samedi 25 janvier 2025

Le beurre ?

 


Le beurre ? Nous savons tous qu’il est obtenu par barattage de la crème issue du lait, généralement de vache. Toutefois, quiconque a déjà baratté sait que, partant de la même crème, on peut obtenir des produits différents, avec plus ou moins d’eau. Et c’est là que la législation s’en mêle, car l’histoire a été riche de scandales, certains vendant des préparations pleines d’eau. Et c’est ainsi que l’on a finalement réglementé le « beurre » : en France, il doit contenir, pour 100 grammes de produit fini, au moins 82 grammes de matières grasses du lait (contre 80 grammes aux États-Unis et au Canada), 2 grammes au maximum de matière sèche non grasse et 16 grammes au maximum d'eau.

A partir de cette base, les variations sont nombreuses.

Ainsi, la dénomination "beurre cru" ou "beurre de crème crue" est réservée au beurre obtenu exclusivement à partir de crème n'ayant pas subi de traitement thermique d'assainissement.

La dénomination "beurre extra-fin" est réservée au beurre fabriqué exclusivement à partir de crème qui n’a pas subi de traitement d'assainissement autre que la pasteurisation, qui n’a été ni congelée ni surgelée, qui a été mise en fabrication dans un délai de soixante-douze heures au maximum après la collecte du lait ou de la crème, et quarante-huit heures au maximum après l'écrémage du lait, et n'ayant subi aucune désacidification. Cette dénomination ne peut être utilisée pour désigner des beurres ayant subi une opération de congélation, de surgélation, de mélange, de foisonnement.

La dénomination "beurre fin" est réservée au beurre où la proportion de matière première laitière congelée ou surgelée mise en oeuvre n'excède pas 30 p. 100.

La dénomination "beurre de cuisine" ou " beurre cuisinier" est réservée au produit provenant exclusivement de matière grasse laitière obtenu après élimination pratiquement totale de l'eau et de la matière sèche non grasse provenant du lait, de la crème et du beurre par des procédés physiques et contenant au minimum 96 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "beurre concentré" est réservée au produit défini à l'alinéa précédent et contenant au minimum 99,8 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "beurre allégé" est réservée au produit émulsionné obtenu par des procédés physiques dont les constituants sont d'origine laitière et dont la teneur en matière grasse est au moins égale à 41 grammes et au plus égale à 65 grammes pour 100 grammes de produit fini.

Toutefois, la dénomination "demi-beurre" peut s'appliquer à un beurre allégé dont la teneur en matière grasse est égale à 41 grammes pour 100 grammes de produit fini.

La dénomination "spécialité laitière à tartiner allégée" ou "à teneur lipidique réduite" est réservée au produit émulsionné obtenu par des procédés physiques dont les constituants sont d'origine laitière et dont la teneur en matière grasse est au moins égale à 20 grammes et inférieure à 41 grammes pour 100 grammes de produit fini.

Parfois, du sel lui est ajouté, pour accroître sa conservation, mais cela doit alors être mentionné. "Demi-salé" ou "demi-sel" lorsque la teneur en sel est supérieure à 0,5 gramme et au plus égale à 3 grammes pour 100 grammes de produit fini, et "salé" lorsqu'elle est supérieure à 3 grammes ;

Avec tout cela, il reste trop de fraude : en 2018, une enquête de la DGCCRF visait à contrôler la conformité de l’étiquetage et de la composition des beurres et matières grasses laitières aux dispositions réglementaires nationales et européennes. Le taux d’anomalie constaté lors de ces contrôles est de 14 %. L’enquête de la DGCCRF avait pour objectif de vérifier la loyauté des informations fournies aux consommateurs par les opérateurs. La majorité des établissements visités étaient des magasins de détail spécialisés dans la vente de produits laitiers (fromages, crèmeries) et des exploitations agricoles fabriquant des produits laitiers (laiteries, exploitations de fabrication de fromage, producteurs fermiers). Au stade de la distribution, les contrôles ont été réalisés au sein des grandes et moyennes surfaces (GMS) et auprès des grossistes. Les actions de contrôle ont recherché des pratiques commerciales trompeuses et vérifié des autocontrôles de qualité et agro-alimentaires. Le taux d’anomalie s’élève à 14 % (de ces actions de contrôle).

