Explorons les crêpes. Et, pour cela , commençons par mettre dans un saladier un peu de farine et un peu d'eau afin de faire une pâte coulante et épaisse.
Versons-là dans une poêle froide et chauffons doucement. La viscosité ne permet pas d'obtenir une couche mince. Mais, progressivement la chaleur provoque l'empesage des grains d'amidon (ils gonflent, en absorbant de l'eau, et libèrent dans l'eau environnante des molécules d'un composé nommé amylose).
Vient le moment où les grains gonflés s'interpénètrent, se soudent, et l'on peut alors retourner la crêpe et chauffer l'autre face.
Si l'on chauffe doucement, pas de couleur, parce que les protéines n'auront pas été modifiées chimiquement.
Avec un tel système, si nous prolongeons la cuisson, alors nous obtenons une crêpe dure, épaisse.
Passons maintenant à la deuxième expérience qui consiste à utiliser cette même pâte mais dans une poêle fortement chauffée. Alors la première phase va colorer rapidement, l'eau va s'évaporer, soulever la crêpe, la percer par endroit, et quand on devra retourner la crêpe, sous peine de la voir charbonne, on fera la même chose de l'autre côté de sorte que finalement on aura deux faces croustillantes avec, au milieu, un cœur insuffisamment cuit.
Troisième expérience maintenant : partons de notre pâte un peu épaisse et allongeons-la avec de l'eau pour faire une pâte bien liquide.
Si nous versons maintenant cette pâte dans une poêle et que nous chauffons doucement, alors nous obtenons une crêpe mince et initialement fragile, de sorte qu'il vaut mieux chauffer assez longtemps pour obtenir une bonne tenue.
En retournant, nous colorerons la seconde surface, mais surtout nous évaporons l'essentiel de l'eau et c'est ainsi que nous obtiendrons une crêpe très mince et croustillante.
Pour moi, ma religion est faite : je pars maintenant d'une pâte assez fluide, dans une poêle pas trop chaude, afin d'obtenir un bon étalement, d'où une couche mince. Je cuis assez longtemps sur la première face, je retourne quand la cohésion est suffisante et je poursuis la cuisson pour évaporer autant d'eau que possible et avoir beaucoup de croustillance.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 26 août 2023
Explorons les crêpes.
vendredi 25 août 2023
La gastronomie moléculaire, c'est quoi ?
J'avais annoncé que je parlerais ici de gastronomie moléculaire. Mais c'est quoi ?
La gastronomie moléculaire n'est pas toute la science des aliments, et elle n'est pas non plus une technologie des aliments. C'est une discipline scientifique, au sens des sciences de la nature, avec un objet très spécifique, raison pour laquelle cette discipline a été introduite sous un nom spécifique (cela ne m'amuse guère de produire des mots creux!) : il s'agit d'explorer les phénomènes qui surviennent lors des transformations « culinaires », celles qui font passer des ingrédients aux aliments.
Aux aliments, ou aux mets ? Hier encore, discutant avec des collègues, j'ai vu combien le mot « aliment » est source d'incertitude, et comment ces hésitations rejaillissent sur la définition de la gastronomie moléculaire.
En réalité, l’ambiguïté tient au deux mots : « science » et « aliment ». Pour le mot « science », j'en ai tant parlé ici que je propose de ne pas me répéter aujourd'hui, et de renvoyer vers d'autres billets. Pour le mot aliment, ce qui est terrible, c'est qu'il n'est pas utilisable sans précaution, en raison des sens fautifs que tous y mettent. En français, l'aliment, c'est ce que l'on mange.
Et cela a des conséquences, notamment le fait que les tissus végétaux ou animaux produits par l'agriculture ou l'élevage sont rarement des aliments : de ce fait, on ne mange pas des carottes crues, mais des carottes en salade, qui ont déjà été transformées par la découpe et l'immersion dans la sauce. On ne mange pas de poulet, mais du poulet rôti, ou sauté...
En réalité, donc, l'aliment est véritablement le mets.
Pourtant, les scientifiques et les technologues qui s’intéressent à l'aliment n'ont pas souvent cette idée juste, et je suis souvent obligé, pour me faire comprendre, d'utiliser le mots « mets » plutôt que le mot juste, qui est « aliment ».
Souvent, il faut que je dise que la gastronomie moléculaire est la science qui explore les phénomènes qui surviennent lors de la préparation des mets. Cela n'est pas très grave, et je parviens à m'adapter, mais mon purisme terminologique est heurté.
Cela étant dit, revenons à la définition : la gastronomie moléculaire est la science qui explore les phénomènes qui surviennent lors de la préparation des mets.
