c'est une tartelette à la Bourdaloue,  et il n'est pas nécessaire d'avoir un cordon pâte par-dessus. Et ce n'est pas nécessairement aux poires (sauf pour les tartes aux poires, bien sûr).

Bref, nous ne savons pas très bien ce que nous disons quand nous parlons et tout cela mérite une révision pour bien comprendre. Il n'est pas nécessaire d'avoir des bords sur les tartelettes, les tartes sont des anglicismes, et la Bourdaloue n'est que la présence du cordon de pâte.

dimanche 23 mars 2025

Du sel ou du jus de citron dans les blancs en neige ?

C'est amusant de voir comment, bien souvent, nous nous focalisons sur des détails, au lieu de considérer le "premier ordre", le plus important. 

Ainsi, à propos de blanc que l'on bat en neige. Un ami me demande si le sel ou le jus de citron sont utiles "pour le blanc en neige". Pour le blanc en neige : que veut-il dire ? Pour la bonne réalisation d'un blanc en neige ? Pour l'obtention de plus de mousse ? Pour la tenue ? Pour éviter le grainage ? 

Renseignement pris, je m'aperçois qu'il n'avait guère d'idée claire, à ce propos, et il me répond "pour le volume". 

Là, je suis en mesure de lui dire que nos expériences n'ont pas montré de différence de volume, ni avec le sel ni avec le jus de citron... et pour cause : au premier ordre, la question de faire un blanc en neige revient à celle d'accumuler des bulles d'air dans un liquide. Le volume final est limité par la quantité d'eau présente... et c'est cette analyse qui m'a permis de battre le record du monde du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc, soit plus de 40 litres, parce que j'ajoutais de l'eau chaque fois que le blanc était bien ferme. 

Avec le sel, la quantité d'eau ne change pas. Avec le jus de citron, elle ne change notablement que si l'on ajoute beaucoup de jus de citron. Dans les deux cas, on se moque en réalité un peu de l'état des protéines, car ce n'est pas le facteur limitant. 

Mon ami, à cette réponse, change de questionnement, et m'interroge sur la tenue des blancs en neige. Et je lui demande pourquoi, sachant que la tenue est en réalité assez bonne. Il me cite alors la confection de meringues... mais il ignore alors l'expérience qui consiste à diviser un blanc en neige en deux moitiés, à ajouter du sucre dans une seule des moitiés, et à battre autant, à nouveau, les deux moitiés : on voit que les bulles du blanc sucré sont bien plus petites que les bulles de l'autre moitié, non sucrée, et donc la tenue est bien supérieure avec du sucre, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'effet du sel, ou du jus de citron, ou du cuivre. A nouveau, la leçon est : regardons les choses au premier ordre !

samedi 22 mars 2025

De l'éthique ? Ou simplement de l'honnêteté ?

Un mauvais article que je lis montre merveilleusement une faute courante dans les rapports bibliographiques ou dans les articles scientifiques : la citation d'auteurs qui ne sont pas les premiers à avoir proposé une idée ou établi un fait. 

Commençons par donner la règle : quand on cite une idée ou quand on rapporte un résultat, il faut faire référence à la personne qui a proposé cette idée ou établi ce résultat pour la première fois. 

Et c'est une faute (pas seulement une erreur) que de faire référence, non pas à ces personnes "primaires", mais à des personnes qui ont cité les personnes primaires, ou à des personnes qui citaient des personnes qui citaient les personnes primaires, etc. 

Notamment, prendre n'importe qu'elle référence où apparaissent l'idée ou le résultat sont un travail paresseux et malhonnête. 

Les institutions scientifiques disent que cela n'est pas "éthique", et elles justifient cela en expliquant que l'on prive  le découvreur de la paternité de sa découverte, qu'on ne le fait pas profiter de son travail, qui, bien cité, conduirait à le faire progresser dans sa carrière, mais j'y voir plus une question d'honnêteté que d'étique. 

De même,  quand on reprend une figure dans un document, il s'agit d'honnêteté au sens légal du terme que d'avoir le droit de reproduire cette figure et de citer évidemment celle où celui à qui elle appartient : cela relève de la loi sur la propriété intellectuelle. 

 

Et là, je sors de la relecture d'un article par une personne qui avait pourtant reçu de ma part le cours où  j'avais expliqué  que chaque phrase devait être assorti d'une référence ( https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/comment-faire-des-syntheses-de-recherche-bibliographique-how ) . Et notre auteur de citer le même article (assez récent, secondaire) 4 fois de suite pour 4 phrases qui s'enchaînent ! Il a contrevenu aux règles de l'honnêteté. 