L’étiquetage et la fabrication des beurres et des matières grasses laitières présentent de nombreuses anomalies. L’étiquetage des beurres contrôlés présentait plusieurs types de non-conformités : tromperie sur les qualités substantielles ou le lieu de fabrication, teneur non conforme en eau ou en matières grasses. Par exemple, le schéma de fabrication d’un opérateur prévoyait l’incorporation éventuelle de rinçures de crème, crèmes invendues, reste de beurre de la fabrication précédente et/ou retour de beurre, et de beurre congelé à l’étape « Stockage et traitement du lait » pour la fabrication de beurre extra-fin.

Une entreprise ne prenait pas en compte les températures d’écrémage dans les diagrammes de fabrication de la crème crue et du beurre cru. Elle ne maîtrisait pas non plus la température lors de l’envoi de la crème dans le circuit de fabrication du beurre. Un avertissement lui a été adressé.

La véracité des mentions et allégations valorisantes « de / en baratte », et « à l’ancienne » a été vérifiée par les enquêteurs. La mention « beurre baratté dans nos coopératives » a été constatée sur plusieurs références de produits d’une laiterie alors qu’elle fait référence à une modalité traditionnelle de fabrication qui n’était pas employée dans cet établissement. L’entreprise a remplacé l’indication par « fabriqué dans nos coopératives ».

D’autres allégations ont fait l’objet d’un avertissement au motif qu’elles distinguaient abusivement les produits par rapport aux autres beurres de la même catégorie (p. ex. « beurre aux pétales de sel à l’ancienne »).


jeudi 23 janvier 2025

Une fois de plus : des réfutations

Hier, nous avons donc tenu le séminaire de gastronomie moléculaire consacré à la pâte à choux.  Nous voulions explorer l'étape du desséchage. 

Pour une pâte à choux, c'est très simple : on commence par prendre de l'eau, on y met un peu de sel et du beurre et l'on porte à ébullition jusqu'à ce que le beurre soit fondu ; puis, hors du feu, on ajoute une quantité de farine environ égale la moitié de la quantité d'eau et l'on travaille pour obtenir une pâte nommée panade. Vient alors cette étape nommée desséchage qui consiste à chauffer la casserole en travaillant la pâte. On observera que dans de nombreuses recettes, la description du séchage est assez succincte. Puis on attendra que la panade refroidisse un peu et l'on ajoutera des œufs entiers successivement en travaillant pour bien les incorporer. Viendra alors l'étape finale qui consiste, à l'aide d'une poche à douille, à déposer des petits tas de pâte sur une plaque et à cuire vers 180 degrés pendant une vingtaine de minutes. 

Tout cela est parfaitement simple mais il faut évidemment compter sur la prétention de certains pour vous le rendre compliqué ! Il y aurait l'impossibilité de rectifier les quantités, la nécessité d'un desséchage soigneux, etc.

Raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer un séminaire à cette question.

La première question explorée a été de savoir si le desséchage avait une influence. Nous avons donc divisé une panade en deux, laissé une première moitié sans la dessécher, tandis que la deuxième moitié était desséchée plus que de raison (selon les professionnels présents). Puis nous avons alors ajouté les œufs dans les deux moitiés et nous avons cuit les choux. 
A chaque étape, nous avons pesé et nous avons ainsi observé que le desséchage faisait effectivement disparaître beaucoup d'eau :  presque la moitié de l'eau initialement utilisée. Mais quand est venu l'étape finale, de sortir les choux du four et de les évaluer par un test triangulaire, en aveugle, nous avons été surpris de ne voir aucune différence gustative ! En revanche, les choux desséchés étaient plus gonflés, et plus irréguliers.

Dans une deuxième expérience, nous avons voulu voir l'influence de la quantité d'oeuf et cette fois, nous avons pris la même panade, divisée en deux, et nous avons mis deux  fois plus d'œufs  dans une moitié que dans l'autre. La préparation où il y avait beaucoup d'œufs était plus liquide, s'étalait davantage, mais finalement, après la cuisson, un test triangulaire n'a pas montré de différence entre les choux des deux types. D'ailleurs, il faut observer que  les différences de cuisson selon les positions dans le four étaient plus fortes que les différences dues à l'ajout de plus ou moins d'oeuf.

Pour la troisième expérience : nous avons voulu examiner l'importance du travail de la pâte : cette fois-ci, nous avons  divisé la panade en deux et nous avons ajouté la même quantité d'oeuf dans les deux moitiés mais en travaillant le moins possible pour une moitié, et le plus possible pour l'autre. 
Là encore, il n'y avait pas de différence perceptible entre les deux moitiés. 

