mercredi 2 octobre 2024

Je me fais des nœuds alors que je ne devrais pas.

Viennent me voir des professionnels du sel que je ne dois ni surestimer ni sous-estimer. 

 

Je ne dois pas les sous-estimer parce que je suis bien certain que ces artisans ont une belle connaissance de leur métier, qu'ils savent voir le temps qu'il fait et l'influence sur la formation des cristaux dans les marais salants, qu'ils savent jauger l'influence des marées, et cetera.
En revanche, je sais -parce qu'ils me l'ont dit d'avance- qu'ils n'ont pas de connaissance du monde microscopique qui préside à l'organisation de leur cristaux et c'est cela qu'il sera nécessaire de présenter. 


J'ai bien sûr le sentiment que c'est tout simple, puisque je le fais depuis ma plus petite enfance. Mais, au fond, leur dossier de chimie est vide et c'est plus généralement cela qu'il faudra combler.
Par exemple faire la différence entre la cristallisation du sucre et la cristallisation du sel, essayer de comprendre pourquoi on peut dissoudre plus de sucre que de sel dans l'eau, et ainsi de suite. 

Bien sûr, sa question de la saturation est importante, mais après tout il y a aussi celle de la sursaturation, et la question de la germination, qui nécessite donc des germes... 

Bref il y a beaucoup à dire,  et un peu lentement,  pour arriver à leur faire bien comprendre les bases de leur métier. 

Pour autant, je sais qu'il faudra un peu de spectacle sans quoi un exposé lent, didactique, même bien fait, ennuiera. Il faudra recourir à des expériences parce que c'est là la clé de la bonne compréhension, l'expérience focalisant l'attention de tous, mobilisant les sens... 

Bref, ce n'est pas parce qu'il y a lieu d'expliquer quelque chose de simple qu'il y ait lieu de faire ennuyeux et il s'agit de retrouver tout l'enthousiasme que j'avais quand j'étais enfant à propos de ces phénomènes que je connais maintenant si bie. 

mardi 1 octobre 2024

 
Alors que je discutais hier, pour des étudiants, la manière de réaliser une présentation orale, je voyais progressivement, alors que je critiquais des présentations anciennes, que la faute principale était l'absence de réflexion ou l'absence de signification. 

C'est le mot insensé qui revient pour désigner un élément graphique qui n'a pas de sens, le placement d'un texte qui est contraire au sens commun, par exemple aligné à droite alors qu'on lit à partir de la gauche, et ainsi de suite. 

Au fond, nous ne devrions pas oublier que comme nous adressons à des personnes, l'objectif est que ces personnes entendent ce que nous voulons leur dire.
Et pour cela, il faut utiliser des mots qu'elles comprennent, des phrases qu'elles comprennent, des images qu'elles comprennent... 

Faire quelque chose d'insensé est en réalité... insensé, ou irréfléchi, ou négligent ou ignorant... 

Comment pallier nos insuffisances de ce point de vue ? En pensant à chaque élément constitutif de notre discours, qu'il soit oral ou visuel, doit être clairement décidé.
Nous ne sommes pas toujours assez intelligent pour faire cela du premier coup mais rien ne nous empêche, ayant produit un premier jet, d'y revenir de façon critique pour tout améliorer. Mon ami décédé Jean-Claude Risset, musicologue, me donnait comme conseil d'intelligence que la vie est trop courte pour mettre les brouillons au net et qu'ils vaut donc mieux faire des brouillons nets.
Oui, pourquoi pas, mais quand même, : si nous ne sommes pas capables de faire des documents parfaits du premier coup, passons-y un peu de temps et améliorons progressivement,  ce qui est conforme à l'idée de Nicolas Malebranche selon laquelle il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité sans y prétendre.

lundi 30 septembre 2024

À propos de ciel bleu et de poussière du monde

Je dois mon idée de la "poussière du monde" au peintre chinois Shitao, qui a discuté cette notion dans son traité de peinture intitulé L'unique trait de pinceau. La thèse principale du livre est que l'on ne peut peindre que si l'on fait le bon trait du premier coup, aucune correction n'étant possible. Pour y parvenir, il faut méditer beaucoup et se débarrasser de ce que Shitao nomme donc la poussière du monde. 
 
Mais je connais assez bien la littérature pour avoir fini par comprendre que la fiction, c'est de la fiction, et que les mots que l'on utilise ne désignent pas nécessairement des objets qui existent matériellement. On peut dire "Père Noël", mais cela ne suffit pas à faire exister le Père Noël. 
 
De fait,  on peut parler de poussière du monde,  mais cela existe-t-il ? 
 