Une deuxième question se pose : où commence et où finit la gastronomie moléculaire, dans la chaîne qui s'étend de l'exploration des ingrédients jusqu'à l'exploration de l'acte de digérer et de métaboliser ? Par exemple, il y a plusieurs années, nous avions fait des expériences pour savoir si le sel posé sur une tache de vin, sur une nappe en coton, permettait de mieux détacher cette tache. Est-ce une exploration de gastronomie moléculaire ?
Ce qui est clair, c'est que ce type d'explorations n'a guère été considéré, par le passé, et que c'est bien dommage, car il y a des phénomènes intéressants à explorer ; en outre, on voit ici une relation évidente entre la préparation des mets et leur consommation, de sorte que l'on est tenté d'étendre le champ de la gastronomie moléculaire jusqu'à la consommation des mets. En revanche, il y a alors le risque de trop étendre le champ, et de déborder, ce qui nuirait à la clarté du propos. On affaiblirait la définition que l'on veut claire.
Supposons que nous en restions donc à une définition stricte de la préparation des mets. Une analyse déjà ancienne a déjà montré que l'activité culinaire – et, là, nous sommes au centre du champ disciplinaire- a trois composantes technique, artistique, sociale. Je ne ré-explique pas cette analyse (voir le livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, Editions O. Jacob), mais je propose d'en examiner les conséquences.
Pour la composante technique, pas de souci particulier. Pour la composante artistique ou sociale, là s'introduit la difficulté, car l'art s'adresse au spectateur, et le social est par définition la relation entre individus, ici le cuisinier et le mangeur, de sorte que la question de la consommation revient sur le tapis. Il faudra donc être prudent dans les explorations de ces deux dernières composantes.
Pour l'instant, la gastronomie moléculaire s'est focalisée sur de la chimie physique des transformations culinaires, ou plutôt sur les phénomènes qui surviennent lors de ces transformations. Peu de difficultés, mais il serait prudent, lors de discussions un peu stratégiques, d'en rester là... mais comment éviter d'être remuant quand on est passionné ?
Des fruits au sirop ?
L'époque des fruits au sirop arrive, et il faut absolument que je vous rappelle l'une de mes plus belles découvertes : à savoir comment ajuster la force du sirop dans lequel on conserve les fruits.
C'est tout simpe : si le sirop est trop léger, les fruits éclatent, mais si le sirop est trop concentré, alors les fruits se ratatinent.
Comment trouver le juste sirop ?
Il y a 30 ans, j'ai découvert ce fait que les fruits flottent dans les sirop très fort et qu'ils tombent au fond du récipient pour les sirops plus légers : c'est une question de teneur en sucre, qui augmente la densité.
De ce fait, ma proposition est de mettre initialement les fruits dans un sirop trop fort, où ils vont flotter, et d'ajouter lentement de l'eau jusqu'au moment où ils commenceront à descendre : c'est le juste sirop.
Voir aussi le livre :
jeudi 24 août 2023
Les questions qui fâchent, courageusement !
Je préfère souvent poser des questions épineuses, parce que c'est le moyen d'être vraiment honnête, et de ne pas céder à cette mauvaise foi qui contribue à notre humanité.
En matière de cuisine note à note, la tentation est forte de nous réfugier dans un traditionnel confortable, routinier, acquis dès l'enfance, rassurant. Mais je veux ici poser la question de fond :
A-t-on vraiment besoin de la cuisine note à note ?
Il est essentiel que, proposant cette cuisine, je ne cherche pas à me convaincre moi-même que la cuisine note à note est importante et que, au contraire, j'examine publiquement les faits.
Les faits sont notamment ces dix milliards d'êtres humains en 2050, cette crise de l'eau et cette crise de l'eau qui sont annoncés. Devons-nous y croire ? Il faut examiner la question, mais le fait que ces prévisions soient faites par des organismes indépendants doit nous inciter à un peu de confiance. D'ailleurs, soyons honnêtes : ce ne sont pas dix milliards d'être humains sur la Terre, qui sont annoncés, mais, plus justement, entre 8 et 11 milliards. Oui, j'ai arrondi.
C'est un autre fait que l'Union européenne a annoncé dans ses programmes de recherche, lancés en avril 2014, un appel d'offre sur le remplacement des protéines animales par des protéines végétales. L'Union européenne ne lancerait pas des appels d'offres, avec des millions d'euros à la clef, pour des travaux inutiles !