 

Finalement je conclus que la pâte à choux est une recette extraordinairement robuste.

 

mercredi 22 janvier 2025

Mercredi : J'ai lu pour vous les Nuits de Restif de la Bretonne

Mercredi : J'ai lu pour vous les Nuits de Restif de la Bretonne. Plus exactement,  j'ai relu cette oeuvre énorme qui, au premier ordre, raconte ce que l'on voit à Paris, la nuit, pendant la révolution française. 

Au deuxième ordre, il y a bien d'autres choses, car des histoires sont dans l'histoire, et c'est donc de la littérature. J'ai relu ce livre, mais je n'ai fait que lire la préface de Jean Dutourd, que j'avais omise initialement dans l'édition que j'ai. 

Étonnante préface, qui commence par quelque chose du style « j'ai mis longtemps à comprendre  que Restif de la Bretonne était le plus grand écrivain du XVIIIe siècle ». Quoi, Restif de la Bretonne plus grand que Diderot ou Voltaire, ou même que Rousseau (que je n'aime guère, pour milles raisons) ? 

La phrase est  choquante, mais la question  plus intéressante  est de savoir pourquoi Jean Dutourd l'a ainsi mise au tout début de sa préface. Parce qu'il pense vraiment que Restif de la Bretonne est plus grand que Diderot ? Allons... Parce qu'il se donne la mission de vendre la salade de ce livre ?  Ce se serait bien faible... Parce qu'il a l'intention de nous conduire à nous poser la question que nous nous posons ici ? Les gens intelligents sont capables d'un tel tour. Certains utilisent ce type de talents pour gérer les états, et l'on ne saurait manquer d'inviter à  relire le Prince de Machiavel. Parfois ils laissent  leurs contemporains tranquilles, et se consacrent à des études scientifiques. Pour ces explorations, les talents sont indispensables, car la nature en plus d'un tour dans son sac !

mardi 21 janvier 2025

Je réponds à tous

 
Pour qui a vu le film de Bourvil et de Funès sur la soupe aux choux, la demande qui suit a quelque chose d'amusant, mais allons, répondons quand même : 

Bonjour M. This,

J'espère que vous allez bien. D'après Wikipedia, vous êtes très occupé. Je ne veux donc pas vous accaparer. Je cherche à fabriquer des saucisses aux choux et possède tout le matériel nécessaire. Le problème, c'est que je dois éviter le gras pour des raisons de santé, sachant bien que le gras stocke le goût et que je dois le remplacer par autre chose, par exemple de la gélatine.

Question : j'ai fait une préparation de 1/3 viande hachée grille 5 (jambon de porc fumé cuit) avec 2/3 chou blanc cru râpé fin, assaisonné avec sel, poivre, épices, boyau de boeuf.

Résultat : saucisse fade, sans aucun goût, le tout couleur grise. Je ne l'ai pas fumée après.

La saucisse Migros sort rouge, un brin acide, très grasse, vraiment pas terrible.

Comment donner du goût aux choux ? Comment rendre du goût à la viande aussi fade que les choux ? Comment remplacer le gras par une colle qui stocke le goût sans gâter la mâche ?<

Voilà les 4 questions que je me pose.

Avez-vous écrit sur la fabrication de la saucisse aux choux ? Livre ?

Faut-il remplacer le chou cru par du fermenté, genre Migros Kisili Kuppus ? Mettre de l'eau gazeuse (0,5L/kg de masse) pour renforcer le piquant comme dit Suisseviande ?

Pour la couleur, je ne m'inquiète pas si le reste est bon, et le rouge Migros aux nitrates ne m'intéresse pas trop, à moins qu'il ne réhausse le goût comme le glutamate.

Youtube fourmille de bons conseils pas toujours pertinents mais quasi rien sur la saucisse aux choux. Et les bouchers ne disent pas tout quand ils montrent quelque chose.

Merci de vos nouvelles et meilleures salutations.

 

Ma réponse :

Non, tout d'abord, je n'ai pas consacré de livre à la fabrication de la saucisse aux choux. Faut-il passer plusieurs années à cela ? Je m'interroge. D'autre part, je suis bien désolé de ne pas connaître le Migro Kisili Kuppus : il va falloir que je fasse ma bibliographie. Pour ce qui concerne les bouchers, moi j'irai plutôt voir les charcutiers, car il s'agit de saucisse, n'est-ce pas ? Et, surtout, pour donner du goût sans gras, je crois que la solution consiste à faire cuire des pieds de porc avec eau, sel, carottes et oignons. On cuit à petit feu pendant une journée, puis on désosse ; on ajoute la chair et le tissu collagénique, finement broyés, à la mêlée (viande maigre et chou) ; puis on recuit le bouillon avec les os pendant deux jours, avant de réduire le liquide à consistance sirupeuse, et l'on ajoute cette glace de viande à la mêlée, avant d'embosser. &nbsp; Mais il y a bien d'autres solutions, si l'on s'obstine à vouloir produire de telles saucisses, et notamment grâce à la "cuisine de synthèse", ou " cuisine note à note".