On comprend bien que si l'on a l'esprit encombré de 1000 questions secondaires, ou accessoires, ou parasites, on ne sera pas pleinement concentré sur le dessin que l'on veut faire et en particulier, pour la calligraphie, il n'est pas certain que l'on arrivera à faire du premier coup le trait qui s'imposait. 
Mais est-ce vraiment si grave de rectifier ? Ne peut-on vraiment pas y revenir,  travailler un trait qui a été fait, l'améliorer ? 
Je ne crois guère non plus à Athéna sortant toute armée de la cuisse de Zeus et je préfère l'idée d'une amélioration constante telle que le répétait Michel Eugène Chevreul, le chimiste qui découvrit la constitution des graisses :  il faut tendre avec effort à l'infaillibilité sans y prétendre. 
 
Oui il faut y tendre avec effort, avec l'effort répété et c'est ainsi que l'on obtiendra de mieux en mieux à défaut d'obtenir une sorte d'idéal qui n'existe sans doute pas. 
 
Mais revenons à la poussière du monde : on comprend bien, comme je l'ai dit , qu'il puisse y avoir des pensées parasites, et l'on comprend bien aussi que l'on puisse chercher des méthodes pour se débarrasser de celles-ci car s'il y a besoin de la puissance de l'esprit tout entière focalisée vers un objectif particulier, alors les pensées parasites sont gênantes. 
 
Cela dit je t'aime guère l'image négative qui consiste à se débarrasser de la poussière du monde, notamment parce que je vois surtout ces pensées parasites comme sécrétées par notre esprit, et non pas dues au "monde". 
 
Donc à sécréter quelque chose, pourquoi de pas sécréter du ciel bleu ?  de l'amélioration ? Pourquoi ne pas dire plutôt que, pour bien peindre, il faut avoir sécrété suffisamment ciel bleu ? 
 
Je préfère de beaucoup cette image, parce qu'elle me met en position de m'interroger sur ce ciel bleu que je veux construire. 
D'autre part, en évoquant le bleu du ciel, je vois le bleu du ciel avec les yeux de l'esprit. Face au ciel bleu, c'est beaucoup de bonheur, c'est une marche très positive :  je tends avec effort vers l'infaillibilité sans y prétendre,  je ne me préoccupe pas du monde qui n'existe pas en réalité  : je fais exister ce que je veux faire exister,  positivement.

Question de typographie

 Quels usage pour les points de suspension ? Je lis un texte où les points de suspension sont surabondants, et ce type de faute me renvoie à la généralité de la pratique : que veut-on dire par des points de suspension ?  Bien sûr, chacun peut en faire l'usage qu'il veut mais on n'oubliera pas que l'écriture est une communication et qu'il y a lieu de s'interroger sur la manière dont nos mots sont reçus plutôt qu'émis.
Veut-on abréger une énumération ? Alors il y a la possibilité d'être plus explicite avec un "etc.".  Veut-on indiquer, dans une citation, que l'on omet une partie du texte ? Alors la convention veut que l'on mette les points de suspension entre des crochets. 

Bref, interrogeons-nous : pourquoi des points de suspension ? 

 

A noter que Wikipedia répond : 

Les points de suspension peuvent marquer la fin d’un énoncé alors que la phrase n’est pas complète ; cela indique au lecteur que la phrase précédente aurait pu être poursuivie. La phrase précédente peut même être grammaticalement incorrecte.

Ils peuvent aussi être utilisés :

  • comme un procédé rhétorique laissant la fin de la phrase en sous-entendu ;
  • comme une figure de style indiquant une rupture ou une suspension du discours appelée aposiopèse ;
  • comme une figure de style marquant une omission volontaire à fins de raccourci appelée ellipse ;
  • dans un discours rapporté :
    • lorsqu’une phrase est interrompue, par exemple par l’intervention d’une autre personne,
    • pour représenter l’hésitation,
    • pour représenter des grossièretés que l’on ne souhaite pas écrire explicitement ;
  • sollicitation de l’imagination du lecteur ;
  • à la fin de listes non exhaustives : « … » a la même valeur que « , etc. » (« etc… » est une forme erronée, bien que répandue)9 ;
  • pour signaler l’absence de réponse ou de commentaire ;
  • pour représenter le silence.

Pour indiquer un passage coupé dans une citation, on emploie les points de suspension entre crochets, « […] », ou entre parenthèses10, « (…) » : le Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale préconise l’usage des crochets en précisant qu’il n’y a pas d’espace entre les crochets et le signe de ponctuation « […] »11, mais plusieurs autres guides invitent à utiliser les parenthèses10,12,13.

 

 

De l'usage et de l'abus des majuscules.