C'est un fait, encore, que l'économiste Pierre Combris, de l'INRA à Vitry, a modélisé que les protéines animales ne seront pas à suffisance pour l'humanité, et que ce remplacement des protéines animales par des protéines végétale s'impose rapidement. Or si l'on dispose de protéines végétales, il faudra les cuisiner, et l'emploi de protéines végétales ne se fera que par l'ajout à des végétaux classiques à ou à des fractions de ces derniers. Dans le premier cas, on n'a pas une cuisine note à note véritable, mais, dans le second cas, nous y sommes en plein.
Une référence ? La voici : http://www.academie-agriculture.fr/seances/la-cuisine-note-note-questions-nutritionnelles-toxicologiques-economiques-politiques.
Si l'on met de côté, pour quelques années, ces questions qui s'imposeront un jour, la cuisine note à note présente-t-elle un intérêt ?
Sur le marché de l'art (car il faut admettre, d'une part, qu'il y a art culinaire, et, d'autre part, qu'il y a un marché, les « chefs artistes » ne pouvant exercer leur art que s'ils ont une clientèle), des nouveautés sont nécessaires. Pour certains, il s'agit de la nouveauté pour la nouveauté, tant il est vrai que la nouveauté capte l'être humain : c'est ainsi que les journaux, les radios, les télévisions, une partie d'internet, vendent leurs nouvelles d'autant mieux qu'elles sont plus fraîches. De ce point de vue, la cuisine note à note s'impose absolument, puisque c'est la seule nouveauté technique des dernières années (je parle de vraie nouveauté, pas de détail nouveau).
D'autres artistes culinaires cherchent à partager des émotions, plus sincèrement, et, à cette fin, ne comptent que les moyens techniques qui permettront d'exprimer ces émotions. Il y a là des questions de mode, de tendance, d'air du temps...
La cuisine note à note étant dans l'air du temps, elle est sans doute un atout pour ces cuisiniers. Pas complètement essentielle, mais certainement dans le champ des nouveaux possibles. Puis il y a la question technique. Et là, la cuisine note à note a des atouts : n'avons nous pas fait un soufflé d'une belle couleur en moins de deux minutes, avec les « Etoilés d'Alsace », à la fin du mois de février 2014 ? La sauce wöhler, que Pierre Gagnaire sert notamment avec du homard rôti, n'est-elle pas d'une simplicité technique extrême, d'une rapidité d'exécution parfaite, à défaut d'être d'une facilité artistique totale, puisque tout est dans le dosage des ingrédients ?
Pour la recette, voir http://www.pierre-gagnaire.com/fr#/pg/pierre_et_herve/travaux_precedents/50
Là, il faut s'arrêter un peu : avec la cuisine note à note, on peut effectivement préparer des mets en quelques secondes, mais c'est également le cas quand on grille un steak. On peut aussi y passer des heures, tout comme en cuisine classique. Ce n'est donc pas la rapidité d'exécution qui impose la cuisine note à note ; il faut le dire.
Inversement, et j'en arrive au sujet du jour, il y a la question de la précision technique du goût, qui est, cette fois, essentielle pour l'art culinaire. Imaginons que l'on veuille donner un peu de violence à un plat, car nous savons tous bien qu'il en faut : un peu de piquant, un peu d'amertume, d'astringence, d'acidité... Classiquement, pour le piquant, le cuisinier a la ressource des poivres, des piments et de quelques autres ingrédients (wasabi, roquette, cresson...). Toutefois l'usage d'un poivre apporte non seulement le piquant désiré, mais aussi des goûts, des odeurs, des saveurs. C'est comme si un chef d'orchestre, voulant faire entendre un sol n’avait d'autre ressource que d'utiliser une trompette, avec son timbre très particulier. Dans nombre de circonstances, la trompette est hors sujet, même bien jouée, car c'est la hauteur du son qui importe et non l'instrument. De même, l'artiste culinaire peut avoir besoin d'un piquant, et d'un piquant très particulier, qui est celui du poivre, et il ne veut pas de l'odeur et du goût du poivre.
Alors la solution s'impose évidemment : la cuisine note à note a l'avantage de proposer l'usage de la pipérine, qui est le piquant du poivre sans l'odeur, sans la saveur, sans l'astringence, sans l'amertume du poivre. C'est un avantage car les cuisiniers ont bien observé que le poivre mis plus de huit minutes dans une préparation chaude donne de l'amertume et de l'astringence déplacés. La pipérine, elle, ne produit pas ces sensations, car ces dernières sont données par les composés phénoliques, qui accompagnent la pipérine dans le poivre, et sont absents quand on utilise de la pipérine pure.