À propos de soufflé, a posteriori

Il y a cette recette de soufflé à la vanille et aux truffes, que j'ai exécuté le soir, chez moi, avec le plus grand des succès. 

On la trouvera ici :  <a href="https://hervethis.blogspot.com/2023/02/un-souiffle-pour-la-saint-valentin.html">https://hervethis.blogspot.com/2023/02/un-souiffle-pour-la-saint-valentin.html</a> 

La confection du soufflé a été l'occasion de voir que la compréhension des phénomènes permet aussi d'éclairer les observations fait en cours de travail. En l'occurrence, j'avais jadis amélioré une théorie insuffisante, qui disait que les soufflés gonflaient parce que les bulles d'air du blanc en neige mis dans l'appareil se dilataient à la chaleur ; j'avais surtout compris que pour faire gonfler les soufflés, il faut les chauffer par le fond afin que l'eau du fond s'évapore, et que, la vapeur, prenant beaucoup plus de volume que le liquide dont elle provient, repousse les couches du soufflé vers le haut, ce qui permet d'atteindre des gonflements de 300 % au lieu des faibles 30 % que l'on a avec la dilatation des bulles d'air. 

Hier, j'ai observé les deux phénomènes, parce que je manquais de ramequins et que j'ai fait un soufflé dans un ramequin en céramique épaisse, et l'autre dans un moule métallique : le soufflé dans le ramequin en céramique a gonflé d'un tiers environ, tandis que l'autre, dans le métal, a doublé de volume. Et de ce fait, j'ai examiné la croûte dans le ramequin métallique et elle était bien formée, ce qui montre que l'eau s'était évaporée et que le mécanisme d'évaporation de l'eau était bien majoritairement celui qui avait gonflé ce soufflé. 

Mais dans le récipient en céramique, pour une cuisson assez courte, la croûte était absente, et le gonflement n'avait été fait que de 30 % environ. On avait donc les deux régimes simultanément, et l'on peut préciser les affaires en disant que le mécanisme effectivement à l'oeuvre sera celui qui correspond au ramequin utilisé. 

Bien sûr, un soufflé qui gonfle, c'est mieux qu'un soufflé qui gonfle peu et cela devrait nous conduire à éliminer les ramequins en céramique pour ne conserver que des ramequins métalliques, que l'on posera de surcroît sur la sole du four, c'est-à-dire sur sa partie intérieure, chauffée.

lundi 20 janvier 2025

Comment les professeurs peuvent-ils se comporter avec les étudiants ?

Comment les professeurs peuvent-ils se comporter avec les étudiants ? Et la réponse est facile à donner : avec bonté, rigueur, droiture...  Avec les mêmes valeurs qu'avec tous, en n'oubliant pas que des étudiants sont des jeunes collègues.

 À propos d'enseignement, il y a cet écueil qui est que nos étudiants sont beaucoup plus jeunes que les professeurs et que ces derniers risquent parfois d'avoir un manque de considération, qui serait dû au manque d'expérience ou aux moindres connaissances des étudiants.

Je propose toutefois de ne pas oublier que les étudiants de l'enseignement supérieur sont (1) des humains et (2) des citoyens adultes à part entière, avec le droit de vote et toutes les prérogatives des autres citoyens, et qu'ils doivent donc recevoir toute la considération que l'on attribue à des adultes, qui par définition ne sont plus des enfants. 

Non pas qu'il ne faille pas considérer les enfants aussi, mais il est vrai que l'on se comporte avec ces derniers différemment parce qu'il y a un devoir d'éducation et non pas seulement d'instruction. 

Pour nos étudiants de l'enseignement supérieur, l'éducation n'est pas de notre ressort et seule l'instruction peut compter. 

