mardi 7 janvier 2025

L'attention

 

Lisant les interviews de Nadia Boulanger par Bruno Monsaingeon, je trouve une foule d'idées intéressantes. Par exemple, apparemment, la mère de la professeur de piano et de composition avait inculqué à ses filles que tout était dans l'attention : on n'existe que si l'on est attentif, selon elle. 

Pour l'enseignement supérieur, la question est essentielle :  bien souvent, les erreurs des étudiants découlent d'une attention insuffisante. Il faut une attention à tout, aux concepts, aux détails. Notamment en sciences tout compte. Dans une formule, un seul signe erroné et tout s'effondre. 

C'est l'occasion ici de redire que j'ai eu le bonheur de voir le cahier de laboratoire du physicien Pierre Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, et il m'avait  émerveillé tant il était précis, soigneux. Manifestement, il y avait la plus grande attention portée à tout ce qui était écrit. La calligraphie,  au fond, était un révélateur de cette attention extrême, de cette focalisation sur l'objet. 

Oui, il faut être attentif . Je ne vais pas virer vieux con qui dénonce des écrans, les moyens modernes de communication, mais il est vrai que quand je veux me concentrer, j'évite que des alertes électroniques ne me sollicitent toutes les secondes, que des images mobiles ne captent mon regard. Quand je fais une expérience, je nettoie par avance la paillasse, pour n'y laisser, de façon organisée, structurée, planifiée, que les  objets importants que j'utiliserai. 

Et je me rends disponible, attentif, car la nature interrogée a beaucoup à dire.



lundi 6 janvier 2025

Blaise Pascal, Montaigne, et l'amidon

Amusant de savoir que Blaise Pascal était si farouchement opposé à Montaigne, parce que ce dernier faisait état de ses doutes, réservait prudemment son jugement. 

La même position de retrait a valu à Socrate d'être condamné à boire la cigüe : il doutait, et, pis encore, il faisait douter, il montrait les contradictions, empêchant ses interlocuteurs de se reposer sur des certitudes (la foie de Pascal). 

 

Et l'on a la même chose en science,  où certains veulent savoir... ou,  plus exactement , ne veulent pas ne pas savoir :  la différence est essentielle, car tout scientifique veut savoir, bien sûr, et c'est pour cette raison qu'il ou elle explore. Mais les bons scientifiques savent qu'il y a des limites à leur recherche et ils éviteront de tomber dans des théories provisoires par principe ! 

En science des aliments, j'ai encore récemment vu ce besoin de certitudes à propos de l'hydratation de l'amidon. Interrogeant des collègues, à propos de l'hydratation éventuelle des grains d'amidon dans l'eau froide, j'ai eu des réponses parfaitement tranchées et donc parfaitement idiotes : l'amidon se serait empesé. 

En réalité, l'empesage, qui correspond au gonflement des grains, par introduction de l'eau entre les molécules d'amylopectine, a lieu à chaud, mais pas à froid. 

A froid, de la fécule dans de l'eau ne se dissout pas, et l'eau reste claire. En revanche,  si l'on met de la semoule avec de l'eau alors on voit que celle-ci gonfle, absorbe l'eau. Que s'est-il passé ? On n'en sais rien et c'est cela qui est merveilleux...  pour certains, car pour les autres c'est désastreux c'est intolérable c'est impossible.

samedi 4 janvier 2025

Vite, mais bien

Je maintiens que l'optimisme est une gentillesse que nous faisons à nos amis, et une politesse que nous faisons à tous. 

vendredi 3 janvier 2025

Si on a raté le foie gras chantilly :

 

Il y a trois façons de rater le foie gras chantilly... mais on peut toujours le récupérer :
1. si c'est trop dur : on le fond à nouveau, on ajoute un peu de liquide, et on recommence à fouetter sur glace (ou dans l'eau froide, ça suffit)
2. si c'est trop liquide et que ça ne prend pas : on refond en ajoutant un peu de foie gras supplémentaire, et on bat à nouveau
3. si on avait trop battu et que ça a grainé : on refond et on bat à nouveau
bonne année !

samedi 28 décembre 2024

Des voeux

 

Mes meilleurs vœux




Alors que des guerres font rage, alors que des vociférateurs politiques montent les groupes les uns contre les autres dans tous les pays du monde, alors que des tyrans sévissent, mes voeux sont clairs : souhaiter à mes amis d'être exemplaires, rassemblants, rationnels, optimistes... 

Alors qu'il y a de l'obscurité et de l'obscurantisme, nous avons un devoir de profiter des ce que nous sommes au chaud pour chercher des moyens de diffuser les Lumières, afin d'allumer les Lumières de l'esprit. 

Lutter contre l' « obscurité » sous toutes ses formes, c'est lutter contre les Tyrannies. Mettre de la lumière partout, c'est empêcher les Tyrans, qui voudraient profiter de l'obscurité pour faire leurs coups bas, d'agir au détriment de tous. 

Le voeu que je forme à l'attention de tous, et notamment de mes amis, c'est surtout que nous soyons capables d'être dans une telle dynamique : connaître, comprendre, transmettre, expliciter, nous améliorer...

Nous pouvons être meilleurs, nous devons devenir meilleurs.