Au fait, la pipérine ? C'est un composé présent dans les poivres, et c'est même le principal composé piquant des poivres. Comment cette pipérine se retrouve-telle finalement dans des bocaux à l'usage des cuisiniers ? Le plus simple est de l'isoler à partir de matière végétale, notamment à partir des grains de poivre. Alors la préparer ? Ne suffisait -il pas d'utiliser du poivre ? On a déjà répondu à la question, mais ajoutons que le poivre fraîchement préparé renferme des composés qu'il n'a plus quand il est stocké longtemps. Or le poivre ne se produit pas à Paris, comme le croient les petits marquis nés la cuiller en argent dans la bouche, mais dans des pays lointain, de sorte que la préparation de la pipérine à partir du poivre, dans ces pays, conduira à une meilleure valorisation de la production végétale de ces pays. C'est un peu comme avec les haricots verts et les petits pois appertisés : si la transformation est bien faite, leur contenu en chlorophylles, par exemple, est souvent bien supérieur à celui de ces légumes, bio ou pas, qui traînent sur les étals parisiens, après un long voyage. Pour insister encore un peu, on dira qu'il est bien dommage de payer cher du poivre qui aurait perdu ses qualités, piquantes notamment, parce que ces propriétés ont été perdues pendant les stockages et transport. Ajoutons que l'on pourrait aussi synthétiser chimiquement de la pipérine, c'est-à-dire partir de composés élémentaires, et produire des molécules de pipérine, en réorganisant les atomes des réactifs. Est-ce gênant ? La pipérine produit des deux façons, à partir du poivre ou par synthèse, est toujours la pipérine. Cela signifie que toutes les molécules du produit sont identiques, sont toutes des molécules faites des mêmes atomes, organisés de la même façon, avec exactement les mêmes propriétés sensorielles. Personnellement, je ne verrais donc aucun intérêt à ce que l'on me dise que la pipérine soit de synthèse ou d'extraction, puisqu'il s'agit de la même matière. La seule différence pourrait résider dans les « impuretés » qui accompagneraient les molécules de pipérine de mon flacon. Et, là, il n'est pas dit que la pipérine végétale soit supérieure à la pipérine de synthèse, car l'extraction aurait sans doute laissé, avec les molécules de pipérine, des molécules de biens d'autres composés d'origine végétale.
Qui sait si ces composés ne seraient pas toxiques ? Qui sait si ces composés ne seraient pas des perturbateurs endocriniens naturels ? Là, j'admets que je souris : il y a des mots si souvent utilisé par les marchands de peur qu'il est vraiment trop facile de les employer dans une argumentation. D’ailleurs pour continuer à être parfaitement honnête, il faut dire que la synthèse aussi apporte des composés qu'il faudra séparer. Il y a donc match nul, et c'est le soin de la préparation de la pipérine qui déterminera la qualité de cette dernière. Il faut dire que la pureté absolue n'existe pas dans le monde moléculaire, et nos outils d’analyse modernes permettent de trouver des perturbateurs endocriniens dans n’importe quelle matière, et cela fait le beau jeu des marchands de peur. Mais cela ne fait pas le véritable risque.
L'utilisation de pipérine est-elle politiquement critiquable ? Voilà la vraie question, celle qui motive bien des combats publics d'aujourd'hui, des petits commerces contre les grandes surfaces, des artisans contre les grosses sociétés. Pardonnez-moi d'être insuffisant, de ce point de vue, mais, s'il vous plaît, ne laissez pas des individus encore plus insuffisant que moi prendre la parole avec trop de prétention. Il faut réfléchir, d'abord, envisager des conséquences multiples, imbriquées : « Ces choses là sont rudes... ».
Enfin, ajoutons que la pipérine n'est pas le seul composé piquant des poivres, mais c'est le composé principal, de même que le do est le principal son de l'accord de do majeur, fait de do, mi, sol ; la pipérine est le principal composé piquant du poivre, de même que la vanilline est le composé principal de la vanille, sans être le seul. Ai-je été assez honnête ?
mercredi 23 août 2023
Jean Jaurès et le naturel
Un texte de Jean Jaurès, pour ceux qui ne l'ont pas eu en mains :
Le Blé
N’est-ce pas l’homme aussi qui a créé le blé ?
Les productions que l’on appelle naturelles ne sont pas pour la plupart – celles du moins qui servent aux besoins de l’homme – l’œuvre spontanée de la nature. Ni le blé, ni la vigne n’existaient avant que quelques hommes, les plus grands des génies inconnus, aient sélectionné et éduqué lentement quelque graminée ou quelque cep sauvage.