Je sors de la lecture d'un texte où l'on me parle de Président avec un p majuscule,  de Commission avec un c majuscule, et cetera.
Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de me souvenir que les majuscules doivent être utilisées pour des noms propres et non pas pour des noms communs.
Ainsi, un président, même si l'on a du respect pour lui, n'est pas un nom propre mais un nom commun. Les membres d'une société ? Même si cette dernière est particulièrement importante, même si le mot "membre" est consacré par un règlement intérieur, ce mot est un mot commun et non pas un nom propre  : il ne mérite pas une majuscule.




dimanche 29 septembre 2024

Ecrire

 "Les journalistes ne doivent pas oublier qu'une phrase se compose d'un sujet, d'un verbe et d'un complément. Ceux qui voudront user d'un adjectif passeront me voir dans mon bureau. Ceux qui emploieront un adverbe seront foutus à la porte."
Circulaire signée alors qu'il était rédacteur en chef de L'Aurore.  Georges Clemenceau



samedi 28 septembre 2024

Des démonstrations pratiques

 Pour notre prochain colloque de gastronomie moléculaire, nous aurons des démonstrations pratiques. 

Je l'avais oublié avec le covid, mais je le revois régulièrement  : mes interlocuteurs sont toujours friand s d'expérimentation, et il y a lieu d'en faire, puisqu'elles ont des vertus qui n'ont pas un simple discours. 

Les discours, tout le monde peut les faire, à commencer par les hommes politiques dont les promesses n'engagent que ceux qui croient.
 

Mais une expérimentation, c'est du solide : le résultat qu'elle donne, c'est un résultat, un fait expérimental que nous pouvons tous partager, tous discuter, qui généralement dit bien plus que la simple description qu'on en ferait avec des mots. 

Par exemple, dans une étude du brunissement des composés à la chaleur, on peut évidemment produire une photo que l'on décrit ensuite :  c'est mieux que la simple description en mots... mais en réalité c'est moins bien que l'expérience, avec l'évolution temporelle du système, mais aussi des odeurs, des bruits de crépitement par exemple, etc. 

Bref, une expérimentation est une expérience complète donc il ne faut pas en priver ceux qui découvrent les sujets. Et au fond, j'en reviens à mes cours que je faisais avec des expérimentations et je me dis que c'est ça qu'il faut généraliser.

vendredi 27 septembre 2024

Fausses viandes, faux poissons

 
Alors que je prépare un article pour présenter l'impression 3D alimentaire, je suis à nouveau confronté à la difficulté de donner des  noms aux copies de tissus animaux. 

 

Commençons par l'impression 3D alimentaire : il s'agit d'utiliser des imprimantes, avec une tête mobile qui va déposer un matériau un peu pâteux couche après couche, pour former un objet en relief.
Cette technique est apparue d'abord dans l'industrie générale avant de gagner le secteur alimentaire, et si son principe est simple, sa réalisation l'est moins car que mettre dans les réservoirs ? Avec de l'encre, c'est simple car il s'agit d'un liquide qui s'écoule facilement mais quand on veut introduire les matériaux alimentaires habituels, pâteux, plus épais, qui ne doivent pas s'étaler une fois déposés, alors il faut des systèmes un peu différents avec des éjections plus énergique et des matériaux qui s'écoulent plus facilement. 

Mais cela se règle et la question est alors de savoir pourquoi on le fait : comme toujours, il faut poser la question de l'objectif en tout premier.


Cela étant expliqué, arrivons à cette question de la reproduction de tissus animaux, à savoir les viandes ou les poissons. Il y a toute une série de travaux par des industriels relatifs à cette question et en général, ils ont recours à de la culture de cellules musculaires in vitro  : on obtient alors des tissus qui reproduisent, ou cherchent à reproduire les muscles des animaux terrestres ou aquatiques. 

Mais avec l'imprimante 3D alimentaire, certains ont voulu utiliser des protéines végétales pour obtenir de telles reproductions et cette fois, la terminologie « culture in vitro de cellules musculaires ne parvient pas à décrire les objets. 

Dans un article que j'ai préparé, j'écrivais "reproduction de tissu musculaire à partir de protéines végétales" mais je crois que je ne dois pas me laisser gagner par le mercantilisme de certains industriels et qu'il serait mieux de dire qu'il s'agit de fausses viandes, de faux poissons

 Avec ce mot faux, nos amis ne seront guère content mais en réalité je m'en moque et je préfère me concentrer sur les citoyens qui doivent être éclairés sur ce qu'ils achètent et sur ce qu'ils mangent. 

Bien sûr, l'expression "reproduction de viande ou de poisson"  convient mais il y a lieu de s'interroger encore sur l'objectif  : de quoi s'agit-il ? Manifestement il s'agit d'utiliser une mode pour vendre des produits moins coûteux que les produits animaux. Bien sûr on nous objectera le climat, le bien-être animal et cetera, mais en réalité, il est surtout question d'argent et de vendre au prix de la viande des produits qui sont bien  moins coûteux et c'est à ce titre que je ne je n'hésiterai plus à parler de faux.