Et je ne parle là que du tout début du texte car le reste est exactement à l'avenant. 

La référence qui est donnée quatre fois, d'ailleurs, est une référence secondaire et notre auteur n'a pas pris la peine d'aller chercher les références primaires :  c'est le signe manifeste d'un travail bâclé, et qui contrevient aux règles que j'ai donné dans le cours rédigé entièrement que je lui avais transmis. 

D'ailleurs, ce même auteur renvoie toujours à ce même article à propos d'une figure qui pourtant était correctement référencée dans l'article (secondaire) qu'il cite. 

Il y a bien pire dans ce rapport (scientifiquement très faible), mais en tout cas ce document a le mérite de bien montrer comment doivent être les références dans un texte scientifique. De le montrer en négatif bien sûr !

vendredi 21 mars 2025

La pâte à choux, c'est de la "pâte royale"

 

Relisant la Suite des dons de Comus, un livre de cuisine publié par François Marin en 1742, je trouve une recette de "pâte royale" qui correspond en tout point à ce que nous nommons aujourd'hui une pâte à choux. 

Tout y est :  le dessèchement, l'ajout des œufs un par un jusqu'à ce que la consistance commence à devenir trop molle, et cetera. 

Notre pâte à choux serait-elle donc une pâte royale ? Consultant le Glossaire des métiers du goût ( https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout ) je vois qu'un correspondant m'avait donné sans référence, ce qui est évidemment signalé, une origine (au conditionnel !) de cette pâte,  qui aurait été initialement une "pâte à chaud" avant de devenir la pâte à choux. 

Mais je vois aussi que figure dans ce paragraphe de définition une mention de Carême qui aurait amélioré la pâte alors qu'en réalité la recette de François Marin est exactement celle que nous connaissons.

 Je supprime donc cette mention de Carême qui n'a pas lieu d'être mais il reste à régler cette question de l'origine présumé de la pâte au 16e siècle, pour laquelle je n'ai aucune référence. 

 

jeudi 20 mars 2025

Hydrolyse, Sublimation

On m'interroge à propos de sublimation et d'hydrolyse et je me propose de répondre ici en prenant mon temps pour que les choses soient bien claires. 

Pour cette réponse, la méthode sera de partir du macroscopique, ce que l'on voit à l'oiel nu, pour aller au microscopique  puis au supra moléculaire  avant d'arriver au moléculaire.

 

Commençons par la sublimation. 

Un exemple est celui que l'on observe quand on met un morceau de viande dans un sac imperméable et  fermé, dans un congélateur, pendant très longtemps. 

La viande semble sécher un peu mais au fond guère car quand on la décongèle, on retrouve la viande presque comme on l'avait mise. Un peu plus dure, toutefois, et, ce qui est intéressant à observer, c'est l'apparition de glace dans le sac. Comment cette glace est-elle apparue ? 

Dans la viande congelée, la microscopie aurait montré que l'eau de la viande forme des cristaux de glace, mais, en outre, un "super microscope" aurait peut-être montré une couche d'eau liquide autour de ces cristaux : une couche de molécules ?

En tout cas,  il semble donc que l'eau est passé de l'état de glace dans la viande à l'état de glace à l'extérieur de la viande. 

Le niveau "supramoléculaire", maintenant, c'est celui des associations de molécules et le niveau moléculaire correspond aux "réactions" entre molécules, aux changements des molécules lors de réarrangements de leurs atomes. 
Sans attendre, disons qu'il n'y a pas de transformation moléculaire  dans la sublimation : les molécules finales sont les mêmes que les molécules finales ; ces dernières  n'ont pas  été brisées, ne se sont pas associées en nouvelles molécules par des réactions. Il n'y a pas eu de réactions  "chimiques". 

C'est  au niveau supramoléculaire, des "regroupements de molécules" par des "interactions faibles" qu'il s'est passé quelque chose. Pour expliquer cela, commençons par considérer de l'eau liquide : un super-microscope montrerait qu'elle est faite d'objets très petits (que l'on nomme des molécules d'eau), qui bougent en tous sens, qui grouillent, à des vitesses qui dépendent de la température : dans l'eau liquide, les molécules peuvent bouger beaucoup, mais quand on refroidit de l'eau, alors les molécules ralentissent, se collent les unes aux autres, s'associent, s'empilent régulièrement (pensons à des tas d'oranges, à des cubes),  formant des cristaux de glace. Les molécules vibrent encore sur place, mais ne peuvent plus changer de position. C'est cela, la glace. 