C’est l’homme qui a deviné, dans je ne sais quelle pauvre graine tremblant au vent des prairies, le trésor futur du froment. C’est l’homme qui a obligé la sève de la terre à condenser sa fine et savoureuse substance dans le grain de blé ou à gonfler le grain de raisin. Les hommes oublieux opposent aujourd’hui ce qu’ils appellent le vin naturel au vin artificiel, les créations de la nature aux combinaisons de la chimie. Il n’y a pas de vin naturel.Le pain et le vin sont un produit du génie de l’homme…………….
Construisons, construisons
A priori le formalisme des systèmes dispersés et la cuisine de synthèse sont des idées très séparées, mais ne pourrions-nous pas les réunir ?
Pour le premier, il s'agit d'un formalisme, il y a des formules, analogues aux formules de la chimie, et qui permettent de décrire la structure des systèmes complexes, tel les aliments. Et cela à l'échelle que l'on veut : macroscopique, microscopique, nanoscopique, moléculaire, et cetera.
Dans ce formalisme, il y a des opérateurs, comme les signes plus, moins, multiplié ou divisé pour le calcul élémentaire, comme la flèche qui indique le sens d'une réaction chimique en chimie. Parmi ces opérateurs, il y a la dispersion aléatoire, la superposition, et cetera. Cela agit sur des objets qui ont des "dimensions", et qui sont des phases : liquide, solide, etc.
Avec ce formalisme, on peut décrire des structures, mais aussi en inventer puisqu'il s'agit de d'élaborer une formule valide pour obtenir une description d'un objet qui n'existe peut-être pas encore.
D'autre part, et cela ne concerne plus les sciences de la nature, mais la cuisine, notamment du point de vue technologique, j'ai proposé en 1994 la cuisine de synthèse, que j'ai surnommée "cuisine note à note". Cette fois, il s'agit de cuisiner avec des ingrédients qui sont des "composés" : on évite d'utiliser les viandes, les poissons, les fruits, des légumes, et cetera, et l'on utilise à la place les composés (disons les molécules, pour simplifier, pour certains) de ces ingrédients classiques.
On peut alors faire des plats entièrement sur mesure du point de vue de la consistance, de la couleur, de la saveur, de l'odeur, des propriétés nutritionnelles, et cetera.
On voit bien deux voies très différentes : l'une scientifique et l'autre technologie ou technique.
Pour autant, il faut quand même observer que ses deux voies peuvent se réunir car si l'on veut construire un met, pourquoi ne pas utiliser une formule pour ensuite la réaliser à l'aide de composés ? D'ailleurs, le formalisme des systèmes dispersés, qui produit des formules à l'infini, est une mini épuisable d'idées pour construire des consistances dont certaines seront peut-être très intéressantes. Il y a là un immense terrain de jeu pour qui veut s'y adonner.
mardi 22 août 2023
Acclimatons les composés : l'acide citrique.
L'acide citrique, de quoi s'agit-il ?
Citrique, citron : il y a la même racine, et l'on pressent une parenté. Mais la terminologie est insuffisante pour répondre à la question "qu'est-ce que l'acide citrique ?".
Partons donc de citron, puisque la piste étymologique est juste, ici. Pressons un citron, et récupérons le jus : c'est une solution légèrement jaune, et acide, citronnée.
Si nous évaporons ce jus, c'est de l'eau qui s'échappe, comme on peut s'en apercevoir en mettant un verre froid dans la fumée qui s'élève : la vapeur qui se condense sur le verre n'a ni odeur saveur ; c'est de l'eau. Au fond du récipient, il reste finalement un solide cristallisé. C'est un mélange, bien sûr, car il est rare que les produits naturels soient complètement purs. Toutefois, la majorité de ce produit est de l'acide citrique (environ 6 grammes d'acide citrique pour 100 grammes de jus de citron), et l'on pourrait poursuivre la purification pour obtenir de l'acide citrique pur.
On aura alors des cristaux blancs, blancs comme du sel, ou du sucre par exemple. Des cristaux qui n'ont pas odeur, mais qui ont une forte acidité, une forte saveur acide. Mieux, cette acidité est citronnée, contrairement à celle de l'acide acétique, par exemple, celle du vinaigre.
C'est cela, l'acide citrique, utilisé notamment par les industriels dans les bonbons au citron, et aussi par quelques pâtissiers. Le citron ne se réduit pas l'acide citrique, mais l'acide citrique est une composante importante du jus de citron. Utilisons en cuisine (note à note) de l'acide citrique (je vous recommande un sorbet fait d'eau, d'acide citrique, une pincée de sel, du glucose et du saccharose : vous m'en direz des nouvelles).