D'autre part, je répète ici que le but n'est pas d'enseigner ; il est  que les étudiants étudient. De sorte que le rôle du professeur est seulement d'enseigner, c'est-à-dire de faire des signes pour que nos amis se dirigent -s'ils le souhaitent- dans les directions indiquées.
Oui, s'ils le souhaitent, car,  comme le disait Richard Feynman, certains n'ont aucun besoin de nous. En revanche, d'autres sont demandeurs -et on le voit même jusqu'aux évaluations des professeurs et des systèmes d'enseignement-,  et c'est dans ce cas-là que les professeurs doivent se comporter différemment. 

Finalement l'institution demande aux professeurs des évaluations et là,  c'est clair en ce sens que si un contrat a été bien passé (le "référentiel"), alors il suffit de vérifier qu'il a été bien respecté : les connaissances exigibles sont-elles connues et maîtrisées ? les compétences exigibles sont-elles obtenues ?  



dimanche 19 janvier 2025

À propos d'évaluation par les pairs


Il y a quelques temps, j'ai publié un éditorial pour la publication intitulée Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, où j'ai discuté la question de l'évaluation par les pairs, en réfutant des arguments qui sont classiquement donnés : le processus seraient lent, il bloquerait l'innovation, il n'éviterait pas toutes les fautes, il permettrait à des concurrents de voler des idées, et cetera. 

Tout cela étant mis sur la table, il y a lieu de répondre à ces critiques, mais, d'abord, à signaler que l'introduction de l'évaluation par les pairs fut un progrès extraordinaire de la publication scientifique, parce que, bien conduite, ces évaluations permettent d'améliorer les manuscrits. On a pas assez dit qu'il ne s'agit pas pour les rapporteurs de dire si les manuscrits soumis sont mauvais, médiocres, passables, bons, excellents... 

Non, cela n'a aucun intérêt. Il s'agit surtout de contribuer à améliorer les articles pour que, finalement, les articles qui sont publiés comportent le moins de fautes possible. 

Car il faut dire que le travail scientifique, et la rédaction d'articles scientifiques, sont peut-être moins difficiles par chaque travail élémentaire qui les constitue que par le nombre considérable de ces travaux. Par exemple, dans le manuscrit d'un article scientifique, il y a tout à surveiller. Bien sûr, il y a la typographie, l'orthographe, la maquette, mais il y a surtout à voir que, dans les expérimentations, par exemple, on n'a pas manqué un point essentiel qui annihilerait le résultat ; il y a lieu de vérifier que les interprétations ne dépassent pas les faits établis et cela faites façon quantitative. Il y a lieu de vérifier que tout ce qui est dit est référencé, c'est-à-dire en réalité établi par les précédents, ou établi (correctement) par nous-même... 

Bref, c'est faire un travail énorme et je vois mal pourquoi nous pourrions refuser de l'aide par des rapporteurs, à condition bien sûr que ces collègues soient bienveillants et qu'ils aient pour objectif de nous aider à faire mieux. 

Dans un billet précédent, je me suis interrogé sur les raisons qui poussent certains à refuser l'évaluation par les paires, en évoquant cette anecdote d'Albert Einstein qui, arrivé aux États-Unis, proposa un manuscrit à une revue américaine qui envoya le manuscrit à un rapporteur, en l'occurrence un jeune physicien brillant ; ce dernier vit grosse difficulté théorique dans l'article et la signala, mais Einstein, qui était habitué à ce que ses manuscrits soient directement publié, retira son manuscrit : une occasion ratée de ne pas publier une erreur ! 

Je préconise également que les échanges entre éditeurs, rapporteurs et auteurs soient anonymes, non pas pour que certains en profitent pour tenir des propos désobligeants, mais plutôt pour que seule paraisse finalement en public un document de bonne qualité, dont les auteurs n'auront pas à rougir. Je pense en particulier aux jeunes scientifiques qui apprennent progressivement à rédiger des articles scientifiques, avec les canons professionnels qui s'imposent. On sait bien que les premières rédactions sont difficiles et c'est la raison pour laquelle certains au moins de nos amis les plus jeunes (mais les vieux aussi) laissent souvent des erreurs qu'il y a lieu de corriger. 

Les sites de dépôt libre de manuscrit sont en réalité terribles, parce qu'ils mettent le scientifique face à son entière responsabilité. Je m'empresse d'ajouter que j'ai trop vu de ces textes qu'un travail d'édition n'aurait pas paraître avec tant d'imperfections évidentes ! 

Bref, je préconise une évaluation qui ne soit pas ouverte, en double anonymat, conduite dans un esprit positif d'amélioration du manuscrit en vue de sa publication.