D'ailleurs j'ajoute aussitôt que l'expérience initiale de viande congelée pourrait se faire avec un glaçon que l'on mettrait dans un sac  : là encore on verrait de la glace arriver dans le sac en dehors du glaçon. C'est toujours cela le phénomène de la sublimation. 

Comment cela a-t-il eu lieu ? En réalité, dans les molécules d'eau à la surface de la glace, il y en a de plus ou moins rapides, et les plus rapides peuvent s'échapper ;  comme elles arrivent alors dans un milieu (l'air) où la température est inférieure à la température de congélations, elles ralentissent... et forment  des cristaux de glace. 

Au fond, cela ressemble à ce que l'on observe quand on chauffe de l'eau dans une casserole : les plus rapides des molécules s'échappent de l'eau liquide, arrivent dans l'air, lequel est froid, de sorte que les molécules d'eau s'associent à nouveau, formant des gouttelettes d'eau. En réalité, la fumée au-dessus d'une casserole où l'on chauffe de l'eau est faite de goutte d'eau, et ce sont des gouttes que l'on voit, pas les molécules individuelles du gaz nommé vapeur.

Mais c'est là un autre phénomène que je ne veux pas discuter maintenant. La sublimation, c'est le mouvement des molécules d'eau, à partir de l'état solide (la glace), jusque dans l'état gazeux (l'air du sac), puis de nouveau à l'état  de  glace (celle du sac, à l'extérieur de la viande).

 

Passons maintenant au phénomène de l'hydrolyse 

 

L'hydrolyse, contrairement à la sublimation, ne concerne pas les associations de molécules, mais leurs réactions. Dans l'hydrolyse, les molécules en fin de transformation, sont différentes des molécules initiales. L'hydrolyse est une réaction (chimique). 

J'insiste un peu pour faire comprendre : si l'on part d'une molécule, quelle qu'elle soit, elle est faite d'atomes, liés par des "liaisons chimiques". 

Par exemple, si l'on casse une molécules (par exemple en chauffait très fort : pensons à la préparation du caramel), alors on obtient de nouvelles molécules, les atomes de la molécules initiales s'était liés de façons différentes. En l'occurrence, il s'agirait là d'une dissociation. Mais on peut aussi imaginer que des molécules de deux sortes différentes réagissent et s'associent : ce serait, par exemple, une condensation. Bref, il y a des réactions différentes, et les hydrolyses sont des fragmentations particulières, avec l'intervention de molécules d'eau, qui apportent des atomes d'hydrogène et d'oxygène. 

Insistons : hydro pour eau, lyse pour division. Et une molécule d'eau est faite d'un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. Toutes les molécules d'eau sont identiques : toutes ont un atome d'oxygène lié à deux atomes d'hydrogène. 

 

Mais arrivons, comme nous l'avons annoncé en début de billet, à la méthode : d'abord un exemple macroscopique, en l'occurrence, nous examinons la cuisson des nouilles dans de l'eau. 

Supposons que nous partions de nouilles dont toutes les molécules sont des molécules d'amylose. 

L'amylose est un des deux composés de ces petits grains blancs qui constituent la fécule ou l'amidon. Ces grains sont faits de couches concentriques de deux sortes de molécules, qui ont pour nom amylose et amylopectine. Autrement dit, un grain d'amidon est fait de molécules d'amylose et de molécules d'amylopectine. 

Pour mieux nous représenter les choses, pensons que les molécules d'amylose sont comme des "fils", et les molécules d'amylopectine comme des arbres (ramifiés). 

Concentrons-nous pour simplifier sur les molécules d'amylose. On peut les comparer à des fils, comme je viens de le faire, mais on pourrait aussi dire que ce sont des chaînes, linéaires, parce qu'elles sont  formées par la répétition d'un même motif : des atomes organisés en "anneaux", lesquels sont nommés "résidus de D-glucose". 

Ne nous focalisons pas sur la difficulté de ce nom, et prenons-la seulement pour désigner les anneaux. 

Si nous chauffons les nouilles dans l'eau, si nous "cuisons", alors il se passe un phénomène que nous ne voyons pas à l'oeil nu, mais qui est bien réel pourtant et que l'on peut mettre en évidence en utilisant un réactif nommé liqueur de Feheling :  la liqueur de Feheling est un liquide bleu qui a la propriété de devenir rouge quand il est en présence de molécules de D-glucose. 

