La méthode, en sciences de la nature et, plus
généralement, pour la totalité des travaux de l'esprit, qui consiste à
s'assurer de nos incertitudes et de nos certitudes
est vraiment merveilleuse.
Quand on écrit un texte, un minimum de
conscience nous impose de nous assurer de ce que nous écrivons. Et la
pratique de la recherche scientifique, notamment de la rédaction
d'articles scientifiques, impose de chercher sans cesse des références.
Des "bonnes" références !
Quand nous citons un fait, une idée, nous devons, de façon éthique,
faire référence à la première publication qui a établi ce fait, qui a
proposé cette idée.
Certains collègues médiocres se limitent à chercher
la première référence qu'ils trouvent à ce propos, mais ce n'est pas éthique,
car cela prive les véritables découvreurs ou inventeurs de la reconnaissance de paternité qu'on leur doit.
Il y a donc lieu de
faire une recherche sérieuse. Mais, au delà de l'aspect extrinsèque de cette
recherche, il y a surtout l'intérêt intrinsèque de faire ce bon travail
car, cherchant de bonnes références, nous trouvons des documents
généralement passionnants que nous pouvons citer correctement certes,
mais dont nous pouvons aussi faire notre miel.
Une recherche sérieuse de
références sérieuses est toujours merveilleuse parce que, faisant le tri
entre des publications médiocres et des publications remarquables, nous
identifions les publications remarquables, et le fait est que nous ne
manquons pas d'être généralement émerveillé de ce qui s'y trouve. Nous
corrigeons ainsi nos idées fausses, nos a priori, nous supprimons nos
incertitudes, nous voyons mieux les travaux à effectuer pour faire
avancer la connaissance.
C'est réflexions me sont venues alors que, hier, lors d'une telle recherche, j'ai trouvé un article qui avait
analysé correctement la légende selon laquelle Catherine de Médicis
aurait bouleversé la cuisine de France en venant à la cour accompagnée de
ses cuisiniers italiens. L'historien, italien, à retracé à la la préface
des Dons de Comus, au 17e siècle, comment le gland est devenu une
citrouille.
Ce type de phénomène est courant en histoire des sciences et
je l'ai trouvé plusieurs fois moi-même en cherchant les publications
primaires au lieu de répéter ce que disaient certains historiens ou soi-disant tels.
Par exemple, la légende veut que Louis Pasteur ait "séparé à
la pince, sous le microscope, des cristaux des deux formes d'acide tartrique". En réalité, il n'y a pas deux formes, mais trois formes, d'une part. D'autre part, les cristaux étaient si longs qu'il n'y avait pas besoin
de microscope. Enfin, il est bien naturel que l'on sépare les
produits chimiques à la pince.
En réalité, c'est le gendre de Louis Pasteur, excessivement fier de son beau-père, qui a contribué à
construire un mythe auquel Pasteur s'est bien prêté.
Autre exemple, dans
l'étude des réactions de glycation ou des réactions amino-carbonyle, un article par des auteurs prétendument nommés Lin et Malting aurait été produit, à propos de la confection de la
bière... mais j'ai finalement découvert qu'il n'existe pas de tel article. En revanche, un certain Ling a publié un article consacré au "malting", la préparation du malt, que l'on utilise pour faire la bière.
Ma découverte s'est faite
dans le cadre de mon étude sur les réactions fautivement attribuées à Maillard, étude à
l'issue de laquelle j'ai finalement découvert que ces réactions avaient
été découverte 50 ans plus tôt par un pharmacien lillois nommé Dussart.
D'ailleurs, Louis Camille Maillard lui-même cite 91 fois le chimiste allemand Emil Fischer
qui l'avait précédé d'un demi-siècle dans l'étude de ces réactions. Maillard dit bien tout ce qu'il doit à Fischer. Pourquoi finalement a-t-on
parlé de réaction de Maillard ? Je l'ignore avec certitude mais je
conjecture que l'antagonisme franco-allemand qui avait cours à cette
époque a conduit certains à se raccrocher à Maillard plutôt qu'à Fischer
et à ses élèves.
Et je pourrais enchaîner ainsi les exemples car chaque
recherche bibliographique que je fais me montre des citations
médiocres, des histoires forgées, des concepts contestables repris à
nauseam.
Décidément, il y a lieu, quand on fait une recherche, de faire
une recherche précise qui nous conduit à bien mieux que ce que nous que
ce que nous savions ou que ce que nous croyions savoir.