Très bonnes fêtes de fin d’année !


mardi 17 décembre 2024

Les inscriptions pour le Colloque « Chimie et Alimentation » du 12 Février 2025 sont ouvertes.

 

Chers Amis


Les inscriptions pour le Colloque « Chimie et Alimentation » du 12 Février 2025 sont ouvertes.

 Afin que ce colloque rencontre tout le succès qu’il mérite, nous vous remercions de bien vouloir nous aider à en faire la promotion la plus large possible en diffusant le lien https://actions.maisondelachimie.com/colloque/chimieetalimentation.


Par ailleurs, dans le cadre de la réglementation RGPD, vous êtes cordialement invités à vous inscrire en ligne via le lien https://inscriptions.maisondelachimie.com/evenements/chimieetalimentation.

Ce processus est très simple et ne nécessite pas de création de compte.

 

 

lundi 16 décembre 2024

Cherchons de bonnes références

La méthode, en sciences de la nature et, plus généralement, pour la totalité des travaux de l'esprit, qui consiste à s'assurer de nos incertitudes et de nos certitudes est vraiment merveilleuse. 

Quand on écrit un texte, un minimum de conscience nous impose de nous assurer de ce que nous écrivons. Et la pratique de la recherche scientifique, notamment de la rédaction d'articles scientifiques, impose de chercher sans cesse des références. Des "bonnes" références ! 

Quand nous citons un fait, une idée, nous devons, de façon éthique, faire référence à la première publication qui a établi ce fait, qui a proposé cette idée. 

Certains collègues médiocres se limitent à chercher la première référence qu'ils trouvent à ce propos, mais ce n'est pas éthique, car cela prive les véritables découvreurs ou inventeurs de la reconnaissance de paternité qu'on leur doit. 

Il y a donc lieu de faire une recherche sérieuse. Mais, au delà de l'aspect extrinsèque de cette recherche, il y a surtout l'intérêt intrinsèque de faire ce bon travail car, cherchant de bonnes références, nous trouvons des documents généralement passionnants que nous pouvons citer correctement certes, mais dont nous pouvons aussi faire notre miel. 

Une recherche sérieuse de références sérieuses est toujours merveilleuse parce que, faisant le tri entre des publications médiocres et des publications remarquables, nous identifions les publications remarquables, et le fait est que nous ne manquons pas d'être généralement émerveillé de ce qui s'y trouve. Nous corrigeons ainsi nos idées fausses, nos a priori, nous supprimons nos incertitudes, nous voyons mieux les travaux à effectuer pour faire avancer la connaissance. 

C'est réflexions me sont venues alors que, hier, lors d'une telle recherche, j'ai trouvé un article qui avait analysé correctement la légende selon laquelle Catherine de Médicis aurait bouleversé la cuisine de France en venant à la cour accompagnée de ses cuisiniers italiens. L'historien, italien, à retracé à la la préface des Dons de Comus, au 17e siècle, comment le gland est devenu une citrouille. 

Ce type de phénomène est courant en histoire des sciences et je l'ai trouvé plusieurs fois moi-même en cherchant les publications primaires au lieu de répéter ce que disaient certains historiens ou soi-disant tels. 

Par exemple, la légende veut que Louis Pasteur ait "séparé à la pince, sous le microscope, des cristaux des deux formes d'acide tartrique". En réalité, il n'y a pas deux formes,  mais trois formes, d'une part. D'autre part, les cristaux étaient si longs qu'il n'y avait pas besoin de microscope. Enfin, il est bien naturel que l'on sépare les produits chimiques à la pince. 

En réalité, c'est le gendre de Louis Pasteur, excessivement fier de son beau-père, qui a contribué à construire un mythe auquel Pasteur s'est bien prêté. 

Autre exemple, dans l'étude des réactions de glycation ou des réactions amino-carbonyle, un article par des auteurs prétendument nommés Lin et Malting aurait été produit, à propos de   la confection de la bière... mais j'ai finalement découvert qu'il n'existe pas de tel article. En revanche, un certain Ling a publié un article consacré au "malting", la préparation du malt, que l'on utilise pour faire la bière. 

Ma découverte  s'est faite dans le cadre de mon étude sur les réactions fautivement attribuées à Maillard, étude à l'issue de laquelle j'ai finalement découvert que ces réactions avaient été découverte 50 ans plus tôt par un pharmacien lillois nommé Dussart. 

D'ailleurs, Louis Camille Maillard lui-même cite 91 fois le chimiste allemand Emil Fischer qui l'avait précédé d'un demi-siècle dans l'étude de ces réactions. Maillard dit bien tout ce qu'il doit à  Fischer. Pourquoi finalement a-t-on parlé de réaction de Maillard ? Je l'ignore avec certitude mais je conjecture que l'antagonisme franco-allemand qui avait cours à cette époque a conduit certains à se raccrocher à Maillard plutôt qu'à Fischer et à ses élèves. 

Et je pourrais enchaîner ainsi les exemples car chaque recherche bibliographique que je fais me montre des citations médiocres, des histoires forgées, des concepts contestables repris à nauseam. 

Décidément, il y a lieu, quand on fait une recherche, de faire une recherche précise qui nous conduit à bien mieux que ce que nous que ce que nous savions ou que ce que nous croyions savoir.