Or, avant la cuisson, la liqueur de Fehling bleu reste bleu e quand on la met dans la casserole  avec les nouilles et l'eau. Mais après la cuisson, elle devient rouge... ce qui est le signe que les molécules d'amylose ont été dégradées, et ont libéré du D-glucose dans l'eau : des anneaux ont été détachés des chaînes, et cette réaction est une "hydrolyse", parce qu'il a fallu une réaction des chaînes d'amylose et des molécules d'eau. 

Dans la réaction, les molécules d'eau ont  apporté des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogène, qui se sont répartis entre le bout des chaines coupées et les résidus de D-glucose ; recevant des atomes, les résidus de D-glucose se sont transformés en molécules de D-glucose. 

Il y a de nombreuses hydrolyses en cuisine, avec des "polysaccharides", comme précédemment, mais aussi  quand des protéines sont chauffées : là aussi, dans certaines conditions, les molécules de protéines peuvent perdre de leurs anneaux : des "résidus d'acides aminés" se transforment en molécules d'acides aminés, qui viennent dans l'eau environnante. 


Un autre exemple celui de l'hydrolyse des triglycérides. 

Cette fois-ci,  nous partirons des matières grasses alimentaires,  qui ne sont pas faites d'acides gras comme on le dit trop souvent (ce qui est une grave erreur), mais de molécules de triglycérides. 

Ces molécules de triglycérides sont comme des pieuvres à trois tentacules souples. Le corps des pieuvres est-ce qu'on nomme un résidu de glycérol, et chacun des tentacules souples est ce que l'on nomme un résidu d'acides gras. 

Là encore, j'insiste qui pour dire qu'il n'y a pas de molécules de glycérol dans une molécule de triglycéride ;  il n'y a qu'un groupe d'atomes qui ressemble à celui du glycérol... mais il en manque point. De même pour les acides gras :  ils ne sont pas présents dans la molécule de triglycérides, mais il y a des groupes d'atomes qui ressemblent à ceux des molécules d'acides gras et il manque des atomes pour faire les molécules acides gras. 

Quand on s'y prend bien, on peut faire l'hydrolyse des triglycérides c'est-à-dire une réaction chimique où l'eau va intervenir (le préfixe hydro du mot hydrolyse), pour apporter des atomes qui vont s'ajouter aux atomes des résidus de glycérol, lequels partiront sous la forme de molécules de glycérol, et l'eau apporte aussi des atomes aux résidus d'acides gras pour former des molécules acides gras. L'hydrolyse d'une molécule de triglycéride forme une molécule de glycérol et trois molécules d'acide gras. 

Certes, je comprends qu'il faudrait des images pour encore mieux fixer les idées, mais déjà, si on lit tout ce qui précède lentement, en cherchant à bien comprendre chaque mot, on devrait y arriver !


A propos du gonflement des feuilletages

Une fois de plus, un séminaire de gastronomie moléculaire nous donne des résultats inattendus. 

Nous voulions savoir si une pâte feuilletée après cuisson avait une épaisseur qui dépendait de l'épaisseur avant cuisson. Autrement dit, par exemple, la même pâte feuilletée qui aurait fait 2 cm d'épaisseur avant la cuisson ou bien qui aurait été aplatie pour ne faire plus qu'un centimètre d'épaisseur aurait-elle un gonflement différent, et notamment supérieur, quand elle est initialement plus épaisse ? 

L'expérience est facile à faire : on prépare une pâte feuilletée et on la découpe en deux parties : une partie est laissée en l'état, et la deuxième partie est abaissée à une épaisseur deux fois plus petite que pour la première moitié. Puis  cuit ensemble  les deux moitiés, et on observe le gonflement des deux pâtes. 

Hier,  notre expérience était un peu plus compliquée puisque nous avons fait 4 épaisseurs, avec plusieurs échantillons pour chaque cas mais la surprise a été que finalement, toutes les pâtes avaient la même épaisseur après cuisson. 

Comment interpréter cela ? 

 

Je sais déjà que le nombre de feuillets est le même dans tous les échantillons mais, bien sûr pour les pâtes qui ont été amincie initialement, l'épaisseur des feuillets est plus petite.

 Je sais aussi que c'est l'eau qui, s'évaporant, fait gonfler les pâtes feuilletées, mais  la quantité d'eau est évidemment plus faible quand les pâtes ont été fortement amincies. Inversement elles doivent soulever des couches moins épaisses. 

Il y a également eu ce phénomène que nous avons vu lors de l'expérience :  les pâtes les plus amincies gonflaient le plus en début de cuisson, parce que la chaleur atteignait plus rapidement leur coeur, et elles ont cessé de gonfler assez rapidement, alors que les autres continuaient de gonflé. Comme  pour les pâte à choux, il y a une phase de gonflement initial qui s'arrête ensuite quand la structure est rigidifiée... ou bien quand l'eau est entièrement évaporée, mais j'ignore à ce stade comment répondre, et il faudra des expériences complémentaires. 

Pour interpréter, je dois également observer que dans les pâtes les plus épaisses, la cuisson a laissé une partie insuffisamment cuite à cœur : il y avait une sorte de mine qui compte même manifestement beaucoup d'eau et la question se pose maintenant de savoir si c'est tôt aurait pu faire gonfler encore plus les pâtes. 

Bref, ces analyses nous conduisent à imaginer des hypothèses que nous devons tester ultérieurement et pour être bien clair, il apparaît que nous aurions dû cuire toutes nos pâtes plus que les 40 minutes que nous avons utilisées, parce que c'est ainsi que nous aurions vu correctement si le gonflement des pâtes les plus épaisses était atteint à son maximum ou si nous aurions pu avoir davantage de gonflement. 

Une conclusion supplémentaire : en bouche, nous avons bien vu la différence entre les pâtes cuites à partir de pâtons très amincis et les autres : les premiers avaient des couches de pâtes beaucoup plus minces et cela se sentait en bouche : c'était beaucoup plus aérien.

lundi 17 mars 2025

A propos de mauvaise transmission

Alors que je relis des textes que je consacre à la terminologie culinaire,  je retrouve deux idées essentielles. 
 
Premièrement, il est extraordinairement étonnant qu'aucune référence ne soit jamais donnée dans les livres de cuisine  :  chacun y va de son affirmation, de sa recette, qui fait  table rase de tout ce qui s'est publié par le passé. 
Et c'est ainsi que naissent les plus grandes incohérences, les plus grandes confusions, les plus grandes ignorances, avec, ce qui est pire, la transmission d'informations fausses aux suivants. 
On aurait pu penser que les bons praticiens fassent l'effort d'un peu de rigueur de ce point de vue, même si je leur reconnais évidemment le droit de créer des variations pour les recettes classiques, d'ajouter ou non une pincée de noix muscade dans une purée, d'ajouter ou non une pincée de cannelle dans un appareil à boudin, de changer les proportions des ingrédients pour obtenir plus de fermeté ou au contraire plus de moelleux.... Mais rien !
 
Deuxièmement, en relation avec cette absence de références, il y a la question des justes dénominations, auxquelles le monde culinaire tord le bras de façon éhontée. 
En science, la règle est que le découvreur soit celui qui nomme  (un astre, un élément chimique, un composé, etc.);  en technologie, la règle est que l'inventeur soit celui qui nomme. Et c'est ainsi  je me vois répéter que nous devons nommer les préparations conformément à la première occurrence des dénominations. 
 
Cela signifie, en pratique, aller chercher dans les  livres de cuisine du passé la véritable signification des termes que l'on trouve aujourd'hui : à la Sainte-Ménehould, rémoulade, ravigote, gribiche, et  aussi toutes ces  dominations qui apparaissent plus tardivement : à la reine, à l'espagnole, à l'allemande, à la jacobine, au perdouillet...
 
On ne peut pas comprendre correctement et pratiquer correctement la cuisine sinon l'on confond la moutarde et la rémoulade, si l'on confond la pâte à savarin et la pâte à baba. 
Il ne peut pas y avoir de décision d'autorité par un praticien moderne, fut-il 3 étoiles au guide Michelin, et au contraire, c'est sur ces personnalités que pèse la plus grande responsabilité concernant l'utilisation des dénominations culinaires : nos amis devraient faire l'effort soit de faire les recherches eux-même, soit d'utiliser les résultats des recherches qui sont effectuées par ailleurs. 
 
Et c'est ainsi que je les engage évidemment à se reporter constamment au Glossaire des métiers du goût publié par le Centre international de gastronomie moléculaire et physique Inrae-Agroparistech : là, les dénominations sont données avec des références, et même si certains ouvrages ne sont pas cités, ils ont été lus, consultés, et que l'on a pesé les informations qui s'y trouvaient par rapport à des informations qui se trouvaient dans d'autres livres plus anciens. 
Ne suivons pas des ouvrages comme le Guide culinaire, qui est plein d'erreurs de ce point de vue là, qui confond les farces et les mousselines, les mayonnaises et les rémoulades... alors que même un des auteurs de ce livre a expliqué la différence dans  un autre livre, qu'il écrivait seul ! 
 
Bref, utilisons les bons mots, car il s'agit de la bonne pensée, et de la bonne pratique.